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Pérou : le Comité des droits de l'homme est préoccupé par l'usage excessif de la force durant les manifestations sociales qui se tiennent depuis plusieurs semaines

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, au cours de séances qui se sont tenues les après-midis de vendredi, lundi et aujourd'hui, le rapport périodique du Pérou sur la mise en œuvre dans le pays du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

La délégation était dirigée par le Ministre de la justice et des droits de l'homme du Pérou, M. José Tello Alfaro, qui a notamment souligné que le Pérou avait vécu des moments difficiles depuis la tentative de coup d'État du 7 décembre 2022, précisant que le pays avait su rapidement mettre en place un gouvernement légitime. Tout en reconnaissant la nécessité pour les citoyens de manifester comme ils l'entendent, surtout au regard des injustices subies de longue date, il a regretté que certaines manifestations aient été l'épicentre de violences et de vandalisme. Le pays a connu des troubles politiques importants et parfois des violences durant les manifestations. Des enquêtes sont en cours sur les cas de décès et de blessures durant la période des troubles et une aide économique a été octroyée aux familles des blessés et des tués durant la période allant du 8 décembre 2022 au 10 février 2023.

Outre M. Tello Alfaro, l'importante délégation péruvienne, qui intervenait pour partie par visioconférence depuis la capitale, était notamment composée du Vice-Ministre des droits de l'homme et de l'accès à la justice au Ministère de la justice et des droits de l'homme, du Vice-Ministre de la gouvernance territoriale auprès de la présidence du Conseil des ministres, du Vice-Ministre de l'ordre intérieur et du Vice-Ministre de la sécurité publique au Ministère de l'intérieur, de la Vice-ministre de la condition féminine au Ministère de la femme et des populations vulnérables, ainsi que d'autres représentants de différents ministères, en particulier des membres de la Mission permanente du Pérou à Genève, dont le Représentant permanent, M. Luis Juan Chuquihuara Chil.

Au cours des échanges, les membres du Comité se sont inquiétés en particulier des conséquences des manifestations sociales qui se déroulent dans le pays depuis décembre 2022, ainsi, notamment, que de cas d'exécutions extrajudiciaires dans certaines villes du pays. D'autres questions ont porté sur des allégations de détentions arbitraires massives et de la violation de l'autonomie de l'université. Il a aussi été noté que la répression semble principalement dirigée contre les peuples autochtones et les paysans, dans des zones particulièrement défavorisées et historiquement soumises à une discrimination structurelle. L'attention du Comité s'est également portée sur l'identification, les poursuites et les sanctions contre les responsables des graves violations des droits de l'homme qui ont été commises entre 1980 et 2000. La question des mesures prises suite aux révélations montrant que 217 000 femmes ont été stérilisées dans le cadre d'une politique d'État massive, obligatoire et systématique a également été abordée.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances à huis clos, des observations finales sur le rapport du Pérou et les rendra publiques à l'issue de la session, qui se termine le 24 mars prochain.

Le Comité des droits de l'homme entame demain après-midi l'examen du rapport périodique de Sri Lanka (CCPR/C/LKA/6). Le dialogue avec cet État partie doit se poursuivre jusqu'au jeudi matin, 9 mars.

Examen du rapport du Pérou

Le Comité des droits de l'homme était saisi du sixième périodique du Pérou (CCPR/C/PER/6), qui contient la réponse de l'État partie à une liste de points à traiter qui lui avait été adressée par le Comité.

Présentation du rapport

M. JOSÉ TELLO ALFARO, Ministre de la justice et des droits de l'homme du Pérou, a rappelé que le Pérou avait vécu des moments difficiles depuis la tentative de coup d'État du 7 décembre 2022. Le pays a su rapidement mettre en place un gouvernement légitime dirigé par Mme Dina Boluarte. Tout en reconnaissant la nécessité pour les citoyens de manifester comme ils l'entendent, surtout au regard des injustices subies de longue date, le ministre a regretté que certaines manifestations aient été l'épicentre de violences et de vandalisme.

Le chef de la délégation a rappelé que la période était douloureuse pour le Pérou, avec des troubles politiques importants et parfois des violences durant les manifestations. Il a attiré l'attention à cet égard sur la création d'une commission multisectorielle temporaire pour enquêter sur les cas de morts et de blessés durant la période de troubles. Une aide économique ponctuelle et exceptionnelle a été octroyée aux familles des blessés et des tués au cours de la période allant du 8 décembre au 10 février 2023.

Malgré cette période difficile, le Gouvernement continue de travailler et d'échanger avec toutes les organisations internationales et les titulaires de mandats onusiens des droits de l'homme. M. Tello Alfaro a reconnu que le taux d'exécution du Plan national des droits de l'homme de 2018 à 2021 n'avait pas dépassé 40% à cause des conséquences de la pandémie de COVID-19. Un nouveau plan national de promotion des droits de l'homme devrait être adopté d'ici la fin de l'année.

Par ailleurs, le premier plan national d'action sur les entreprises et les droits de l'homme 2021-2025, qui fait suite à deux ans de consultations, est en cours d'application. Ce plan promeut les directives des Nations Unies visant à faire respecter les droits de l'homme dans toutes les activités économiques du pays.

Le chef de la délégation a déclaré que, depuis 2019, un plan national d'égalité entre les sexes avait été adopté. Depuis cette date, un système judiciaire spécialisé dans la protection des femmes a été mis en place dont l'objectif principal est de lutter contre les violences faites aux femmes. Les victimes bénéficiant de mesures de protection disposent de mécanismes d'alerte rapide, ce qui a permis de sauver des vies. En outre, des centaines de juges ont été formés à la question de l'égalité des genres. Afin de contribuer à réduire la violence contre les femmes, un programme national baptisé Aurora a été instauré avec une attention particulière aux femmes vivant en milieu rural. Une loi sur la parité a également été adoptée.

Questions et observations des membres du Comité

Un membre du Comité s'est enquis de l'applicabilité des dispositions du Pacte devant les tribunaux péruviens. La délégation pourrait-elle faire état de cas récents démontrant que le Pacte a force de loi au Pérou ?

L'expert a demandé si l'ancien président Pedro Castillo allait bénéficier du respect de tous ses droits. Le tribunal amené à le juger répond-il aux critères d'impartialité et d'indépendance ? Qu'en est-il du respect du droit à un procès dans un délai raisonnable ? L'ancien président bénéficiera-t-il de toutes les garanties procédurales prévues par le Pacte ?

Relevant que le Pérou avait informé le Comité que 49% des objectifs du Plan national des droits de l'homme avaient été atteints dès la première année, l'expert a souhaité connaître la liste des objectifs atteints. Il a aussi voulu savoir si un autre plan était en cours de préparation.

Un expert a demandé si le plan national d'action sur les entreprises et les droits de l'homme avait été rédigé avec le concours des associations de populations autochtones ?

Un autre membre du Comité a demandé si le Défenseur du peuple, en tant qu'institution nationale des droits de l'homme, était statutairement indépendant. S'agissant des mesures imposées pour lutter contre la pandémie, il semblerait que le Défenseur du peuple n'ait pas pu exécuter pleinement sa mission. Il a par ailleurs demandé à la délégation si le Gouvernement s'était saisi du rapport préparé par le Défenseur du peuple au sujet des près de 600 morts durant la période des manifestations de décembre dernier.

Un autre expert a relevé que deux types d'État d'urgence étaient prévus au Pérou, l'un en cas de violences, l'autre en cas de catastrophe naturelle qui, lui, ne prévoit pas de suspension des droits de l'homme. Il a voulu savoir si l'État d'urgence en vigueur aujourd'hui suspendait effectivement certains droits et, si oui, lesquels. L'État d'urgence s'applique-t-il sur l'ensemble du territoire ? L'expert s'est également enquis du rôle de l'armée dans le cadre de l'application de l'État d'urgence, soulignant que donner aux militaires des missions de maintien de l'ordre favorisait les violations des droits de l'homme. Des enquêtes sérieuses sont-elles menées dans les cas où des personnes ont été tuées par l'armée dans les régions où s'applique l'État d'urgence ? L'expert a aussi voulu savoir si les tribunaux militaires étaient habilités à juger des civils.

De nombreuses informations font état d'usage excessif de la force de la part de la police, qui semble agir parfois sans autorisation de la justice, a déclaré un membre du Comité, qui a demandé des précisions à la délégation sur cette question et a voulu savoir si les auteurs de tels débordements sont poursuivis. Il a été par la suite relevé que des allégations faisaient état de l'usage de violence excessive de la part de la police lors de son intervention à l'Université San Marcos en janvier dernier. Une enquête libre et transparente est-elle menée pour faire la lumière sur ces événements ?

Une experte a constaté que la Commission nationale de lutte contre les discriminations, créée en 2013, peinait à faire reconnaître les droits des peuples autochtones et d'ascendance africaine.

En octobre 2020, des lignes directrices ont été publiées pour régulariser un grand nombre de migrants, a salué la même experte. Elle a toutefois constaté des modifications législatives importantes entraînant des discriminations, notamment l'exigence d'obtenir un « visa humanitaire » pour pouvoir entrer dans le pays. Comment les migrants peuvent-ils obtenir un tel document en dehors du pays ? Les discours de haine à l'encontre des migrants, notamment vénézuéliens, ont augmenté, y compris dans les médias de grande écoute et jusqu'à un haut niveau de l'État, a déploré l'experte.

Le Pérou a-t-il l'intention d'interdire les thérapies dites « de conversion » à l'encontre des personnes LGBT, a voulu savoir une experte. Elle a ajouté que les couples de même sexe mariés à l'étranger ne sont pas reconnus au Pérou, regrettant que les discriminations basées sur l'identité de genre et sur l'orientation sexuelle ne fassent pas l'objet d'un traitement spécifique dans le pays.

Les membres du Comité ont par ailleurs voulu savoir quel était le pourcentage de femmes élues, soulignant que des enquêtes ont révélé que 3 candidates sur 10 faisaient l'objet de harcèlement. La délégation peut-elle donner au Comité des chiffres sur le nombre de plaintes déposées pour ces faits et leur issue. Des précisions ont été demandées sur la participation des femmes aux élections nationales. La délégation a par ailleurs été interrogée sur la place des femmes aux postes de décisions dans le secteur privé, notamment dans l'industrie agroalimentaire.

Une experte a demandé quelles mesures avaient été prises face aux 800 cas de féminicides recensés chaque année. Elle a aussi noté que les femmes appartenant à des groupes vulnérables rencontraient les plus grandes difficultés à avoir accès à la justice. Elle a voulu savoir si les centres d'accueil d'urgence pour femmes et les foyers temporaires sont disponibles sur l'ensemble du territoire, notamment dans les zones rurales.

Il a été relevé avec satisfaction que le Pérou avait adopté de nombreux protocoles interinstitutionnels de lutte contre les violences faites aux femmes, notamment au sein du système judiciaire. Les experts ont voulu connaître quel était le ratio entre le nombre de plaintes déposées par des femmes et les condamnations.

Un expert a demandé si des enquêtes pénales avaient été menées pour identifier, poursuivre et punir les responsables des graves violations des droits de l'homme commises entre 1980 et 2000. Il a également souhaité connaître les progrès accomplis et les résultats obtenus dans la mise en œuvre du plan de recherche des personnes disparues.

Il a été demandé à la délégation si des enquêtes pénales avaient été menées pour identifier, poursuivre et punir les responsables des graves violations des droits de l'homme commises entre 1980 et 2000. Quels progrès ont-ils été accomplis et quels les résultats obtenus dans la mise en œuvre du plan de recherche des personnes disparues ? Des questions ont également été posées sur l'application du Plan global des réparations concernant des violations des droits de l'homme commises par le passé.

Une experte a indiqué que, selon les informations reçues, environ 217 000 femmes ont été stérilisées dans le cadre d'une politique d'État massive, obligatoire et systématique visant l'élimination de la pauvreté. Elle a déclaré que ce processus avait été traumatisant et avait laissé des séquelles physiques et psychologiques plus de vingt ans après. Pour leurs partenaires et leur communauté, ces femmes sont considérées comme des « femmes malades ». Elles sont stigmatisées et marginalisées parce qu'elles ont perdu leur faculté de reproduction.

Une autre experte a demandé des informations sur le débat en cours au Parlement autour de la dépénalisation de l'avortement dans tous les cas de viol, ainsi que sur toute mesure prise pour abroger les sanctions pénales infligées aux femmes et aux filles qui subissent un avortement et aux prestataires de services médicaux qui les aident à le faire.

Le Comité demeure préoccupé par les taux de violences sexuelles et de viols dont sont victimes des adolescents, par l'incidence élevée des grossesses forcées et par les taux élevés de mortalité maternelle, qui touchent de manière disproportionnée les femmes rurales, autochtones et à faible revenu.

Un autre membre du Comité a relevé que les changements législatifs sur les différentes législations relatives à la torture ne respectent pas les normes internationales. Il s'est enquis des mesures que compte prendre l'État partie pour prévenir l'impunité et faire en sorte que les auteurs et les commanditaires d'affaires de torture ou d'abus de la force par les forces de l'ordre répondent de leurs actes, ainsi que pour garantir l'accès des victimes à la justice.

L'expert a également relevé qu'à la suite de manifestations motivées par des revendications sociales, il y avait déjà eu 1301 blessés et 48 tués. À cela s'ajoutent plus de 60 meurtres de personnes habitant dans des régions intérieures du pays. Il a par ailleurs été établi que les décès et les blessures causés par des armes à feu provenaient de matériel utilisé par les services de sécurité de l'État. L'expert a dès lors demandé à la délégation de confirmer que, sur ordre du Ministère de la santé et de la police nationale, les informations d'identité des manifestants blessés sont classées dans les hôpitaux publics aux fins de l'ouverture d'enquêtes pénales. Il lui a également demandé des informations sur la liste des personnes tuées dans le cadre des manifestations du 7 décembre 2022 à ce jour, avec une description médico-légale de la cause du décès.

L'expert s'est également enquis des enquêtes ouvertes suite aux massacres et aux exécutions extrajudiciaires dans les villes d'Ayacucho, d'Andahuaylas et de Juliaca, notamment.

Ce même expert a aussi demandé à la délégation quelles étaient les enquêtes actuellement menées par le parquet sur l'usage excessif de la force et l'usage d'armes à feu par la police et les forces armées. Il a aussi demandé des informations sur les enquêtes en cours sur les 608 arrestations effectuées et au sujet desquelles il existe des allégations de détentions arbitraires massives, de violation de l'autonomie de l'université, d'agressions contre des manifestants lors de l'intervention de la police, de personnes brutalement battues pendant leur emprisonnement, notamment.

L'expert a en outre demandé à la délégation de commenter le fait que la répression au Pérou était principalement dirigée contre les peuples autochtones et les paysans, dans des zones particulièrement défavorisées et historiquement soumises à une discrimination structurelle.

En ce qui concerne la loi antiterroriste dont s'est doté le Pérou, l'expert a rappelé que le Bureau du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme avait demandé que la définition du terrorisme au Pérou soit conforme aux normes internationales, afin d'éviter son application arbitraire.

Enfin, l'expert a demandé quelles mesures avaient été prises pour assurer la mise en œuvre immédiate et effective du Mécanisme national de prévention de la torture, relevant du mandat du Défenseur du peuple.

S'agissant de l'accès des peuples autochtones à la justice, à l'aide juridique et aux systèmes de justice traditionnelle, un expert a déploré qu'aucune information dans le rapport n'est fournie sur les mesures adoptées pour assurer un accès effectif à la justice pour tous les habitants, ainsi que pour fournir l'aide juridictionnelle.

Abordant les questions liées au principe de non-refoulement, un autre expert a indiqué que le Défenseur du peuple (médiateur) a déclaré qu'en 2019, plus de 200 Vénézuéliens avaient été expulsés du pays. En décembre 2021, les autorités péruviennes ont apparemment tenté d'expulser 41 Vénézuéliens ; cette mesure n'a pas été exécutée parce que le gouvernement vénézuélien n'a pas autorisé l'atterrissage de l'avion militaire sur son territoire. En avril 2022, 40 femmes migrantes ont été interceptées dans la ville de Piura et expulsées du Pérou vers l'Équateur dans le cadre d'une procédure qui, selon le Défenseur du peuple, ne répondait pas aux normes de protection d'une procédure régulière. Beaucoup de femmes ont été identifiées la nuit précédente dans des clubs et auraient été victimes de traite, d'extorsion, d'exploitation et d'autres crimes.

Cet expert a par ailleurs exprimé la préoccupation du Comité du fait que des procès pour « crimes contre l'honneur » sont fréquemment utilisés pour criminaliser et harceler judiciairement les journalistes, les médias et les éditeurs, en utilisant des dispositions du Code pénal péruvien qui criminalisent et prévoient des peines pour diffamation, calomnie et diffamation. L'expert a ainsi dénoncé certaines législations qui reviennent à criminaliser la profession de journaliste.

En ce qui concerne les actes de violence, survenus de 2021 dans le cadre des élections présidentielles, l'Association nationale des journalistes du Pérou a enregistré 206 attaques contre des journalistes cette année-là, a relevé l'expert. Au moins 71 d'entre elles concernent des événements survenus entre le 11 avril et le 6 juin, lorsque la campagne électorale, le vote et la confirmation des résultats ont eu lieu, a-t-il précisé.

Un autre expert a demandé quelles mesures avaient été prises pour lutter contre la traite des êtres humains et le travail forcé dans les industries extractives. Compte tenu du taux élevé de femmes migrantes et réfugiées du Venezuela enregistrées comme victimes de la traite, il s'est enquis des mesures prises pour prévenir et combattre la traite et l'exploitation de ce groupe.

Cet expert a en outre relevé que des menaces et des assassinats de dirigeants autochtones ont été signalés dans le contexte de la pandémie et a demandé des informations sur les enquêtes menées sur ces affaires. Enfin, cet expert a souligné un manque de sécurité juridique en ce qui concerne l'attribution de titres de propriété aux territoires autochtones, ce qui favorise les activités illégales.

Une experte a en outre expliqué que bien que l'État partie mentionne des mesures alternatives à l'emprisonnement dans son rapport, un grand nombre de personnes restent en détention provisoire, soit 39 % de la population carcérale, et les juges auraient tendance à prononcer automatiquement la détention provisoire. Cela entraîne une surpopulation dans le système pénitentiaire, qui, selon les rapports, s'élève actuellement à 116% au niveau national et atteint 400% dans certaines prisons.

Un autre expert s'est inquiété du travail des enfants dans les mines d'or artisanales, qui s'apparente à de la traite d'enfants et d'exploitation commerciale des enfants en raison de l'isolement des lieux de travail et du manque de présence de l'état dans les communautés. Dans ces mines, les enfants sont exposés à des conditions dangereuses telles que l'empoisonnement au mercure et au gaz, l'effondrement de murs et de mines, les accidents explosifs et les glissements de terrain, a-t-il relevé.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions et observations des membres du Comité s'agissant du cadre juridique d'application du Pacte, la délégation a souhaité faire savoir que le pays était actuellement en proie à une crise sociale et politique, mais pas à une crise constitutionnelle. En effet, les règles de succession prévues par la Constitution ont été respectées, avec le soutien du Parlement. Le plan de promotion des droits de l'homme dispose d'indicateurs fiables quant à sa bonne réalisation. Ce plan définit de nouvelles catégories de groupes particulièrement vulnérables, y compris les travailleuses au foyer et les travailleurs migrants.

La délégation a confirmé que le Plan d'action sur les entreprises et les droits de l'homme a été rédigé avec l'aide de plus de 200 organisations issues de l'État, des syndicats et des représentants des associations, spécifiquement les représentants des peuples autochtones. Ce plan se décline sur l'ensemble du territoire, avec une attention particulière pour les zones rurales.

L'État péruvien a fait le constat après enquête que les personnes les plus souvent victimes de discrimination dans le pays étaient les personnes LGBTQI+. Le Code pénal prévoit désormais des circonstances aggravantes lorsque des délits sont commis en raison du genre, de l'identité de genre ou de l' orientation sexuelle de la victime. Depuis 2020, le bureau du procureur a créé une commission spéciale chargée d'élaborer de nouvelles directives pour protéger spécifiquement les personnes LGBTQI+.

Sur la question de la violence à l'égard des femmes, la délégation a fait valoir qu'un protocole spécial du ministère public avait été élaboré s'agissant des féminicides, le but étant d'analyser les lacunes éventuelles dans les enquêtes de violences faites aux femmes, notamment au sein du foyer. Il y a donc un engagement institutionnel important contre les violences commises en raison du genre, de l'identité de genre, et de l'orientation sexuelle, a plaidé la délégation péruvienne. La délégation a souligné qu'un mécanisme national avait été mis en place pour lutter contre les violences faites aux femmes, qui prévoit notamment que les mineures peuvent déposer plainte sans la présence d'un adulte afin d'encourager les jeunes victimes à saisir la justice. Le travail de la justice spécialisée est en outre renforcé.

La délégation a précisé que l'état d'urgence en vigueur était limité aux zones les plus dangereuses du pays. En outre, les restrictions de liberté sont clairement exposées aux citoyens afin d'éviter l'arbitraire. En cas d'excès dans l'emploi de la force par les fonctionnaires de police, la responsabilité individuelle de ces derniers est établie par le procureur. Un code de conduite pour les policiers a d'ailleurs été élaboré en se fondant sur les recommandations des organes des droits de l'homme régionaux et internationaux. En réponse aux questions des experts, la délégation a confirmé que la Constitution péruvienne reconnaissait deux types d'état d'exception en cas de troubles à la paix ou l'ordre interne. En cas de proclamation de l'état d'exception, certains droits peuvent être suspendus de manière temporaire, dans les limites du strict nécessaire, de manière proportionnée et exceptionnelle. C'est un instrument légal prévu par toutes les démocraties en cas de circonstances exceptionnelles, a souligné la délégation.

Le maintien de l'ordre est assuré en priorité par les forces de police. En revanche, à la demande du chef de l'État, les forces armées peuvent soutenir les forces de police, dans un cadre étroit. Les forces armées ont eu un comportement conforme à la loi et correct lorsqu'elles se sont associées à la police pour maintenir l'ordre. Elles sont soumises aux mêmes obligations de respect des droits que la police dans ce cadre et ne bénéficient pas de règles d'engagement différentes. La délégation a, en fin de dialogue, précisé que la législation péruvienne ne permettait pas, sans déclaration préalable de l'état d'urgence, l'intervention des forces armées pour contrer l'action de groupes hostiles ou pour apporter un appui à la police nationale pour le rétablissement de l'ordre interne.

Répondant à la question sur la discrimination à l'égard des femmes dans l'industrie agroalimentaire, la délégation a notamment expliqué que le Plan national dans ce domaine encourage l'octroi de prêts aux femmes pour leur permettre d'acheter des terres ou des engrais par exemple. Par ailleurs, la loi sur la parité a contribué à une augmentation notable du nombre de femmes dans les assemblées locales, même si les postes exécutifs reviennent encore le plus souvent aux hommes, a admis la délégation. Un point de satisfaction toutefois : près de la moitié des juges du pays sont des femmes. La délégation a ajouté que, lors des élections générales de 2022, 40% des candidats étaient des femmes. Cette évolution a eu un effet d'entraînement sur les autres catégories sous-représentées en politique, comme les personnes en situation de handicap, les jeunes, et les personnes issues de communautés autochtones.

La délégation a fait savoir qu'un Plan National de développement pour les Afropéruviens à l'horizon 2030 est actuellement déployé pour lutter contre les stéréotypes et encourager l'intégration économique de cette population.

Répondant aux nombreuses questions qui lui ont été posées au sujet des circonstances entourant le déroulement des manifestations, notamment motivées par des revendications sociales, la délégation s'est notamment dit surprise de la façon dont les membres du Comité ont présenté le contexte et les faits. La délégation a par ailleurs assuré que tous les cas de décès durant les manifestations de ces dernières semaines font l'objet d'une enquête. En réponse à de nouvelles questions, la délégation a assuré que le parquet avançait dans les enquêtes sur les décès durant les manifestations sociales. Les victimes ont déjà été identifiées au préalable et un accompagnement est organisé pour leur famille.

S'agissant des « événements des années 80 », une commission vérité a été créée afin de mener des enquêtes qui ont abouti à des condamnations. La délégation a ensuite présenté trois enquêtes emblématiques dans ce contexte. Au Pérou, il existe une Cour pénale spécialisée chargée de juger les graves violations des droits de l'homme. C'est dans ce cadre que sont menés les procès après inculpation du Ministère public. La délégation a indiqué que 60 affaires au niveau national regroupant un grand nombre de victimes sont actuellement ouvertes pour des affaires relevant degraves violations des droits de l'homme du passé, notamment des arrestations arbitraires ou des stérilisation forcées pour les années entre 1980 et 2000.

La délégation a en outre signalé que toute intervention de la police était gérée dans le strict respect des droits de l'homme et en ayant recours à un usage approprié de la force. Elle a en outre indiqué que plusieurs milliers policiers avaient reçu ces dernières années des formations dans le domaine des droits de l'homme. Concernant les événements qui se sont produits à l'Université San Marcos, une enquête a été ouverte par le parquet ; elle est actuellement au niveau de l'instruction.

La délégation a indiqué que le Ministère de la santé avait donné un avis favorable à quatre projets de loi visant à dépénaliser l' avortement en cas d'inceste, de viol ou de fœtus non viable. Le Ministère de la santé n'a pas reçu de plainte concernant des poursuites de femmes ou de médecins, a-t-elle précisé. Il existe un guide technique pour la normalisation de la prise en charge de femmes souhaitant se soumettre à l'interruption volontaire de grossesse. La délégation a expliqué que l'État avait pris différentes mesures afin de lutter contre les grossesses d'adolescentes, notamment en leur procurant gratuitement des contraceptifs, des préservatifs ou la pilule du lendemain. Des mesures éducatives sont prises également pour lutter contre le harcèlement sexuel parmi les adolescents.

En 2015, l'État s'est donné comme priorité de traiter la question des stérilisations forcées. Un registre des victimes a été ouvert et plusieurs milliers de femmes ont ainsi été recensées dans les différentes régions du pays. Elles ont obtenu des réparations, notamment s'agissant de l'accès aux soins de santé mentale.

Une loi a permis d'élucider des affaires concernant des personnes disparues. Ainsi, 166 personnes disparues ont pu être localisées et les familles ont reçu une indemnisation, a précisé la délégation. Répondant à des questions sur la recherche des personnes disparues, la délégation a fait valoir que le pays avait développé de bonnes pratiques reconnues internationalement. Le Comité international de la Croix-rouge a ainsi invité le pays à faire partie de l'Alliance mondiale pour la recherche de personnes disparues afin de partager son expérience et sensibiliser au niveau international à la problématique des personnes disparues.

La délégation a indiqué que la Cour constitutionnelle avait déclaré la loi contre le terrorisme conforme aux normes du pays. La délégation a insisté sur le fait que le Pérou respectait toutes les normes internationales dans ce contexte. En réponse à des questions complémentaires. La délégation a rappelé que le Pérou avait subi deux décennies de terrorisme. Certains petits groupes se réclament encore du Sentier lumineux et s'adonnent aux trafics de drogues. Le pays a dû déployer énormément d'efforts pour tourner la page de cette période sombre de l'histoire. Certaines personnes confondent cette période avec les soulèvements de ces derniers temps, a ajouté la délégation.

La délégation a assuré qu'au Pérou, le principe de non-refoulement est respecté. L'expulsion de réfugiés et de demandeurs d'asile est interdite et il n'y a pas de politique d'expulsions massives. La commission spéciale pour les réfugiés organise régulièrement des formations à Lima et dans les zones frontalières dans ce domaine aux fonctionnaires de l'immigration.

Il existe aussi différents programmes afin de permettre l'intégration des migrants dans le pays et de lutter contre la propagation de stéréotypes discriminatoires. Les migrants qui s'estiment lésés dans leurs droits peuvent saisir la justice. Répondant à une question sur l'expulsion de Vénézuéliens, dont 41 femmes, la délégation a déclaré que la Commission spéciale pour les réfugiés avait vérifié le dossier qui a pu constater qu'en aucun cas il n'y avait des réfugiés et des demandeurs d'asile dans ce groupe de personnes. Néanmoins, la délégation a indiqué qu'elle allait faire remonter les préoccupations du Comité.

Interrogée sur l'accès à la justice pour les personnes vulnérables, la délégation a déclaré qu'elle avait mis en place une justice itinérante pour assurer la proximité de la justice avec les personnes qui ne peuvent avoir accès aux sièges des institutions judiciaires dans les centres urbains. Dans ce système, c'est la justice qui se déplace vers les justiciables, notamment, a précisé la délégation.

La délégation a reconnu que son pays connaissait des cas de discrimination à l'encontre des personnes LGBTIQ+, très présente en Amérique latine. Elle a assuré que le Pérou avait redoublé d'efforts pour lutter contre cette discrimination.

S'agissant de la liberté d'expression et d'opinion, la délégation a indiqué que le ministère public avait traité différents cas emblématiques s'agissant de la situation des journalistes. En octobre 2022, le bureau du parquet spécialisé dans le domaine des droits de l'homme a condamné à plus de 20 ans de prison un membre de la police à la retraite responsable de la disparition d'un journaliste en 1984, a fait valoir la délégation. Le ministère public examine par ailleurs d'autres cas emblématiques. Les procureurs travaillent également à la protection des défenseurs des droits de l'homme, a par ailleurs affirmé la délégation. Il y a actuellement dix enquêtes en cours pour violation des droits des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme ; dans trois cas, il y a déjà eu des condamnations, a précisé la délégation.

La délégation a ensuite présenté le plan global de lutte contre la traite avec la volonté de décentraliser les actions de lutte contre ce phénomène. Pour lutter contre la traite dans le secteur aurifère, des bureaux provinciaux de l'État ont été mis en place afin de permettre des interventions localisées et multisectorielles.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.

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