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La Mauritanie fait beaucoup d’efforts pour les droits des personnes handicapées, mais des préoccupations demeurent, s’agissant notamment de la situation des enfants handicapés, constatent des experts du CRPD

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits des personnes handicapées (CRPD) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial soumis par la Mauritanie au titre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Le Gouvernement mauritanien a été félicité d’avoir adopté l’ordonnance de 2006 portant promotion et protection des droits des personnes handicapées et de soutenir les organisations qui défendent les droits des personnes handicapées. Malgré les dispositions de cette ordonnance, les enfants handicapés restent victimes de discrimination dans plusieurs domaines de la vie, a toutefois fait observer une experte durant le dialogue.  Un expert a souligné que le Comité avait été informé que nombre d’enfants handicapés ne sont pas inscrits à l’état civil, alors même que cette démarche est la condition d’obtention de la carte pour personne handicapée.  Tout en estimant que les réponses données par la délégation montrent que le pays fait beaucoup d’efforts pour les droits des personnes handicapées, un membre du Comité a fait remarquer que certains enfants handicapés n’arrivaient pas à aller à l’école et s’est interrogé sur le degré d’accessibilité des établissements scolaires en Mauritanie.

Insistant sur l’importance que le Comité accorde à la lutte contre la discrimination envers les personnes handicapées, un expert a estimé qu’en Mauritanie, les dispositions juridiques actuelles contre la discrimination n’intégraient pas de manière suffisamment explicite cette forme de discrimination. L’un des éléments les plus importants est ici la notion d’aménagements raisonnables, leur refus devant être considéré comme une forme de discrimination, a-t-il insisté.  Au cours du dialogue, il a été recommandé que la Constitution mauritanienne soit modifiée pour y inclure l’interdiction de la discrimination envers les personnes handicapées.  Un expert a regretté la persistance, dans les lois mauritaniennes, de définitions et expressions dénigrantes envers les personnes handicapées et une experte s’est enquise des mesures prises pour réduire la stigmatisation dont les personnes handicapées en général sont victimes.

Les autorités mauritaniennes ont par ailleurs été appelées à tenir compte des besoins des femmes dans toutes les mesures destinées aux personnes handicapées, de même qu’à créer un mécanisme de détection précoce des violences envers les femmes et les filles.

Une experte a indiqué que le Comité avait été informé que des personnes handicapées placées dans des institutions en Mauritanie y avaient été victimes de traitements inhumains, cruels ou dégradants, y compris des violences sexuelles.

À l’issue du dialogue, la volonté du Gouvernement de tenir compte des recommandations du Comité a été saluée. Les réponses données par la délégation montrent que le pays fait beaucoup d’efforts pour les droits des personnes handicapées, a affirmé un expert.

Présentant le rapport de son pays, Cheikh Ahmedou Sidi, Commissaire aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile de la Mauritanie, a fait état de l’adoption de plusieurs textes de loi destinés à intégrer la Convention dans le corpus juridique au niveau national. Il a attiré l’attention sur l’introduction de sièges réservés aux personnes handicapées au Parlement et d’un quota de 5% de personnes handicapées dans le monde du travail, évoquant en outre la création d’une instance chargée du bien-être des enfants handicapés ainsi que l’adoption de décrets concernant l’accès aux bâtiments publics, aux transports et aux contenus des médias.

M. Sidi a aussi fait état de la Stratégie pour les personnes handicapées 2022-2030 – axée sur l’égalité, l’accessibilité et l’accès à l’emploi, à l’éducation et à la sécurité sociale – ainsi que d’une stratégie pour les enfants handicapés. Le Commissaire a indiqué que le Gouvernement menait des campagnes de sensibilisation aux droits des personnes handicapées dans toutes les provinces et qu’il avait pris plusieurs mesures en faveur de la santé des personnes handicapées.

Pour sa part, M. Ahmed Salem Bouhoubeyni, Président de la Commission nationale des droits de l’homme mauritanienne, a estimé que son pays avait accompli d’importants progrès dans la mise en œuvre de la Convention.  Il a néanmoins fait état d’un certain nombre de recommandations que formule La Commission, en particulier : obtenir des statistiques fiables et ventilées par catégories concernant le nombre de personnes handicapées ; mettre en place des microprojets générateurs de revenus pour améliorer les conditions de vie des personnes handicapées afin de les rendre autonomes ; protéger contre l’exploitation les femmes et les enfants handicapés ; ou encore appliquer le décret portant accessibilité des personnes handicapées aux édifices publics et aux moyens de transport.  La Commission souligne aussi que l'inclusion des personnes en situation de handicap dans tous les domaines, et particulièrement dans l'éducation et l'emploi, est largement insuffisante, a ajouté M. Bouhoubeyni.

Outre M. Sidi et plusieurs de ses collègues du Commissariat aux droits de l’homme et à l’action humanitaire, la délégation mauritanienne était également composée, entre autres, de M. Bal Mohamed El Habib, Représentant permanent de la Mauritanie auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère de l’action sociale, de l’enfance et de la famille ; du Ministère de la justice ; du Ministère des affaires étrangères, de la coopération et des Mauritaniens de l’extérieur ; du Ministère de la santé ; et du Ministère de la fonction publique et du travail.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Mauritanie et les publiera à l’issue de sa session, le 8 septembre prochain.

 

À sa prochaine séance publique, lundi 28 août à 15 heures, le Comité se penchera sur le suivi de l’enquête concernant le Royaume-Uni, au titre de l’article 6 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, avant de tenir une réunion informelle avec les États parties à la Convention.

 

Examen du rapport de la Mauritanie

Le Comité est saisi du rapport initial de la Mauritanie (CRPD/C/MRT/1) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui lui avait été soumise par le Comité.

Présentation du rapport

Présentant ce premier rapport de son pays devant le Comité, CHEIKH AHMEDOU SIDI, Commissaire aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile de la Mauritanie, a indiqué que ce document était le fruit d’une consultation entre le Gouvernement, la société civile et la Commission des droits de l’homme.

Après avoir affirmé l’attachement de son pays au respect des droits de l’homme, M. Sidi a fait état de l’adoption de plusieurs textes de loi destinés à intégrer la Convention et ses dispositions dans le corpus juridique et la pratique au niveau national. Il a notamment attiré l’attention sur les décisions relatives à l’introduction de sièges réservés aux personnes handicapées au Parlement et à l’introduction d’un quota de 5% de personnes handicapées dans le monde du travail, évoquant en outre la création d’une instance chargée du bien-être des enfants handicapés, ainsi que l’adoption de décrets concernant l’accès des personnes handicapées aux bâtiments publics, aux transports et aux contenus des médias.

La Constitution mauritanienne consacre le principe de non-discrimination et garantit à tous les citoyens l’égalité devant la loi et l’accès aux emplois et postes publics, a poursuivi M. Sidi. Pour appliquer la Convention, le Gouvernement applique plusieurs stratégies nationales, en particulier la Stratégie pour les personnes handicapées 2022-2030, axée sur l’égalité, l’accessibilité et l’accès à l’emploi, à l’éducation et à la sécurité sociale, de même qu’une stratégie pour les enfants handicapés, accompagnée de l’ouverture de quatre centres de prise en charge spécialisée et de formation. Un centre réservé aux enfants autistes a également été créé.

De plus, le Gouvernement mène des campagnes de sensibilisation aux droits des personnes handicapées dans toutes les provinces, dans les langues nationales, et organise des manifestations, telle que la semaine nationale des personnes muettes, pour mieux faire connaître les droits de cette catégorie de personnes, a indiqué le Commissaire. Le Gouvernement soutient aussi matériellement les organisations représentant les personnes handicapées et fournit des appareils d’assistance, a-t-il ajouté.

M. Sidi a présenté d’autres mesures prises par le Gouvernement en faveur de la santé des personnes handicapées, y compris une assurance de santé pour 3000 d’entre elles. Il a en outre indiqué que le Gouvernement avait créé un mécanisme de collecte des données relatives aux personnes handicapées.

Pour sa part, M. AHMED SALEM BOUHOUBEYNI, Président de la Commission nationale des droits de l’homme mauritanienne, a estimé que son pays avait accompli d’importants progrès dans la mise en œuvre de la Convention, notamment avec l’adoption de nombreux textes législatifs et réglementaires ainsi qu’au travers d’actions visant la promotion des droits des personnes handicapées. La Commission recommande cependant au Gouvernement de poursuivre ses efforts en vue de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque, a-t-il indiqué. La Commission formule à cet égard plusieurs recommandations, en particulier : obtenir des statistiques fiables et ventilées par catégories concernant le nombre de personnes handicapées; mettre en place des microprojets générateurs de revenus pour améliorer les conditions de vie des personnes handicapées afin de les rendre autonomes ; protéger contre l’exploitation les femmes et les enfants handicapés, et tout particulièrement les enfants exploités dans les carrefours de Nouakchott ; ou encore appliquer le décret portant accessibilité des personnes handicapées aux édifices publics et aux moyens de transport.

La Commission, a ajouté M. Bouhoubeyni, rappelle que l’État a l’obligation de prendre les mesures appropriées pour permettre aux personnes handicapées d’accéder au système général de fonctionnement de la société et d’en tirer profit.  La Commission souligne aussi que l'inclusion des personnes en situation de handicap dans tous les domaines, et particulièrement dans l'éducation et l'emploi, est largement insuffisante, a indiqué son Président.

Questions et observations des membres du Comité

M. ABDELMAJID MAKNI, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Mauritanie, a d’abord félicité le Gouvernement d’avoir adopté l’ordonnance de 2006 portant promotion et protection des droits des personnes handicapées en Mauritanie, entre autres dispositions juridiques importantes, de même que de soutenir les organisations qui défendent les droits des personnes handicapées.

L’expert a demandé si le Gouvernement allait ancrer dans la loi le principe de l’équité et de l’égalité pour les personnes handicapées, rendre la définition du handicap conforme à celle donnée par la Convention, et considérer que le refus d’aménagement raisonnable constitue une discrimination à l’égard des personnes handicapées.

M. Makni a posé d’autres questions relatives à l’accès des femmes handicapées aux transports publics et à l’accès des personnes handicapées à l’information. Il a voulu savoir si l’organisme chargé de délivrer les cartes pour personnes handicapées ouvrirait des antennes dans les régions. Toutes ces questions ont pour objet de connaître le degré d’engagement de la Mauritanie envers l’application de la Convention, a indiqué M. Makni.

M. Makni a insisté sur l’importance que le Comité accorde à la lutte contre la discrimination envers les personnes handicapées. Il a estimé qu’en Mauritanie, les dispositions juridiques actuelles contre la discrimination n’intégraient pas de manière suffisamment explicite cette forme de discrimination. L’un des éléments les plus importants est ici la notion d’aménagements raisonnables, leur refus devant être considéré comme une forme de discrimination, a-t-il insisté.

M. Makni a appelé les autorités mauritaniennes à tenir compte des besoins des femmes dans toutes les mesures destinées aux personnes handicapées, de même qu’à créer un mécanisme de détection précoce des violences envers les femmes et les filles. Le corapporteur a demandé ce qui était fait pour lutter contre l’excision, entre autres pratiques qui ont cours dans la région.

M. Makni a par ailleurs souligné que le Comité avait été informé que nombre d’enfants handicapés ne sont pas inscrits à l’état civil, alors même que cette démarche est la condition d’obtention de la carte pour personne handicapée, entre autres prestations indispensables.

M. Makni a en outre recommandé que les médias mauritaniens soient davantage impliqués dans les campagnes de sensibilisation aux droits des personnes handicapées.

Le corapporteur a ensuite demandé que les efforts en matière d’accessibilité portent aussi sur l’accès à l’information. Pendant la COVID-19, a-t-il regretté, nombre de personnes sourdes et aveugles, ou ayant un handicap mental, n’ont reçu aucune information sur la situation.

M. Makni a ensuite voulu savoir comment le Gouvernement favorisait l’exercice par les personnes handicapées, en particulier les personnes sourdes, aveugles et ayant un handicap psychosocial, de leur droit à l’information.

L’expert a en outre demandé quels dispositifs d’assistance existaient pour les personnes handicapées qui ne disposent pas de carte de personne handicapée. Seules 13% des personnes handicapées en Mauritanie disposent effectivement de cette carte, a-t-il été relevé.

Au cours du dialogue, M. ALFRED KOUADIO KOUASSI, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Mauritanie, a estimé que les réponses données par la délégation montrent que le pays fait beaucoup d’efforts pour les droits des personnes handicapées. Il a toutefois fait remarquer que certains enfants handicapés n’arrivaient pas à aller à l’école et s’est interrogé sur le degré d’accessibilité des établissements scolaires en Mauritanie.

M. Kouassi a recommandé que les questions relatives au handicap soient traitées par tous les ministères concernés, y compris le Ministère de l’éducation, et non pas uniquement pas le Ministères des affaires sociales.  Il a aussi voulu savoir combien de personnes handicapées avaient été recrutées par les collectivités locales.

M. Kouassi a ensuite relevé que l’Observatoire national des droits des femmes et des filles ne comprenait pas de femmes handicapées dans sa structure. Il a en outre souligné que les enfants handicapés souhaitent participer aux activités du Conseil de la jeunesse.

Le corapporteur a par ailleurs demandé combien de personnes handicapées étaient actuellement placées sous tutelle, et a souhaité savoir si le système de justice appliquait des aménagements procéduraux en faveur des personnes handicapées.

Un autre expert du Comité s’est enquis des mécanismes existants, en Mauritanie, pour informer les personnes handicapées de tout ce qui se rapporte à la Convention. La délégation a aussi été priée de dire quelle formation était dispensée aux policiers, aux magistrats et aux personnes travaillant dans les secteurs de l'éducation et de la santé, au sujet des droits défendus par la Convention.

Un expert a relevé que la Mauritanie avait apporté plusieurs réserves aux traités internationaux des droits de l’homme, réserves motivées par le respect des principes de la charia. Il a demandé si les femmes handicapées pouvaient être mariées de force en Mauritanie. 

Une experte a voulu savoir si la Stratégie nationale d’institutionnalisation du genre adoptée en 2015 mentionnait explicitement les femmes et les filles handicapées. Une autre experte a demandé quelles mesures de protection étaient prises en faveur des femmes et des filles handicapées, de même que pour réduire la stigmatisation dont les personnes handicapées en général sont victimes.

Une experte a regretté que malgré les dispositions de l’ordonnance 2006-043 du 23 novembre 2006, relative à la promotion et la protection des personnes handicapées, les enfants handicapés restent victimes de discrimination dans plusieurs domaines de la vie. Ces enfants doivent pouvoir accéder, à égalité avec les autres, à tous les programmes et prestations publics, a souligné l’experte.

En ce qui concerne l’accessibilité, un expert a demandé quel était le pourcentage de bâtiments publics, de contenus sur Internet – en particulier sur les sites de l’État – et de transports en commun accessibles aux personnes handicapées.

Une experte a insisté sur le fait que les personnes handicapées doivent pouvoir bénéficier d’aménagements raisonnables et a voulu savoir ce que l’État faisait dans ce domaine. Elle a recommandé que la Constitution soit modifiée pour y inclure l’interdiction de la discrimination envers les personnes handicapées. À ce propos plusieurs experts ont voulu savoir quels mécanismes existaient pour que les personnes handicapées victimes de discrimination puissent demander réparation devant les tribunaux.

Le Comité, a mis en garde une experte, a été informé que des personnes handicapées placées dans des institutions y avaient été victimes de traitements inhumains, cruels ou dégradants, y compris des violences sexuelles. Une autre experte a voulu savoir quelles sanctions s’appliquaient à de tels actes.

La délégation a en outre été priée de dire si le Gouvernement appliquait un programme de désinstitutionnalisation accompagné de mesures en faveur du logement et de l’emploi des personnes handicapées.

Un expert a regretté la persistance, dans les lois mauritaniennes, de définitions et expressions dénigrantes envers les personnes handicapées.

Plusieurs questions des experts ont porté sur l’intégration des personnes handicapées à la conception des mesures de préparation aux situations d’urgence et de catastrophe.

Un expert s’est enquis de ce qui était fait pour que les professionnels de la santé connaissent le modèle du handicap basé sur les droits de l’homme, par opposition au modèle médical traditionnel.

D’autres questions ont porté sur la part d’enfants scolarisés dans les institutions d’éducation inclusive – une experte demandant ce qui était fait pour augmenter le nombre d’enfants inscrits dans les écoles ordinaires – ; sur l’efficacité des programmes de transferts financiers aux familles de personnes handicapées ; ou encore sur la participation des personnes handicapées à l’action du Parlement et du pouvoir exécutif.

Réponses de la délégation

La délégation a d’abord précisé que le Gouvernement mauritanien avait lancé un plan d’action pour harmoniser le droit national avec les obligations du pays au titre des traités internationaux qu’il a ratifiés.

La délégation a aussi dit prendre bonne note de la recommandation faite par une experte du Comité visant à modifier la Constitution. Le principe de non-discrimination est déjà prévu par la Constitution, a-t-elle précisé. De même, la loi condamne déjà toute expression publique qui discrimine une personne en vertu de son handicap, entre autres critères. La discrimination au travail envers les personnes handicapées est également prohibée par la loi, a ajouté la délégation.

Les personnes handicapées qui s’estiment victimes de discrimination ont les mêmes voies de recours juridiques que les autres personnes et la Convention peut être invoquée devant les tribunaux, a ensuite souligné la délégation.

D’autre part, le Gouvernement a créé en 2020 un Observatoire national chargé de signaler toutes les discriminations envers les droits des femmes et des filles, y compris celles qui sont handicapées, a poursuivi la délégation. Les autorités ont aussi pris plusieurs mesures pour intégrer et protéger les droits de la femme handicapée, compte tenu de ses besoins spécifiques, a-t-elle indiqué.

Le Gouvernement est conscient de son obligation de protéger les femmes en situation de handicap contre les violences et contre la traite, a par la suite souligné la délégation. Plusieurs dispositifs existent déjà pour détecter ces violences et pour prendre en charge les victimes, a-t-elle fait valoir, citant notamment la Commission et l’Observatoire, de même que la nouvelle instance de lutte contre la traite des personnes, qui met particulièrement l’accent sur les personnes handicapées. Le Ministère des affaires sociales a aussi ouvert, dans la capitale et dans les régions, des cellules outillées pour accompagner les femmes handicapées victimes de violations de leurs droits. Mais le Gouvernement est conscient que la marge d’amélioration est importante, a admis la délégation.

En ce qui concerne les mutilations génitales féminines, il a été précisé que cette pratique était sanctionnée par la loi, des peines plus lourdes s’appliquant si la victime est handicapée. Le Gouvernement a mis en place une stratégie nationale visant l’abandon volontaire et définitif de l’excision – stratégie qui a obtenu de bons résultats depuis plusieurs années, a souligné la délégation. D’autre part, la pratique des stérilisations forcées n’existe pas en Mauritanie, a-t-elle ajouté.

La délégation a par ailleurs souligné que le Gouvernement attirerait l’attention de la direction de l’Observatoire national des droits des femmes et des filles sur la nécessité d’inclure des femmes handicapées dans sa gouvernance.

La délégation a notamment mentionné l’introduction de quotas de personnes handicapées dans le recrutement dans la fonction publique, cent personnes ayant déjà été embauchées, dont 26 femmes. De même, les partis politiques sont tenus de faire figurer dans leurs listes, en bonne position, des personnes handicapées. Une femme handicapée a été élue au Parlement national.

La délégation a par la suite affirmé que la réglementation contre la discrimination envers les personnes handicapées dans l’emploi était strictement respectée.

La délégation a mentionné d’autres mesures concrètes prises en faveur des personnes handicapées. Ainsi, sur plus de 16 000 bénéficiaires de transferts monétaires, 37% sont des personnes handicapées, a-t-il été précisé, et plus de 1900 femmes et filles ont suivi des formations professionnelles qualifiantes.

Concernant les enfants handicapés, la délégation a indiqué qu’ils avaient droit, de par la loi, à une protection renforcée. Le Gouvernement a aussi créé un conseil national de l’enfance, de même qu’un Parlement des enfants où six jeunes handicapés ont des sièges réservés. Le Gouvernement applique en outre des programmes de transferts réguliers pour plus de 900 enfants polyhandicapés ; et il octroie des bourses à 700 enfants handicapés.

En ce qui concerne les questions d’éducation, la délégation a précisé que les élèves titulaires de la carte de personne handicapée bénéficiaient de mesures de soutien à l’école, de même que de la priorité dans l’octroi des bourses d’études. Elle a mentionné d’autres mesures destinées à renforcer les capacités des enseignants et à soutenir les enfants qui ne peuvent vraiment pas intégrer les écoles générales. La délégation a décrit le fonctionnement de l’école pour aveugles, qui a notamment pour mission de préparer les enfants à intégrer les classes primaires ordinaires, ainsi que le fonctionnement de l’unité chargée des enfants autistes.

Quinze associations de femmes handicapées participent régulièrement aux activités de la Fédération des associations de personnes handicapées, a aussi fait savoir la délégation. Toutes les politiques en faveur des personnes handicapées ont été élaborées en concertation avec cette Fédération, a-t-il été précisé.

Il existe en Mauritanie une association de personnes handicapées atteintes de déficience intellectuelle, a en outre indiqué la délégation.

D’autre part, a ajouté la délégation, la Fédération nationale des associations de personnes handicapées et la Commission nationale des droits de l’homme sont chargées de contrôler le respect des prescriptions en matière d’accessibilité. Les palais de justice, les commissariats, de même que les écoles et les hôpitaux sont accessibles, a assuré la délégation, avant de souligner que quarante formateurs à la langue des signes seront affectés dans les différents services du Gouvernement.

La délégation a également indiqué que le personnel médical était formé aux besoins des personnes handicapées. Tous les nouveaux bâtiments de santé sont soumis aux règlements concernant l’accessibilité des personnes handicapées.

La notion d’aménagements raisonnables figure déjà dans les textes de loi, a en outre indiqué la délégation.

Il a par la suite été précisé que tous les anciens palais de justice ont été adaptés aux besoins des personnes handicapées et que les nouveaux bâtiments contiennent tous des passerelles pour personnes à mobilité réduite. De plus, les personnes sourdes et muettes sont assistées par des personnes qualifiées pendant les procédures.

Le Gouvernement compte parmi ses fonctionnaires environ deux cents personnes handicapées, a ajouté la délégation, avant de souligner que le recrutement dans la fonction publique a entraîné une adaptation des locaux où ces personnes sont affectées. 

La délégation a en outre précisé que tous les enfants ayant des déficiences de mobilité avaient physiquement accès aux bâtiments scolaires. En dehors de ceux dont les situations de handicap requièrent une attention particulière, tous les enfants handicapés fréquentent les mêmes établissements que les autres jeunes, a insisté la délégation.

La sensibilisation aux différents types de handicap, généralisée sur tout le territoire national, a déjà permis de briser certains tabous, a poursuivi la délégation, reconnaissant que la société civile joue un rôle important dans les campagnes menées dans ce domaine par le Commissariat aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile. La délégation a par ailleurs fait savoir qu’une chaîne de télévision consacrait la moitié de ses programmes à des sujets intéressant les personnes handicapées, tandis que le journal télévisé officiel est traduit simultanément en langue des signes.

Quatre membres de la Fédération des associations de personnes handicapées sont membres de la direction de l’instance chargée de la carte pour personnes handicapées, a d’autre part indiqué la délégation. Actuellement, les dossiers de demande de carte sont envoyés par les régions à l’administration centrale qui se charge d’imprimer les cartes et de les remettre aux ayants-droits ; mais la décentralisation de cette instance au niveau des wilayat est prévue, a-t-il été indiqué.

En ce qui concerne l’inscription à l’état civil, la délégation a indiqué que tous les centres d’enrôlement étaient accessibles et que le Gouvernement avait lancé, avec la société civile, une campagne d’enregistrement des enfants non encore inscrits.

Les personnes handicapées jouissent de la capacité juridique à égalité avec les autres personnes et bénéficient de l’aide pour exercer leurs droits à cet égard, a d’autre part indiqué la délégation.

Par ailleurs, le Gouvernement est en train de mettre au point un programme de préparation aux situations de catastrophe qui tient compte des besoins des personnes handicapées par le biais de la Fédération des associations de personnes handicapées, a précisé la délégation.

La délégation a communiqué des informations sur l’acquisition par le Gouvernement d’aides techniques pour personnes handicapées, tels que chaises roulantes ou cannes blanches, ainsi que sur leur distribution au niveau national ; la moitié du matériel est réparti dans les régions, a précisé la délégation. Les subventions accordées aux personnes handicapées leur permettent d’acquérir des aides techniques à des prix très abordables, a-t-elle assuré.

La délégation a précisé que l’accès à une information appropriée était garanti, par la loi sur la presse, à toutes les personnes en Mauritanie. Le sous-titrage et le doublage en langage des signes des émissions de la télévision est disponible, a-t-elle ajouté. Pendant la pandémie, les autorités compétentes ont toujours été intransigeantes quant au respect rigoureux du sous-titrage, a insisté la délégation.

Le Gouvernement a distribué une aide à plus de cent mille ménages pauvres, dont 29 000 ayant au moins une personne en situation de handicap : cette mesure a ainsi bénéficié à quelque 23 000 personnes handicapées, soit la moitié de l’effectif au niveau national. D’autres mesures ont porté sur la création de nouveaux logements.

Le prochain recensement permettra au Gouvernement d’obtenir des données plus précises sur la population handicapée vivant en Mauritanie, a souligné la délégation.

Répondant à d’autres observations des membres du Comité, la délégation a souligné que la Mauritanie appliquait depuis plus de trente ans des moratoires sur l’application de la peine de mort et d’autres châtiments très durs. De plus, la Constitution interdit l’esclavage, une pratique durement sanctionnée par le Code pénal, a-t-elle rappelé.

Des défis demeurent dans l’application de la Convention en Mauritanie, a reconnu la délégation ; mais le Gouvernement, qui en a conscience, est engagé dans un processus d’amélioration continue, a-t-elle conclu.

Remarques de conclusion

M. BOUHOUBEYNI a recommandé que le Gouvernement mauritanien lance une grande campagne de sensibilisation pour faire connaître leurs droits aux personnes handicapées, en particulier pour ce qui concerne le droit à la carte de personne handicapée. Il a aussi préconisé que le système d’aide juridictionnelle soit étendu au domaine pénal et que chaque tribunal soit doté de traducteurs agréés au profit des personnes handicapées.

M. SIDI a assuré que son Gouvernement tiendrait compte des observations du Comité, qui seront diffusées dans le pays et intégrée dans la base de données de l’organisme chargé d’élaborer les rapports dus aux organes de traités. Le Gouvernement ne ménagera aucun effort pour faire respecter les droits des personnes handicapées à tous les niveaux et appliquer les dispositions de la Convention, a-t-il assuré.

M. KOUASSI a fait part de sa satisfaction devant la volonté du Gouvernement de tenir compte des recommandations du Comité.

Enfin, M. MAKNI a jugé le dialogue avec la délégation très fructueux. Il a insisté sur l’importance de faire connaître les recommandations du Comité et de sensibiliser le Gouvernement, la société civile et les parlementaires impliqués dans le processus d’intégration des recommandations dans la législation mauritanienne.

 

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