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Examen de l’Irlande au CEDAW : les expertes s’inquiètent de dispositions discriminatoires dans la Constitution, de réparations insuffisantes pour les survivantes des Magdalen Laundries et autres institutions, et d’inégalités au détriment des femmes issues de minorités

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a examiné aujourd’hui le rapport soumis par l’Irlande au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Durant le dialogue entre les expertes membres du Comité et une délégation irlandaise venue présenter le rapport, une experte a salué les efforts déployés par l’Irlande pour atténuer les effets de la pandémie sur les femmes, ainsi que son engagement au Conseil de sécurité des Nations Unies en faveur de l’agenda Femmes, paix et sécurité. L’experte a cependant fait part de sa préoccupation face au maintien par l’Irlande de ses réserves à la Convention, ainsi qu’à l’échec du référendum du 8 mars 2024 visant à modifier les articles 41 et 41.2 de la Constitution : pour l’experte, le langage utilisé dans ces dispositions demeure discriminatoire à l’égard des femmes.
L’experte s’est par ailleurs déclarée vivement préoccupée par l’absence de mécanismes de réparation fondés sur les droits pour les survivantes des institutions telles que les Magdalene Laundries ou encore les foyers pour mères et bébés. À cet égard, elle a demandé si l’Irlande envisageait de revoir ses mécanismes d’enquête afin de mieux les aligner sur les standards internationaux des droits humains, et de garantir une approche véritablement inclusive, y compris dans le cadre des enquêtes sur les abus sexuels dans les écoles.
Une autre experte a salué l’atteinte de 40% de femmes au sein des conseils d’administration des grandes entreprises cotées, mais a souligné que cette progression concernait surtout les postes non exécutifs, sans réelle amélioration dans les fonctions de direction proprement dite. Elle a aussi jugé que l’objectif de 40% de candidates aux élections législatives de 2024 était trop modeste au regard de la Recommandation générale n° 40 du Comité appelant à la parité. L’experte a aussi déploré l’absence de représentation réelle des femmes issues de minorités, notamment les Travellers, malgré les appels à cette fin du Comité en 2017.
Une experte a rappelé qu’en 2023, 52% des femmes en Irlande ont déclaré avoir subi des violences sexuelles au cours de leur vie, dont 20% un rapport non consenti. Elle a regretté l’absence de loi sur l’homicide domestique et le familicide. Une autre experte, tout en saluant l’adoption de la loi de 2022 sur la sécurité en ligne, a exprimé son inquiétude face au harcèlement en ligne visant les femmes en politique.
Une experte a salué la réduction de l’écart salarial entre les sexes et les avancées en matière de congé parental, mais s’est inquiétée de la persistance d’inégalités en Irlande : forte précarité des femmes, écart entre les pensions de retraite, chômage élevé des femmes roms et travellers, notamment. D’autres préoccupations ont été exprimées s’agissant de l’accès équitable aux soins, en particulier pour les femmes vivant en milieu rural, les femmes migrantes, les femmes Roms, les femmes sans abri et les femmes en situation de handicap.
D’autres questions ou préoccupations des expertes ont porté sur la mise en œuvre effective du droit à l’avortement en Irlande ou encore sur la surincarcération des femmes travellers.
Présentant le rapport, M. Colm Brophy, Ministre d’État aux migrations de l’Irlande, a souligné l’importance des stratégies interministérielles développées en Irlande pour progresser en matière d’égalité, en particulier la National Strategy for Women and Girls 2017-2021, qui avait pour priorités l’égalité socio-économique, la participation des femmes aux postes de décision, la visibilité sociale des femmes, la lutte contre les violences faites aux femmes et la santé des femmes. Une nouvelle stratégie est en cours d’élaboration, a fait savoir M. Brophy.
Concernant la participation des femmes à la vie politique et économique, l’Irlande a progressé dans la représentation féminine dans les conseils d’administration, avec 40% dans les grandes entreprises cotées, grâce à l’initiative Balance for Better Business et à la transposition de la directive européenne sur la parité, a mis en avant le Ministre d’État. De plus, pour soutenir la participation des femmes au marché du travail, l’Irlande a étendu les congés parentaux à neuf semaines de congé payé par parent, introduit le droit au travail flexible en mars 2024, autorisé le report du congé maternité en cas de maladie grave et renforcé l’accès à la garde d’enfants, avec un triplement des financements publics depuis 2017, a précisé M. Brophy.
Concernant les conséquences de certaines décisions prises par les générations précédentes, l’Irlande a reconnu les graves atteintes aux droits humains commises dans les institutions pour mères célibataires et bébés, a indiqué M. Brophy. Le Gouvernement a présenté ses excuses officielles, mis en œuvre six des sept engagements (dont l’ouverture d’un centre national de mémoire) et ouvert un fonds d’indemnisation.
La délégation irlandaise était également composée de M. Noel White, Représentant permanent de l’Irlande auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que d’autres représentants des Départements des affaires étrangères et du commerce ; de la justice ; des enfants, du handicap et de l’égalité ; de l’éducation et de la jeunesse ; de la protection sociale ; et de la santé. Les services du Procureur général étaient aussi représentés.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Irlande et les publiera à l’issue de sa session, le 4 juillet prochain.
Examen du rapport de l’Irlande
Le Comité est saisi du huitième rapport périodique de l’Irlande (CEDAW/C/IRL/8), document établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Présentation du rapport
Dans des remarques liminaires, M. NOEL WHITE, Représentant permanent de l’Irlande auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé l’importance que l’Irlande accorde au système des organes conventionnels des Nations Unies, qu’elle considère comme un levier de progrès pour les droits humains au niveau national. Il a souligné que les dialogues passés avec les comités avaient permis de réelles réformes en Irlande.
Se félicitant des avancées réalisées par son pays en matière de droits des femmes depuis le dernier examen, le Représentant permanent a reconnu que des améliorations restaient nécessaires. Il a affirmé la volonté de la délégation d’échanger de manière ouverte et constructive avec le Comité, et salué la participation active de la société civile tout au long du processus d’examen.
Présentant le rapport de son pays, M. COLM BROPHY, Ministre d’État aux migrations de l’Irlande, a souligné l’importance des stratégies interministérielles développées en Irlande pour progresser en matière d’égalité, en particulier la National Strategy for Women and Girls 2017-2021, qui avait comme priorités l’égalité socio-économique, la participation des femmes aux postes de décision, la visibilité sociale des femmes, la lutte contre les violences faites aux femmes et la santé des femmes. Une nouvelle stratégie est en cours d’élaboration en consultation avec, notamment, une Assemblée de la jeunesse organisée en septembre 2024, a fait savoir M. Brophy.
Concernant la participation des femmes à la vie politique et économique, l’Irlande a progressé dans la représentation féminine dans les conseils d’administration, avec 40% dans les grandes entreprises cotées, grâce à l’initiative Balance for Better Business et à la transposition de la directive européenne sur la parité. Des quotas électoraux ont été mis en place pour les partis politiques (40% en 2024) et des mesures d’accompagnement telles que le congé maternité et le soutien aux femmes candidates ont été adoptées. Le Gouvernement soutient également la participation des femmes issues des minorités, notamment via la stratégie d’inclusion des Travellers et Roms 2024-2028.
Des avancées ont également été réalisées dans l’enseignement supérieur, avec une initiative pour promouvoir les femmes à des postes académiques supérieurs. Au sein de la magistrature, les femmes occupent désormais 50% des postes à la Cour d’appel, a notamment fait savoir M. Brophy.
Pour soutenir la participation des femmes au marché du travail, l’Irlande a étendu les congés parentaux à neuf semaines de congé payé par parent, introduit le droit au travail flexible en mars 2024, autorisé le report du congé maternité en cas de maladie grave et renforcé l’accès à la garde d’enfants, avec un triplement des financements publics depuis 2017.
D’autre part, la loi de 2021 impose aux entreprises de publier leurs écarts de rémunération entre les sexes, et la transposition de la directive européenne sur la transparence salariale est en cours, a indiqué le Ministre d’État.
Le Gouvernement encourage aussi les filles et les femmes à entrer dans les filières STEM et les formations en alternance : le nombre d’apprenties a ainsi doublé entre 2021 et 2025, et plus de 50% des jeunes femmes ont accédé à l’enseignement supérieur en 2023, contre 37% en 2011.
La lutte contre les violences faites aux femmes reste une priorité en Irlande, a poursuivi M. Brophy. L’Irlande a ainsi ratifié la Convention d’Istanbul en 2019, criminalisé le contrôle coercitif et adopté la stratégie Zero Tolerance en 2022, élaborée en collaboration avec la société civile. Une agence nationale, Cuan, a été créée en 2024 pour coordonner les services, normes et campagnes de sensibilisation. L’Irlande a aussi instauré un congé payé pour les victimes de violences domestiques (cinq jours) et renforcé la lutte contre la traite avec un mécanisme national de référencement inscrit dans la loi.
En matière de santé, le Women’s Health Taskforce a lancé deux plans d’action (2022-2023 et 2024-2025) accompagnés d’investissements à hauteur de 180 millions d’euros depuis 2020. Les plans incluent la gratuité de la contraception pour les femmes de 17 à 35 ans, des traitements pour la fertilité et des cliniques pour la ménopause. Depuis juin 2025, les traitements hormonaux sont gratuits.
Le Ministre d’État a aussi souligné l’engagement de l’Irlande à tirer les leçons de la pandémie par le biais d’un panel d’évaluation indépendant, qui analysera notamment les effets genrés des décisions qui ont été prises. Il a rappelé que plusieurs grandes décisions sociales, comme la légalisation du mariage pour tous (2015), l’accès à l’IVG (2018) ou plus récemment le rejet du retrait d’une disposition constitutionnelle sur la « place de la femme au foyer » (mars 2024), avaient fait l’objet de referendums.
Concernant les conséquences de certaines décisions prises par les générations précédentes, l’Irlande a reconnu les graves atteintes aux droits humains commises dans les institutions pour mères célibataires et bébés, a indiqué M. Brophy. Le Gouvernement a présenté ses excuses officielles, mis en œuvre six des sept engagements (dont l’ouverture d’un centre national de mémoire) et ouvert un fonds d’indemnisation. Le Ministre d’État a aussi mentionné le régime d’indemnisation pour les survivantes des blanchisseries Magdalen.
Pour sa part, MME SINÉAD GIBNEY, Directrice de la Commission irlandaise des droits de l’homme et de l’égalité (IHREC), a rappelé que la Commission avait soumis un rapport parallèle avec 140 recommandations et salué la participation active de la société civile. Elle a invité le Comité à garder à l’esprit certaines tendances : retard dans la ratification de traités, non-application de recommandations passées et décalage entre engagement international et actions concrètes au niveau national.
Elle a souligné que, malgré des politiques ambitieuses, leur mise en œuvre restait insuffisante, notamment concernant les femmes roms et Travellers ou l’accès à l’avortement. Des retards persistent également en matière de lutte contre les violences basées sur le genre, de protection sociale, d’inégalités salariales et de conditions de détention des femmes.
Mme Gibney a appelé l’État irlandais à transformer ses engagements en actions concrètes, pour combler l’écart entre principes et réalités vécues, et montrer un vrai leadership en matière d’égalité de genre.
Questions et observations des membres du Comité
Une experte a salué les efforts déployés par l’Irlande pour atténuer les effets de la pandémie sur les femmes, ainsi que son engagement au Conseil de sécurité des Nations Unies en faveur de l’agenda Femmes, paix et sécurité. Elle a toutefois exprimé sa préoccupation face au maintien des réserves à la Convention, ainsi qu’à l’échec du référendum du 8 mars 2024 visant à modifier les articles 41 et 41.2 de la Constitution : pour l’experte, le langage utilisé dans ces dispositions demeure discriminatoire à l’égard des femmes. Elle a demandé si une évaluation indépendante de ce référendum était envisagée et si des mesures concrètes étaient prévues pour mettre en œuvre les recommandations formulées par les organes nationaux chargés de l’égalité.
L’experte a en outre interrogé la délégation sur l’état d’avancement du projet de loi sur l’égalité de 2024, en particulier sur l’intégration d’une approche fondée sur l’intersectionnalité.
L’experte s’est déclarée vivement préoccupée par l’absence de mécanismes de réparation fondés sur les droits pour les survivantes des institutions telles que les Magdalene Laundries, les foyers pour mères et bébés, les écoles industrielles ou encore pour les victimes de la symphyséotomie. À cet égard, elle a demandé si l’Irlande envisageait de revoir ses mécanismes d’enquête afin de mieux les aligner sur les standards internationaux des droits humains, et de garantir une approche véritablement inclusive, notamment dans le cadre de l’enquête sur les abus sexuels dans les écoles (affaire O’Keeffe). Enfin, l’experte a souhaité obtenir des précisions sur le rôle, la structure et le mandat du Centre national pour la recherche et la mémoire.
Une autre experte a d’abord salué la composition de haut niveau de la délégation irlandaise, avant de reconnaître les progrès réalisés dans la promotion de l’égalité de genre en Irlande. Elle a demandé davantage d’informations sur les mécanismes de coordination, de suivi et de redevabilité mis en place à tous les niveaux de l’administration publique pour assurer la mise en œuvre effective des engagements en matière d’égalité. Elle a relevé que la stratégie nationale pour les femmes et les filles 2017–2021 était arrivée à son terme, et a souhaité obtenir des précisions sur la nouvelle stratégie.
L’experte a salué la pleine accréditation de la Commission irlandaise des droits de l’homme et de l’égalité (IHREC) par l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme (GANHRI). Elle a reconnu la transparence du processus de nomination des commissaires, mais a demandé si le mandat de l’IHREC incluait explicitement la promotion de la ratification des instruments internationaux et régionaux.
Une autre experte a salué l’atteinte de 40% de femmes au sein des conseils d’administration des grandes entreprises cotées, mais a souligné que cette progression concernait surtout les postes non exécutifs, sans réelle amélioration dans les fonctions de direction proprement dite. Elle a jugé que l’objectif de 40% de candidates aux élections législatives de 2024 était trop modeste au regard de la Recommandation générale n° 40 du Comité appelant à la parité. L’experte a aussi déploré l’absence de représentation réelle des femmes issues de minorités, notamment les Travellers, malgré les appels à cette fin du Comité en 2017.
Une experte a reconnu les progrès de l’Irlande en matière de lutte contre les stéréotypes de genre et les violences basées sur le genre (VBG), en particulier depuis la ratification de la Convention d’Istanbul et l’adoption de la stratégie nationale 2022–2026 sur les violences domestiques, sexuelles et sexistes. Elle a salué les efforts pour intégrer une éducation relationnelle et sexuelle non stéréotypée dans les programmes scolaires à partir de 2027. Elle a toutefois appelé à une stratégie globale contre les stéréotypes de genre à tous les niveaux, incluant hommes et garçons, et intégrant une approche intersectionnelle, notamment en faveur des femmes migrantes, roms, issues de la communauté du voyage, handicapées et LBTI.
L’experte a aussi interrogé la délégation sur l’interdiction des thérapies de conversion et des interventions médicales non nécessaires sur les enfants intersexes. Concernant les mutilations génitales féminines, elle a rappelé qu’environ 6000 femmes et filles résidant en Irlande en sont victimes et a souligné le manque d’intégration des soins à leur égard dans les services de santé.
L’experte a ensuite rappelé qu’en 2023, 52% des femmes ont déclaré avoir subi des violences sexuelles au cours de leur vie, dont 20% un rapport non consenti. Elle a regretté l’absence de loi sur l’homicide domestique et le familicide, et a interrogé la délégation sur les plans pour unifier le droit en matière d’infractions sexuelles autour du consentement et garantir un financement pluriannuel durable aux ONG de défense des droits des femmes.
Une autre experte a salué les efforts récents de l’Irlande pour lutter contre la traite, notamment la publication du troisième plan d’action national en 2023 et l’inclusion spécifique des femmes victimes de traite dans la stratégie nationale contre les violences basées sur le genre (2022–2026).Toutefois, elle a exprimé plusieurs préoccupations persistantes, en particulier concernant l’identification et la protection des victimes, notamment les filles mineures, ainsi que l’insuffisance des poursuites judiciaires contre les trafiquants. L’experte a reconnu l’ouverture, en novembre 2023, du premier centre d’accueil spécialisé pour victimes de traite, mais a noté sa capacité limitée.
L’experte a aussi regretté que, malgré la criminalisation de l’achat de services sexuels en Irlande, seules quinze condamnations aient été prononcées entre 2017 et août 2024.
Tout en saluant l’adoption de la loi de 2022 sur la sécurité en ligne, une experte a exprimé son inquiétude face au harcèlement en ligne visant les femmes en politique, notamment à l’échelle locale, et a demandé des détails sur les mesures de protection et de prévention mises en place.
Elle a aussi jugé positive la participation de l’Irlande aux initiatives féministes pour la justice climatique, mais a regretté l’absence de stratégie féministe pour le climat.
Une autre experte a relevé l’absence de procédure officielle pour déterminer le statut d’apatride en Irlande. Elle a demandé comment l’Irlande donnerait suite à une décision de justice concernant le droit à la citoyenneté des enfants nés de mère porteuse.
Une experte a salué les avancées législatives de l’Irlande en matière d’éducation et d’enseignement supérieur, ainsi que les efforts pour améliorer l’accès à l’éducation des filles issues de minorités linguistiques et ethniques. Elle a néanmoins regretté l’absence de progrès en matière de programmes d’égalité de genre dans l’enseignement primaire.
Une experte a salué la réduction de l’écart salarial entre les sexes et les avancées en matière de congé parental, mais s’est inquiétée de la persistance d’inégalités : forte précarité des femmes, écart entre les pensions de retraite, chômage élevé des femmes roms et Travellers. Elle a interrogé la délégation sur les mesures concrètes pour garantir l’égalité salariale, lever les obstacles à l’emploi des femmes vulnérables, améliorer l’accès aux services de garde, inciter les hommes à prendre un congé parental et lutter contre le harcèlement sexuel au travail.
Une experte a salué les efforts de l’Irlande pour améliorer la santé des femmes. Mais elle a fait part de ses préoccupations concernant l’accès équitable aux soins, en particulier pour les femmes vivant en milieu rural, les femmes migrantes, les femmes Roms, les femmes sans abri et les femmes en situation de handicap. Elle s’est aussi interrogée sur la mise en œuvre effective du droit à l’avortement et sur l’accès à des services de santé sexuelle et procréative de qualité, regrettant des obstacles géographiques, des délais d’attente et un manque de prestataires disponibles. L’experte a demandé si des cas de stérilisation forcée ou d’avortement coercitif avaient été recensés en Irlande et traités de manière appropriée.
Une autre experte a salué les efforts déployés par l’Irlande pour promouvoir l’entrepreneuriat féminin, notamment via Enterprise Ireland . Elle a toutefois relevé des inégalités structurelles persistantes, comme un écart de 36% dans les pensions entre hommes et femmes, un risque accru de pauvreté et de sans-abrisme pour les femmes seules et cheffes de familles monoparentales, ainsi qu’un manque d’évaluation des politiques fiscales sous l’angle du genre.
Des préoccupations ont été exprimées au sujet de l’accès limité à la justice par les femmes à faibles revenus, notamment issues des communautés rom et traveller, et de la surincarcération des femmes issues de la communauté des Travellers, souvent pour des délits non violents.
Réponses de la délégation
La délégation a rappelé que les décisions liées aux blanchisseries Magdalene étaient issues d’un processus interministériel. Une commission lancée en 2013 a permis de réunir preuves et informations qui alimenteront le futur Centre national pour le souvenir. Les réparations, notamment pécuniaires, tiennent compte des souffrances endurées ; en octobre dernier, leurs montants ont été rehaussés. Le dispositif reste ouvert et continue d’accueillir des survivantes, mais certaines d’entre elles restent exclues du système, a admis la délégation.
Les paiements ne sont qu’une composante d’un ensemble plus large de mesures réparatrices visant aussi les mères célibataires et leurs enfants, a-t-il été précisé. L’accès aux dossiers d’adoption reste une priorité pour les survivantes et 1600 demandes ont déjà été traitées.
Une commission d’enquête a également été créée sur les abus commis dans les ordres religieux, avec un rapport publié en septembre 2024. Trois rapports indépendants documentent les actions entreprises, et un système volontaire centré sur les victimes a permis d’indemniser 399 femmes.
Concernant le système de réparation adopté après l’affaire O’Keeffe (concernant des abus sexuels commis sur une élève par un enseignant), la délégation a rappelé que le premier programme en 2019, basé sur des critères stricts, ayant été jugé inéquitable, un nouveau mécanisme a été lancé en 2021. Sur 128 demandes, 65 ont été rejetées, 45 abandonnées, deux ont abouti en appel. Le Gouvernement a approuvé un nouveau programme de services (éducation, santé, plaidoyer) pour les survivantes des violences.
S’agissant des pensions et prestations sociales, la délégation a indiqué que des réformes ont été entreprises en 2024 pour mieux inclure les femmes à faibles revenus. Le Gouvernement s’est engagé à étudier des réformes supplémentaires, notamment sur les congés parentaux. La délégation a précisé que le Gouvernement avait approuvé l’ajout du critère de désavantage socio-économique dans la législation sur l’égalité ; un projet de loi sur cette question est en cours d’examen au Parlement.
La délégation a ensuite fait savoir que la nouvelle stratégie nationale pour les femmes et les filles étaient en cours de finalisation et qu’elle avait été élaborée de manière participative, associant les ministères, les agences publiques, la société civile, les jeunes et la Commission nationale des droits de l’homme et de l’égalité. La délégation a précisé que cette stratégie serait alignée sur la stratégie d’inclusion des Roms et des Travellers afin de mieux répondre aux besoins des femmes issues de ces communautés.
La délégation a précisé que la Commission des droits de l’homme et de l’égalité agissait sur la base de la loi de 2014. Son mandat a été élargi pour pouvoir contrôler, entre autres, l’écart salarial entre les femmes et les hommes. La Commission est financée par une ligne budgétaire indépendante, avec une hausse marquée de son financement ces dernières années. Le processus de nomination de ses membres est totalement indépendant du gouvernement.
La délégation a par ailleurs précisé que des outils pédagogiques étaient en cours d’élaboration pour intégrer la dimension de genre dans les politiques publiques et les processus budgétaires.
S’agissant de la participation des femmes, concernant d’abord le secteur privé, la délégation a expliqué que l’initiative Balance for Better Business soutenue par le gouvernement avait permis d’atteindre 40% de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises cotées, contre 18% en 2018. Elle a ajouté qu’une nouvelle stratégie a été lancée en mai 2024 pour porter cet objectif à plus de 40% d’ici 2028 dans toutes les entreprises, avec un accent particulier sur les entreprises publiques.
La délégation a ensuite indiqué que la loi électorale imposait désormais aux partis politiques de présenter au moins 40% de femmes candidates aux élections nationales, sous peine de sanctions financières, et qu’une extension de cette mesure aux élections locales était à l’étude. Elle a précisé que des initiatives ciblées sont menées pour encourager la participation politique des femmes marginalisées, notamment les femmes migrantes, roms et issues de la communauté du voyage, notamment par le biais du soutien à l’ONG Women for Election.
La délégation a aussi indiqué que les femmes occupaient actuellement 49% des plus hauts postes au sein du service diplomatique, contre 35% en 2017.
S’agissant plus particulièrement de la participation des femmes roms et Travellers, la délégation a reconnu des lacunes importantes. Elle a précisé que cette question serait intégrée de manière centrale dans la prochaine stratégie nationale pour les femmes et les fillettes.
Concernant les questions relatives à l’emploi, la délégation a précisé que les employeurs doivent non seulement publier leurs données relatives à l’égalité salariale, mais aussi expliquer les écarts et les mesures correctives prises.
Elle a aussi précisé que les plaintes pour harcèlement sexuel peuvent être traitées par la Commission des relations du travail, avec des médiations souvent conclues avant audience.
Elle a rappelé que les congés parentaux ne sont pas transférables et qu’un effort est en cours pour mieux informer les parents de leurs droits. La délégation a fait remarquer que la non-transférabilité avait permis d’augmenter la part des hommes bénéficiaires.
Sur les retraites, la délégation a souligné que les écarts entre hommes et femmes concernant principalement le secteur privé. Elle a ajouté qu’un système de crédits et une réforme prévue en 2026 devraient permettre de mieux compenser les carrières interrompues.
La délégation a par la suite reconnu l’existence d’inégalités persistantes au détriment des femmes dans le domaine des retraites et de l’emploi, et a présenté plusieurs mesures destinées à corriger ces écarts, notamment une réforme permettant aux aidants de faire valoir jusqu’à vingt ans de crédits pour la retraite, dont 77% des bénéficiaires sont des femmes.
La délégation a aussi évoqué des programmes de formation, des conseils personnalisés, des services de traduction, ainsi que des initiatives en coopération avec des ONG et acteurs locaux pour lever les obstacles structurels à l’emploi des femmes roms et travellers.
La délégation a ensuite déclaré que l’ éducation relationnelle et sexuelle avait été revue pour intégrer la lutte contre les stéréotypes de genre et enseigner le respect, le consentement et les relations saines. Un nouveau programme est progressivement mis en œuvre dans les écoles primaires depuis septembre 2024, avec une généralisation prévue en 2027. Ce programme inclura également une sensibilisation à la pornographie, aux violences sexuelles, au harcèlement et aux ressources disponibles pour les victimes.
La délégation a précisé que l’Irlande avait lancé plusieurs initiatives pour lutter contre la haine en ligne, les stéréotypes sexistes dans les médias et promouvoir l’inclusion des femmes dans le secteur musical. Une campagne de sensibilisation dans les cinémas est également prévue.
Concernant la vie en ligne, la délégation a précisé que la loi de 2022 sur la régulation des médias avait permis la création d'une commission en charge de la sécurité numérique. Cette structure a mis en place un code de conduite contre les discours de haine, signé par plusieurs plateformes telles que TikTok et Facebook.
Concernant les mutilations génitales féminines, la délégation a expliqué que des formations ont été mises en place pour les professionnels de santé. Un manuel spécialisé a été élaboré, des cliniques ont été ouvertes, et les délais d’attente pour les victimes ont été significativement réduits. Un financement a été accordé pour une nouvelle clinique spécialisée. La délégation a rappelé que la stérilisation forcée était interdite en droit pénal irlandais, et indiqué qu’un projet de loi était en préparation pour interdire les thérapies de conversion.
S’agissant de la lutte contre les violences sexuelles, la délégation a indiqué que des améliorations ont été apportées à la législation pour mieux protéger les victimes, notamment par des mesures de soutien pendant les procès et une nouvelle définition statutaire du consentement. Une réforme de l’accès aux « notes de conseil » vise à mieux équilibrer la vie privée des victimes et les droits de la défense.
La délégation a aussi présenté les mesures prises pour renforcer les services de santé mentale destinés aux victimes de violences sexuelles et fondées sur le genre, avec un accent sur la formation, l’accès et l’inclusion. Elle a indiqué qu’il n’y avait pas eu de cas récents de stérilisation ou d’avortement forcé portés devant les autorités.
La délégation a également précisé que la lutte contre la traite des êtres humains restait une priorité en Irlande, avec une réforme du mécanisme d’identification des victimes et une extension des services d’hébergement spécialisés. Des enquêtes sont en cours, et de nouvelles approches visent les profits tirés de la traite.
La délégation a par ailleurs affirmé que la prostitution était considérée en Irlande comme une forme d’exploitation des femmes. Il n’est pas prévu de modifier la loi actuelle, bien qu’un réexamen ait récemment eu lieu, a-t-elle ajouté.
La délégation a indiqué que plusieurs réformes avaient été mises en œuvre dans l’éducation, notamment une approche adaptée à l’âge en matière d’éducation au bien-être et à la sexualité. Dans ce domaine, des mesures spécifiques ont été mises en place pour les enfants roms, Travellers, sans-abri ou sous protection sociale.
S’agissant de la santé des femmes, la délégation a mis en avant les progrès réalisés depuis 2019, dont l’instauration de la contraception gratuite, le renforcement des services de gynécologie, de fertilité et de ménopause, ainsi que l’accès élargi à l’interruption volontaire de grossesse, disponible désormais dans 19 hôpitaux et plus de 460 structures communautaires.
La délégation a enfin reconnu les discriminations systémiques auxquelles sont confrontées les femmes issues de la communauté des Travellers, en particulier dans le système judiciaire. Elle a mis en avant des programmes d’accompagnement intensif, de médiation entre pairs et des initiatives visant à réduire la surreprésentation carcérale, avec un accent sur la parentalité et le soutien à la réinsertion.
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