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La violence attribuée aux milices communautaires reste la principale forme de violence perpétrée au Soudan du Sud

Compte rendu de séance

 

Les « niveaux stupéfiants » de violence localisée attribuée aux milices communautaires restent la principale forme de violence perpétrée au Soudan du Sud. Entre avril et juin 2021, 1097 civils ont été touchés par ces violences, avec 585 personnes tuées, 305 blessées et des milliers de personnes déplacées de force dans tout le pays, a expliqué ce matin Mme Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, en ouverture d’un dialogue renforcé avec la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud.

Présidente de la Commission, Mme Yasmin Sooka a souligné que, depuis mars dernier, la situation des droits de l'homme dans le pays s’était considérablement détériorée. L'augmentation des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées, de la torture et des traitements cruels et inhumains, ainsi que des viols et des violences sexuelles liées aux conflits, indique qu’une crise des droits humains aux proportions « épiques » se déroule dans un pays qui a également connu une attaque brutale contre les libertés fondamentales et contre l’espace civique.

Également membre de la Commission, M. Andrew Clapham a précisé que la Commission s’était aussi intéressée à la question des crimes économiques commis au Soudan du Sud, tant ils empiètent sur la jouissance des droits de l'homme : il faut en particulier éviter que les recettes publiques tirées de l’exploitation du pétrole ne soient détournées sur des comptes privés, a-t-il insisté.

Également invité au débat, M. Ruben Madol Arol Kachuol, Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles du Soudan du Sud, a pour sa part décrit les progrès réalisés par le Gouvernement d'unité nationale revitalisé (R-TGoNU). Il a notamment fait état de la création de l'Assemblée législative nationale, du Conseil des États ainsi que des assemblées des États, ainsi que de tribunaux militaires pour juger les soldats coupables de crimes. Le Gouvernement a également pris des mesures contre la violence communautaire et contre les meurtres ciblés, a fait savoir le Ministre.

Nombre de délégations** ont ensuite pris part au dialogue qui a suivi ces présentations.

Auparavant, le Conseil avait entendu la présentation d’un compte rendu écrit de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, concernant la situation des droits de l’homme au Myanmar. Mme Bachelet a notamment déclaré que ladite situation s’était considérablement détériorée, les conflits, la pauvreté et les effets de la pandémie étant en forte augmentation, et le pays étant confronté à une spirale de répression, de violence et d'effondrement économique.

Plus de 8000 personnes, dont des enfants, ont ainsi été arrêtées depuis le coup d'État et la plupart sont détenues sans aucune forme de procès équitable, a précisé la Haute-Commissaire. Plus de 260 attaques contre des installations et du personnel de santé ont été signalées depuis février, a-t-elle en outre indiqué.

Face à une répression écrasante des droits fondamentaux, un mouvement de résistance armée se développe, parallèlement aux manifestations pacifiques qui ont lieu depuis sept mois, a ajouté Mme Bachelet. Elle a appelé tous les acteurs armés à respecter les droits de l'homme et à veiller à ce que les civils et les structures civiles soient protégés. Elle a aussi plaidé en faveur d’un mélange d'incitations et de mesures dissuasives pour inverser le coup d'État militaire et la spirale de la violence.

Plusieurs délégations* ont pris part au débat avec Mme Bachelet. (Le Conseil avait déjà examiné, hier, le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar.)

À partir de 15 heures, cet après-midi, le Conseil doit examiner des rapports de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne et de la Commission d’enquête sur le Burundi.

Dialogue sur le compte rendu écrit de la Haute-Commissaire concernant la situation des droits de l’homme au Myanmar

Présentation du compte rendu

Le Conseil est saisi d’un compte rendu écrit de la Haute-Commissaire sur la situation générale des droits de l’homme au Myanmar (A/HRC/48/67, version préliminaire en anglais).

Présentant son compte rendu, MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a déclaré que depuis sa dernière mise à jour, la situation des droits de l'homme au Myanmar s’est considérablement détériorée. Les conflits, la pauvreté et les effets de la pandémie sont en forte augmentation, et le pays est confronté à une spirale de répression, de violence et d'effondrement économique, a-t-elle insisté.

La main de fer des militaires sur le pouvoir se heurte à la résistance de larges pans de la société, a poursuivi la Haute-Commissaire. Des armes de guerre sont déployées dans les villes pour réprimer l'opposition : plus de 1100 personnes seraient mortes aux mains des forces de sécurité depuis le coup d'État, a-t-elle indiqué. Plus de 8000 personnes, dont des enfants, ont été arrêtées depuis le coup d'État et plus de 4700 sont toujours en détention, a-t-elle ajouté. La plupart sont détenues sans aucune forme de procès équitable et n'ont pas accès à un avocat, ni même à la possibilité de communiquer avec leur famille. Le Haut-Commissariat reçoit toujours des informations faisant état de techniques d'interrogatoire assimilables à des mauvais traitements et à de la torture ; plus de 120 détenus seraient morts en détention, certains dans les 24 heures suivant leur arrestation.

Plus de 260 attaques contre des installations et du personnel de santé ont été signalées depuis février, notamment des tirs visant le personnel médical, les ambulances et les hôpitaux, des détentions arbitraires de professionnels de la santé, l'occupation militaire d'hôpitaux et la confiscation de fournitures médicales telles que les vaccins contre la COVID-19 et l'oxygène, a également souligné Mme Bachelet.

Le rapport documente de nombreuses violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Plusieurs d’entre elles peuvent être assimilées à des crimes contre l'humanité commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique contre la population civile – ou, dans la mesure où elles surviennent lors d'un conflit armé, à des crimes de guerre, a indiqué la Haute-Commissaire.

Face à cette répression écrasante des droits fondamentaux, un mouvement de résistance armée se développe, parallèlement aux manifestations pacifiques qui ont lieu depuis sept mois. Des groupes d'autodéfense locaux ont pris les armes et beaucoup ont rejoint un mouvement en plein essor appelé « Force de défense ».

Des affrontements armés se produisent désormais dans de nombreuses régions centrales où aucun conflit n'avait été observé depuis des générations. Ces dernières semaines, la Tatmadaw [forces armées du Myanmar] a mené des offensives dans les régions de Magway et de Sagaing ainsi que dans l'État chin, tuant des villageois et brûlant des maisons. Dans les zones frontalières confrontées à des conflits depuis de nombreuses années – notamment les États kachin, shan, kayin et kayah –, des organisations armées ethniques aident les groupes de défense du peuple.

L'armée a lancé des offensives et des raids de représailles contre des villages. Des centaines de personnes ont été tuées et blessées, et beaucoup ont été déplacées de force dans un contexte de besoins humanitaires croissants en nourriture, eau, abris et soins médicaux, a poursuivi la Haute-Commissaire.

Mme Bachelet a appelé tous les acteurs armés à respecter les droits de l'homme et à veiller à ce que les civils et les structures civiles soient protégés. Le recours aux frappes aériennes et à l'artillerie dans les zones résidentielles, ainsi que toute forme d'opération militaire visant des centres de santé, des lieux de culte, des écoles ou d'autres structures protégées, doivent cesser immédiatement, a-t-elle demandé.

Mme Bachelet a invité les membres du Conseil à soutenir activement un processus politique qui engage toutes les parties. L'initiative de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) devrait être accompagnée de toute urgence par d'autres États membres influents, en utilisant un mélange d'incitations et de mesures dissuasives pour inverser le coup d'État militaire et la spirale de la violence.

Mme Bachelet a aussi encouragé toutes les parties, en particulier les militaires, à autoriser un accès sans restriction pour faciliter l'aide humanitaire, y compris pour la vaccination et d'autres formes de soins de santé. Le personnel médical doit être protégé et non ciblé, a-t-elle insisté.

Pour créer les conditions de la paix et du dialogue, il faut libérer immédiatement tous les prisonniers politiques, y compris Daw Aung San Suu Kyi et les autres dirigeants civils, a en outre demandé la Haute-Commissaire. L'obligation de rendre des comptes reste cruciale pour toute solution à venir, a souligné Mme Bachelet : les auteurs des crimes internationaux les plus graves, dont potentiellement un génocide, doivent rendre des comptes, a-t-elle insisté. À cet égard, a-t-elle relevé, le travail du Mécanisme d'enquête indépendant pour le Myanmar a pris encore plus d’importance.

Aperçu du débat

Les dirigeants militaires du Myanmar ont été appelés à lever l'état d'urgence, à libérer les personnes détenues arbitrairement, à mettre fin à la discrimination à l'égard des personnes appartenant à des minorités ethniques et religieuses, de même qu’à garantir un accès humanitaire sûr et sans entrave. Il a également été demandé que les autorités cessent d'arrêter les défenseurs des droits de l'homme, les membres de la société civile, les syndicalistes et les journalistes.

L’annonce par la junte, début août, de la mise en place d’un gouvernement civil provisoire ne change en rien la situation des citoyens dont les droits et libertés continuent d’être bafoués, a affirmé une délégation, ajoutant que le régime issu du coup d’État ne disposait d’aucune légitimité.

Les dirigeants du pays ont aussi été appelés à cesser les violences ciblées contre les Rohingya. Plusieurs intervenants ont demandé que les Rohingya aient eux aussi accès aux vaccins contre la COVID-19. Une délégation a regretté que le rapport de quinze pages de la Haute-Commissaire ne contienne que deux paragraphes sur les Rohingya.

Les responsables des crimes internationaux et des violations des droits de l'homme devront répondre de leurs actes, ont demandé nombre d’intervenants ce matin.

D’autres intervenants ont plaidé en faveur d’une solution négociée et ont mis en avant le rôle de médiation, qu’ils ont estimé utile et constructif, joué par l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE). Un pays de la région a indiqué avoir activé ses propres canaux pour demander instamment à l'armée du Myanmar de mettre fin aux violences, de libérer les personnes détenues et de rétablir rapidement le système politique démocratique.

Une délégation a affirmé que l’apparition de sentiments extrémistes dans les rangs de l’opposition, de même que des attaques contre des fonctionnaires de l’État, sont d’autant plus préoccupantes qu’elles s’inscrivent, selon cette délégation, dans un contexte de déclin des manifestations et de stabilisation progressive de la situation dans l'ensemble du pays.

Une délégation a dit déplorer les tentatives de certains États d'utiliser la plate-forme des Nations Unies pour politiser la question du Myanmar et lui donner un caractère conflictuel.

Des organisations non gouvernementales (ONG) ont déclaré, pour leur part, que le Myanmar était au bord d'une guerre civile en raison de la violence exercée par l'armée pour réprimer la résistance à sa tentative de coup d'État. Les ONG ont appelé les militaires à laisser parvenir l'aide humanitaire à celles et ceux qui en ont besoin, à libérer les détenus politiques, à lever les restrictions à la liberté d'expression, de réunion et d'association, et à respecter les résultats des élections de 2020. Il a été recommandé d’imposer un embargo sur les armes et d’appliquer des sanctions ciblées contre les dirigeants du Myanmar, leurs entreprises et leurs affidés.

*Liste des intervenants : Union européenne, Lituanie (au nom d’un groupe de pays), Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), Allemagne, France, Australie, Indonésie, Japon, Albanie, Viet Nam, Fédération de Russie, Malaisie, Mauritanie, Libye, Nouvelle-Zélande, Philippines, Royaume-Uni, Roumanie, Jordanie, Iran, Soudan, Asian Forum for Human Rights and Development, Commission internationale de juristes, Article 19, Edmund Rice International,International Bar Association,Asian Legal Resource Center, Centre CCPR,Christian Solidarity Worldwide, Amnesty International, Next Century Foundation.

Réponses et remarques de conclusion de la Haute-Commissaire

MME BACHELET a indiqué que les priorités actuelles étaient de mettre fin au cycle de violence et de faire parvenir l’aide humanitaire au Myanmar.

La Haute-Commissaire a recommandé que la communauté internationale s’emploie à favoriser un processus politique inclusif au Myanmar. Elle s’est félicitée, à cet égard, de la nomination par l’ANASE d’un envoyé spécial, dont le Haut-Commissariat est prêt à soutenir les activités. La libération des prisonniers politiques au Myanmar, si elle ne fait pas partie du consensus de l’ANASE, sera elle aussi nécessaire, a souligné la Haute-Commissaire.

Mme Bachelet a ajouté qu’il serait nécessaire de créer les conditions pour que les Rohingya recouvrent leurs droits de citoyens et puissent rentrer chez eux en toute sécurité. La question de la nationalité se pose toujours, les droits des Rohingya à cet égard étant bafoués : le Gouvernement n’a en effet pris aucune disposition pour abroger la loi contestée sur la nationalité, qui empêche notamment les Rohingya de se présenter aux élections.

Dialogue renforcé sur la mise à jour orale de la Commission des droits de l'homme au Soudan du Sud

Présentations

MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a déclaré que la paix au Soudan du Sud continue d'être confrontée à des niveaux élevés de violence localisée qui menacent de déstabiliser davantage le pays et de mettre en danger une paix durable. La mise en œuvre de l'Accord de paix revitalisé, signé il y a trois ans, continue d'être lente et sélective, ce qui contribue en outre à l'incertitude entourant le processus de paix. Pour cette raison, Mme Al-Nashif s’est dite encouragée par la récente reconstitution de l'Assemblée législative nationale de transition du pays, étape positive qui soutiendra et facilitera l'adoption de la législation relative aux mécanismes de justice transitionnelle comme prévu par l'Accord de paix revitalisé. Elle s’est aussi félicitée de la toute première nomination, par le Gouvernement, d'une présidente de l'Assemblée législative nationale de transition et d'une vice-présidente du Conseil des États. Dans le même temps, Mme Al-Nashif a exhorté le Gouvernement à s'efforcer d'atteindre le quota de 35% de femmes à tous les niveaux du gouvernement, comme indiqué dans l'Accord de paix revitalisé.

Mme Al-Nashif s’est en outre déclarée « profondément préoccupée par les niveaux stupéfiants » de violence localisée attribués aux milices communautaires, qui continuent d'être la principale forme de violence perpétrée au Soudan du Sud. Au cours du deuxième trimestre 2021, ces violences ont représenté environ 90 % de toutes les victimes affectées, notamment par des meurtres, des blessures, des enlèvements ou des violences sexuelles, comme l'a documenté la Division des droits de l'homme de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS). Selon cette enquête, entre avril et juin 2021, 1097 civils ont été touchés par les violences, avec 585 personnes tuées, 305 blessées et des milliers de personnes déplacées de force dans tout le pays.

Jonglei et la zone administrative du Grand Pibor, en particulier, ont connu une forte augmentation de la violence impliquant des milices communautaires souvent renforcées par le soutien d'acteurs nationaux et locaux motivés par des intérêts politiques et/ou économiques et soudés par des liens de parenté communautaires, a précisé Mme Al-Nashif. Malgré les nombreuses allégations de violations graves des droits de l'homme et du droit humanitaire, les progrès dans la lutte contre l'impunité ont été minimes, a-t-elle affirmé, avant de « vivement » encourager le Gouvernement à travailler en étroite collaboration avec les dirigeants locaux pour parvenir à des résolutions pacifiques des conflits.

L'exercice des libertés fondamentales et le manque d'espace politique et civique au Soudan du Sud restent un autre sujet de préoccupation. A ce titre, la MINUSS continue de documenter des incidents d'arrestation et de détention arbitraires, de harcèlement et d'intimidation de journalistes, de défenseurs des droits de l'homme et de militants de la société civile. Des rapports indiquent que les forces de sécurité ont brièvement détenu trois journalistes et fermé une station de radio indépendante dans l'est du Jonglei. Des mesures trop restrictives et les pouvoirs étendus d'arrestation et de surveillance accordés aux Services de sécurité nationale (NSS) entravent gravement la capacité d’exercer ses libertés fondamentales et de s'exprimer librement au Soudan du Sud, a déploré la Haute-Commissaire adjointe.

Mme Al-Nashif a ajouté que la justice transitionnelle au Soudan du Sud est « essentielle » pour parvenir à une paix durable, à la réconciliation nationale et à l'apaisement, ainsi que pour reconstruire l'état de droit. Pour cette raison, elle a salué le lancement du Comité technique chargé d'entreprendre des consultations en vue de la création de la Commission pour la vérité, la réconciliation et la guérison (CTRH). Alors que le Gouvernement a pris des mesures allant « dans la bonne direction », d'autres actions, y compris la signature du protocole d'accord avec l'Union africaine pour la création de la Cour hybride, devront être prises en vue de la mise en œuvre des mécanismes de justice transitionnelle comme stipulé au chapitre V de l'Accord revitalisé. A cette fin, le Haut-Commissariat encourage l'Union africaine à renforcer son soutien aux efforts de justice transitionnelle pour la réalisation de ces mécanismes critiques, y compris l'Autorité d'indemnisation et de réparation (CRA). Il continuera pour sa part de travailler étroitement à l'appui de la mise en œuvre du mandat de la Commission sur les droits de l'homme au Soudan du Sud, a conclu Mme Al-Nashif.

Présentant une mise à jour orale, MME YASMIN SOOKA, Présidente de la Commission sur les droits de l'homme au Soudan du Sud, a déclaré que depuis le dernier rapport de la Commission au Conseil en mars dernier, la situation des droits de l'homme dans le pays s'est « considérablement » détériorée, à mesure que la violence et la répression se sont propagées. L'augmentation des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées, de la torture et des traitements cruels et inhumains, ainsi que des viols et des violences sexuelles liées aux conflits, indique une crise des droits humains aux proportions « épiques » dans un pays qui a également connu une attaque brutale contre les libertés fondamentales. L'intolérance du Gouvernement vis-à-vis des critiques a consisté à réprimer la dissidence, en utilisant une force excessive contre les civils. Le recrutement d'enfants est en augmentation, tout comme les violences sexuelles liées aux conflits.

Selon les chiffres, entre juin et août de cette année, plus de 100 civils auraient été massacrés dans le conflit ethnique meurtrier de Tambura dans l'Équatoria-occidental ; des femmes et des enfants auraient été violés et agressés sexuellement avant d'être assassinés. Entre 80 000 et 120 000 personnes auraient été déplacées par le conflit, des milliers fuyant vers l'État voisin du Bahr el Ghazal et le comté d'Ezo. Les rapports indiquent aussi que des milliers d'autres ont fui vers la ville de Yambio et d'autres parties du Soudan du Sud. De nombreuses personnes ont également fui vers la République centrafricaine. Environ 2500 personnes déplacées seraient sous la protection de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS). Le conflit à Tambura, entre les communautés Azande et Balanda, aurait été alimenté par les forces armées appartenant aux Forces de défense du peuple du Soudan du Sud (SSPDF) et l'Armée populaire de libération du Soudan dans l'opposition (SPLA/IO), toutes deux fournisseurs d'armes et de munitions aux tribus Azande et Balanda, respectivement. La Commission note que 9 des 10 États du Soudan du Sud connaissent des niveaux de conflit alarmants. La violence dans les États de Warrap et des Lacs est particulièrement préoccupante.

La situation sécuritaire au Soudan du Sud est extrêmement précaire. La communauté humanitaire se trouve de plus en plus attaquée. Depuis mars de cette année, des travailleurs humanitaires ont été pris en embuscade et leurs convois attaqués dans au moins huit des dix États du Soudan du Sud, a indiqué Mme Sooka. Ces attaques ont entraîné la suspension des activités humanitaires et la relocalisation des travailleurs humanitaires, dans un pays qui a désespérément besoin de services. Le 17 septembre, un convoi du Programme alimentaire mondial (PAM) transportant une aide alimentaire vitale a été attaqué dans l'Équatoria-central, entraînant la mort de membres du personnel humanitaire, tandis que d'autres sont toujours portés disparus. La crise sécuritaire actuelle au Soudan du Sud découle du retard et de la non-application intégrale des dispositions du chapitre 2 de l'Accord de paix revitalisé qui prévoit la mise en place d'une armée et d'une structure de commandement conjointes, a affirmé Mme Sooka.

Le nombre de décès dus à la violence continue d'augmenter et plus de 4,3 millions de personnes ont été déplacées, a-t-elle poursuivi. Près de 80% de la population vivraient dans l'extrême pauvreté, avec plus de 7,2 millions de personnes en situation d'insécurité alimentaire. L'appel humanitaire de l'ONU pour le Soudan du Sud s'élève à environ 1,7 milliard de dollars, dont moins de la moitié ont été engagés par la communauté internationale. Le Soudan du Sud a été classé septième parmi 8 pays au monde connaissant les pires crises humanitaires.

A côté de ces violences, l'espace civique au Soudan du Sud est attaqué et s'est rétréci, étant donné la campagne incessante d'assaut répressif du Gouvernement du Soudan du Sud contre les libertés fondamentales, a souligné Mme Sooka, précisant que la répression de l'espace civique et des libertés civiles s'est également accompagnée d'une fermeture à grande échelle d'Internet et des médias à Juba. La persécution continue des militants de la société civile, des journalistes et des défenseurs des droits humains a contraint nombre d'entre eux à se cacher ou à fuir le pays.

Des crimes économiques sont également commis au Soudan du Sud, avec des détournements d’importantes sommes nécessaires pour faire face à la crise humanitaire, a également fait observer Mme Sooka. Selon les chiffres de la Commission, « qui ne sont que la pointe de l'iceberg », récemment plus de 73 millions de dollars US ont été détournés illégalement. La corruption est devenue endémique.

Par ailleurs, la Commission continue de documenter des incidents de viol et de violence sexuelle liés aux conflits, y compris sur des filles aussi jeunes que 6 ans. Les forces gouvernementales sont responsables de plus de la moitié des cas de viol et de violence sexuelle.

La Commission continue de compiler des dossiers sur 104 personnes, parmi lesquelles des militaires de haut rang, des hauts fonctionnaires, des politiciens, des membres de l'opposition ainsi que des hommes d'affaires. La liste confidentielle et les dossiers seront remis au Haut-Commissariat aux droits de l'homme pour être conservés en lieu sûr et pourront être consultés par les entités appropriées aux fins des processus de responsabilisation. Cet accès sera strictement conforme aux protocoles et procédures de la Commission, a indiqué Mme Sooka.

Dans son engagement avec les réfugiés sud-soudanais, la Commission a noté la réticence de beaucoup à retourner au Soudan du Sud par crainte de représailles et d'insécurité. Or la participation des Sud-Soudanais déplacés et exilés aux processus de justice transitionnelle est essentielle, a d’autre part souligné Mme Sooka. L'Accord de paix revitalisé prévoit des élections à la fin de la période de transition, a-t-elle en outre rappelé ; cependant, la Commission est consciente que des élections générales dans un Soudan du Sud déchiré par la guerre et profondément polarisé pourraient laisser présager un désastre encore plus grand si elles ne sont pas gérées avec soin. Les préparatifs électoraux devraient être menés parallèlement au processus d'élaboration de la constitution, sans nuire à ce dernier processus, a conclu la Présidente de la Commission.

M. ANDREW CLAPHAM, également membre de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud, a rappelé que la Commission avait reçu du Conseil des droits de l'homme le mandat de suivre la question des droits de l'homme au Soudan du Sud. De ce fait, elle s’est intéressée à la question des crimes économiques commis dans ce pays, tant ils empiètent sur la jouissance des droits de l'homme. La Commission s’est donc aussi intéressée de savoir si les citoyens du Soudan du Sud jouissaient de leurs droits à la santé. La Commission estime par ailleurs qu’il faut éviter que les recettes publiques issues de l’exploitation pétrolière ne soient détournées et versées sur des comptes privés, a ajouté M. Clapham.

M. RUBEN MADOL AROL KACHUOL, Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles du Soudan du Sud, a décrit les progrès réalisés par le Gouvernement d'unité nationale revitalisé (R-TGoNU) dans l'amélioration de la situation des droits de l'homme au Soudan du Sud.

D’abord, les institutions du R-TGoNU au niveau national, des États et des comtés ont toutes été reconstituées, y compris l'Assemblée législative nationale, le Conseil des États ainsi que les assemblées des États. Ensuite, la situation sécuritaire au Soudan du Sud est relativement calme et pacifique : les quelques incidents recensés sont en grande partie imputables à la résistance du Groupe opposé à l'Accord de paix revitalisé. Cependant, malgré les violations du cessez-le-feu, le Gouvernement reste engagé dans les négociations avec la médiation de la Communauté de Sant'Egido, à Rome, a dit le Ministre.

Quant aux conflits communautaires qui continuent à se produire, ils sont traités par le dialogue avec les communautés respectives et par le recours aux tribunaux traditionnels et spéciaux, a affirmé le Ministre.

L'engagement du Gouvernement à mettre en œuvre des mécanismes de justice transitionnelle a conduit à la formation, en juillet 2021, d’un comité technique qui mènera des consultations publiques pour informer l’élaboration de la loi régissant la création de la Commission pour la Vérité, la Réconciliation et la Guérison, a indiqué le Ministre. Des tribunaux militaires ont été créés pour poursuivre les auteurs de crimes en uniforme, et plusieurs condamnations ont déjà été prononcées, a-t-il ajouté.

En ce qui concerne la violence communautaire et les vols de bétail, le Gouvernement a créé un comité d'enquête composé de fonctionnaires, de chefs – notamment religieux –, de jeunes et d'autres parties prenantes qui travaillent en étroite collaboration afin de s'attaquer aux causes profondes des conflits. Contre les vols de bétail, le Gouvernement a mis en place une unité d'opération conjointe, déployée dans les zones touchées par le conflit. En collaboration avec la Division des affaires civiles et politiques de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), le Gouvernement a joué le rôle de médiateur pour favoriser une coexistence pacifique entre les communautés qui se livrent au pillage du bétail.

S’agissant des meurtres ciblés, le Gouvernement a créé une unité de police communautaire dans la plupart des régions du pays et a également créé un comité d'enquête pour l'incident de Gumba-Shirikat. Grâce à cet effort, dix accusés ont été traduits en justice, arrêtés, poursuivis et condamnés conformément à la loi, a fait savoir le Ministre.

Aperçu du débat

La violence et l'insécurité sont les obstacles fondamentaux à l'amélioration de la situation des droits de l'homme au Soudan du Sud, a-t-il été souligné. Si les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l'Accord de paix – comme l'ouverture de l'assemblée nationale de transition – ont été salués, leur rythme a été jugé trop lent. Les violations des droits de l'homme liées au conflit – telles qu’exécutions arbitraires et extrajudiciaires, enlèvements et violences sexuelles, sans parler des détentions – se poursuivent en effet, a-t-il été souligné. Tous les principaux groupes armés en sont responsables, mais c'est au Gouvernement du Soudan du Sud qu'incombe la responsabilité première de protéger la population, ont rappelé plusieurs pays.

La vague présumée d'exécutions extrajudiciaires dans l'État de Warrap, au cours de laquelle des dizaines de personnes, dont des enfants, ont été exécutées publiquement et en dehors de toute procédure judiciaire, a été jugée très préoccupante. Il est indispensable que tous les cas d'exécutions extrajudiciaires et arbitraires fassent l'objet d’enquêtes approfondies, ont demandé des intervenants. Les membres de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud ont été priés d’évaluer la probabilité d'une reprise des atrocités de masse dans ce pays.

Il a aussi été jugé préoccupant que l’espace de la société civile se rétrécisse.

Une délégation a jugé positif le travail en cours visant à créer une force armée conjointe au Soudan du Sud. D’autres délégations se sont dites préoccupées par le blocage de la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle, en particulier pour ce qui est du tribunal hybride.

Des délégations ont salué le travail de la Commission et lui ont demandé dans quelle mesure la corruption entravait la capacité de l'État à utiliser ses ressources disponibles de manière optimale, notamment pour la protection des droits sociaux et économiques. Une délégation a affirmé à ce propos que les dirigeants du Soudan du Sud avaient pillé les ressources du pays et alimenté le conflit.

Des organisations non gouvernementales (ONG) ont estimé que, dix ans après l’indépendance du pays, le mandat de la Commission sur les droits de l'homme au Soudan du Sud restait indispensable. Les ONG ont déploré, en effet, des arrestations arbitraires et les coupures volontaires d’Internet par les autorités sud-soudanaises ; l’insécurité, dont les effets se sont sentir sur les civils essentiellement ; le risque de famine ; ou encore le harcèlement d’organisations de la société civile dans le sillage de manifestations.

Plusieurs intervenants ont condamné la politisation et la sélectivité des initiatives du Conseil visant des pays en particulier sans le consentement desdits pays. Les relations entre les États doivent être fondées sur les principes universels de respect de la souveraineté, d'autodétermination des peuples et de non-ingérence dans les affaires intérieures des États, a-t-il été rappelé.

Le Conseil a été prié de reconnaître comme il se doit les efforts du Soudan du Sud et de jouer un rôle positif dans les efforts pour rétablir la normalité et la réconciliation grâce aux initiatives prises volontairement par le Gouvernement avec le soutien de l'Union africaine.

**Liste des intervenants : Norvège (au nom d’un groupe de pays), Pays-Bas (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Royaume-Uni (au nom d’un groupe de pays), Allemagne, Suisse, France, Australie, Albanie, Venezuela, États-Unis, Fédération de Russie, Irlande, Chine, Royaume-Uni, Sri Lanka, République populaire démocratique de Corée, Iran, CIVICUS,East and Horn of Africa, Amnesty International, RADDHO,UN Watch, Mezzan Center for Human Rights, Lawyers’ Rights Watch Canada, Advocates for Human Rights et Érythrée.

Réponses et remarques de conclusion

MME AL-NASHIF a répété que la situation des droits de l'homme au Soudan du Sud reste, à ses yeux, préoccupante. Elle a donc renouvelé son appel au Gouvernement afin qu’il se penche sur la violence, notamment celle des groupes armés, de manière à ce que tous les auteurs de violences, y compris de violences sexuelles, soient tenus responsables de leurs actes et les victimes indemnisées.

La Haute-Commissaire adjointe a également déploré le peu de résultats et d’efforts enregistrés aux fins de l’opérationnalisation de la Cour hybride et de la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé. Ces deux mécanismes sont essentiels pour ramener la paix et promouvoir les droits de l'homme au Soudan du Sud, a-t-elle estimé. Enfin, dans le contexte des élections à venir, le Gouvernement devra tout mettre en œuvre pour créer un climat politique apaisé et ouvrir l’espace civique, a conclu Mme Al-Nashif.

M. CLAPHAM a souligné que le lien entre corruption et violation des droits de l'homme est évident : près de 4 milliards de dollars ont été détournés au Soudan du Sud, alors que cet argent aurait pu être utilisé pour construire des écoles et des hôpitaux, a-t-il fait observer. Il a également rappelé que la Convention des Nations Unies contre la corruption impose aux États des obligations pour favoriser le retour des sommes détournées. Les États destinataires de cet argent devraient donc faire en sorte que ces sommes reviennent au peuple du Soudan du Sud, a-t-il conclu.

Le Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles du Soudan du Sud a indiqué qu’il retiendra de ce dialogue que la seule façon de résoudre les problèmes liés aux droits de l'homme est de mettre en œuvre l’Accord de paix revitalisé. Il a assuré que son Gouvernement a la volonté de dialoguer sur ce point, d’autant plus que la population a placé tous ses espoirs dans cet Accord et dans sa mise en œuvre. Venez au Soudan du Sud, là où se trouvent la population et le Gouvernement, afin de travailler ensemble à cette fin, a-t-il conclu.

 

HRC21.023F