Fil d'Ariane

Lors d’une réunion avec les États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité des droits de l’homme s’interroge sur son avenir dans le contexte de crise financière
Le Comité des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, sa quatorzième réunion informelle avec les États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques . Le débat a essentiellement porté sur la crise financière aux Nations Unies et son incidence sur l’avenir du Comité, s’agissant en particulier de l’examen des communications (plaintes individuelles) qui lui sont soumises au titre du premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
Ouvrant le dialogue, M. Changrok Soh, Président du Comité, a indiqué qu’il avait convoqué la réunion pour discuter d'une seule question : les problèmes financiers de l'ONU et l'avenir du Comité des droits de l'homme. M. Soh a fait part du sentiment d’urgence qui anime les membres du Comité : ceux-ci sont certes honorés d'assumer la responsabilité de surveiller la mise en œuvre du Pacte, mais ils estiment aujourd'hui que leur capacité à remplir ce mandat est gravement menacée, les mesures d'austérité qui sont imposées compromettant non seulement leur travail actuel, mais aussi l'avenir même du Comité.
La préoccupation la plus urgente, a précisé M. Soh, est l'annulation de la troisième session de cette année, qui devait se tenir en octobre et novembre : en perdant une session, a fait remarquer le Président du Comité, près de huit mois s'écouleront sans qu'aucune réunion de cet organe ne se tienne à Genève, ce qui entraînera de sérieux retards dans l'examen des rapports des États parties et dans les décisions concernant les plaintes individuelles (communications) – et ce, alors même que de nombreuses victimes attendent déjà depuis des années que justice leur soit rendue.
« Nous reconnaissons que la crise financière de l'ONU est grave et nous savons que le Secrétariat fait de son mieux dans les limites actuelles. Mais il est clair que les règles et les structures de notre système sont trop rigides pour faire face à des situations comme celle-ci », a déclaré M. Soh. Il a cité en particulier la règle selon laquelle les organes conventionnels sont tenus de s'en tenir exclusivement au budget ordinaire pour mener à bien les activités qui leur sont confiées, ce qui exclut de ce fait la possibilité de mobiliser des fonds d'urgence pour tenir les sessions d'automne, comme cela avait été envisagé.
« Si nous laissons cette annulation sans précédent devenir normale », a mis en garde M. Soh, « cela créera un dangereux précédent : chaque fois que l'ONU sera confrontée à un déficit de financement, la crédibilité et l'efficacité du système des organes conventionnels, qui est un pilier essentiel de l'architecture des droits de l'homme de l'ONU, s'éroderont davantage ». M. Soh a en outre appelé les États à ne pas perdre de vue la montée mondiale des réactions hostiles aux droits de l'homme, en particulier aux droits que ce Comité est chargé de protéger. Le Président du Comité a insisté sur le fait que ce n’était « pas le moment » d’affaiblir les mécanismes onusiens des droits de l’homme.
M. Soh a appelé les États parties à aider le Comité à trouver une solution pour qu’il puisse tenir sa troisième session cette année et ses trois sessions ordinaires en 2026 ; à veiller à ce que leurs contributions volontaires soient utilisées de manière transparente et responsable pour soutenir les travaux du Comité, tout en préservant pleinement l'indépendance et l'impartialité des organes conventionnels ; et à aider le Comité à fonctionner efficacement en s’acquittant de leurs obligations en matière de présentation de rapports et en soutenant le travail du Comité sur les plans financier et politique.
Un autre membre du Comité a indiqué que ce dernier s’était engagé, depuis deux ou trois ans déjà dans l’harmonisation de ses méthodes de travail s’agissant de l’examen des communications individuelles. Le Comité est l’organe conventionnel de l’ONU qui reçoit le plus de plaintes – un nombre représentant la moitié de toutes les plaintes adressées aux organes de traités, et il est évident que le retard accumulé dans le traitement de ces plaintes met en cause la pertinence des décisions que le Comité peut adopter à cet égard, a-t-il été souligné. Ce retard est dû au manque de moyens humains disponibles pour assurer toute la chaîne d’examen des plaintes (enregistrement puis traitement de la plainte, adoption d’une décision et enfin suivi), ainsi qu’à la réduction drastique du temps consacré, entre les sessions, aux travaux préparatoires préalables à l’examen des plaintes, a-t-il été précisé.
Le Secrétariat du Comité a précisé que l’annulation de la troisième session du Comité en 2025 avait entraîné la suppression également des groupes de travail intersessions chargés de préparer les travaux des experts relatifs aux communications. La situation actuelle n’est pas une crise de liquidité mais bien une crise financière, et la perspective en 2026 n’est pas meilleure, a ajouté le Secrétariat
Pour leur part, les États qui ont pris part au dialogue de ce matin ont notamment insisté sur le rôle essentiel que joue le Comité des droits de l’homme pour faire appliquer le Pacte. Un pays a dit soutenir le mandat du Comité et son travail important d’évaluation des rapports des États parties, mettant en outre en avant l’importance du dialogue avec les États parties pendant ce processus.
L’annulation sans précédent de la troisième session du Comité en 2025 a été jugée très préoccupante et une délégation a insisté sur l’importance de maintenir la continuité dans les sessions du Comité, y compris concernant celle de l’automne prochain. Il a été recommandé de trouver des solutions innovantes et peu onéreuses pour maintenir l’intégrité du système des organes de traités. Il a également été recommandé à plusieurs reprises que lesdits organes harmonisent leurs méthodes de travail et recourent davantage aux nouvelles technologies.
A par ailleurs été jugée utile l’idée d’évaluer l’affectation de contributions volontaires aux travaux des organes de traités. À ce propos, une délégation a insisté pour que toutes les mesures envisagées se fassent dans le respect du cadre normatif existant, en particulier s’agissant du financement d’organes de traités ou d’autres mécanismes par des contributions volontaires : les conditions d’un tel financement doivent être équitables et non discriminatoires, a insisté cette délégation.
La nouvelle réalité financière et les réformes dans le cadre d’ONU80 ne sauraient avoir d’incidence sur l’efficacité des organes de traités, en particulier pour ce qui est du Comité des droits de l’homme, lequel est chargé de contrôler l’application de l’un des principaux instruments des droits de l’homme, a plaidé une délégation.
Ont été prônées, pendant le dialogue, l’adoption de méthodes de travail innovantes, telle que la tenue de sessions sur le terrain, comme l’a déjà fait le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes dans la région du Pacifique ; une procédure de plainte simplifiée ; ou encore le recours accru, voire systématique, aux technologies numériques.
A aussi été avancée la suggestion de repousser l’examen des rapports d’États parties pour laisser davantage de temps à l’examen des plaintes. À ce propos, une représentante du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a fait état d’un problème structurel dans la prise en charge des décisions relatives aux communications, vu leur nombre très élevé devant le Comité des droits de l’homme. Le Haut-Commissariat poursuit ses travaux pour harmoniser encore davantage le traitement des plaintes reçues par les différents comités, a-t-elle indiqué.
Dans des remarques de conclusion, M. Soh a recommandé que l’on cherche des réponses au problème financier au-delà du seul budget ordinaire des Nations Unies, par une utilisation transparente des contributions volontaires. D’autre part, a-t-il ajouté, vu l’expérience du Comité pendant la pandémie de COVID-19, l’organisation d’une troisième session cette année de manière entièrement virtuelle grâce aux nouvelles technologies n’est pas envisageable.
Outre les membres du Comité, ont pris part au dialogue les délégations des pays suivants : Espagne, Japon, Serbie, Égypte, Croatie, Colombie, Fédération de Russie, Costa Rica, et République islamique d’Iran.
Lors d’une réunion publique mardi 15 juillet à 15 heures, le Comité se penchera sur le rapport concernant le suivi de ses observations finales adoptées au terme de l’examen des rapports d’États parties.
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CCPR25.017E