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Examinant le rapport de l’Azerbaïdjan, les experts du CERD s’intéressent particulièrement à la situation de la minorité arménienne

Compte rendu de séance

 

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport soumis par l’Azerbaïdjan au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Au cours du dialogue qui s’est noué entre eux et les membres de la délégation azerbaïdjanaise, les experts du Comité se sont inquiétés des discriminations et des discours de haine à l’encontre de certaines minorités, notamment à l’encontre des Arméniens de souche. Une experte a indiqué que le Comité avait reçu de nombreux rapports inquiétants sur la situation dans le Haut-Karabagh, où vivent un nombre important de personnes d’origine arménienne. Dans le cadre du conflit, de nombreuses personnes ont été victimes de discriminations, a souligné l’experte. La priorité des autorités azerbaïdjanaises devrait dès lors être la pacification de cette région, a-t-elle déclaré. Dans d’autres régions, les personnes d’origine arménienne sont aussi victimes de discriminations et leur protection doit donc être au centre de l’attention des autorités, a-t-elle insisté.

Suite aux longs conflits dans le Haut-Karabagh depuis le début des années 1990, une autre experte du Comité a relevé de nombreux rapports sur les meurtres de civils d’origine arménienne motivés par la race et sur les agressions violentes, la torture et l’exécution de personnes d’origine arménienne par les autorités azerbaïdjanaises et le personnel militaire.

Elle a également relevé que le Comité a reçu des rapports sur les violations des droits de l’homme commises par l’armée azerbaïdjanaise contre des civils et des prisonniers de guerre à l’encontre de personnes d’origine arménienne après le cessez-le-feu. L’experte a aussi souligné que selon certains rapports, l’Azerbaïdjan isole le Haut-Karabakh et son peuple du reste du monde. A aussi été déplorée la réécriture de l’histoire à laquelle procède l’Azerbaïdjan dans les manuels scolaires.

Présentant le rapport de son pays, M. Elnur Mammadov, Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Azerbaïdjan, a déclaré que le principal obstacle à la mise en œuvre de la Convention sur l’ensemble du territoire azerbaïdjanais a été l’occupation par l’Arménie, qui a duré des décennies, du territoire azerbaïdjanais internationalement reconnu. Plus précisément, et comme indiqué dans les dixième à douzième rapports périodiques de l’Azerbaïdjan, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé dans son arrêt de 2015 dans l’affaire Chiragov que l’Arménie avait exercé un contrôle effectif sur les territoires de l’Azerbaïdjan qu’elle occupait. En conséquence, l’Azerbaïdjan n’a pas été en mesure de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention ou d’empêcher des violations de la Convention dans ces territoires au cours de cette période, et l’Arménie n’a pas respecté la Convention, y compris sur les territoires de l’Azerbaïdjan pendant ses trente années d’occupation, a déclaré le Vice-Ministre.

Maintenant que les autorités azerbaïdjanaises sont en mesure de rentrer dans les territoires libérés, elles sont témoins de l’ampleur de la dévastation causée par l’occupation arménienne, a déclaré le Vice-Ministre. Des villes entières autrefois peuplées principalement d’Azerbaïdjanais de souche ont été pillées, vandalisées et anéanties, a-t-il ajouté. Des centaines de sites du patrimoine culturel et de monuments d’importance historique, y compris des mosquées et des sanctuaires religieux, ont été systématiquement détruits ou profanés, a-t-il également déclaré.

Le grand retour dans les territoires libérés de l’occupation arménienne occupe une place importante dans la feuille de route stratégique intitulée « Azerbaïdjan 2030 : priorités nationales pour le développement socioéconomique » approuvée par décret présidentiel en février 2021, a indiqué le Vice-Ministre. En facilitant le retour des personnes déplacées vers les territoires libérés, l’Azerbaïdjan s’est également engagé à reconstruire les communautés multiethniques et diverses qui peuplaient cette région avant l’occupation illégale arménienne.

Outre M. Mammadov, la délégation azerbaïdjanaise était également composée de M. Galib Israfilov, Représentant permanent de l’Azerbaïdjan auprès des Nations Unies à Genève ; de M. Oruj Zalov, Ministre adjoint des affaires intérieures ; de M. Hidayat Abdullayev, Ministre adjoint du travail et de la protection sociale de la population ; de M. Idris Isayev, Ministre adjoint de l’éducation et des sciences ; ainsi que de représentants des Ministères de la culture, des affaires étrangères, de la justice, et de l’économie, et du Procureur général.

Pendant le dialogue avec le Comité, la délégation a notamment indiqué que depuis la guerre de 44 jours, 85 affaires pénales ont fait l’objet d’une enquête pénale au sein du Bureau du Procureur général, notamment pour assassinats ou attaques contre des civils, destruction de bâtiments civils, activités de groupes paramilitaires, ou destruction du patrimoine culturel et historique. Par ailleurs, plusieurs militaires ont été accusés d’avoir profané des tombes d’Arméniens de souche et ont dû répondre de leurs actes, a-t-elle ajouté. Le Bureau du procureur général a ouvert ainsi 11 affaires pénales pour des agissements imputables à des militaires des forces armées azerbaïdjanaises, a fait savoir la délégation. Elle a regretté que l’Arménie ne se soit pas engagée dans la même voie – celle des poursuites pénales – contre les auteurs de violations de droits de l’homme perpétrées par ses propres ressortissants.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Azerbaïdjan et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 30 août prochain.

 

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la Slovaquie.

 

Examen du rapport de l’Azerbaïdjan

Le Comité était saisi du rapport valant dixième à douzième rapports périodiques de l’Azerbaïdjan (CERD/C/AZE/10-12)

Présentation du rapport

M. Elnur Mammadov, Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Azerbaïdjan, a déclaré que l’Azerbaïdjan est un pays multiethnique et que le Gouvernement prend toutes les mesures nécessaires pour garantir l’égalité de tous sans aucune distinction fondée sur la race, la couleur, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique, et pour assurer à tous, dans le cadre de sa juridiction, une protection et des recours efficaces. La Constitution du pays précise que la garantie des droits de l’homme et des libertés est l’un des objectifs les plus élevés de l’État. L’Azerbaïdjan s’oppose à toute idée de supériorité d’une race sur une autre ou d’un groupe de personnes sur un autre.

L’Azerbaïdjan se distingue par sa diversité ethnographique. Plus d’une cinquantaine de groupes ethniques et religieux vivent dans le pays et préservent leur identité, a poursuivi le Vice-Ministre. En signe de bonne volonté, le 1er août 2022, l’Azerbaïdjan a également fourni au Comité des informations supplémentaires actualisées pour couvrir la période écoulée depuis la présentation des dixième à douzième rapports du pays, a-t-il ajouté.

S’agissant de la recommandation du Comité d’adopter une loi antidiscrimination globale, M. Mammadov a indiqué qu’un projet de loi antidiscrimination complet intitulé « Prévention et élimination de la discrimination raciale » est en cours d’élaboration par le Gouvernement.

S’agissant des mesures prises pour renforcer la protection des migrants, des réfugiés et des apatrides, la loi sur l’assurance médicale a été modifiée en décembre 2019 pour inclure dans la catégorie des assurés, au même titre que les citoyens azerbaïdjanais, les étrangers et les apatrides qui ont obtenu le statut de réfugié et qui sont sous la protection du bureau du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), a en outre indiqué le Vice-Ministre. Selon la législation nationale, les migrants peuvent également utiliser des soins médicaux urgents et spéciaux sans aucune restriction ni discrimination, a-t-il ajouté. Les progrès réalisés par l’Azerbaïdjan dans la résolution de l’apatridie sur son territoire ont été salués par le HCR, a poursuivi M. Mammadov. Cela comprenait des mesures prises pour naturaliser les apatrides enregistrés en Azerbaïdjan. À cette fin, un groupe de travail composé de représentants des organismes publics compétents, du HCR, du Commissariat aux droits de l’homme de la République d’Azerbaïdjan ainsi que des ONG locales a été créé. En 2021, 201 apatrides ont été admis à la citoyenneté azerbaïdjanaise par ordres présidentiels.

Pour lutter contre les discours de haine racistes, y compris dans les médias et sur Internet, conformément à l’article 4 de la Convention, la loi sur l’information a été modifiée en mars 2020, a d’autre part fait valoir M. Mammadov. La loi interdit aux propriétaires de ressources d’information en ligne et aux utilisateurs de réseaux d’information et de télécommunication, y compris les médias sociaux, de diffuser tout contenu faisant la promotion de la violence, de l’extrémisme religieux ou incitant à la haine et à l’hostilité nationales, raciales ou religieuses.

En ce qui concerne les plaintes pour discrimination raciale, le Vice-Ministre a indiqué qu’en vertu de la loi sur les recours, les citoyens azerbaïdjanais ont le droit de déposer des plaintes auprès des autorités de l’État et des municipalités, personnellement ou par l’intermédiaire d’un représentant, sous forme écrite ou verbale.

Le Centre international du multiculturalisme de Bakou, créé en 2014, continue de promouvoir les valeurs du multiculturalisme, d’assurer le maintien d’un climat de tolérance, ainsi que la diversité culturelle, religieuse et linguistique dans le pays et de coopérer avec les organes de l’État et les entités gouvernementales locales, les médias, la société civile et les organisations internationales.

Le principal obstacle à la mise en œuvre de la Convention sur l’ensemble du territoire azerbaïdjanais a été l’occupation par l’Arménie, qui a duré des décennies, du territoire azerbaïdjanais internationalement reconnu, a poursuivi M. Mammadov. Plus précisément, et comme indiqué dans les dixième à douzième rapports périodiques de l’Azerbaïdjan, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé dans son arrêt de 2015 dans l’affaire Chiragov que l’Arménie avait exercé un contrôle effectif sur les territoires de l’Azerbaïdjan qu’elle occupait. En conséquence, l’Azerbaïdjan n’a pas été en mesure de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention ou d’empêcher des violations de la Convention dans ces territoires au cours de cette période, et l’Arménie n’a pas respecté la Convention, y compris sur les territoires de l’Azerbaïdjan pendant ses trente années d’occupation, a déclaré le Vice-Ministre.

En 2020, l’Arménie a mené une offensive militaire à grande échelle contre des unités des forces armées azerbaïdjanaises ainsi que des zones résidentielles civiles peuplées et a ciblé l’infrastructure civile en Azerbaïdjan. À la suite de ces attaques directes et aveugles contre des zones résidentielles, environ 100 civils azerbaïdjanais, dont 12 enfants, ont été tués et plus de 400 civils ont été grièvement blessés, a indiqué M. Mammadov.

Le 10 novembre 2020, le Président de l’Azerbaïdjan, le Président de la Fédération de Russie et le Premier Ministre de l’Arménie ont signé une déclaration trilatérale acceptant de mettre fin au conflit et de tracer la voie à suivre – une déclaration qui a confirmé la libération des territoires occupés par l’Arménie, a déclaré le Vice-Ministre.

Maintenant que les autorités azerbaïdjanaises sont en mesure de rentrer dans les territoires libérés, elles sont témoins de l’ampleur de la dévastation causée par l’occupation arménienne, a déclaré le Vice-Ministre. Des villes entières autrefois peuplées principalement d’Azerbaïdjanais de souche ont été pillées, vandalisées et anéanties, a-t-il ajouté. Des centaines de sites du patrimoine culturel et de monuments d’importance historique, y compris des mosquées et des sanctuaires religieux, ont été systématiquement détruits ou profanés, a-t-il également déclaré.

Cependant, jusqu’à présent, l’Arménie n’a pris aucune mesure significative pour enquêter ou engager des poursuites s’agissant de ces actes de ciblage civil, de torture, d’anéantissement du patrimoine culturel azerbaïdjanais ou d’autres crimes à motivation ethnique commis pendant les décennies d’occupation et au cours de la guerre de 44 jours, a déclaré M. Mammadov.

Le grand retour dans les territoires libérés de l’occupation arménienne occupe une place importante dans la feuille de route stratégique intitulée « Azerbaïdjan 2030 : priorités nationales pour le développement socioéconomique» approuvée par décret présidentiel en février 2021, a indiqué le Vice-Ministre. En facilitant le retour des personnes déplacées vers les territoires libérés, l’Azerbaïdjan s’est également engagé à reconstruire les communautés multiethniques et diverses qui peuplaient cette région avant l’occupation illégale arménienne.

Le chef de la délégation azerbaïdjanaise a par ailleurs souligné que la Cour européenne des droits de l’homme avait ordonné à l’Arménie de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l’incitation à la haine raciale et la promotion de la haine raciale, y compris par des organisations et des personnes privées sur son territoire, visant des personnes d’origine nationale ou ethnique azerbaïdjanaise.

Depuis des mois, les Arméniens participant à des manifestations de masse à travers l’Arménie se sont livrés à des discours de haine visant les Azerbaidjanais : le slogan le plus courant dans les manifestations à travers le pays était « Arménie sans Turcs ! » - une référence à l’effacement des Azerbaïdjanais en tant que groupe en Arménie et dans les territoires anciennement occupés en fonction de leur origine nationale ou ethnique, a souligné M. Mammadov.

Questions et remarques des membres du Comité

MME CHUNG CHINSUNG, membre du groupe de travail du Comité chargé de l’examen du rapport de l’Azerbaïdjan , a d’emblée regretté qu’il n’y ait que trois femmes sur les vingt membres que compte la délégation azerbaïdjanaise. Elle a indiqué que le Comité avait reçu de nombreux rapports inquiétants sur la situation dans le Haut-Karabakh où vivent un nombre important de personnes d’origine arménienne. Dans le cadre du conflit, de nombreuses personnes ont été victimes de discriminations, a souligné l’experte. La priorité des autorités azerbaïdjanaises devrait dès lors être la pacification de cette région, a-t-elle déclaré. Dans d’autres régions, les personnes d’origine arménienne sont aussi victimes de discriminations et leur protection doit donc être au centre de l’attention des autorités, a-t-elle insisté.

Mme Chung a par ailleurs demandé des statistiques récentes sur la composition démographique de la population, ventilées par origine ethnique, ainsi que sur les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile, les apatrides et les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

L’experte a par ailleurs relevé que l’Azerbaïdjan a effectué un recensement de la population en 2019, mais a déploré que plus de deux ans après, les résultats ne soient pas encore publiés. Elle a en outre demandé des informations sur les 200 minorités recensées par les autorités azerbaïdjanaises.

Mme Chung a également souhaité savoir pourquoi l’Azerbaïdjan n’avait pas encore signé ni ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires alors qu’elle s’était engagée à le faire. Le Comité a reçu des informations faisant été de difficultés d’étude et d’utilisation des langues maternelles des minorités ethniques dans le pays, a-t-elle indiqué. Les langues maternelles des minorités sont souvent complètement absentes du programme scolaire, a-t-elle insisté.

Mme Chung a ensuite expliqué avoir reçu des informations selon lesquelles le problème le plus grave serait la réécriture de l’histoire, par l’Azerbaïdjan, dans les manuels scolaires. De nombreux cas de réécriture de l’histoire ont concerné l’Arménie, mais des cas similaires de réécriture de l’histoire concernant d’autres minorités ethniques sont également signalés au Comité, a-t-elle indiqué. L’experte a demandé à la délégation de fournir des informations sur le processus de consultation des minorités ethniques dans l’État partie avant et pendant la documentation ou la modification des faits et récits historiques.

Le Comité a été informé que le Parti du renouveau national Talysh, seul exemple de parti politique « ethnique » dans l’histoire de l’Azerbaïdjan moderne, a été interdit en 1993 et que ses membres ont fait l’objet de répressions politiques et de poursuites pénales, a-t-elle relevé.

Le Comité a par ailleurs été informé que les Roms en Azerbaïdjan sont impliqués dans une forme de migration où ils font la navette entre ce pays et la Géorgie – des femmes et des enfants de ces communautés mendiant dans les rues de Tbilissi, Kutaisi et Batumi – et qu’à Bakou, les autorités procèdent constamment à des raids contre les mendiants, poursuivent et infligent des amendes aux adultes pour responsabilité administrative, expulsent les familles des colonies de squatters et des logements loués et les envoient à leur lieu d’enregistrement.

Mme Chung a souhaité en savoir davantage sur l’enregistrement des naissances. Elle a en outre demandé des informations sur les mesures prises pour garantir aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille un accès égal à l’éducation et aux soins de santé.

Alors que des rapports font état de la fermeture de lieux de culte d’autres religions que l’islam, l’experte a souhaité connaître les protections juridiques dont peuvent bénéficier les personnes étrangères qui souhaitent pratiquer leur religion.

Mme Chung a par ailleurs indiqué que selon les informations dont dispose le Comité, la Cour constitutionnelle n’accepte pas les plaintes rédigées dans les langues minoritaires.

S’agissant de la situation des groupes ethniques minoritaires dans la région du Haut-Karabakh, et des longs conflits dans cette région depuis le début des années 1990, l’experte a relevé l’existence de nombreux rapports faisant état de meurtres de civils d’origine arménienne motivés par la race et d’agressions violentes, de torture et d’exécution de personnes d’origine arménienne par les autorités azerbaïdjanaises et le personnel militaire. Mme Chung a souhaité savoir si l’État azerbaïdjanais prenait des mesures pour enquêter rapidement et impartialement sur toutes les violations des droits de l’homme commises, en particulier pendant la guerre qui a éclaté le 27 septembre 2020 et s’est terminée le 9 novembre 2020.

Le Comité a également reçu des rapports faisant état de violations des droits de l’homme (agression, exécution, humiliation et traitement inhumain) commises par l’armée azerbaïdjanaise contre des civils et des prisonniers de guerre d’origine arménienne après le cessez-le-feu, a poursuivi Mme Chung.

L’experte a par ailleurs demandé à la délégation si l’Azerbaïdjan avait pris des mesures pour garantir la jouissance des droits sociaux et économiques, en particulier en matière de santé, de logement convenable, d’éducation et de protection sociale, par le groupe minoritaire arménien dans la région du Haut-Karabakh. Par le biais de la procédure d’alerte rapide et d’action urgente, a d’autre part rappelé Mme Chung, le Comité avait demandé en 2007 à l’Azerbaïdjan de cesser de traiter de manière discriminatoire les personnes d’origine arménienne.

L’experte a par ailleurs demandé si l’État azerbaïdjanais prenait des mesures pour protéger toutes les personnes capturées dans le cadre du conflit de 2020 et qui sont encore en détention contre la violence et les lésions corporelles, et pour assurer leur sécurité et leur égalité devant la loi.

Mme Chung a également relevé que selon certains rapports, l’Azerbaïdjan isole le Haut-Karabakh et son peuple du reste du monde. L’Azerbaïdjan n’autorise pas l’entrée d’organisations internationales au Haut-Karabakh, a-t-elle insisté. Après le cessez-le-feu de novembre 2020, l’UNESCO a proposé d’envoyer une mission indépendante d’experts pour dresser un inventaire préliminaire des sites importants du patrimoine historique et culturel dans et autour du Haut-Karabakh, mais cela n’a toujours pas été autorisé par l’Azerbaïdjan. Quelles mesures ont-elles été prises pour promouvoir et assurer un règlement pacifique et une paix durable dans la région du Haut-Karabakh, a demandé Mme Chung ?

MME STAMATIA STAVRINAKI, membre du groupe de travail du Comité chargé de l’examen du rapport de l’Azerbaïdjan, s’est enquise des mesures prises pour élaborer et adopter une loi globale contre la discrimination qui comprenne une définition de la discrimination directe et indirecte, ainsi que des mesures en faveur de l’adoption d’une stratégie globale et d’un plan national d’action de lutte contre le racisme, la discrimination raciale et l’intolérance. Elle a par ailleurs demandé des informations sur la loi antidiscrimination en cours d’élaboration.

Mme Stavrinaki a également souhaité recevoir des informations sur la jurisprudence applicable à l’interdiction de la discrimination raciale dans l’emploi et a demandé si l’interdiction de la discrimination raciale fondée sur l’origine nationale, la couleur et l’ascendance était couverte par cette législation.

L’experte a aussi demandé des données mises à jour et ventilées sur les plaintes pour discrimination raciale. Elle s’est ensuite enquise des mesures adoptées pour améliorer et faciliter le signalement de la discrimination raciale. Le fait qu’il n’y ait pas beaucoup de plaintes ne signifie en rien que la situation s’améliore sur le terrain, a-t-elle rappelé.

Mme Stavrinaki a par ailleurs relevé que le Comité consultatif du Conseil de l’Europe sur la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales a exprimé des préoccupations en 2017 au sujet de « l’attitude passive du Médiateur » à l’égard des nombreux cas de violations présumées des droits de l’homme à l’encontre des membres de la société civile, y compris des personnes appartenant à des minorités nationales, dont beaucoup ont été confirmées comme telles par la Cour européenne des droits de l’homme. En outre, l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme (GANHRI) a recommandé en mars 2017 que le Médiateur soit rétrogradé au statut B en raison de son apparente réticence à s’engager efficacement contre de graves violations des droits de l’homme et de failles dans la procédure de sélection et de nomination dudit Médiateur.

En outre, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que l’Azerbaïdjan avait arbitrairement refusé l’enregistrement de 25 organisations non gouvernementales (ONG) en violation du droit à la liberté d’association et, dans un autre arrêt, que les autorités avaient gelé des comptes bancaires et imposé des interdictions de voyager pour paralyser le travail d’une ONG en faveur des droits humains, a rappelé l’experte. Mme Stavrinaki a ensuite relevé que de plus en plus de rapports font état d’une surveillance potentiellement abusive des défenseurs des droits humains et des journalistes à l’aide de logiciels espions, tels que Pegasus. Elle a ainsi demandé à la délégation des informations sur les mesures prises pour garantir l’obligation de rendre des comptes pour les pratiques abusives à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme.

Mme Stavrinaki a demandé des informations sur le nombre de crimes haineux signalés, le nombre d’enquêtes et de poursuites engagées et les condamnations prononcées pour ces crimes. Elle a par ailleurs rappelé qu’en 2016, le Comité avait recommandé que l’État partie veille à ce que les mesures de surveillance et de lutte contre les discours racistes ne soient pas utilisées comme prétexte pour faire taire le mécontentement social, l’opposition ou ceux qui protestent contre l’injustice.

L’experte a également relevé que le Comité n’a pas reçu d’informations démontrant que la diffusion d’idées fondées sur la supériorité raciale, ou encore la fourniture d’une assistance, autre que financière, à des activités racistes sont interdites par le droit interne, conformément à la Convention.

Mme Stavrinaki a relevé que la loi sur l’information interdit la diffusion d’informations prônant la violence et l’extrémisme religieux ainsi que les appels ouverts visant à inciter à la haine ou à l’inimitié ethniques, raciales ou religieuses sur Internet. Elle a ainsi demandé des informations actualisées sur la mise en œuvre de cette législation dans la pratique. Elle a rappelé qu’en 2016, le Comité avait exhorté l’Azerbaïdjan à condamner les déclarations des politiciens qui diffament ou incitent à la haine raciale contre toute minorité ethnique et à poursuivre les responsables. Le Comité a également demandé à l’État partie de redoubler d’efforts pour promouvoir la tolérance et lutter contre les stéréotypes et préjugés existants à l’encontre de toute minorité ethnique. Depuis lors, le Comité a reçu des informations sur des discours officiels incendiaires. La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, s’est dite préoccupée par « les scènes déshumanisantes, y compris les mannequins de cire représentant des soldats arméniens morts et mourants » qui sont reprises dans les expositions du Parc du Trophée, dédié à la victoire de l’Azerbaïdjan dans la guerre du Haut-Karabakh. Elle a dès lors souhaité connaître les mesures opérationnelles qui ont été adoptées pour condamner, enquêter et punir les discours incendiaires des politiciens.

Un autre expert a demandé dans quelles mesures le Comité pouvait jouer un rôle de conciliateur, comme le permet l’article 12 de la Convention, entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan afin de lutter contre les problèmes de discrimination raciale dans les deux pays et peut être « construire la paix pour demain ».

Une experte s’est enquise de la situation des personnes déplacées dans le pays en raison du conflit, notamment en termes juridiques, de conditions d’accueil et d’assistance. Elle a en outre indiqué que, selon plusieurs rapports, les Arméniens de souche seraient régulièrement victimes d’assassinats, de mauvais traitements ou d’actes de haine et s’est enquise des mesures prises pour mettre fin à cette situation.

Quelles mesures sont prises pour faire connaître la Convention à la population, a demandé un expert ? Ce même expert s’est inquiété des nombreuses publications sur les réseaux sociaux qui incitent à la haine contre certaines minorités.

Réponses de la délégation

La délégation a expliqué qu’un recensement avait eu lieu en 2019 mais que tout l’appareil d’État avait été ralenti durant la pandémie, raison pour laquelle les résultats ne sont toujours pas disponibles. Ces résultats devraient être connus dans quelques semaines, a précisé la délégation. Elle a néanmoins donné quelques informations sur la répartition de la population azerbaïdjanaise.

La délégation a précisé qu’il y avait de 30 à 50 groupes religieux et/ou ethniques dans le pays et non pas 200 comme l’a indiqué une experte.

La délégation a par ailleurs indiqué que la nouvelle législation globale contre la discrimination raciale vise à garantir une égalité des chances et de traitement dans les différentes sphères de la vie pour tous les groupes de la population, indépendamment de leur origine. Ce projet de loi prévoit une définition claire de la discrimination, qu’elle soit directe ou indirecte ; il est constitué de 16 articles qui rappellent que la discrimination raciale est interdite, notamment en matière d’accès à l’emploi. Dans cette loi, est aussi évoqué le droit des employés à obtenir des informations en matière de protection contre la discrimination raciale sur le lieu de travail. Des dispositions sur le droit au logement ou encore l’accès à la santé sont également inscrites dans ce projet de loi. Ces dispositions s’appliquent aussi bien au secteur public que privé, a précisé la délégation. La discrimination raciale est érigée en infraction dans cette loi, qui prévoit que des poursuites pénales peuvent être engagées.

Des dizaines d’organisations non gouvernementales (ONG) sont enregistrées dans le pays avec des objectifs divers, notamment l’entente entre les peuples, a par ailleurs déclaré la délégation.

S’agissant du Médiateur, la délégation a expliqué qu’un projet de loi avait été présenté cette année afin d’apporter des modifications à la législation en lui octroyant un rôle renforcé dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale. La coopération entre le Conseil de l’Europe et le Médiateur se poursuit afin d’élargir encore le mandat de ce dernier, a ajouté la délégation.

S’agissant de la question de l’éducation dans la langue des minorités, la délégation a souligné que tous les citoyens ont accès à un enseignement gratuit dans leur langue maternelle et a cité différentes écoles où les élèves issus des minorités reçoivent un enseignement dans leur langue maternelle.

L’Azerbaïdjan compte de nombreuses associations culturelles et médias qui représentent les différentes minorités culturelles, a par ailleurs fait valoir la délégation. Les chaines télévisées rendent également compte de la diversité culturelle du pays, a-t-elle ajouté.

S’agissant de la communauté rom, la délégation a expliqué que les forces de l’ordre doivent réagir car, dans certaines circonstances, les parents roms obligent leurs enfants à mendier, raison pour laquelle ils reçoivent une amende administrative ; en aucun cas, ils ne sont sanctionnés en raison de leur origine, a insisté la délégation.

S’agissant du nombre de plaintes enregistrées pour discrimination raciale, la délégation a indiqué qu’en raison du très faible nombre d’affaires dans ce domaine, il n’y a pas de registre spécifique dédié à ces seules affaires. La délégation a prié le Comité de lui faire des recommandations quant à la manière de s’assurer que ce faible nombre de plaintes reflète bien la situation dans le pays.

La délégation a ajouté que tous les citoyens peuvent déposer plainte s’ils estiment être victimes de discrimination. Le cadre législatif prévoit bien des voies de recours pour les citoyens.

Toute personne apatride en Azerbaïdjan peut recevoir l’ensemble des prestations et assistances sociales disponibles, a d’autre part indiqué la délégation. Quelque 661 personnes sont en situation d’apatridie en Azerbaïdjan, a fait savoir la délégation, précisant que le pays est partie à la Convention de 1961 sur l’apatridie et que c’est dans ce cadre-là que le pays poursuit son processus d’acquisition de la nationalité azerbaidjanaise par les personnes apatrides.

La délégation a assuré que le pays veillait à assurer des soins de santé équivalents à toutes les personnes résidant sur le territoire de l’Azerbaïdjan, y compris les Arméniens de souche.

La délégation a en outre déclaré que la législation nationale accorde les mêmes droits aux travailleurs migrants qu’aux autres travailleurs. L’Azerbaïdjan a ainsi adhéré à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Les travailleurs migrants se voient accorder un permis provisoire de résidence en vertu de leur contrat de travail. Ils peuvent quitter librement leur travail et postuler à un autre emploi. Une fois leur permis de travail arrivé à échéance, ils peuvent aussi continuer à travailler en Azerbaïdjan avec un nouveau contrat de travail.

S’agissant des demandeurs d’asile, des migrants et des réfugiés, la délégation a indiqué qu’au 1er juillet 2022, le nombre total de migrants dans le pays, y compris les personnes apatrides, était de 168 155 personnes. Le nombre de personne sous protection du HCR est de 1825 personnes parmi lesquelles 1084 hommes et 741 femmes. A l’heure actuelle, 77 personnes et les membres de leur famille sont enregistrés en tant que réfugiés auprès des services compétents. Il y a 104 demandeurs d’asile. Il y a par ailleurs 654 839 personnes déplacées dans le pays.

La délégation azerbaïdjanaise a invité les experts à évoquer la nouvelle terminologie de « zone économique du Karabagh » ou de « Karabagh » et non plus celle de « Haut-Karabagh ».

Depuis la guerre de 44 jours, 85 affaires pénales ont fait l’objet d’une enquête pénale au sein du Bureau du Procureur général, notamment pour assassinats ou attaques contre des civils, destruction de bâtiments civils, activités de groupes paramilitaires, ou destruction du patrimoine culturel et historique, a indiqué la délégation. Par ailleurs, plusieurs militaires ont été accusés d’avoir profané des tombes d’Arméniens de souche et ont dû répondre de leurs actes, a-t-elle ajouté. Le Bureau du procureur général a ouvert ainsi 11 affaires pénales pour des agissements imputables à des militaires des forces armées azerbaïdjanaises, a fait savoir la délégation. Elle a regretté que l’Arménie ne se soit pas engagée dans la même voie – celle des poursuites pénales – contre les auteurs de violations de droits de l’homme perpétrées par ses propres ressortissants. L’Arménie n’a ouvert aucune enquête sur les crimes de guerre commis à l’encontre de la population d’Azerbaïdjan, a insisté la délégation.

Conformément au droit international humanitaire, tout le personnel militaire de l’armée arménienne capturé au cours de la deuxième guerre du Haut-Karabagh qui n’a pas été condamné devant la justice a été renvoyé en Arménie. Toutes les personnes encore détenues le sont en raison de graves violations des droits de l’homme, notamment le recours à la torture ou l’assassinat de civils. Toutes les personnes condamnées ont été jugées par la justice civile et ont pu profiter de l’ensemble des garanties judiciaires. Le CICR a par ailleurs accès à tous les citoyens arméniens détenus et a effectué de nombreuses visites dans les centres de détention du pays. Toute allégation de mauvais traitements fait l’objet d’une enquête en conformité avec les engagements internationaux de l’Azerbaïdjan.

Par ailleurs, conformément à la législation, l’Azerbaïdjan veille à la sauvegarde de l’ensemble du patrimoine culturel quelle que soit son origine ethnique, culturelle, ou religieuse, notamment dans les « territoires libérés ». Dans ces territoires, l’Azerbaïdjan a pris des mesures complémentaires afin d’empêcher la destruction du patrimoine culturel, notamment d’origine arménienne.

S’agissant de la mission de l’UNESCO, la délégation a déclaré que, contrairement à l’Arménie durant des dizaines d’années, l’Azerbaïdjan a exhorté l’Organisation d’envoyer une mission technique pour faire le point sur la situation du patrimoine dans les zones libérées et regrette que cette mission ait été retardée.

L’Azerbaïdjan réfute toute allégation de prise pour cible d’Arméniens dans la zone de conflit, tout en condamnant les attaques arméniennes sur le territoire azerbaïdjanais.

Le pays ne tolère aucun acte qui fasse la promotion de la haine à l’encontre des Arméniens de souche. Le Président de l’Azerbaïdjan a lancé plusieurs messages de paix vers l’Arménie et la population arménienne, qui visent à la normalisation des relations avec ce pays, a déclaré la délégation. Elle a par ailleurs dénoncé la description fallacieuse que font des Arméniens de propos sortis de leur contexte qui sont utilisés à des fins de propagande sur les réseaux sociaux afin d’inciter à la haine contre les Azerbaïdjanais.

S’agissant des mannequins de cire représentant des Arméniens dans un mémorial à Bakou, la délégation a expliqué que ce mémorial vise à célébrer la libération des territoires après des dizaines d’années d’occupation. Ce mémorial ne vise pas à inciter à la haine contre les Arméniens. Toutefois, ces mannequins de cire ont été retirés de manière permanente.

La délégation a déclaré que conformément à l’accord trilatéral qui a été conclu, l’Azerbaïdjan a permis aux Arméniens qui le souhaitent de traverser la frontière avec l’Arménie grâce à une route sécurisée par les forces de paix russes. Il en est de même pour les Azerbaïdjanais qui souhaitent se rendre en Azerbaïdjan. Les allégations de volonté d’isoler la population arménienne sur ce territoire ne sont donc pas fondées.

S’agissant de l’accès des organismes des Nations Unies aux territoires libérés, la délégation a expliqué que le pays était en train d’assurer la sécurité de ces territoires et notamment de les déminer. L’Azerbaïdjan souhaite que les Nations Unies puissent envoyer une mission d’évaluation des besoins dans ces territoires, a indiqué la délégation.

Remarques de conclusion

MME CHUNG a remercié la délégation de l’Azerbaïdjan pour ce dialogue fructueux et constructif. Elle a dit espérer que ce processus permettra d’améliorer la situation des droits de l’homme et du multiculturalisme en Azerbaïdjan, ce qui permettrait également d’améliorer la situation dans le Karabakh.

M. MAMMADOV a remercié les experts pour ce dialogue constructif. L’Azerbaïdjan s’enorgueillit d’être un pays multiethnique, a-t-il déclaré, avant de remercier le Comité d’avoir été au-delà des allégations calomnieuses à l’encontre de l’Azerbaïdjan pour évoquer la situation des minorités dans le pays. Le Vice-Ministre a assuré que le pays allait continuer à lutter contre les discriminations à l’encontre des minorités, et plus particulièrement celles à l’encontre des Arméniens de souche.

 

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