Перейти к основному содержанию

L'écrasante majorité des mesures unilatérales appliquées aujourd'hui sont illégales, insiste Mme Douhan devant le Conseil des droits de l’homme

Compte rendu de séance

 

La protection des droits de l'homme face à la généralisation actuelle des sanctions unilatérales étant impossible sans consensus sur la notion même de « mesures coercitives unilatérales », la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, Mme Alena F. Douhan, en a proposé cet après-midi une définition devant le Conseil des droits de l’homme : « toute mesure ou activité appliquée par un État […], sans l'autorisation du Conseil de sécurité, qui n’est pas conforme aux obligations internationales de l'acteur qui sanctionne, ou dont l'illégalité n'est pas exclue en vertu du droit de la responsabilité internationale, quel que soit le but ou l'objectif annoncé ».

L'écrasante majorité des mesures unilatérales appliquées aujourd'hui ne répondant pas aux exigences mentionnées dans cette définition, elles sont donc illégales, a constaté Mme Douhan.

S’agissant de sa visite au Qatar, effectuée en novembre 2020, Mme Douhan a salué les mesures prises par les cinq États concernés pour régler leurs différends par des moyens pacifiques en vue de garantir les droits de l'homme de leurs ressortissants et résidents. Elle a rappelé à tous les États concernés la nécessité pour eux de tenir leurs engagements et de lever toutes les mesures restrictives aux termes de l'accord d'Al-Ula.

A contrario , a dit la Rapporteuse spéciale, sa visite au Venezuela en février 2021 a démontré l'effet extrêmement dangereux des sanctions unilatérales imposées par un certain nombre d'États.

Le Venezuela et le Qatar sont ensuite intervenus en tant que pays concernés. L’institution nationale des droits de l’homme du Qatar est également intervenue.

En début de séance, de très nombreuses délégations* sont intervenues pour achever le dialogue interactif avec le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement, M. Pedro Arrojo-Agudo

En fin de séance, les délégations suivantes ont exercé leur droit de réponse : Japon, Ukraine, Chine, Arménie, et Azerbaïdjan.

 

Demain matin, à 10 heures, le Conseil tiendra son panel bisannuel sur les mesures coercitives unilatérales avant d’achever son dialogue interactif avec Mme Douhan.

 

Fin du dialogue avec le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement

Aperçu du débat

Plusieurs délégations se sont inquiétés de la crise mondiale de l’eau, qui est aujourd’hui exacerbée par la marchandisation et la financiarisation de l’eau, par les effets néfastes des changements climatiques, ainsi que par la pandémie de COVID-19 qui a fini par creuser les inégalités et amplifier la pauvreté. L’accès à l’eau potable et à l’assainissement fait aussi partie de la réponse à la pandémie, ont insisté de nombreux intervenants.

L’eau ne peut être considérée comme un bien marchand dont le prix dépendrait d’une cotation en bourse, a souligné une délégation. La marchandisation de l’eau renforce les inégalités en matière d’accès à cette ressource vitale, a-t-il été dénoncé à plusieurs reprises. Le droit à l’eau potable et à l’assainissement doit être un droit pour tous, sans entrave, et l’eau doit être considérée comme un bien public, a-t-il été affirmé.

Plusieurs délégations ont attiré l’attention sur l’interdépendance entre la jouissance des droits de l’homme et la préservation des écosystèmes. L’accès à l’eau potable et à l’assainissement constitue un droit de l’homme essentiel à la vie et à l’environnement et est directement lié à la jouissance des autres droits humains comme ceux ayant trait à la santé et à la sécurité alimentaire, a-t-il été relevé. En outre, le droit à un environnement sain permet d’assurer un meilleur accès à l’eau potable et à l’assainissement, a-t-on observé.

De nombreuses délégations ont mis l’accent sur l’impact négatif du changement climatique dans le domaine de l’accès à l’eau. Ainsi, une délégation a-t-elle dénoncé la crise hydraulique mondiale dont la cause réside principalement dans le réchauffement du climat. La conservation et le rétablissement des écosystèmes aquatiques est indispensable au développement humain, ont souligné de nombreuses délégations.

Certaines délégations ont par ailleurs insisté pour qu’il y ait davantage d’éthique dans la gestion internationale de l’eau, comme l’a préconisé le Rapporteur spécial, notamment pour les populations qui vivent dans des zones de conflit. Plusieurs délégations ont dénoncé la pollution des cours d’eau, notamment ceux qui traversent les frontières des pays.

Le manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement exacerbe les inégalités, ont fait observer plusieurs intervenants. Cette situation entrave notamment la pleine réalisation des droits des femmes et des filles, en particulier dans le cadre de la gestion de leur hygiène menstruelle, a rappelé une délégation. Une organisation non gouvernementale (ONG) a aussi rappelé que ce sont les femmes et les filles qui, dans différentes régions du monde, ont la charge d’aller chercher l’eau et que ce travail harassant n’est pas rémunéré. Les enfants sont par ailleurs les plus susceptibles de tomber malades en raison d’une eau de mauvaise qualité, a souligné une délégation. Un autre intervenant a plaidé pour que la perspective de genre soit davantage intégrée dans les politiques publiques liée à l’eau et à l’assainissement.

Une délégation a souhaité que le Rapporteur spécial étudie, dans ses prochains rapports, les possibilités d’augmenter les ressources en eau potable dans le monde, notamment par l’amélioration des forages.

*Liste des intervenants : Indonésie, Arménie, Mexique, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Slovénie, Egypte, Espagne, Sénégal, Israël, Costa Rica, Bangladesh, Iraq, Togo, Afrique du Sud, Venezuela, Angola, Saint-Siège, Kenya, Fédération de Russie, Maroc, Inde, Arabie saoudite, Pérou, Malaisie, Népal, Namibie, Chine, El Salvador, Portugal, Bolivie, Libye, Mauritanie, Iran, Pakistan, Syrie, Soudan, Gabon, Vanuatu, Hongrie, Géorgie, Afghanistan, Algérie, Bénin, Mali, Viet Nam, Botswana, Panama, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Malawi, Tunisie, Cameroun, Bulgarie, Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), Timor-Leste, Lesotho, Maldives, Îles Marshall, Tanzanie, Cambodge, Azerbaïdjan, Haïti, Commission nationale des droits de l’homme de l’Inde ; Swedish Federation of Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender Rights – RFSL ; Edmund Rice International Limited ;Peace Brigades International ; Make Mothers Matter ;Sikh Human Rights Group ;China Foundation for Poverty Alleviation ;Associazione Comunita Papa Giovanni XXIII ;Franciscans International ; Global Institute for Water, Environment and Health ; Promotion du Développement Economique et Social – PDES.

Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial

M. PEDRO ARROJO-AGUDO, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement, s’est dit heureux que de nombreux pays reconnaissent explicitement que l’approche sociale et environnementale des droits à l’eau potable et à l’assainissement est la priorité de son mandat. Pendant trop longtemps, le monde a mis en conflit valeurs sociales et environnementales et aujourd’hui, le contexte du changement climatique pousse enfin à comprendre la convergence et la corrélation entre ces deux valeurs, a-t-il souligné. Pour préserver ce droit à l’eau et à l’assainissement, il faut préserver la santé des écosystèmes aquatiques, a plaidé M. Arrojo-Agudo.

Le Rapporteur spécial a en outre insisté pour que les Nations Unies changent leur façon de procéder, pour intégrer les questions environnementales dans les droits de l’homme. Il faut adopter cette approche des droits de l’homme pour toutes les questions liées à l’environnement et à la préservation des écosystèmes aquatiques.

Le Rapporteur spécial a regretté que 2,2 milliards de personnes dans le monde n’aient toujours pas accès à l’eau, notamment celles qui vivent dans les zones arides ou sèches ou dans des zones polluées. Il faut faire la paix avec les rivières et les sources d’eau et rétablir la durabilité des écosystèmes, a plaidé M. Arrojo-Agudo. Les options les plus efficaces tiennent au cycle naturel de l’eau et non pas aux nouvelles technologies, a-t-il indiqué.

Personne n’a de doute quant à la nécessité d’une transition énergétique vers les énergies renouvelables et d’une économie verte pour lutter contre les changements climatiques, a poursuivi l’expert. Il a dès lors appelé les Etats à prévoir des ressources disponibles pour l’assainissement et des plans d’action dans ce domaine dans le cadre de cette nouvelle économie.

Dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme

Présentation du rapport

Le Conseil est saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, intitulé « Mesures coercitives unilatérales : notion, types et qualification » (A/HRC/48/59) ; deux additifs au rapport portent sur les visites de la Rapporteuse spéciale au Qatar et au Venezuela (version préliminaire en anglais).

Présentant son rapport, MME ALENA F. DOUHAN, Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, a relevé que l'application de sanctions unilatérales se caractérisait par une législation compliquée et confuse, une transparence insuffisante et l'utilisation d'une terminologie trompeuse pour donner un semblant de légitimité à des mesures manifestement illégales.

Mme Douhan a rappelé que les « mesures unilatérales » peuvent être prises par les États ou les organisations régionales uniquement dans le respect des normes juridiques internationales, à savoir : si elles sont autorisées par le Conseil de sécurité ; si elles ne violent aucun traité international ou norme coutumière du droit international ; ou si leur illicéité est exclue conformément au droit international dans le contexte de contre-mesures respectant les règles du droit de la responsabilité internationale – y compris l'obligation de garantir que les droits de l'homme fondamentaux ne sont pas bafoués. L'écrasante majorité des mesures unilatérales appliquées aujourd'hui ne répondent pas à ces exigences et sont donc illégales, a constaté Mme Douhan.

La protection des droits de l'homme face à la généralisation actuelle des sanctions unilatérales étant impossible sans consensus sur la notion même de « mesures coercitives unilatérales », la Rapporteuse spéciale en a proposé une définition : « toute mesure ou activité appliquée par un État […], sans l'autorisation du Conseil de sécurité, qui n’est pas conforme aux obligations internationales de l'acteur qui sanctionne, ou dont l'illégalité n'est pas exclue en vertu du droit de la responsabilité internationale, quel que soit le but ou l'objectif annoncé […] ».

Mme Douhan a appelé tous les États à veiller à ce que toute action unilatérale qu'ils entreprennent tienne dûment compte des normes juridiques internationales. Le droit international prévoit déjà les instruments nécessaires pour régler les différends entre les États, que ce soit le Conseil de sécurité ou encore les quelque 125 institutions judiciaires et quasi-judiciaires dans le monde, a souligné l’experte.

S’agissant de sa visite au Qatar en novembre 2020, Mme Douhan a salué les mesures prises par les cinq États concernés pour régler leurs différends par des moyens pacifiques en vue de garantir les droits de l'homme de leurs ressortissants et résidents. Elle a rappelé à tous les États concernés la nécessité pour eux de tenir leurs engagements et de lever toutes les mesures restrictives aux termes de l'accord d'Al-Ula, ainsi que de poursuivre leurs négociations bilatérales de bonne foi et dans le respect des droits de l'homme des citoyens et des résidents des cinq États.

A contrario , a dit la Rapporteuse spéciale, sa visite au Venezuela en février 2021 a démontré l'effet extrêmement dangereux des sanctions unilatérales imposées par un certain nombre d'États. Ainsi, les sanctions imposées aux industries pétrolière, aurifère et minière et le gel des avoirs de la Banque centrale du Venezuela – entre autres – ont aggravé la situation économique et humanitaire préexistante, avec un effet dévastateur sur l'ensemble de la population, a indiqué Mme Douhan. En particulier, le manque de médicaments et de contraceptifs a entraîné la violation du droit à la santé, avec des taux de mortalité maternelle, néonatale et infantile en hausse ; la détérioration des conditions de vie des personnes ayant des besoins spéciaux et des maladies chroniques ; et l'augmentation sans précédent des grossesses chez les adolescentes.

Pays concernés

Le Venezuela a dit apprécier les efforts de Mme Douhan, qui a clairement établi que les « mesures » – ou punitions collectives – appliquées par les États-Unis avec la complicité d'autres États et de l’Union européenne, violent de manière flagrante le droit international. Le Venezuela a dit prendre note des conclusions de l’experte, qui identifient ces mesures comme illégales au regard du droit international et demandent leur cessation immédiate, y compris la restitution du patrimoine, des ressources et des actifs vénézuéliens qui ont été illégalement et injustement saisis à l'étranger.

Ces « mesures », a poursuivi le Venezuela, ont entraîné – notamment – une perte de quelque 130 milliards de dollars, y compris une réduction de 99 % des revenus pétroliers du pays, qui est désormais contraint de subvenir à ses besoins avec un pourcent seulement de ces ressources. L’impact négatif s'est étendu à tous les domaines, notamment aux secteurs de l'alimentation, de la santé, des transports, des communications et de la technologie, et affecte gravement des domaines tels que l'éducation et la culture. Cependant, le modèle vénézuélien centré sur l'être humain a permis, en dépit du « siège financier » que subit le Venezuela et des blocages bancaires des fonds destinés au dispositif Covax, de pallier les effets de la COVID-19 et d'afficher un des taux de mortalité les plus bas de la région, s’est félicité le Venezuela.

Le Qatar a remercié Mme Douhan pour les discussions constructives qu'elle a eues au cours de sa visite, de même que pour les efforts qu'elle a déployés pour préparer son rapport de visite, rapport caractérisé – a ajouté le Qatar – par le professionnalisme et l'objectivité. Le Qatar a affirmé sa position de principe et ferme contre l'imposition de mesures coercitives unilatérales sous quelque forme que ce soit, quelles que soient leurs raisons et la partie qui les a prises, car ces mesures bafouent la Charte des Nations Unies ainsi que le droit international des droits de l'homme.

Le Qatar a fait savoir que, sur la base des résultats du quarante et unième Sommet du Conseil de coopération du Golfe et de la Déclaration d'Al-Ula publiée par le Sommet en janvier dernier, il avait été convenu de mettre fin au siège et aux mesures coercitives qui avaient été imposées à l'État du Qatar et de rétablir les relations entre l'État du Qatar et les quatre pays concernés. Le Qatar espère que cette crise servira de leçon et de catalyseur pour davantage de coopération et de solidarité entre les pays, et pour empêcher une répétition de cette crise.

L’Institution nationale des droits de l’homme du Qatar s’est dite convaincue de l’importance de développer des relations amicales avec les pays, tout en renforçant les mécanismes pacifiques pour régler les différends sur la base du respect des droits de l'homme et de la non-intervention dans les affaires intérieures des États – notamment et principalement en ne menaçant pas les autres États, mais en coexistant avec les États voisins dans le respect mutuel.

 

HRC21.111F