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Argentine : le Comité des disparitions forcées porte son attention sur la poursuite des enquêtes sur les personnes disparues pendant la dictature mais aussi pendant la période démocratique, et sur les mesures pour éliminer la violence institutionnelle

Compte rendu de séance

Le Comité des disparitions forcées s'est penché, cet après-midi, sur les renseignements complémentaires fournis par l'Argentine en réponse aux observations et recommandations du Comité suite à l'examen de son rapport initial sur la mise en œuvre de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Mme Gabriela Kletzel, Directrice nationale des affaires juridiques internationales au Secrétariat aux droits de l’homme de l’Argentine, a indiqué que le Gouvernement national, entré en fonction en décembre 2019, avait pris le ferme engagement d'améliorer les institutions et de garantir la pleine validité des droits de l'homme. Elle a indiqué que depuis l'entrée en vigueur de la loi approuvant la Convention en 2010, la Convention doit être appliquée par toutes les autorités provinciales et fédérales, avec une hiérarchie supérieure aux lois nationales. S'agissant de la recherche des personnes disparues et des enquêtes sur les cas de disparition forcée, elle a souligné que le processus de mémoire, de vérité et de justice face aux crimes contre l'humanité perpétrés par la dictature était de nouveau une politique d'État en Argentine. Depuis le rétablissement de la démocratie, de nombreux efforts ont été déployés pour retrouver les restes humains et les personnes disparues, a aussi fait valoir la cheffe de la délégation.

Les deux experts du Comité chargés de l'examen du rapport de l'Argentine ont porté leur attention sur la poursuite des recherches des personnes disparues pendant la dictature mais aussi pendant la période démocratique du pays. Ils ont posé de nombreuses questions s'agissant des enquêtes sur les disparitions récentes et durant la dictature ainsi que sur la recherche des personnes disparues. Ils se sont enquis des réformes institutionnelles qui ont été menées au sien des forces de police dans le but d'éliminer d'éventuels actes de violence institutionnelle et d'assurer que les enquêtes sont diligentées et les poursuites engagées. Ils ont aussi relevé de nombreux retards dans le processus de réparation aux victimes de disparitions forcées.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales concernant le dialogue qui s'est déroulé aujourd'hui avec la délégation de l'Argentine. Elles seront rendues publiques après la fin de la session, dont la séance de clôture aura lieu le 31 mars.

 

Demain matin à 10 heures, le Comité examinera des renseignements complémentaires présentés par l'Allemagne sur la mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité lors de l'examen de son rapport initial, en mars 2014.

 

Examen des renseignements complémentaires fournis par l'Argentine

Le Comité était saisi de renseignements complémentaires soumis par l' Argentine (CED/C/ARG/AI/1) à la demande du Comité, suite à l'examen du rapport initial de ce pays en novembre 2013 (voir les observations finales correspondantes adoptées par le Comité). Le Comité a également reçu des réponse s (en espagnol) de l'Argentine à une liste de points à traiter.

Présentation par la délégation

MME GABRIELA KLETZEL, Directrice nationale des affaires juridiques internationales du Secrétariat aux droits de l'homme de l'Argentine, a rappelé qu'un nouveau gouvernement est entré en fonction en Argentine le 10 décembre 2019, avec le ferme engagement d'améliorer les institutions et de garantir la pleine validité des droits de l'homme. Elle a fait valoir que plusieurs mesures ont été mises en œuvre par le Gouvernement dans les domaines retenus par le Comité pour le présent dialogue.

En ce qui concerne l'harmonisation législative pour se conformer aux dispositions de la Convention, Mme Kletzel a indiqué que, depuis l'entrée en vigueur de la loi de 2010 approuvant la Convention, celle-ci doit être appliquée par toutes les autorités provinciales et fédérales, avec une hiérarchie supérieure aux lois nationales.

La réforme du Code civil prévoit en outre que les actions civiles en lien avec les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles, a souligné la cheffe de délégation. Elle a aussi indiqué que le Congrès examinait en ce moment un projet de loi globale contre la violence institutionnelle, qui inclut le phénomène des disparitions forcées. Par ailleurs, le Secrétariat aux droits de l'homme et le Comité national pour la prévention de la torture encouragent la mise en place de mécanismes de prévention dans les provinces qui n'en disposent pas encore.

S'agissant de la recherche des personnes disparues et des enquêtes sur les cas de disparitions forcées, la cheffe de la délégation a fait valoir que le processus de mémoire, de vérité et de justice face aux crimes contre l'humanité perpétrés par la dictature faisait de nouveau partie de la politique d'État argentin.

Les poursuites engagées contre les responsables de graves violations des droits humains ont considérablement progressé, a déclaré Mme Kletzel. Au 5 décembre 2022, un total de 643 cas étaient en cours de traitement. Dans ce cadre, 3640 personnes ont fait l'objet d'une enquête depuis 2006. Sur le nombre total de personnes ayant fait l'objet d'une enquête pour ces crimes, 1117 ont déjà été condamnées pour crimes contre l'humanité.

En décembre 2020, le Secrétariat aux droits de l'homme a lancé le Plan stratégique pour l'avancement des procès en première instance pour crimes contre l'humanité, qui établit des actions visant à accélérer les procès, à renforcer les enquêtes et à fournir un accompagnement aux victimes. Mme Kletzel a aussi attiré l'attention sur le fait que le Secrétariat avait rétabli, en décembre 2019, l'Unité spéciale chargée d'enquêter sur les crimes contre l'humanité commis avec des motivations économiques.

S'agissant de la recherche des personnes disparues pendant la dernière dictature civilo-militaire, la cheffe de la délégation a indiqué que l'une des plus grandes difficultés rencontrées pour garantir le droit à la vérité et au deuil des membres de la famille découle de la pratique clandestine de dissimulation des corps pratiquée par la dictature. Toutefois, depuis le rétablissement de la démocratie, de nombreux efforts ont été déployés pour retrouver les restes humains et les personnes disparues.

Parmi les mesures prises pour enquêter sur les personnes disparues depuis le retour à la démocratie, Mme Kletzel a souligné que l'une des priorités de l'administration actuelle du Secrétariat aux droits de l'homme était de promouvoir un changement culturel afin d'éliminer la violence institutionnelle de la part des responsables de l'application des lois. Elle a aussi attiré l'attention sur le renforcement des moyens dont dispose la Direction nationale des politiques de lutte contre la violence institutionnelle, qui fournit des conseils juridiques et une assistance psychosociale aux victimes de violence.

La cheffe de la délégation a indiqué qu'en décembre 2019, des milliers de procédures qui avaient été paralysées sous l'administration précédente ont été réorientées afin de permettre la régularisation et le paiement des indemnités et des pensions inscrites dans les lois réparatrices, tandis que les critères de reconnaissance des prestations ont été élargis en faveur des victimes. Quant aux politiques de réparation non pécuniaire, l'État argentin a également adopté des mesures vigoureuses d'assistance et d'accompagnement en faveur des victimes.

Mme Kletzel a présenté une série de mesures réparatrices mises en œuvre par le Secrétariat aux droits de l'homme, notamment le recensement des lieux de mémoire où des événements emblématiques se sont déroulés dans le contexte du terrorisme d'État. Elle a également indiqué que le Gouvernement argentin avait officiellement présenté la proposition d'inscription du Musée du site de la mémoire sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO, en tant que symbole de tous les sites de mémoire de l'Argentine et de l'Espace mémoire et droits de l'homme.

Enfin, le Secrétariat a promu un plan visant à signaler les actes graves de violence institutionnelle, à sensibiliser la société et à prévenir la répétition de ces pratiques, consistant à placer et à inaugurer ensuite des affiches à la mémoire des victimes, dont des victimes de disparition forcée.

Questions et observations des membres du Comité

MME CARMEN ROSA VILLA QUINTANA, rapporteuse pour l'examen du rapport de l'Argentine et par ailleurs Présidente du Comité, a relevé qu'avec la réforme constitutionnelle de 1994, onze instruments ont été dotés d'un statut suprajuridique pour tous les traités internationaux. Mais elle constate que la Convention n'en fait pas partie. Elle a dès lors souhaité connaître les raisons de cette exclusion.

L'experte a également demandé des informations sur le projet de loi en cours d'élaboration qui vise à créer un organisme fédéral de recherche des personnes disparues.

La rapporteuse a également demandé des informations sur les procédures concernant les transfèrements de personnes détenues sans condamnation d'un centre de détention à un autre et sur les procédures mises en place pour informer dûment leur avocat ou leurs proches.

Mme Villa Quintana a également demandé des informations sur un projet de loi de 2020 visant à augmenter le nombre de magistrats fédéraux. Elle a aussi demandé à la délégation si la structure institutionnelle créée pour traiter les crimes passés, en particulier les disparitions forcées, était également utilisée ou pourrait être utilisée pour traiter les disparitions forcées récentes.

L'experte a également souhaité savoir s'il existe un registre centralisé des disparitions forcées survenues depuis le retour de la démocratie. Elle a demandé davantage d'informations sur les réparations en faveur des victimes de la dictature et a souhaité connaître plus précisément les types de réparations qui ont été accordés à ce jour en ce qui concerne les disparitions forcées qui se sont produites depuis le retour de la démocratie.

La rapporteuse a aussi relevé de nombreux retards dans le processus de réparation aux victimes de disparitions forcées.

M. JUAN PABLO ALBÁN ALENCASTRO, également rapporteur pour l'examen de l'Argentine, a demandé des informations sur les politiques conçues et appliquées après décembre 2013 afin d'enquêter sur les disparitions récentes, d'appliquer des sanctions aux responsables et de rechercher les personnes disparues.

L'expert a par ailleurs demandé quelles réformes institutionnelles avaient été menées au sein des forces de police dans le but d'éliminer d'éventuels actes de violence institutionnelle et d'assurer que les enquêtes sont diligentées, les poursuites sont engagées et la répression de tels actes est assurée.

S'agissant des faits commis sous la dictature, le rapporteur a souhaité connaître les mesures prises depuis décembre 2013 en vue de lever les obstacles factuels et juridiques à la lutte contre l'impunité pour les crimes passés, en particulier les disparitions forcées.

M. Albán Alencastro a demandé des informations sur les réparations non pécuniaires proposées aux victimes de disparitions forcées.

Un autre membre du Comité a pour sa part relevé que le Défenseur du peuple n'avait toujours pas été nommé, alors que cette nomination se fait attendre depuis 14 ans.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions sur le cadre juridique de mise en œuvre, la délégation a indiqué que, même si la Convention des Nations Unies n'a pas rang constitutionnel, la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes fait partie des onze instruments qui ont été intégrés au corpus de traités ayant rang constitutionnel, rappelant que la Convention interaméricaine traite des mêmes questions que la Convention. Plusieurs projets de loi ont été proposés afin d'élever la Convention au rang constitutionnel, et la délégation a indiqué qu'elle espérait que ce serait le cas rapidement, précisant toutefois que l'adoption des lois constitutionnelles exigeaient une majorité des deux tiers au Parlement.

La délégation a par ailleurs souligné que la réforme du code pénal proposé par le précédent gouvernement n'avait pas obtenu le consensus politique nécessaire mais qu'un certain nombre d'aspects sur les crimes les plus graves restent valables, comme la question de l'imprescriptibilité.

S'agissant du transfèrement des personnes privées de liberté, la délégation a indiqué qu'en 2021, un protocole de transfert de prisonniers a été approuvé. Ce protocole régit la manière de procéder des différentes autorités face à la nécessité de transférer un condamné dans un autre lieu de détention. Cela peut être lié à des questions de capacités des établissements notamment. Certains cas sont exclus de la possibilité de transfèrement, notamment pour les personnes vulnérables ou sous le coup d'une procédure d'expulsion. Il faut une décision administrative motivée pour décider d'un transfèrement. Ce protocole s'applique à toutes les personnes privées de liberté, qu'elles soient prévenues ou condamnées. L'objectif de ce protocole est de réduire le risque de transferts illégaux.

En ce qui concerne les politiques mises en œuvre pour la recherche des personnes disparues, la délégation a souligné que, depuis 2011, le pays a mis en œuvre une politique portant sur les personnes disparues en période de démocratie. En 2014, une unité de recherche des personnes disparues a été créée et, en parallèle, a été créé le système fédéral de communication de la police qui permet de traiter des plaintes dans les différentes provinces pour des cas de disparitions. Une méthode de travail globale a été mise en place pour régir les enquêtes préliminaires pour toutes les affaires liées à des personnes disparues en période de démocratie.

La délégation a présenté une série de mesures prises pour lutter contre les violences institutionnelles, qui comprennent les disparitions forcées, depuis l'instauration de la démocratie.

Des protocoles régissent l' action de la police dans le domaine des recherches qui se concentrent sur la communication avec les proches et les familles. Un guide a également été élaboré par le Ministère de justice qui vise spécifiquement les interventions dans les affaires de disparitions de femmes LGBTI. La délégation a ajouté que l'Argentine avait déployé des efforts pour créer un bureau de recherche des personnes disparues dans le MERCOSUR.

La délégation a attiré l'attention sur les efforts déployés par les autorités afin d'améliorer le registre national des personnes disparues et de créer une banque de données médico-légales.

Un mécanisme spécifique a été créé pour enquêter sur les enfants disparus durant la dictature. La délégation a indiqué qu'il y avait eu plusieurs procès emblématiques dans ce domaine contre les responsables de soustractions d'enfants.

La délégation a également souligné le travail très important du groupe spécial d'enquête autour des crimes contre l'humanité commis sur la base de motivations économiques en mettant en avant la responsabilité des entreprises. Des avancées très importantes ont été faites dans ce domaine avec des décisions emblématiques, a-t-elle insisté.

Les victimes de violences institutionnelles, notamment de disparitions forcées bénéficiaient d'une réparation intégrale pécuniaire et non pécuniaire, a fait valoir la délégation.

De nombreuses mesures sont prises pour prévenir les disparitions forcées en Argentine notamment via des campagnes de sensibilisation dans toutes les provinces, a également souligné la délégation.

La délégation a indiqué que l'Argentine s'était procuré de nouveaux moyens technologiques afin de retrouver des fosses communes notamment grâce à de nouveaux avions dotés de radars performants. Ce qui démontre la volonté du pays de faire la lumière sur toutes les personnes disparues durant les dictatures afin de soulager la douleur des familles et qu'elles sachent ce qu'il est advenu de leurs proches disparus.

Interrogée sur le fait que le pays n'a pas encore nommé le défenseur du peuple (médiateur), la délégation a indiqué qu'il n'y avait pas encore eu de consensus au niveau des instances législatives pour nommer la personne qui occuperait le poste, mais elle a assuré que l'institution fonctionnait malgré tout.

Conclusion

Au nom de la délégation de l'Argentine, MME KLETZEL a remercié les experts pour ce dialogue et a souligné l'importance de cet échange. De nombreux défis restent à relever, a reconnu la cheffe de la délégation qui a indiqué que ce dialogue aiderait le pays à mener la réflexion pour continuer ce travail. Il faut que les familles des personnes disparues cessent de vivre dans l'incertitude et dans l'angoisse, a-t-elle déclaré.

 

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