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Le Comité des droits des personnes handicapées se penche sur le suivi de son enquête relative à des violations présumées du droit à l'éducation en Espagne

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits des personnes handicapées s’est penché, ce matin, sur le suivi de son enquête concernant l’Espagne, au titre de l’article 6 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

En 2018, le Comité a publié un rapport après avoir mené, en 2017, une enquête portant sur des allégations de violations graves ou systématiques présumées de l'article 24 de la Convention (relatif au droit à l'éducation) par l'État partie entre 2011 et 2018 – à savoir l'exclusion structurelle et la ségrégation présumées des personnes handicapées du système d'enseignement ordinaire en raison de leur handicap.

En vertu de l’article 6 du Protocole facultatif, une enquête peut être ouverte si le Comité « est informé, par des renseignements crédibles, qu'un État Partie porte gravement ou systématiquement atteinte aux droits énoncés dans la Convention ».

Après une enquête approfondie, le Comité a donc publié son rapport contenant des recommandations, dont l’application a fait l’objet du dialogue de ce jour.

Ce matin, le Comité s’est donc entretenu dans ce cadre, avec des membres de l’association SOLCOM, représentant la société civile espagnole ; avec le mécanisme indépendant de suivi de l’application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées en Espagne, le CERMI ; et avec une délégation du Gouvernement espagnol conduite par Mme Aurora Díaz-Rato Revuelta, Représentante permanente de l’Espagne auprès des Nations Unies à Genève.

Au cours du dialogue de ce matin, Mme Amalia Gamio Rios, corapporteuse pour le rapport d’enquête du Comité sur l’Espagne, a regretté que l’Espagne n’ait pas respecté les recommandations faites par le Comité en 2018 dans son rapport au terme de sa visite, concernant l’exclusion des enfants handicapés et la persistance du modèle médical du handicap. Le Comité, a dit l’experte, est préoccupé, en particulier, par le fait que la loi sur l’éducation inclusive mentionne toujours l’existence de centres d’éducation spécialisée.

Les représentantes de la société civile ont critiqué le manque de protocole pour intégrer systématiquement les enfants handicapés dans le système éducatif général espagnol, et ont estimé urgent que l’Espagne adapte les normes et institutions d’éducation aux exigences de la Convention. A particulièrement été regrettée l’augmentation de plus de 20% ces dernières années du nombre d’enfants handicapés scolarisés dans des écoles ou dans des classes séparées, en général contre l’avis exprimé par les enfants et leurs parents.

Pour sa part, le CERMI a regretté que le droit à l’éducation inclusive ne soit pas une réalité tangible en Espagne et a demandé que les enfants handicapés bénéficient d’aides pour pouvoir étudier dans des écoles générales, près de chez eux, avec les mêmes chances que les autres élèves.

La délégation espagnole a pour sa part cité plusieurs initiatives lancées immédiatement après le rapport d’enquête du Comité, mais a fait observer que les réformes qui ont été lancées ont été ralenties par le contexte politique, par des résistances parmi le corps enseignant, de même que par les dynamiques à l’œuvre au sein des communautés locales. Elle a précisé qu’en 2017, on comptait en Espagne 4176 centres d’éducation spéciale, et plus de 23 000 écoles ordinaires : depuis lors, on a construit quatre centres de plus mais, a fait valoir la délégation, on a enregistré parallèlement une baisse de la proportion d’élèves handicapés qui y sont scolarisés, à 16%, soit moins que la moyenne européenne.

La délégation a insisté sur le fait que le Gouvernement ne tenait pas à perpétuer l’éducation spéciale et qu’il œuvrait résolument à la réalisation de l’éducation inclusive.

Outre Mme Díaz-Rato Revuelta, la délégation espagnole était également composée, entre autres, de plusieurs représentants du Ministère des affaires étrangères des affaires extérieures, de l’Union européenne et de la coopération ; du Ministère de la Présidence, de la justice et des relations avec les Cortes ; du Ministère de l’éducation, de la formation professionnelle et des sports ; et du Ministère des droits sociaux, de la consommation et du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

 

Cet après-midi à 15 heures, le Comité examinera un rapport de suivi concernant le Royaume-Uni.

 

Aperçu du débat

Dialogue entre la société civile et les membres du Comité

MME CARMEN OCAÑA GÓMEZ, de l’association SOLCOM, a notamment critiqué le manque de protocole pour intégrer systématiquement les enfants handicapés dans le système éducatif général espagnol, les initiatives dans ce domaine dépendant uniquement de la bonne volonté de certains enseignants. D’autre part, le système en place ne favorise pas l’acquisition des connaissances par les enfants handicapés, le programme qui leur est offert n’enseignant pas ce qu’il faut pour leur permettre de développer toutes les compétences nécessaires à la réussite de la scolarité.

En Espagne, a poursuivi la représentante, le Gouvernement et la classe politique ne s'engagent pas en faveur de l'inclusion des enfants handicapés, tandis que les services d’inspections pédagogiques, loin de surveiller d'éventuelles pratiques d'exclusion, les justifient. La représentante a toutefois mentionné des progrès ponctuels dans l’accessibilité physique des salles de classe.

Une autre représentante de l’association SOLCOM a déploré, pour sa part, l’augmentation de plus de 20% ces dernières années du nombre d’enfants handicapés scolarisés dans des écoles ou dans des classes séparées, en général contre l’avis exprimé par les enfants et leurs parents. La loi sur l’éducation inclusive, adoptée il y a trois ans, soit neuf ans après la ratification de la Convention par le pays, prévoit un plan d’intégration des enfants handicapés sur dix ans ; mais aucun détail n’est connu au sujet de l’application concrète de cette loi, ni sur son financement, a fait observer la représentante. Quant aux communautés locales, a-t-elle également regretté, elles maintiennent elles aussi des classes et écoles séparées pour les enfants handicapés tout en affirmant œuvrer à l’éducation inclusive. Il est urgent que l’Espagne adapte les normes et institutions d’éducation aux exigences de la Convention, a insisté la représentante.

Le Secrétariat du Comité a ensuite lu de nombreux témoignages d’élèves handicapés confrontés à l’exclusion, à la discrimination et à des maltraitances dans les écoles en Espagne, ainsi qu’à l’indifférence des autorités scolaires.

MME AMALIA GAMIO RIOS, corapporteuse pour le rapport d’enquête du Comité sur l’Espagne, a regretté que l’Espagne n’ait pas respecté les recommandations faites par le Comité en 2018, dans son rapport établi au terme de sa visite dans le pays, concernant l’exclusion des enfants handicapés et la persistance du modèle médical du handicap. Le Comité est préoccupé, en particulier, par le fait que la loi sur l’éducation inclusive mentionne toujours l’existence de centres d’éducation spécialisée, a indiqué l’experte.

MME ROSA IDALIA ALDANA SALGUERO, corapporteuse pour le rapport d’enquête du Comité sur l’Espagne, a fait part de sa préoccupation devant le fait que nombre d’élèves handicapés ne bénéficient pas du soutien nécessaire pour suivre une scolarité complète puis une formation supérieure. Elle a en outre relevé que les parents d’enfants handicapés n’arrivaient pas à faire valoir les droits que leur confère pourtant la Constitution espagnole. L’experte a demandé aux organisations de la société civile dans quelle mesure les interprètes en langue des signes sont effectivement disponibles dans les écoles espagnoles.

Une autre experte membre du Comité a demandé s’il y avait en Espagne un gouvernement local ayant une pratique de la Convention qui puisse servir d’exemple pour le reste du pays.

D’autres questions des membres du Comité ont porté sur les options ouvertes aux élèves handicapés qui ne parviennent pas à obtenir leur diplôme.

Dans leurs réponses aux questions des experts du Comité, les représentantes de la société civile ont regretté que les plans d’application des lois sur l’inclusion soient insuffisants et ne disposent pas des budgets nécessaires. Elles ont déploré une absence de volonté d’amélioration structurelle du système éducatif, hormis des ajustements positifs mais ponctuels, de même qu’un manque de volonté de donner aux élèves handicapés les outils dont ils ont besoin, y compris la possibilité d’utiliser la langue des signes, pour suivre leur scolarité comme les autres élèves.

Barcelone et Valence ont mis en place des directions générales chargées de l’inclusion des élèves, mais ces deux communautés sont paradoxalement en tête des statistiques nationales concernant le nombre d’enfants scolarisés dans des classes séparées, a-t-il été relevé. Une représentante a condamné ce qu’elle a qualifié d’augmentation de la ségrégation des enfants handicapés depuis la ratification de la Convention par l’Espagne.

Plusieurs experts ont fait part de leur surprise devant la situation décrite par les organisations au sujet de l’Espagne, qui est généralement considérée comme pionnière dans l’application de la Convention.

Dialogue avec le mécanisme indépendant de suivi de l’application de la Convention en Espagne 

M. GREGORIO SARAVIA, du CERMI, mécanisme indépendant de suivi de l’application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées en Espagne, a regretté que le droit à l’éducation inclusive ne soit pas une réalité tangible en Espagne et que le pays n’ait pas éliminé la ségrégation contre les enfants handicapés dans l’éducation ordinaire. Il reste toujours en effet des écoles qui n’appliquent pas les règles sur l’éducation inclusive, tandis que les enseignants, de même que le personnel parascolaire, ne reçoivent pas de formation adéquate dans ce domaine, a regretté le représentant.

M. Saravia a précisé que le CERMI demandait que les enfants handicapés bénéficient d’aides pour pouvoir étudier dans des écoles générales, près de chez eux, avec les mêmes chances que les autres élèves. Le CERMI insiste aussi sur le nécessité d’allouer davantage d’argent à la modification des structures, de même qu’à la fourniture des moyens matériels, indispensables pour donner effet à l’éducation inclusive. M. Saravia a rappelé que la Cour suprême espagnole avait statué que les décisions du Comité des droits des personnes handicapées sont contraignantes pour l’Espagne.

Le Secrétariat du Comité a ensuite diffusé, par vidéo, un témoignage de parents exposant les moyens matériels dont leur fille handicapée a besoin pour suivre la même scolarité que ses camarades, mais dont elle ne peut bénéficier dans les écoles publiques de l’Estrémadure, où elle vit.

MME GAMIO RIOS a regretté que l’État espagnol ne donne pas l’appui nécessaire aux élèves pour qu’ils puissent suivre une éducation inclusive. Elle a relevé que le CERMI avait reçu de nombreuses plaintes à ce propos.

MME ALDANA SALGUERO a voulu savoir si l’État aidait matériellement les parents qui s’opposent à ce que leur enfant handicapé soit scolarisé dans un centre d’éducation ségrégué.

D’ autres experts du Comité ont voulu savoir dans quelle mesure les organisations de la société civile participaient aux activités de sensibilisation autour de la Convention.

Le représentant du CERMI a précisé que la société espagnole n’était pas d’accord sur la manière d’appliquer la Convention et en particulier sur le principe de l’éducation inclusive. Dans ce contexte, certains parents, confrontés à de grandes difficultés pour scolariser leurs enfants handicapés dans le système général, insistent pour les placer dans des centres spécialisés, une démarche que le CERMI ne peut condamner, a indiqué son représentant. Le CERMI regrette que le rôle des assistants personnels pour élèves handicapés soit sous-exploité dans les classes espagnoles, a-t-il ajouté.

Le CERMI a par ailleurs conscience que les familles et les autorités espagnoles n’ont pas la même perception de l’urgence de prendre des mesures pour l’éducation inclusive, a poursuivi le représentant. Il a jugé déplorable l’adoption par les autorités madrilènes d’une loi prévoyant, entre autres, l’ouverture de trois nouvelles écoles séparées pour élèves handicapés.

Le CERMI, a ajouté le représentant, s’efforce de faire diffuser par la société civile, à l’intention des autorités, des messages communs relatifs aux besoins des enfants handicapés et, plus généralement, à la nécessité d’appliquer les dispositions de la Convention dans toute l’Espagne, y compris les recommandations générales du Comité.

Dialogue avec l’État partie

MME AURORA DÍAZ-RATO REVUELTA, Représentante permanente de l’Espagne auprès des Nations Unies à Genève, cheffe de la délégation espagnole, a d’abord indiqué que l’Espagne avait suivi les recommandations du Comité pour donner effet aux dispositions de la Convention, et a assuré de la volonté des autorités espagnoles de réaliser pleinement les droits des personnes handicapées.

La délégation espagnole a ensuite relevé qu’en 2017, on comptait en Espagne 4176 centres d’éducation spéciale et plus de 23 000 écoles ordinaires : depuis lors, on a construit quatre centres de plus mais, a fait valoir la délégation, on a enregistré parallèlement une baisse de la proportion d’élèves handicapés qui y sont scolarisés, à 16%, soit moins que la moyenne européenne.

La délégation a ensuite mentionné les efforts de l’État central pour coordonner les politiques territoriales en matière d’éducation inclusive et de lutte contre la ségrégation des élèves pour quelque motif que ce soit. La délégation a en outre attiré l’attention sur la création par les autorités d’un forum pour l’éducation inclusive des enfants handicapés ; sur l’application de programmes de détection précoce des enfants handicapés ; et sur l’augmentation des budgets consacrés à l’éducation, y compris l’éducation inclusive.

La délégation a d’autre part souligné les efforts de l’État pour ce qui est de la prise en charge professionnelle spécialisée des élèves handicapés ou encore de l’octroi de bourses pour l’éducation inclusive pour un montant total de plus de 130 millions d’euros.

La délégation a ensuite cité plusieurs initiatives lancées immédiatement après le rapport d’enquête du Comité, mais a fait observer que les réformes qui ont été lancées ont été ralenties par le contexte politique, par des résistances parmi le corps enseignant, de même que par les dynamiques à l’œuvre au sein des communautés locales.

La délégation a évoqué de nouvelles mesures prises par les autorités locales pour favoriser l’application de la loi organique sur l’éducation inclusive, concernant notamment l’adaptation et l’évaluation systématique de l’efficacité des programmes personnalisés destinés aux enfants ayant des besoins pédagogiques spéciaux. D’ici à dix ans, les centres d’enseignement ordinaires devront assurer aux élèves handicapés les mêmes conditions d’apprentissage qu’aux autres élèves, a souligné la délégation.

Enfin, la délégation a tenu à insister sur la collaboration du Gouvernement avec la société civile, y compris le CERMI, et sur les initiatives des autorités en vue de lutter contre la maltraitance des enfants handicapés.

MME GAMIO RIOS a rappelé que les enquêtes du Comité ont pour but d’aider les États parties à mieux appliquer la Convention. Elle a constaté que la loi espagnole parle d’élèves ayant besoin d’une « éducation particulière » et prévoit que les jeunes handicapés peuvent être astreints à une éducation spécialisée jusqu’à l’âge de 21 ans, ce qui – a-t-elle souligné – n’est pas conforme à la Convention.

L’experte a ensuite cité ce qu’elle a estimé être des contradictions dans les politiques appliquées par certaines communautés autonomes en matière de scolarisation inclusive des élèves handicapés.

Mme Gamio Rios a par ailleurs demandé ce qui était fait en Espagne pour renoncer à l’application du modèle médical dans l’évaluation du degré de handicap.

L’experte a en outre regretté l’ouverture de nouvelles écoles spécialisées en Espagne, alors même que l’État affirme qu’il n’existe pas de ségrégation à l’encontre des enfants handicapés. Elle a voulu savoir ce que l’État ferait pour fermer, à terme, les écoles séparées pour enfants handicapés et favoriser les aides personnalisées aux élèves handicapées.

MME ALDANA SALGUERO a elle aussi regretté que, dans l’ensemble, l’Espagne mise toujours sur l’éducation spécialisée au lieu de sensibiliser davantage à l’éducation inclusive. Elle a demandé dans quelle mesure les élèves handicapés pouvaient utiliser la langue des signes à l’école et ce qu’il en était des aménagements raisonnables dans les établissements scolaires.

Répondant aux questions des experts, la délégation a notamment souligné qu’il n’est pas possible d’éliminer du jour en lendemain les structures d’éducation séparée, ce que reviendrait à supprimer tout soutien à de nombreux garçons et filles. Elle a ensuite insisté sur le fait que le Gouvernement ne tenait pas à perpétuer l’éducation spéciale et qu’il œuvrait résolument à la réalisation de l’éducation inclusive.

Il a en outre été précisé que les communautés autonomes devaient, de par la loi, disposer de budgets pour recruter des assistants en langue des signes.

 

 

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel. 

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CRPD24.009F