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Examen de la Bulgarie devant le CERD : la situation des minorités ethniques, en particulier des Roms, ainsi que celle des migrants et des demandeurs d’asile sont au cœur du dialogue

Compte rendu de séance

 

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a examiné hier après-midi et ce matin le rapport soumis par la Bulgarie au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Il ressort des rapports périodiques que présente la Bulgarie que de nombreuses mesures institutionnelles et politiques ont été adoptées par l'État partie en vue d'éliminer la discrimination raciale à l'égard des Roms, a relevé une experte membre du Comité. Cependant, a-t-elle fait observer, d’autres rapports font état de la marginalisation persistante des Roms dans tous les domaines de la vie, y compris dans la vie publique et politique. Le Comité s'inquiète notamment de l'impossibilité pour un grand nombre de membres de la communauté rom d'obtenir des documents d'identité, en raison notamment des difficultés rencontrées pour enregistrer leur lieu de résidence, ce qui a entraîné pour eux un manque d'accès à l'éducation, au travail, aux soins de santé, au vote, à la libre circulation et à l'enregistrement des naissances de leurs enfants, a souligné l’experte.

Les minorités ethniques, en particulier les Roms, continuent d'être victimes de discrimination dans la société bulgare, a insisté cette même experte. Elle a souhaité savoir pourquoi les autorités bulgares ont refusé de reconnaître l'existence d'une minorité de Macédoniens et de Pomaks autoproclamés en Bulgarie et pourquoi les tribunaux ont continué de refuser l'enregistrement du parti politique OMO Ilinden, qui cherche à obtenir la reconnaissance légale d'une minorité ethnique macédonienne en Bulgarie. L’experte a par ailleurs souligné qu’en Bulgarie, les campagnes électorales doivent être menées en langue bulgare, ce qui crée des difficultés pour la représentation des minorités non bulgares. En outre, a ajouté l’experte, des informations dont dispose le Comité font état de préoccupations au sujet de langues minoritaires menacées de disparition, telles que le tatar de Crimée , le romani et le gagaouze, ainsi qu’au sujet de l'absence de mesures prises pour préserver, protéger et promouvoir les langues et les cultures minoritaires.

Une autre experte a fait observer que dans son rapport de l’année dernière, l’Ombudsman avait constaté que le discours de haine est de plus en plus utilisé dans la société bulgare. Cette experte s’est inquiétée que des membres de partis nationalistes d'extrême droite se soient livrés à des discours de haine contre les Roms, les Turcs ethniques, les Juifs, les musulmans, les migrants et les réfugiés, entre autres groupes, en particulier pendant les périodes électorales.

D'après les informations dont dispose le Comité, a ajouté cette même experte, il y a lieu de s'inquiéter de la persistance du profilage racial, des mauvais traitements, des actes de torture, des décès en détention, des abus d'autorité et de l'usage excessif de la force par les responsables de l'application des lois pendant la détention et à l'intérieur des postes de police contre des personnes et des groupes protégés par la Convention, y compris les minorités ethniques et les migrants, en particulier les Roms.

D'après les informations dont dispose le Comité, a également souligné l’experte, l'accès des demandeurs d'asile au territoire bulgare reste très limité, ce qui se traduit par des refoulements systématiques, des violences et des passages illicites de la frontière. Ainsi, des demandeurs d'asile et des migrants, y compris des enfants et des personnes en situation de vulnérabilité, ont été laissés près de la frontière dans des conditions épouvantables, sans accès aux procédures d'asile ni à l'assistance d'urgence (que constitue la fourniture de nourriture, d'eau et d'abris), a précisé l’experte. D'après les rapports dont le Comité est saisi, a-t-elle ajouté, la xénophobie et la discrimination raciale à l'encontre des migrants, des réfugiés, des demandeurs d'asile et des apatrides persistent en Bulgarie.

Présentant le rapport de son pays, M. Yury Sterk, Représentant permanent de la Bulgarie auprès des Nations Unies à Genève, a notamment indiqué que le Gouvernement bulgare mène une politique cohérente visant à prévenir et à éliminer toutes les formes de discrimination. Rappelant qu’un recensement a eu lieu à l'automne 2021, il a souligné que toute personne vivant en permanence sur le territoire de la Bulgarie a la possibilité de déclarer librement, ou non, son appartenance à une confession religieuse et à un groupe ethnique, y compris sa langue maternelle.

Le chef de délégation bulgare a ensuite évoqué la Stratégie nationale de la République de Bulgarie pour l'égalité, l'inclusion et la participation des Roms (2021-2030), dont l'objectif à long terme est d'assurer une égalité effective et de réduire les disparités entre les personnes qui s'identifient comme Roms et le reste de la population. Il a en outre présenté une série de mesures visant à assurer l’accès à l’éducation pour tous les enfants – y compris migrants – sur le territoire bulgare. Actuellement, a-t-il ajouté, le Gouvernement met en œuvre le projet de « Santé pour tous » qui appuiera les politiques du Gouvernement visant à améliorer l'accès aux soins de santé pour les groupes vulnérables. La Bulgarie attache une grande importance à la situation des réfugiés et des migrants dans le pays, a assuré le Représentant permanent, avant de préciser que depuis le 24 février 2022, le nombre d'Ukrainiens entrés en Bulgarie est de 2,1 millions, dont 171 571 sont enregistrés pour une protection temporaire. Pour la période 2021-2027, la Bulgarie met en œuvre un programme national, dans le cadre du Fonds de l'Union européenne « Asile, migration et intégration », qui prévoit le financement d'un large éventail de mesures visant à assurer le soutien aux demandeurs de protection internationale et aux personnes qui en reçoivent une, ainsi qu’aux mineurs non accompagnés, a ajouté M. Sterk.

M. Sterk a d’autre part indiqué qu’en 2020, des amendements ont été adoptés à la loi sur la radio et la télévision, qui ont introduit des mesures plus strictes contre l'utilisation de discours de haine et interdit l'incitation à la violence, à la haine ou aux actes de terrorisme dans les services de médias audiovisuels. En juillet 2023, a-t-il en outre fait valoir, l'Assemblée nationale bulgare a adopté des amendements au Code pénal qui prévoient notamment des peines plus lourdes lorsqu'un acte est commis « sur la base de motifs racistes ou xénophobes ».

Outre M. Sterk, la délégation bulgare était également composée, entre autres, de Mme Ivelina Dundakova, Ministre adjointe de l’intérieur, de M. Nikolay Naydenov, Ministre adjoint du travail et de la politique sociale, ainsi que de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la santé, du Ministère de la justice, du Ministère de l’éducation et des sciences, et de l’Agence d’État pour les réfugiés.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Bulgarie et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 8 décembre prochain.

 

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Viet Nam.

 

Examen du rapport de la Bulgarie

Le Comité est saisi du rapport périodique de la Bulgarie (CERD/C/BGR/23-25).

Présentation du rapport

Présentant ce rapport, M. YURY STERK, Représentant permanent de la Bulgarie auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que la Bulgarie a été l'un des premiers pays à devenir un État partie à la Convention en 1966. Depuis lors, l'État attache toujours une grande importance à la mise en œuvre intégrale des obligations découlant de cet instrument, a-t-il déclaré.

Le Gouvernement bulgare mène une politique cohérente visant à prévenir et à éliminer toutes les formes de discrimination, a souligné le chef de la délégation. La société bulgare elle-même a un solide bilan en matière de création de conditions de respect mutuel, de compréhension et de tolérance, a-t-il déclaré.

Rappelant qu’un recensement a eu lieu à l'automne 2021, le Représentant permanent a souligné que toute personne vivant en permanence sur le territoire de la Bulgarie a la possibilité de déclarer librement, ou non, son appartenance à une confession religieuse et à un groupe ethnique, y compris sa langue maternelle. Les fiches de comptage (pour la collecte de données) et les instructions du Recensement de 2021 ont été élaborées en tenant compte des recommandations actuelles de l'ONU sur la facilitation du cycle du recensement, a précisé M. Sterk.

Le chef de délégation bulgare a ensuite mentionné les développements récents et les nouvelles initiatives en cours concernant la lutte contre le racisme et la discrimination et visant à améliorer la situation des personnes appartenant à des groupes vulnérables. Il a fait observer que ces dernières années la Bulgarie s'était engagée plus activement dans la lutte contre la discrimination au sein des organisations internationales et régionales. Par exemple, a-t-il rappelé, l’une des priorités de la présidence bulgare du Conseil de l'Union européenne était la lutte contre l'antisémitisme, les discours de haine et la xénophobie. En outre, en novembre 2018, la Bulgarie est devenue un État membre de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste.

Le chef de la délégation a poursuivi en indiquant qu’en 2020, des amendements ont été adoptés à la loi sur la radio et la télévision, qui ont renforcé les pouvoirs du régulateur des médias qu’est le Conseil des médias. Les amendements introduisent des mesures plus strictes contre l'utilisation de discours de haine et interdisent l'incitation à la violence, à la haine ou aux actes de terrorisme dans les services de médias audiovisuels, a-t-il précisé.

En juillet 2023, l'Assemblée nationale bulgare a adopté des amendements au Code pénal qui prévoient notamment des peines plus lourdes lorsqu'un acte est commis « sur la base de motifs racistes ou xénophobes ». En 2023, le Code de procédure pénale a également été modifié et complété afin d'élargir la liste des droits procéduraux des victimes, y compris pour les victimes de crimes de haine, de racisme et de xénophobie.

Les institutions nationales des droits de l'homme, à savoir la Commission pour la protection contre la discrimination et l’Ombudsman, redoublent d'efforts pour améliorer leurs systèmes de protection des droits de l'homme et mettent l'accent sur la prévention, a d’autre part indiqué M. Sterk.

Au début de la décennie, le Gouvernement bulgare a élaboré et adopté un certain nombre de stratégies nationales pour lutter contre la discrimination, l'intolérance et le racisme, a poursuivi le Représentant permanent, avant de préciser que ces documents mettent en place un cadre pour garantir l'égalité et la non-discrimination. Le chef de la délégation a notamment mentionné la Stratégie nationale de réduction de la pauvreté et de promotion de l'inclusion sociale à l'horizon 2030 et la Stratégie nationale de la République de Bulgarie pour l'égalité, l'inclusion et la participation des Roms (2021-2030). L'objectif à long terme de cette dernière est d'assurer une égalité effective et de réduire les disparités entre les personnes qui s'identifient comme Roms et le reste de la population.

M. Sterk a également présenté une série de mesures visant à assurer l’accès à l’éducation pour tous les enfants – y compris migrants – sur le territoire bulgare.

Actuellement, le Gouvernement met en œuvre le projet de « Santé pour tous » qui appuiera les politiques du Gouvernement visant à améliorer l'accès aux soins de santé pour les groupes vulnérables, en particulier dans le domaine des soins de santé maternelle et infantile, a ajouté le chef de la délégation.

Une attention particulière est accordée à l'autonomisation des femmes roms et à l'encouragement à la participation des jeunes et des femmes roms, au travers notamment de conseils consultatifs, a-t-il en outre indiqué.

La Bulgarie attache une grande importance à la situation des réfugiés et des migrants dans le pays, a poursuivi le Représentant permanent. Les droits des étrangers en quête de protection en Bulgarie sont garantis par la législation nationale, car le principe de non-discrimination est explicitement stipulé dans la Loi sur l'asile et les réfugiés, a précisé M. Sterk.

La frontière bulgare étant une frontière extérieure de l'Union européenne, le pays est confronté depuis 2014 à une pression extérieure et à un certain nombre de défis, a d’autre part indiqué M. Sterk, avant de souligner que la guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine a encore accru l'ampleur des défis. Depuis le 24 février 2022, le nombre d'Ukrainiens entrés en Bulgarie est de 2,1 millions, dont 171 571 sont enregistrés pour une protection temporaire, a-t-il précisé. La Bulgarie a pris un certain nombre de mesures, notamment par le biais de modifications législatives, pour fournir une protection temporaire aux réfugiés ukrainiens, a-t-il poursuivi. Les citoyens ukrainiens bénéficiant d'une protection temporaire ont pleinement accès au marché du travail, à l'aide sociale, ainsi qu’aux services sociaux, au logement et à l'éducation, a-t-il précisé.

L'intégration des personnes handicapées, la protection des enfants non accompagnés, des enfants et de leurs familles sont une priorité, a-t-il ajouté.

Pour la période 2021-2027, la Bulgarie met en œuvre un programme national, dans le cadre du Fonds de l'Union européenne « Asile, migration et intégration », qui prévoit le financement d'un large éventail de mesures visant à assurer le soutien aux demandeurs de protection internationale et aux personnes qui en reçoivent une, ainsi qu’aux mineurs non accompagnés, a notamment indiqué M. Sterk.

Questions et observations des membres du Comité

MME YANDUA LI, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la Bulgarie, a relevé qu’il y a très peu d'informations dans le rapport concernant des cas spécifiques où les dispositions de la Convention auraient été directement invoquées ou appliquées par les tribunaux nationaux.

Elle a également relevé que d'après les informations dont dispose le Comité, les Roms et les non-citoyens continuent d'être victimes de discrimination dans le système de justice pénale, ce qui entrave leur droit d'accéder à la justice et entraîne la violation de leur droit à une procédure régulière et à une défense adéquate.

L’experte a d’autre part souligné qu’il ne semble pas y avoir dans le Code pénal de distinction entre les crimes perpétrés par les hooligans et les crimes commis pour des motifs racistes ou xénophobes, ce qui empêche de connaître le nombre de crimes commis sous des motifs racistes ou xénophobes. Elle a demandé pourquoi le législateur avait décidé de lier ces différents crimes.

Qu’en est-il de l’intention des autorités d'adopter un plan d'action national unifié contre le racisme et la discrimination raciale, a d’autre part demandé Mme Li ?

L’experte s’est félicitée que l’Ombudsman (ou Médiateur) ait été officiellement accrédité auprès de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme (GANHRI) en tant qu'institution nationale des droits de l'homme avec le statut « A » de pleine conformité aux Principes de Paris. Elle a souhaité connaître le nombre de plaintes pour discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique ou nationale déposées devant ce Médiateur.

Mme Li a ensuite relevé que la Commission pour la protection contre la discrimination était l'institution la plus reconnue par les citoyens pour la prévention et la protection contre la discrimination et la promotion de l'égalité des chances. Elle a souhaité en savoir davantage sur la nature de cette institution, relevant que c’est le Gouvernement bulgare qui la finance et qu’en théorie, elle n'est pas indépendante financièrement.

L’experte a par ailleurs regretté l’absence de données ventilées par origine ethnique en Bulgarie et a souligné que cette absence entrave le suivi régulier et fiable de la situation et la planification des mesures pertinentes, en particulier pour les groupes les plus vulnérables.

Mme Li a par la suite demandé à la délégation pourquoi les autorités bulgares ont refusé de reconnaître l'existence d'une minorité de Macédoniens et de Pomaks autoproclamés en Bulgarie et pourquoi les tribunaux ont continué de refuser l'enregistrement du parti politique OMO Ilinden, qui cherche à obtenir la reconnaissance légale d'une minorité ethnique macédonienne en Bulgarie.

L’experte a par ailleurs souligné qu’en Bulgarie, les campagnes électorales doivent être menées en langue bulgare, ce qui crée des difficultés pour la représentation des minorités non bulgares. La participation des Roms est entravée par ces règles, ce qui a conduit à leur sous-représentation, a-t-elle insisté, faisant observer que les petits partis roms sont actifs mais ne détiennent pas de sièges au Parlement. Les minorités ethniques, en particulier les Roms, continuent d'être victimes de discrimination dans la société bulgare, a déploré la rapporteuse. Elle a invité la délégation à fournir des informations plus précises sur le nombre de sièges occupés par les minorités ethniques au Parlement.

D'après les informations dont dispose le Comité, il existe également des préoccupations au sujet de langues minoritaires menacées de disparition, telles que le tatar de Crimée, le romani et le gagaouze, ainsi qu’au sujet de l'absence de mesures prises pour préserver, protéger et promouvoir les langues et les cultures minoritaires, a en outre relevé l’experte.

Mme Li s’est ensuite longuement attardée sur la situation de la communauté rom en Bulgarie. Il ressort des rapports périodiques que présente la Bulgarie que de nombreuses mesures institutionnelles et politiques ont été adoptées par l'État partie en vue d'éliminer la discrimination raciale à l'égard des Roms, a-t-elle observé ; cependant, a-t-elle ajouté, d’autres rapports font état de la marginalisation persistante des Roms dans tous les domaines de la vie, y compris dans la vie publique et politique. Le Comité s'inquiète par ailleurs de l'impossibilité pour un grand nombre de membres de la communauté rom d'obtenir des documents d'identité, en raison des difficultés rencontrées pour légaliser leurs maisons et enregistrer leur lieu de résidence, ce qui a entraîné pour eux un manque d'accès à l'éducation, au travail, aux soins de santé, au vote, à la libre circulation et à l'enregistrement des naissances de leurs enfants.

L’experte a aussi indiqué que selon d’autres informations, le taux d’élèves roms fréquentant les crèches et les jardins d’enfants est très faible. La ségrégation dans l'éducation est un facteur majeur de privation d'éducation et de violation des droits fondamentaux, a-t-elle rappelé. Le manque de données sur la situation des Roms dans le domaine de l'emploi et de l'éducation suscite des préoccupations, a ajouté Mme Li.

L'économie informelle bulgare attire une grande partie de la population rom, des membres des minorités ethniques et d'autres groupes vulnérables, a poursuivi l’experte, avant de souligner que le taux élevé d'informalité conduit à des emplois de mauvaise qualité et à un manque de protection des travailleurs.

Par ailleurs, le Comité est informé que les Roms en Bulgarie sont souvent confrontés à des conditions de logement difficiles, notamment à des logements insalubres et à des campements informels, parfois délabrés, avec un accès très limité aux infrastructures de base ou aux services essentiels, tels que les transports publics, l'aide médicale d'urgence, la collecte des déchets et, pour certains, l'approvisionnement en électricité et en eau, a également indiqué Mme Li, avant de déplorer une fréquente ségrégation de facto en matière de logement, avec des quartiers principalement habités par des Roms – quartiers desquels les non-Roms s'en vont.

En outre, le Comité a été informé que les mesures de confinement liées à la COVID-19 ont empêché de nombreux Roms d'accéder aux services de base en 2020 et 2021. De plus, les exigences en matière d'apprentissage en ligne durant cette période ont affecté de manière disproportionnée la population rom en raison d'un manque généralisé d'accès à Internet pour cette dernière. D'après les rapports dont dispose le Comité, l'intolérance et la discrimination ont été largement dirigées contre les minorités roms pendant la pandémie de COVID-19, s’est inquiétée Mme Li, qui a repris l’exemple de quartiers roms aspergés, par hélicoptères, de désinfectants.

MME FAITH DIKELEDI PANSY TLAKULA, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la Bulgarie, a relevé que le Code pénal avait été amendé par l'Assemblée nationale en 2022 et a souhaité savoir si cette modification concernait également la définition du discours de haine conformément à l'article 4 de la Convention – et par là-même, si avait été mise en œuvre la recommandation du Comité visant la modification de la loi sur la protection contre la discrimination afin d'y inclure la définition du discours de haine conformément à l'article 4 de la Convention.

Mme Tlakula a également relevé que dans son rapport de l’année dernière, l’Ombudsman avait constaté que le discours de haine est de plus en plus utilisé dans la société ; selon ce rapport, a-t-elle ajouté, les victimes de crimes de haine se sentent découragées par le manque de compréhension et par le fait que les institutions en Bulgarie ne reconnaissent pas les crimes de haine et les qualifient d’hooliganisme. L’experte a, dans ce contexte, souhaité savoir quels pouvoirs supplémentaires ont été conférés au Conseil des médias pour lutter contre les discours de haine et l’incitation à la violence. Elle a également souhaité connaître les mesures adoptées pour lutter contre les discours de haine et les crimes de haine sur Internet, y compris sur les plates-formes de médias sociaux.

L’experte s’est également inquiétée que des membres de partis nationalistes d'extrême droite se soient livrés à des discours de haine contre les Roms, les Turcs ethniques, les Juifs, les musulmans, les migrants et les réfugiés, entre autres groupes, en particulier pendant les périodes électorales.

Mme Tlakula a également demandé des statistiques sur les cas de discours de haine et d'incitation à la haine raciale et à la violence dans les médias ayant fait l'objet d'une enquête.

Elle s’est par ailleurs enquise des mesures prises pour prévenir la discrimination raciale, y compris la violence à caractère raciste et le profilage racial par les responsables de l'application des lois. D'après les informations dont dispose le Comité, il y a lieu de s'inquiéter de la persistance du profilage racial, des mauvais traitements, des actes de torture, des décès en détention, des abus d'autorité et de l'usage excessif de la force par les responsables de l'application des lois pendant la détention et à l'intérieur des postes de police contre des personnes et des groupes protégés par la Convention, y compris les minorités ethniques et les migrants, en particulier les Roms, a indiqué Mme Tabula.

Mme Tlakula a par la suite relevé que selon les informations qui ont été fournies au Comité, l'année 2023 marquerait la dixième année consécutive sans aucune aide de l’État à l'intégration des familles et des enfants réfugiés, les exposant ainsi à divers risques tels que la misère, l'exploitation et la ségrégation.

D'après les informations dont dispose le Comité, a poursuivi l’experte, l'accès des demandeurs d'asile au territoire bulgare reste très limité, ce qui se traduit par des refoulements systématiques, des violences et des passages illicites de la frontière. Ainsi, des demandeurs d'asile et des migrants, y compris des enfants et des personnes en situation de vulnérabilité, ont été laissés près de la frontière dans des conditions épouvantables, sans accès aux procédures d'asile ni à l'assistance d'urgence (que constitue la fourniture de nourriture, d'eau et d'abris), a précisé Mme Tlakula, avant de déplorer un usage excessif de la force par les forces de l'ordre contre les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile, entraînant des blessures et des lésions corporelles. Le Comité a aussi été informé que des ressortissants de certains pays – notamment de l'Afghanistan, de l'Algérie, du Bangladesh, du Maroc et de la Tunisie – ont été déboutés sans procédure régulière. D'après les rapports dont le Comité est saisi, la xénophobie et la discrimination raciale à l'encontre des migrants, des réfugiés, des demandeurs d'asile et des apatrides persistent dans l'État partie, a en outre relevé l’experte.

Le Comité a également été informé que les autorités bulgares ont procédé à des refoulements illégaux de demandeurs d'asile à la frontière bulgare avec la Türkiye, sans suivre la procédure requise, a ajouté Mme Tlakula.

Mme Tlakula s’est par ailleurs enquise des mesures prises pour mettre fin à la détention obligatoire, immédiate et pour de longues périodes, des migrants sans papiers, y compris des enfants.

Un autre expert membre du Comité a demandé pourquoi les Roms avaient particulièrement été contrôlés lors des mesures de confinement prises dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

Cet expert s’est également inquiété des manifestations de racisme durant les grandes manifestations sportives, avec notamment le recours à des cris de singes ou la mise en avant de symboles nazis.

Réponses de la délégation

La délégation a présenté différents cas concrets où des dispositions de la Convention ont été invoquées directement devant les tribunaux bulgares. Elle a par ailleurs souligné que les traités internationaux ratifiés par la Bulgarie font partie intégrante de la législation nationale bulgare et ont la primauté sur le droit national.

Des mesures sont prises afin de veiller à ce que la définition des crimes et discours de haine qui figure dans la loi sur la protection contre la discrimination et dans le Code pénal corresponde à celle figurant dans la Convention et reprenne l’ensemble des motifs de discrimination qui y sont inscrits.

Le cadre juridique bulgare permet de lutter efficacement contre les crimes et discours de haine, a assuré la délégation. Elle a par ailleurs indiqué qu’une conférence nationale sur le thème « Halte aux discours de haine » avait été organisée en 2022, qui a permis de rassembler des magistrats, ainsi que des représentants de multiples institutions et organisations non gouvernementales et de différentes religions.

La lutte contre les discours et les crimes de haine constitue une priorité pour le Ministère de l’intérieur, a par la suite affirmé la délégation, avant de préciser que ce Ministère avait créé en son sein une direction chargée de la cybercriminalité.

La délégation a en outre souligné que deux candidats lors des dernières élections avaient été condamnés pour discours de haine proférés lors de la campagne électorale.

Par ailleurs, le racisme dans le sport est pris très au sérieux par les autorités bulgares, a assuré la délégation. Les fédérations sportives doivent imposer des amendes aux clubs ayant pris part à des discours racistes ou haineux. Des contrôles sont en outre effectués à l’entrée des stades pour interdire aux supporters d’apporter des drapeaux ou des symboles interdits, a souligné la délégation.

La délégation a reconnu qu’à l’occasion d’un match de football, en 2020, certains supporters bulgares avaient eu recours à des messages haineux et racistes à l’encontre de supporters anglais. La réponse des autorités a été très ferme, a-t-elle assuré. Les auteurs de ces messages ont été arrêtés et poursuivis ; ils ont reçu des amendes ou ont été interdits de stade, a-t-elle précisé. La délégation a ajouté qu’elle n’avait pas eu connaissance d’autres incidents de ce type après ce match.

Plusieurs mesures sont par ailleurs prises pour lutter contre la discrimination sous toutes ses formes, a ajouté la délégation. Le principe de non-discrimination est garanti au niveau constitutionnel de la manière la plus catégorique qui soit, a-t-elle souligné. De même, le Code pénal a été amendé afin de répondre pleinement à l’objectif de lutter contre les discriminations dans le pays, a-t-elle souligné.

Évoquant les mesures prises pour sensibiliser le public à la non-discrimination, la délégation a précisé que plusieurs instances – parmi lesquelles figure la Commission pour la protection contre la discrimination – travaillent dans le domaine de la sensibilisation. Des campagnes nationales sont organisées chaque année afin de sensibiliser aux défis liés à la discrimination. Plus de 400 spots radio sont diffusés dans tout le pays dans le cadre de ces campagnes et les écoles sont aussi mobilisées.

En ce qui concerne la Commission pour la protection contre la discrimination et son indépendance, la délégation a souligné que cette Commission fonctionne en vertu d’une loi qui détermine le mode d’élection de ses membres. Ainsi, a notamment précisé la délégation, cinq membres de la Commission, dont le Président et le Vice-Président, sont nommés par le Parlement. Les membres de la Commission sont élus pour 5 ans et la composition de cette instance doit tenir compte de la répartition ethnique de la population. Par exemple, le Président et le Vice-Président actuels de la Commission sont issus de la communauté rom, a précisé la délégation.

Des particuliers peuvent présenter des plaintes devant la Commission, laquelle est habilitée à prendre des décisions qui peuvent faire l’objet d’un appel devant le pouvoir judiciaire. De 2020 à 2023, La Commission pour la protection contre la discrimination a ouvert 222 affaires sur des motifs liés à l’origine ou à la race, a indiqué la délégation.

D’après les informations du Ministère de l’intérieur, les crimes commis pour des raisons ethniques ou raciales sont isolés dans le pays, a ensuite indiqué la délégation. Les autorités étudient la possibilité de mettre en place un plan d’action national global contre le racisme et la discrimination, a poursuivi la délégation. Au vu du très faible nombre de crimes commis au motif du racisme, il n’est pas sûr que la meilleure solution soit la création d’un nouveau mécanisme dans ce domaine, a d’autre part affirmé la délégation.

La délégation a indiqué que les recensements en Bulgarie sont organisés en respectant les règlements de l’ONU. Les personnes qui répondent aux questions relatives à l’appartenance ethnique le font sur une base volontaire, a-t-elle souligné.

Au-delà de la procédure pénale, il existe une autre procédure liée aux discriminations dans le domaine du travail, a d’autre part indiqué la délégation, rappelant qu’il existe un certain nombre de dispositions inscrites dans la loi, qui interdisent toute forme de discrimination dans ce domaine. Il est ainsi prévu qu’un employeur qui reçoit une plainte d’un employé pour harcèlement ou discrimination a pour obligation de mener immédiatement une enquête et de prendre toutes les mesures nécessaires pour que le harcèlement cesse. Les dispositions existantes prévoient aussi une peine disciplinaire à l’encontre du harceleur. Si l’employeur ne prend pas les mesures nécessaires, c’est lui qui sera désigné responsable et devra indemniser l’employé harcelé ou discriminé, a indiqué la délégation.

S’agissant des mesures restrictives imposées durant la pandémie de COVID-19, la délégation a assuré qu’elles étaient fondées sur les principes de proportionnalité et de non-discrimination et qu’elles ont été appliquées à tous les groupes de la population sans distinction.

S’agissant de la question des violences policières, la délégation a reconnu qu’il arrive parfois qu’il y ait un excès d’utilisation de la force par les forces de l’ordre. Il y a eu 129 plaintes de ce type en 2022, avec un véritable problème constaté dans 12 de ces affaires. Il n’y a pas eu de cas de violence de la police pour des motifs raciaux, a toutefois tenu à préciser la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que la Constitution et l’ordre constitutionnel bulgares n’adoptent pas la notion de minorités ethniques et religieuses. La Constitution reconnaît que tous les citoyens sont égaux en droits. Néanmoins, a ajouté la délégation, tout citoyen bulgare a la possibilité de s’identifier à une affiliation religieuse ou autre, s’il le souhaite. Les recensements révèlent pleinement cette possibilité pour les citoyens de s’autodéfinir comme ils le souhaitent, notamment comme Macédoniens ou Pomaks, a insisté la délégation

La protection des personnes appartenant aux groupes minoritaires est garantie par la Constitution et par la législation, a insisté la délégation.

S’agissant de l’utilisation de la langue dans les campagnes électorales, la délégation a rappelé qu’il n’y avait qu’une langue officielle en Bulgarie, à savoir la langue bulgare. Cette langue assure la pleine participation de tous les citoyens, y compris durant la période électorale, a-t-elle affirmé. Cela étant, tous les citoyens bulgares ont le droit d’utiliser leur langue maternelle, même si elle est autre que le bulgare, a ajouté la délégation. En outre, les écoles peuvent enseigner d’autres langues que le bulgare, et c’est notamment le cas pour la minorité turque.

La Bulgarie a prévu un cadre stratégique pour l’inclusion des Roms , a ensuite souligné la délégation. Elle a en particulier attiré l’attention sur la Stratégie nationale pour l'égalité, l'inclusion et la participation des Roms (2021-2030), qui prévoit de nombreuses mesures dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, de la formation, du logement, de la lutte contre la discrimination, de la culture et des médias. Une des priorités de cette Stratégie est l’autonomisation des femmes roms, afin de parvenir à long terme à une égalité concrète, a précisé la délégation. La mise en œuvre de la Stratégie sera opérée au travers de plans d’action à plus court terme, a indiqué la délégation. Cette Stratégie s’appuie sur un large processus de planification des mesures à l’échelle nationale et régionale et les plans au niveau des communes sont fondés sur une analyse adéquate des besoins spécifiques des communautés locales, a-t-elle ajouté.

Cette Stratégie comprend un objectif d’amélioration des conditions de logement et vise notamment à améliorer l’accès à une eau de qualité et à l’assainissement, a poursuivi la délégation. Il s’agit également de trouver des solutions efficaces pour mettre fin à la pauvreté énergétique au sein des communautés roms, a-t-elle précisé. Les mesures adoptées sont fondées sur une identification préalable des besoins, avec une implication de tous les acteurs concernés, y compris les organisations représentatives des Roms.

La délégation a par ailleurs fait observer que beaucoup de personnes issues des communautés roms ont été élues lors des élections locales qui ont eu lieu il y a quelques jours en Bulgarie. Les Roms sont aujourd’hui davantage incités à se présenter aux élections, a-t-elle affirmé.

La délégation a en outre présenté plusieurs initiatives prises pour améliorer la participation des personnes vulnérables, notamment des personnes issues de la minorité rom, au marché de l’emploi. Les personnes roms sont encouragées à s’enregistrer auprès des services de l’Agence pour l’emploi afin de bénéficier d’un accompagnement, a notamment indiqué la délégation, avant de faire valoir que davantage de médiateurs pour l’emploi avaient été embauchés récemment. L’objectif est que tous les citoyens aient accès à un emploi décent, a souligné la délégation, avant de préciser qu’un demi-million de personnes allaient être prochainement formées au numérique afin de mieux répondre aux exigences du marché du travail.

La délégation a par ailleurs fait savoir que plusieurs amendements à la loi bulgare qui régit les procédures d’ enregistrement civil seront discutés prochainement ; ces amendements prévoient notamment que les personnes sans adresse fixe pourront désormais avoir une carte d’identité, ce qui devrait faciliter les enregistrements.

La délégation a par ailleurs indiqué que les autorités bulgares prévoyaient d’alléger les procédures d’enregistrement des organisations non gouvernementales . En aucun cas il n’y a de restrictions à l’enregistrement des organisations sur la base de motifs religieux ou raciaux, a assuré la délégation. Elle a insisté sur le fait que les refus d’enregistrement ne sont pas dus à des motifs discriminatoires et qu’il n’y a pas de ciblage de groupes minoritaires. De plus, tout refus peut faire l’objet d’un appel, a-t-elle souligné.

S’agissant de la situation des non-ressortissants, la délégation a indiqué que les personnes qui demandent à bénéficier d’une protection voient leurs droit garantis par la législation nationale et européenne, notamment pour ce qui est des principes de non-discrimination et de non-refoulement. Durant la procédure qui accompagne la demande de protection internationale, les demandeurs ont la possibilité de participer à des cours de langue afin de faciliter leur insertion dans la société bulgare, a ajouté la délégation.

Remarques de conclusion

MME LI a remercié la délégation bulgare pour ce dialogue franc et ouvert qui – a-t-elle indiqué – a permis aux membres du Comité de mieux appréhender la mise en œuvre de la Convention en Bulgarie et servira de base pour la rédaction des observations finales.

M. STERK a indiqué que sa délégation a beaucoup apprécié ce dialogue franc et ouvert. Il a remercié l’ensemble des membres du comité pour cet échange. La délégation bulgare a souhaité, durant ce dialogue, attirer l’attention sur les résultats engrangés par la Bulgarie afin de créer un environnement propice pour toutes les personnes qui vivent sur le territoire bulgare, a-t-il expliqué. Cet échange a été très utile pour le pays car il permettra d’évaluer et d’identifier les domaines où davantage d’efforts doivent être consentis, a souligné le Représentant permanent.

 

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