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Le taux de handicap en Palestine a augmenté en raison de l'usage délibéré de la force par les forces d'occupation israéliennes, affirme l’Observateur permanent de l’État de Palestine devant le Comité des droits des personnes handicapées

Compte rendu de séance

Depuis le début de la guerre, le taux de handicap en Palestine a augmenté en raison de l'usage délibéré de la force par les forces d'occupation israéliennes, y compris le bombardement aveugle de zones habitées et le ciblage direct de civils, entraînant des mutilations et des défigurations permanentes, a souligné l’Observateur permanent de l’État de Palestine auprès des Nations Unies à Genève, M. Ibrahim Khraishi, lors du dialogue qu’a tenu, ces trois derniers après-midi, le Comité des droits des personnes handicapées, au sujet de la situation des personnes handicapées touchées par la guerre dans le Territoire palestinien occupé.  Des organisations de défense des droits humains ont confirmé que les forces d'occupation visaient délibérément les membres inférieurs et supérieurs des civils, dans le cadre d'une politique systématique visant à causer des handicaps permanents, a-t-il ajouté.

Ce dialogue a également compté avec la participation de Mme Dania Dasouqi, Première Secrétaire à la Mission permanente d’observation de l’État de Palestine auprès des Nations Unies à Genève ; de M. Ammar Dwaik, Président de la Commission nationale des droits de l’homme de l’État de Palestine ; de Mme Noran Atteya, Conseillère à la Mission permanente de l’Égypte auprès des Nations Unies à Genève ; de M. Mohammad Yousef Awwad Al Aqeel, Ministre plénipotentiaire à la Mission permanente de Jordanie auprès des Nations Unies à Genève ; et de M. Hector Sharp, de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Israël n’a pas donné suite à l’invitation du Comité de participer aux travaux.

Ont aussi pris part aux travaux les organisations de personnes handicapées et organisations non gouvernementales suivantes : Palestinian Union for Person with Disabilities, Arab Organization of Persons with Disabilities, Stars of Hope Society, Qader, The Disability Justice for Palestine Collective, International Disability Alliance, Al-Haq Human Rights Organization, EJ-YMCA-Rehabilitation, Women Enabled International, Fédération mondiale des sourds et Human Rights Watch. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a en outre diffusé par vidéo plusieurs témoignages de personnes handicapées palestiniennes directement touchées par le conflit.

Dans des remarques introductives, M. Muhannad Al-Azzeh, membre du Comité et coordonnateur de son groupe de travail chargé de l’examen de l’application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées dans l’État de Palestine, a précisé que l’examen s’inscrivait dans une série de séances que le Comité organisera pour obtenir autant d’informations que possible concernant la situation des personnes handicapées à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. L’objectif final du Comité est de faire état de la réalité et de la replacer dans son contexte, sans politisation, a souligné l’expert.

Au cours du dialogue, il a été relevé que toutes les personnes handicapées palestiniennes étaient touchées par le conflit en cours, non seulement parce qu’elles sont privées d’accès aux services de base, mais aussi parce qu’elles ne sont pas toujours en mesure de réagir aux alertes lancées avant les attaques – quelque 170 Palestiniens sourds ont ainsi perdu la vie depuis octobre 2023 faute d’avoir été avertis visuellement de l’imminence d’une attaque. Nombre de personnes handicapées ont aussi été tuées lors de la destruction de leur maison ou de l’abri dans lequel elles étaient réfugiées, a-t-il été souligné.

Plus de 83% des personnes handicapées ont perdu leurs aides techniques, ce qui aggrave leur vulnérabilité, a fait remarquer un intervenant. Dans le même temps, le droit à la santé et à la réhabilitation des personnes handicapées leur est dénié par la destruction des installations de santé, a-t-on fait observer. Les violations des droits des personnes handicapées se déroulent alors que la Cour internationale de Justice a confirmé la plausibilité d'un génocide à Gaza, a-t-il été rappelé.

Au chapitre des recommandations, M. Khraishi a demandé au Comité de condamner clairement les politiques d'occupation israéliennes et de « tenir l'occupant pour responsable, devant les mécanismes internationaux, des crimes de guerre et du crime de génocide », y compris le ciblage du secteur de la santé. L’Observateur permanent a aussi demandé aux États Membres des Nations Unies et des Conventions de Genève de rompre leurs relations avec Israël et de cesser de lui exporter des armes et du matériel militaire qu'il utilise pour tuer des civils et causer leur mort, leur mutilation ou leur handicap.

Pour leur part, des organisations de personnes handicapées ont recommandé, notamment, que le Comité appelle les institutions des Nations Unies à donner davantage de visibilité aux problèmes rencontrés par les personnes handicapées, en particulier dans l’élaboration des plans d’aide humanitaire.

Les membres du Comité ont insisté sur la nécessité de documenter les violations des droits des personnes handicapées commises par la puissance occupante et de quantifier le nombre et le volume d’appareils fonctionnels (tels que fauteuils roulants et appareils auditifs) et de thérapies spécialisées (y compris en termes de soins de santé mentale) dont les personnes handicapées palestiniennes auront désormais besoin.

L’examen du rapport initial de l’État de Palestine au titre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui aurait dû avoir lieu à la présente session, a été reporté à une date ultérieure.

Lundi prochain, 18 août, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de Kiribati.


Situation des personnes handicapées touchées par la guerre dans le Territoire palestinien occupé

Introduction

Dans des remarques introductives, M. MUHANNAD AL-AZZEH, membre du Comité et coordonnateur de son groupe de travail chargé de l’examen de l’application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées dans l’État de Palestine, a précisé que la réunion s’inscrivait dans une série de séances que le Comité organisera pour obtenir autant d’informations que possible concernant la situation des personnes handicapées à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. L’objectif du Comité ce faisant est essentiel non seulement dans le cadre de l’exercice de son mandat, mais aussi au regard du droit international, a insisté l’expert.

Les débats s’inscriront dans le cadre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en particulier mais pas exclusivement son article 11, qui stipule que « les États Parties prennent, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international, notamment le droit international humanitaire et le droit international des droits de l'homme, toutes mesures nécessaires pour assurer la protection et la sûreté des personnes handicapées dans les situations de risque, y compris les conflits armés, les crises humanitaires et les catastrophes naturelles ». Le préambule de la Convention mentionne explicitement les situations d’occupation, a précisé M. Al-Azzeh.  

Au terme du dialogue, le Comité formulera des recommandations à l’intention des organes et institutions des Nations Unies, a ajouté M. Al-Azzeh.

Déclarations

M. IBRAHIM KHRAISHI, Observateur permanent de l’État de Palestine auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que compte tenu des crimes persistants commis par Israël, y compris la « guerre d'extermination » dans la bande de Gaza, son Gouvernement avait décidé de prendre la parole pour mettre en lumière les conséquences de ces crimes sur les droits des personnes handicapées dans le Territoire palestinien occupé, conformément aux dispositions de l'article 11 de la Convention. 
Ainsi, a poursuivi M. Khraishi, selon des sources officielles, la « guerre d'extermination » qui se poursuit dans la bande de Gaza a causé la mort de plus de 61 000 Palestiniens, dont au moins 18 000 enfants, sans compter plus de 152 000 Palestiniens blessés et des dizaines de milliers de disparus, pour la plupart des femmes et des enfants. En Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, les crimes commis par les forces d'occupation et les milices de colons ont causé la mort de 1029 Palestiniens depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, a ajouté l’Observateur permanent.
Avant le déclenchement de la « guerre d'extermination » dans la bande de Gaza, les personnes handicapées représentaient environ 7% de la population palestinienne, a précisé M. Khraishi. Depuis le début de la guerre, le taux de handicap a augmenté en raison de l'usage excessif et délibéré de la force par les forces d'occupation israéliennes, y compris le bombardement aveugle de zones habitées et le ciblage direct de civils, qui a entraîné des mutilations et des défigurations permanentes, y compris parmi les enfants et les femmes. Des organisations de défense des droits humains ont confirmé que les forces d'occupation visaient délibérément les membres inférieurs et supérieurs des civils, dans le cadre d'une politique systématique visant à causer des handicaps permanents, a affirmé M. Khraishi. 
Selon les données enregistrées à ce jour, 4800 amputations ont été documentées depuis le début de la guerre à Gaza, 76% des amputations ayant touché les membres supérieurs et 24 % les membres inférieurs. Selon les organisations internationales, chaque jour, dix enfants perdent une jambe ou les deux, a indiqué M. Khraishi. 
En outre, les forces d'occupation israéliennes ont presque entièrement détruit les infrastructures de la bande de Gaza, en bombardant systématiquement les routes, l'électricité et l'eau, rendant ainsi les déplacements, les soins médicaux et la rééducation presque impossibles. L'occupation impose également un blocus étouffant qui empêche presque totalement l'entrée de l'aide humanitaire, y compris les médicaments, le matériel médical et les appareils destinés aux personnes handicapées, a ajouté l’Observateur permanent. 
M. Khraishi a demandé au Comité de condamner clairement les politiques d'occupation israéliennes fondées sur la destruction systématique et les entraves délibérées à l'encontre des civils palestiniens et de « tenir l'occupant pour responsable, devant les mécanismes internationaux, des crimes de guerre et du crime de génocide », y compris le ciblage du secteur de la santé.
L’Observateur permanent a aussi demandé aux États Membres des Nations Unies et des Conventions de Genève d'assumer leurs obligations légales en matière de protection des civils palestiniens, de demander des comptes aux autorités d'occupation israéliennes pour leurs crimes contre les Palestiniens, de rompre leurs relations avec Israël et de cesser de lui exporter des armes et du matériel militaire qu'il utilise pour tuer des civils et causer leur mort, leur mutilation ou leur handicap.
M. Khraishi a conclu son propos en soulignant que la tragédie des personnes handicapées en Palestine était le résultat direct des politiques d'occupation, d'agression et de siège menées par Israël et que leur protection aujourd'hui met à l’épreuve la communauté internationale, dont le silence face aux crimes équivaut à une complicité avec leurs auteurs.

MME DANIA DASOUQI, Première Secrétaire à la Mission permanente d’observation de l’État de Palestine auprès des Nations Unies à Genève, a précisé que, selon les statistiques, on comptait plus de 150 000 personnes handicapées en Palestine, dont plus de 33 000 nouveaux cas de handicap après l'agression, dont 56% sont des handicaps moteurs. Selon l'UNICEF, un millier d'enfants ont été amputés au cours des trois premiers mois de l'agression ; l'Organisation mondiale de la Santé a confirmé que 25% des blessures, soit plus de 22 000 blessés jusqu'en juillet 2024, ont entraîné des handicaps permanents.

L'agression a également fait des blessés et des invalides permanents, les civils, y compris les personnes handicapées, ayant été contraints d'évacuer sous les bombardements, sans avertissement ou sans que les avertissements ne soient adaptés aux besoins des personnes souffrant d'un handicap sensoriel ou mental. Les femmes et les filles handicapées sont confrontées à une discrimination multiple, combinant handicap et genre, en particulier dans le contexte des déplacements, du blocus et de l'absence de protection : les données indiquent que plus de 10 000 femmes sont devenues handicapées à la suite de l'agression, a dit Mme Dasouqi.

Les données de 2025 indiquent que 34% des enfants handicapés à Gaza souffrent de troubles psychologiques post-traumatiques et que 17% d'entre eux ont perdu l'un de leurs parents. Quant à l'accès aux services de réadaptation par les enfants handicapés, il ne dépasse pas 12%, et moins de 9% de ces enfants bénéficient d'un soutien psychologique.

L'État de Palestine déploie des efforts considérables pour protéger et prendre en charge les personnes handicapées, a souligné Mme Dasouqi. Par exemple, un protocole de protection sociale adaptée aux situations de crise a été élaboré pour la période 2025-2029, et des complexes résidentiels ont été ouverts pour les personnes déplacées. Une aide financière et médicale a également été fournie à des enfants qui suivaient un traitement en Cisjordanie. En outre, des séances de soutien psychologique ont été organisées pour 3840 enfants et un soutien direct a été apporté à 32 200 femmes et filles, dont certaines handicapées, dans des centres d'hébergement.

M. AMMAR DWAIK, Président de la Commission nationale des droits de l’homme de l’État de Palestine a insisté pour sa part sur le fait que l'article 11 de la Convention était sans ambiguïté : les États parties doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection et la sécurité des personnes handicapées en situation de risque, y compris dans les conflits armés et les situations d'urgence humanitaire. Or, a-t-il mis en garde, Israël, qui est partie à la Convention, fait le contraire en ciblant des personnes handicapées avec une force meurtrière, en leur refusant les soins médicaux nécessaires et en empêchant l’arrivée d'appareils fonctionnels et de médicaments vitaux, ainsi qu’en plaçant ces personnes dans des conditions d'évacuation qui mettent leur vie en danger et les empêchent de quitter en toute sécurité les zones bombardées.

Toutes ces violations se déroulent « dans le contexte d'un génocide et d'un apartheid », a déclaré le Président de la Commission. La Cour internationale de Justice a en effet confirmé la plausibilité d'un génocide à Gaza, tandis qu’un consensus croissant parmi les organisations de défense des droits humains, y compris des groupes israéliens de premier plan, affirme que les atrocités commises actuellement à Gaza répondent à la définition juridique du génocide au regard du droit international et que les politiques et pratiques israéliennes en Cisjordanie et à Gaza constituent un apartheid, a-t-il souligné.

M. Dwaik a notamment demandé au Comité de définir une voie claire, à la lumière du paragraphe (u) du préambule et des articles 11 et 32 de la Convention, afin de garantir que les droits des personnes handicapées à Gaza comme dans tout l’État de Palestine soient pleinement protégés et promus. Le Comité doit interpréter ces dispositions de manière progressive et extensive, s'accordant ainsi le champ d'action le plus large possible, a-t-il recommandé.

MME NORAN ATTEYA, Conseillère à la Mission permanente de l’Égypte auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que conformément à la quatrième Convention de Genève, l'Égypte facilitait l'acheminement de l'aide humanitaire, et qu’elle organisait des évacuations médicales sûres et coordonnées des personnes nécessitant des soins urgents. Ainsi, entre le 1er novembre 2023 et le 23 juillet 2025, l'Égypte a accueilli plus de 460 Palestiniens handicapés, dont la grande majorité sont amputés. Les blessures constatées sont souvent invalidantes ou permanentes, et beaucoup aggravent des handicaps préexistants. Il s'agit notamment d'amputations de membres, de paralysies dues à des fractures de la colonne vertébrale ou du crâne, de blessures graves causées par des explosions, de blessures oculaires entraînant la cécité, de brûlures altérant la mobilité et de pertes auditives dues à des explosions, a précisé la Conseillère.

Mme Atteya a attiré l'attention du Comité sur le fait que la majorité des personnes évacuées vers l'Égypte pour des raisons médicales ne souffraient d'aucun handicap avant la guerre. Leurs handicaps sont la conséquence directe des hostilités en cours et des attaques délibérées contre des zones civiles, y compris celles qui abritaient des enfants, a-t-elle insisté.

Les mesures prises par l'Égypte – évacuations d'urgence, traitements à long terme ou réadaptation – reposent sur le principe selon lequel, même dans les crises les plus graves, les États doivent respecter les droits inhérents des personnes handicapées : ces mesures ne sauraient se substituer aux obligations qui incombent à Israël, puissance occupante, qui a le devoir primordial de protéger, d'assister et d'assurer les soins médicaux à la population sous son contrôle, y compris les personnes handicapées, a dit la Conseillère.

M. MOHAMMAD YOUSEF AWWAD AL AQEEL, Ministre plénipotentiaire à la Mission permanente de la Jordanie auprès des Nations Unies à Genève a remercié le Comité de se pencher sur les conditions de vie des personnes handicapées dans le Territoire palestinien occupé. Il a insisté sur la responsabilité que doit assumer Israël, en tant que puissance occupante, en matière de protection des populations placées sous son autorité. M. Al Aqeel a dénoncé ce qu’il a qualifié d’épuration ethnique en cours à l’encontre des Palestiniens. Il a demandé que tout soit fait pour mettre un terme à la guerre qui ensanglante Gaza et aux violations perpétrées par Israël, y compris s’agissant de la destruction d’infrastructures civiles et de lieux de culte.

M. HECTOR SHARP, de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), a lui aussi insisté sur le fait que les risques immédiats auxquels sont exposées les personnes handicapées à Gaza en matière de protection étaient directement liés à la conduite des hostilités. Outre les pertes humaines civiles considérables, la destruction des infrastructures civiles, notamment des écoles et des établissements de santé de l'UNRWA, est sans précédent par rapport aux conflits précédents à Gaza : cela a un impact profond sur les services que l’Office est en mesure d'offrir aux personnes handicapées. Ainsi, l'UNRWA gérait l’unique Centre de réadaptation pour les malvoyants (RCVD). Situé dans la ville de Gaza et en activité depuis 1962, le RCVD offrait des services de dépistage des troubles de la vue, de réadaptation, d'éducation et d'intégration scolaire à environ 500 enfants malvoyants à tout moment : ce centre a été détruit.

Les personnes handicapées sont confrontées à d'énormes difficultés pour accéder à l'aide humanitaire, les nouvelles modalités de distribution par l'intermédiaire d'entreprises privées n’ayant fait qu'aggraver la situation, a poursuivi M. Sharp. Les points de distribution de l'aide sont éloignés des lieux où les gens ont trouvé refuge : il est difficile pour tous d'y accéder, sans compter qu'il faut ensuite se battre physiquement pour obtenir de l'aide, ce qui rend l'aide inaccessible à de nombreuses personnes handicapées.

L’UNRWA note avec inquiétude le nombre croissant de blessures qui changent le cours d'une vie et l'absence de services de réadaptation adéquats – une situation qui est aggravée par la grave pénurie d'appareils fonctionnels à Gaza. Les restrictions imposées par Israël à leur entrée sur le territoire font que des articles tels que les fauteuils roulants, les prothèses et les orthèses, les appareils auditifs et même les piles et les pièces de rechange de base font cruellement défaut, a insisté M. Sharp.

En Cisjordanie, les personnes handicapées, en particulier celles qui vivent dans des camps de réfugiés, sont victimes d'exclusion, aggravée par les opérations militarisées. Lors des opérations des forces de sécurité israéliennes, les restrictions de mobilité, la dépendance à l'égard des aidants et la perte des appareils fonctionnels peuvent rendre impossible une évacuation rapide, mettant ainsi des vies en danger immédiat. Le personnel de l'UNRWA qui fournit des services aux personnes handicapées en Cisjordanie est lui-même victime d'obstacles, ce qui l’empêche d'évaluer rapidement les besoins et de fournir des appareils fonctionnels, des services de réadaptation et un soutien à l'éducation, a déploré M. Sharp.

Aperçu du dialogue

Les intervenants qui ont souhaité s’exprimer devant le Comité ont d’abord relevé que du fait des attaques militaires, le droit à la vie des personnes handicapées était constamment menacé à Gaza, la situation ne faisant qu’empirer chaque jour. Toutes les personnes handicapées sont touchées par le conflit en cours, non seulement parce qu’elles sont privées d’accès aux services de base, mais aussi parce qu’elles ne sont pas toujours en mesure de réagir aux alertes lancées avant les attaques – quelque 170 Palestiniens sourds ont ainsi perdu la vie depuis octobre 2023 faute d’avoir été avertis visuellement de l’imminence d’une attaque, a-t-il été souligné. Nombre de personnes handicapées ont été tuées lors de la destruction de leur maison ou de l’abri dans lequel elles étaient réfugiées, a-t-on insisté.

Les personnes handicapées sont aussi exposées au risque de détention arbitraire, comme tous les autres Palestiniens, et ne bénéficient pas de mesures adaptées à leur situation en détention, a-t-il par ailleurs été souligné. Des organisations de personnes handicapées ont demandé que toute la lumière soit faite sur la situation des personnes handicapées placées sans raison en détention par Israël.

Plus de 83% des personnes handicapées ont perdu leurs aides techniques, ce qui aggrave leur vulnérabilité, a fait remarquer un intervenant.  Le fait que nombre de personnes handicapées n’ont plus de fauteuils roulants a été mentionné à plusieurs reprises. Dans le même temps, a-t-il été observé, le droit à la santé et à la réhabilitation des personnes handicapées leur est dénié par la destruction des installations de santé. Les femmes et les filles handicapées ont difficilement accès aux produits d’hygiène dont elles ont besoin, a-t-il été ajouté.

D’aucuns ont fait observer que le nombre de personnes handicapées palestiniennes avait considérablement augmenté du fait de la guerre. Une organisation a affirmé que, selon des informations factuelles provenant de sources sûres, la puissance occupante [Israël] aggravait de manière volontaire, par l’emploi d’armes explosives de forte puissance dans des zones densément peuplées, le taux de personnes handicapées parmi la population palestinienne. Chaque jour, des dizaines d’enfants perdent ainsi un bras ou une jambe et deviennent handicapés, a-t-il été déploré. Une organisation a insisté sur l’importance de restaurer l’accès aux médicaments essentiels, à la réhabilitation et à la chirurgie reconstructive.  Nombre d’enfants palestiniens handicapés risquent actuellement de perdre la vie faute d’accès à des soins appropriés, a mis en garde une organisation.

L’infrastructure et le système d’urgence ne sont pas en mesure de répondre aux besoins des Palestiniens, et moins encore en ce qui concerne les personnes handicapées. Il a été déploré à cet égard que les besoins spécifiques des personnes handicapées ne soient pas du tout pris en compte dans les plans d’aide humanitaire.

Des milliers de personnes handicapées sont prises dans un cycle de destructions et de déplacements, alors même que les abris ne sont pas accessibles et que le blocus empêche l'acheminement de fournitures médicales essentielles et de nourriture, a souligné un intervenant.

Ont été dénoncées à cet égard ce que d’aucuns ont qualifié de campagne de famine orchestrée par le Gouvernement israélien et ses partenaires, de volonté manifeste d’expulser les Palestiniens de Gaza, de nettoyage ethnique, voire de génocide contre les Palestiniens. Les personnes handicapées sont particulièrement exposées au risque de famine, notamment parce qu’elles ne sont généralement pas en mesure de faire la queue pour recevoir les aides distribuées, a-t-il été rappelé. Tous les acteurs qui fournissent des armes à Israël sont aussi responsables et complices de la situation, a-t-il été affirmé.

Des organisations de personnes handicapées ont recommandé que le Comité, considérant Israël comme une puissance occupante, l’enjoigne de respecter, à ce titre, les Conventions de Genève ; et qu’il appelle les institutions des Nations Unies à donner davantage de visibilité aux problèmes rencontrés par les personnes handicapées, y compris dans l’élaboration des plans d’aide humanitaire. Il a aussi été recommandé que le Comité insiste pour que les efforts actuellement déployés pour élaborer un traité sur les crimes contre l'humanité tiennent compte des crimes commis contre les personnes handicapées.

Les Nations Unies ont été appelées, pour leur part, à créer un comité spécialisé pour étayer les violations des droits des personnes handicapées, y compris des attaques directes contre ces personnes, commises par Israël ; à exiger un cessez-le-feu immédiat et l’ouverture de couloirs humanitaires sûrs, afin que les personnes handicapées puissent obtenir l’aide dont elles ont besoin ; et à faire en sorte que les aspects liés au handicap soient intégrés aux négociations autour du conflit en cours.

Israël a été appelé à laisser entrer sans conditions dans le Territoire palestinien occupé une aide humanitaire au profit des personnes handicapées, y compris des appareils fonctionnels tels que des prothèses auditives, et à faire en sorte que les personnes handicapées aient accès aux soins dont elles ont besoin. Le monde entier doit œuvrer de concert pour que la puissance occupante respecte le droit international, a-t-il été demandé.

Il a aussi été demandé que l’Autorité palestinienne assume ses propres responsabilités envers ses citoyens.

Des mesures urgentes doivent être prises pour remédier aux conditions génocidaires qui, sur le terrain, entraînent des violations des droits des personnes handicapées, a résumé une organisation.

Ce qui se passe à Gaza est une tentative de déplacement forcé des Palestiniens, qui doit être considérée comme une violation grave du droit international mais qui ne relève pas des dispositions du droit international relatives à l’asile, a affirmé la délégation égyptienne.

Les membres du Comité se sont dits très émus par la situation dramatique des personnes handicapées en Palestine. Ils ont demandé aux organisations de personnes handicapées de dire ce que le Comité pouvait faire pour remédier aux problèmes systémiques auxquels les personnes handicapées sont confrontées.

Les organisations ont aussi été priées de quantifier le nombre et le volume d’appareils fonctionnels (tels que fauteuils roulants et appareils auditifs) et de thérapies spécialisées (y compris en termes de soins de santé mentale) dont les personnes handicapées palestiniennes auront désormais besoin. Il conviendra d’aider les personnes amputées à devenir autosuffisantes et à subvenir à leurs besoins, a souligné une experte. 

La nécessité de documenter les violations des droits des personnes handicapées commises par la puissance occupante a été mentionnée. Un expert s’est aussi interrogé sur les responsabilités éventuelles du Hamas dans des violations des droits des personnes handicapées.

Le Comité a publié deux déclarations sur la situation des personnes handicapées en Palestine et a repris les constatations de la Cour internationale de Justice mais, a regretté une experte, Israël ne tient aucun compte de ces éléments.

Des experts se sont enquis des mesures prises pour que les personnes handicapées accèdent aux services en cas d’urgence mis en place par l’Autorité palestinienne, et pour que les femmes et les filles handicapées aient accès aux services de santé, y compris de santé procréative, dans les camps de réfugiés et en-dehors. Les personnes handicapées ne semblent pas prioritaires dans les opérations de secours lors des crises dans la région, a regretté un expert.

Un expert s’est étonné du faible nombre de Palestiniens amputés ayant pu être pris en charge en Égypte par le point de passage de Rafah. Des experts ont demandé s’il était vrai que l’entrée en Égypte pouvait coûter jusqu’à 16 000 dollars, et ont voulu savoir pourquoi les Palestiniens n’étaient pas accueillis comme réfugiés en Égypte et en Jordanie. Il a été demandé comment les pays voisins conciliaient la nécessité de ne pas encourager les expulsions de Palestiniens tout en faisant respecter le principe selon lequel toute personne fuyant la guerre doit pouvoir trouver refuge dans les pays voisins.

La société civile est à l’origine de l’élaboration de la Convention et de la création du Comité, a rappelé un expert, qui a appelé les organisations à tirer des enseignements de la situation actuelle pour faire avancer la paix et permettre aux personnes handicapées d’avoir un avenir plus sûr.

Des organisations ont plaidé pour la création, par le Comité, d’une mission d’établissement des faits conformément aux dispositions de l’article 6 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, auquel l’État de Palestine est partie. Le Comité devrait aussi afficher clairement son intention de se rendre à Gaza, une démarche indispensable à la réalisation de son mandat, a estimé une organisation.

M. AL-AZZEH a précisé que la question de la création d’une commission d’enquête sur le terrain en vertu du Protocole facultatif (article 6) serait possible avec l’accord de l’Autorité palestinienne, qui a adhéré à cet instrument, contrairement à Israël. L’expert a relevé que si les Nations Unies et le système des droits de l’homme ne pouvaient pas toujours prévenir la guerre et les catastrophes, ils agissaient néanmoins dans le cadre de leurs mandats respectifs. Il a fait observer que des obligations redditionnelles s’appliquaient aussi au Hamas, qui était l’autorité de fait à Gaza avant le conflit. L’objectif final du Comité est de faire état de la réalité et de la replacer dans son contexte, sans politisation, a insisté l’expert.

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