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Maroc : le Comité des travailleurs migrants salue le modèle que le pays est en train de construire sur la question des migrations ; il porte également l'attention sur l'incident de l'été dernier à la frontière avec l'enclave espagnole de Melilla

Compte rendu de séance

 

Le Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants a examiné aujourd'hui le rapport périodique du Maroc sur la mise en œuvre de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le rapport du Maroc a été présenté par le Ministre de l'inclusion économique, de la petite entreprise, de l'emploi et des compétences, M. Younes Sekkouri, qui a notamment attiré l'attention sur la stratégie nationale sur la migration et l'asile, visant à assurer l'intégration des migrants et des réfugiés et à faciliter leur accès aux droits et aux services publics sans discrimination. La gestion de la migration comprend plusieurs mesures préventives, notamment pour protéger les migrants contre les organisations criminelles impliquées dans le trafic de migrants et la traite des êtres humains. Le Maroc s'est aussi engagé à prendre des mesures destinées à améliorer les conditions des Marocains résidant à l'étranger, à protéger leurs droits, à renforcer les liens avec la patrie et à faciliter leur contribution au développement et à la participation politique, économique et sociale.

L'importante délégation marocaine était également composée de hauts fonctionnaires du même ministère, ainsi que du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l'éducation nationale, du préscolaire et des sports, du Ministère de l'intérieur, de la Délégation interministérielle aux droits de l'homme, de la Direction générale de la sûreté nationale et du Ministère public. Elle a répondu aux questions des membres du Comité s'agissant notamment de la lutte contre la discrimination à l'égard des migrants, de la scolarisation des enfants de migrants, des accords concernant l'importante communauté de travailleurs saisonniers marocains dans les pays européens, des conséquences de l'intervention des forces de l'ordre marocaines et espagnoles lors de l'incident du 24 juin 2022 à un point de passage entre le Maroc et l'enclave espagnole de Melilla, entraînant la mort de nombreux migrants. Sur ce point, la délégation a reconnu que les autorités migratoires ont été surprises par la convergence de 2000 jeunes migrants à ce point de passage. Elle a néanmoins jugé que l'intervention des forces de l'ordre avait été professionnelle, proportionnelle, et menée avec discernement.

Des membres du Comité ont salué la ratification par le Maroc de nombreux instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme et des droits des travailleurs migrants, ainsi que de la réglementation en matière de travail domestique. Outre l'incident de Melilla, ils ont porté leur attention sur les accords bilatéraux s'agissant des travailleurs saisonniers marocains en Europe, en particulier en Espagne. L'attention s'est portée également sur le grand nombre de tragédies en mer au large du Maroc et sur la situation des migrants subsahariens en transit vers l'Europe. Les experts se sont intéressés également à la situation des 45 000 familles marocaines expulsées d'Algérie en 1975.

Le Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants doit examiner, demain à partir de 10 heures et dans l'après-midi, le rapport initial du Nigéria.

Examen du rapport du Maroc

Le Comité des travailleurs migrants est saisi du deuxième rapport périodique du Maroc (CMW/C/MAR/2), qui contient des réponses à une liste de points préparée par le Comité.

Présentation du rapport

M. YOUNES SEKKOURI, Ministre marocain de l'inclusion économique, de la petite entreprise, de l'emploi et des compétences, a d'emblée salué les efforts du Comité pour l'élaboration d'une observation générale sur la convergence entre la Convention et le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, ainsi que l'adoption en 2021 d'une observation générale sur les droits des migrants à la liberté et à la protection contre la détention arbitraire. Il s'est en outre félicité de la note d'orientation adoptée en 2021 par le Comité et des partenaires des droits de l'homme, appelant les pays à fournir un accès équitable à la vaccination contre la COVID-19 à tous les migrants et à leur famille.

Le ministre a aussi mentionné l'appui de son pays aux efforts internationaux et régionaux de gouvernance de la migration comme le Pacte Mondial sur des migrations sûres, ordonnées et régulières, dont la conférence d'adoption s'est tenue à Marrakech en décembre 2018, sous l'égide des Nations Unies. Dans le cadre du continent africain, les efforts et les initiatives du Maroc ont été couronnés par le fait que le Roi Mohammed VI s'est vu confier la responsabilité de champion de l'Union africaine sur la question de la migration. Ces efforts ont également conduit à la création de l'Observatoire africain de la migration, qui a ouvert officiellement ses portes à Rabat en 2020.

Le Maroc a adopté depuis 2014 une stratégie nationale dédiée à la migration et à l'asile, visant à assurer l'intégration des migrants et des réfugiés et à faciliter leur accès aux droits et aux services publics sans discrimination. Cette stratégie nationale repose sur la mise en œuvre de programmes couvrant des domaines importants tels que l'éducation, la santé, l'emploi, l'assistance juridique et sociale, la gestion des frontières, et le renforcement de la coopération internationale et des partenariats dans ce domaine. À cet égard, le pays a engagé un processus exceptionnel de régularisation de la situation de près de 50 000 migrants au Maroc au cours des années 2014 et 2017. Il a aussi procédé au renforcement du cadre juridique national à travers l'adoption de la loi relative à la lutte contre la traite des êtres humains en 2016.

La gestion de la migration des ressortissants étrangers au Maroc comprend plusieurs mesures préventives. Ainsi, l'hébergement des migrants irréguliers dans certaines villes du royaume est considéré comme une mesure préventive visant à les protéger contre les organisations impliquées dans le trafic de migrants et la traite des êtres humains. Cette mesure permet également d'assurer le retour volontaire de certains d'entre eux. En 2022, 4 305 migrants irréguliers ont bénéficié du programme de retour volontaire, et 290 réseaux impliqués dans le trafic de migrants et la traite des êtres humains ont été démantelés au cours de l'année 2022.

Le Maroc a pris l'engagement d'une gestion adéquate de la migration dans l'inclusion et la dignité, a déclaré M. Sekkouri. La loi sur l'entrée et le séjour des étrangers s'inscrit dans le plein respect des conventions internationales auxquelles le Maroc est partie. Dans le contexte de la gestion des flux migratoires et de la transition d'un pays d'origine vers un pays de transit, puis d'installation des migrants, les pouvoirs publics se sont attachés à la mise en place un cadre d'intervention reposant sur une approche humaine, fondée sur la protection des risques d'exploitation ou de contrebande.

Ces efforts ont été renforcés au niveau institutionnel avec l'adoption de la stratégie de lutte contre la traite des êtres humains 2020-2030, témoignant de l'engagement du pays à combattre ce phénomène et l'adhésion à une vision intégrée et à une action nationale efficace contre ce crime. Le Plan national d'action contre la traite adopte une approche des droits humains. Le Maroc entend recourir à la coopération bilatérale et multilatérale comme approche fondamentale de la gestion de la migration, a ajouté le ministre.

En vertu du pouvoir discrétionnaire accordé aux procureurs, les personnes entrant sur le territoire illégalement sont poursuivies, mais les poursuites peuvent être suspendues dans certains cas.

Le Ministre de l'inclusion économique a aussi souligné que l'article 9 du code du travail marocain interdisait toute discrimination pouvant violer ou dénaturer le principe de l'égalité des chances

ou de l'égalité de traitement dans le domaine de l'emploi ou des activités professionnelles. Le Maroc œuvre à l'institutionnalisation du dialogue social grâce à une volonté conjointe du gouvernement, des syndicats les plus représentatifs et des représentants des employeurs. Un accord social a été signé en avril dernier ainsi qu'une Charte nationale de dialogue social.

M. Sekkouri a aussi souligné que le Maroc s'est engagé dans l'élaboration d'un programme exécutif visant à mettre en place des mesures concrètes destinées à améliorer les conditions des Marocains résidant à l'étranger, à protéger leurs droits, à renforcer les liens avec la patrie et à faciliter leur contribution au développement et à la participation politique, économique et sociale. Une stratégie intégrée pour développer et améliorer ses services consulaires à l'étranger a été mise en place, notamment en numérisant de nombreux services et en facilitant leur accès, ce qui a contribué à la protection des droits des Marocains résidant à l'étranger et à l'amélioration de ces services.

Si certaines migrations se produisent volontairement et par des moyens légaux, permettant l'intégration des migrants, le dialogue interculturel et l'ouverture entre les peuples, une part importante de ces flux résulte de raisons sécuritaires ou économiques. Dans ces cas, les conditions de protection et d'intégration des migrants sont absentes, et la plupart des violations telles que la traite des êtres humains, le trafic illicite, favorisent le développement de réseaux criminels.

Reconnaissant la nécessité d'une coopération entre les pays et les organisations internationales et régionales pour relever ces défis, le Maroc, compte tenu de sa situation de pays de transit des migrants vers l'Europe et dans le cadre de la mise en œuvre de sa politique nationale en matière de migration et d'asile, cherche à approfondir la coopération et la coordination avec ses partenaires en adoptant de nouvelles approches aux dimensions préventives et développementales en vue de réduire les tragédies vécues par les migrants irréguliers qui traversent de la Méditerranée, qui ont montré les limites des approches basées sur la sécurité dans la résolution de ces problèmes.

Questions et observations des membres du Comité

M. MAMANE OUMARIA, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Maroc, a relevé que l'article 30 de la Constitution marocaine reconnaissait l'égalité pour les ressortissants étrangers et a salué la politique marocaine en matière de migrations, notamment par la création à Rabat de l'Observatoire africain des migrations, ce qui a valu au Roi du Maroc le titre de Champion de l'Union africaine sur les migrations. Le rapporteur a déploré, s'agissant des mouvements migratoires en Méditerranée, qu'alors que « la géographie commande », aucun État européen n'a encore signé la Convention.

Le rapporteur a par la suite demandé si les responsabilités avaient été établies s'agissant de l'incident du 24 juin 2022 au point de passage entre Nador au Maroc et l'enclave espagnole de Melilla. Il s'est interrogé sur l'accord bilatéral entre le Maroc et l'Espagne en demandant s'il respectait les instruments internationaux. Les familles des migrants décédés dans cet incident ont-elles été contactées ? M. Oumaria a par ailleurs souligné le grand nombre de tragédies en mer au large du Maroc, estimant que la coopération Sud-Sud était indispensable à cet égard. Il faudrait en effet davantage d'accords bilatéraux, y compris à l'intérieur du continent.

M. KHALED CHEIKHNA BABACAR, corapporteur pour l'examen du rapport du Maroc, a demandé si le pays comptait ratifier les Conventions de l'Organisation internationale du travail sur la liberté syndicale (n°87) et sur les travailleurs migrants (n°143), ou encore le Protocole à la Convention sur le travail forcé (n°29) et la Convention sur les consultations tripartites (n°144). Il a aussi demandé des précisions sur les accords concernant l'importante communauté de travailleurs saisonniers marocains dans les pays européens.

Le corapporteur a par la suite insisté sur la ratification des Conventions de l'OIT n°87 (droit syndical) et n°189 (travailleurs domestiques), d'autant que la question a déjà fait l'objet d'un accord auprès des deux chambres du parlement. Il a particulièrement souligné les nouveaux concepts de certification des travailleurs saisonniers et espéré que le protocole avec l'Espagne prévoit un dispositif de protection des travailleuses saisonnières. Il a demandé que les migrants qui travaillent puissent appartenir à la direction des syndicats.

MME MYRIAM POUSSI, également corapporteuse pour le Maroc, a rappelé que ce pays était un pays d'origine, d'accueil et de transit qui devrait bénéficier de tous ces flux. Elle a porté son attention sur les questions relatives à la non-discrimination, à l'accès à la justice et aux droits des femmes et des enfants migrants. Elle a demandé des renseignements sur la situation des migrants subsahariens en transit vers l'Europe et sur le nombre de plaintes, de poursuites et de condamnations. Elle a en outre cité des informations en ligne dénonçant la violence et les conditions inhumaines dans le camp de Ouled Ziane à Casablanca. Il paraît aussi que de nombreux migrants sont exposés à des violences à la fois criminelles et institutionnelles. La corapporteuse a aussi signalé que parmi les 50 000 migrants régularisés mentionnés par la délégation, plusieurs sont retombés dans l'irrégularité faute d'emploi, notamment. Elle a prié la délégation de clarifier la situation de ces personnes du point de vue juridique.

Existe-t-il des cas documentés de travailleurs marocains à l'étranger ayant porté plainte devant la justice à l'encontre de leur employeur, a par ailleurs demandé Mme Poussi. Elle a en outre signalé des allégations de migrants impliqués dans des réseaux de traite et dont les droits n'ont pas été respectés à cause de difficultés d'ordre linguistique. Ont-ils bénéficié de l'assistance consulaire à laquelle ils ont droit ?

Le droit à la justice ne semble pas respecté, a poursuivi Mme Poussi, en demandant ce qui est envisagé par l'État pour relever tous les défis s'y rapportant, y compris en cas de violence sexiste et sexuelle. Quelle est la réalité du droit à la défense des travailleurs migrants étrangers et quelles mesures concrètes sont prises pour surmonter les difficultés, notamment le recours à un interprète. Elle a ensuite évoqué le transfert des migrants à l'intérieur du pays et dans des zones éloignées des villes après leur avoir confisqué leurs téléphones mobiles, ce qui les isole complètement.

Mme Poussi a demandé des informations sur la situation des femmes et des filles victimes de la traite. Elle a prié la délégation d'apporter des éclaircissements sur la situation de Mme Helena Maleno Garzón, une défenseuse des droits de migrants, qui a été reçue par le Comité, et prétend avoir été expulsée du Maroc. Elle a aussi requis des informations sur les événements du 24 juin 2022 à Nador, au point de passage vers Melilla, et sur les cas d'enfants non-accompagnés dans ce contexte.

Il semblerait par ailleurs que les enfants de travailleurs migrants irréguliers n'ont pas droit à l'éducation au Maroc.

Parmi les autres membres du Comité, une experte a demandé quelles étaient les mesures prises pour améliorer la situation des Marocains ayant été expulsés d'Algérie, surtout pour la facilitation de la restitution de leurs biens et de dédommagements par le Gouvernement algérien. Les travailleurs migrants ont-ils la possibilité de s'opposer au refoulement et à la détention au Maroc ?

Un autre membre du Comité a demandé des informations sur les personnes décédées, les blessés et les personnes disparues impliquées dans l'incident de Melilla. Le Maroc a-t-il diligenté une enquête pour savoir s'il y a eu usage excessif de la force de la part des forces de l'ordre ? Des mineurs ou des enfants se trouvaient-ils parmi les victimes ? Existe-t-il un protocole de recherche des personnes disparues sur les routes migratoires ? Un expert a invité à la délégation de réagir aux images et aux commentaires figurant dans un documentaire récent de la BBC sur l'incident de Barrio Chino, qui montre des personnes enfermées, ou blessées au sol, avec des agents qui leur donnent des coups de pied. Il a aussi fait allusion aux condamnations très rapides des jeunes migrants arrêtés à l'issue de cet événement.

L'expert s'est enquis des procédures de contrôle aux points de passage frontalier avec les enclaves espagnoles. D'autres membres ont demandé des informations sur les accords régissant la migration entre l'Espagne et le Maroc, et sur la manière dont chacun de ces pays œuvre au bien-être des travailleurs migrants. Un expert s'est intéressé à la possibilité pour un migrant d'être élu député au Maroc.

Des questions ont été posées sur les routes empruntées par les migrants qui sont entre les mains d'auteurs de trafic et de membres de la criminalité organisée. Il a été demandé quelles mesures étaient prévues dans le cadre de coopération avec les pays d'origine.

Un membre du Comité s'est félicité du niveau d'engagement « constructif » du Maroc pour servir les intérêts des personnes dans le contexte des migrations. Il s'est enquis du mécanisme de protection des défenseurs des droits de l'homme, en constatant qu'il existe une « tension » entre les questions migratoires et le respect des droits de l'homme.

Les experts ont aussi posé des questions sur les enfants marocains non-accompagnés à l'étranger ; la pratique de la mendicité des migrants avec leurs propres enfants ; l'enregistrement des enfants à la naissance ; les transferts des gains des travailleurs migrants; le rapatriement volontaire de migrants marocains.

Réponses de la délégation

Interrogée sur des questions relatives au cadre juridique d'application, la délégation du Maroc a notamment rappelé que le pays avait ratifié 65 instruments de l'Organisation internationale du travail relatifs à l'emploi et quatre sur la gouvernance. Il soumet d'ailleurs des rapports périodiques conformément aux Conventions de l'OIT. De manière plus générale, le Maroc s'emploie à aligner ses lois sur les instruments internationaux. Le Maroc a par ailleurs ratifié la Convention n°144 sur les consultations tripartites en 2013, et a d'ores interagi avec le Comité d'experts à deux reprises. Plusieurs dispositions de la Convention n°87, sur la liberté syndicale, font déjà partie du code national du travail, les syndicats étant considérés comme des éléments de paix sociale et un pont pour les relations entre les travailleurs et les employeurs. Le code du travail consacre le droit à l'appartenance à un syndicat et interdit tout ce qui va à l'encontre de la liberté syndicale. Un accord social a été signé le 30 avril 2022, qui augmente le salaire minimum et apporte un certain nombre de garanties aux travailleurs, y compris les travailleurs migrants étrangers.

La délégation a apporté des réponses aux questions soulevées par les experts sur la question de la discrimination à l'égard des migrants, faisant valoir notamment que le code de la presse et des publications interdisait la discrimination fondée sur le racisme et la haine. Elle a aussi cité le code sur la protection sociale, qui énonce que les migrants ont le droit à tous les services. À cet égard, elle a fait valoir que plus de 19 000 migrants ont été vaccinés dans le cadre de la campagne de vaccination contre la COVID-19. Les migrants ont aussi la possibilité d'accéder à 380 assistants sociaux et à des bureaux prenant en charge les difficultés rencontrées par les femmes et les enfants, ou encore à disposer d'interprètes dans les commissariats ou devant les juges, notamment. La délégation a indiqué que 641 plaintes ont été déposées de la part d'étrangers pour discrimination, dont 32 ont été classées, 57% des cas restants étant en cours de traitement. Pour les cas pénaux, la cour désigne des avocats pro bono, et il existe un portail électronique de plaintes et un numéro vert, ce qui a permis de statuer sur les plaintes et de faire un suivi régulier en ligne.

S'agissant de l'incident de Melilla du 24 juin 2022, un membre de la délégation a expliqué que tout le pays avait été endeuillé par cette tragédie car toute perte humaine ne peut qu'être un drame. Cet incident a montré la complexité à la fois du processus migratoire et de la menace des trafics. Le Maroc est exposé à ces phénomènes du fait de sa position géographique, mais a réussi à déjouer, en 2022, 71 000 tentatives, et à démanteler 290 réseaux clandestins. La délégation a reconnu que les autorités migratoires, qui avaient géré auparavant des centaines de cas similaires, ont été surprises par l'assaut de Melilla en plein jour par 2000 migrants ayant traversé la ville de Nador en masse en suscitant la peur parmi la population, et par la convergence simultanée de ces milliers de personnes au point de passage.

Le Maroc considère que l'intervention des forces de l'ordre a été professionnelle et proportionnelle et qu'elles ont fait preuve de discernement, rappelant qu'elles n'ont pas fait usage d'armes létales. La délégation a insisté à cet égard sur la formation des forces de l'ordre, qui appliquent les principes de compassion et de dignité humaine. Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a d'ailleurs dispensé quatre cours de formation aux forces de l'ordre marocaines sur les droits des migrants. Après ce drame, les premières mesures d'assistance médicale ont été prises rapidement et toutes les personnes ont été prises en charge selon le code de déontologie médicale internationale. Les tests ADN et les autopsies ont également été effectués. Le Conseil national des droits de l'homme a élaboré un rapport exhaustif et les ambassadeurs africains concernés ont été accueillis au Maroc pour être informés de la situation des migrants. Il a été constaté que les 23 personnes décédées avaient succombé à l'asphyxie. Les agissements des jeunes impliqués dans les « événements du Barrio Chino » relevaient davantage du banditisme, a tenu à ajouter la délégation. Elle a aussi précisé que le Comité que l'Organisation internationale pour les migrations et d'autres organisations ont été informés dans le détail de ces événements et des mesures prises.

Revenant en fin de journée sur l'incident de Melilla, la délégation a déclaré que les autorités ont été confrontées à des éléments ayant utilisé une force inattendue et un apparent entraînement qui ont énormément surpris les forces de l'ordre. Elle a souligné le problème qu'a représenté l'occupation, en plein jour, des rues d'une petite ville du Nord comme celle de Nador. Elle a ajouté que le Maroc a été le seul pays à gérer démocratiquement des manifestations d'envergure comme celles du Printemps arabe.

Répondant à des questions sur les dispositions régissant la question du travail domestique, la délégation a notamment indiqué que la législation du travail prévoyait un contrat type offrant des garanties pour prévenir le travail des enfants, définir le salaire minimum, arrêter des jours de repos hebdomadaire et assurer des conditions de travail minimum. Une copie du contrat est soumise au Ministère du travail et des inspecteurs peuvent être saisis de plaintes de la part des travailleurs domestiques. Des archives documentent par ailleurs les relations professionnelles et un guide à l'intention des employeurs a été rédigé. Des campagnes de sensibilisation ont aussi été organisées à l'intention de la population.

En ce qui concerne la scolarisation des enfants de migrants, indépendamment de leur statut migratoire, la délégation a rappelé que l'éducation était obligatoire au Maroc pour les enfants de 6 à 16 ans, sans discrimination aucune. Ainsi, 23 000 élèves migrants ont bénéficié des services scolaires formels, et plus de 2 000 autres d'une éducation informelle. Des programmes de cantine, des services de financement des études et la fourniture de cahiers et de livres sont disponibles. Un guide d'intégration des enfants migrants a également été distribué aux établissements scolaires. Les migrants non-musulmans ne sont pas tenus de suivre des cours sur la religion, a-t-il été précisé.

Répondant à des questions sur des actions menées par les autorités marocaines dans les forêts du Nord du pays, la délégation a expliqué que ces mesures visaient la relocalisation de migrants et leur retour volontaire, qui doit être perçu comme une alternative éminemment humaine. Les résultats sont très probants, car 20 000 ont pu ainsi rentrer dans leur pays, dont 9000 par le truchement de l'Organisation internationale des migrations.

La délégation a insisté sur la stratégie humaniste et solidaire suivie par le Maroc dans le traitement des migrants. Elle a expliqué que 86% des cas de régularisations concernent de ressortissants de pays africains, qui ajoutent à la richesse de la société marocaine, dont la quintessence se caractérise par la solidarité, l'absence de racisme ou de xénophobie.

S'agissant des migrants qui tentent de traverser la Méditerranée, la délégation marocaine a souligné la proximité géographique du pays avec l'Europe, dont le Maroc est séparé de seulement 14 kilomètres. Au cours des dernières années, la marine marocaine a secouru plus de 90 000 migrants, a indiqué la délégation.

Concernant la situation dans des camps de fortune d'Ouled Ziane, à proximité du chantier d'extension du tramway de Casablanca, la délégation a expliqué que des migrants irréguliers ont occupé des magasins abandonnés, ce qui est devenu un problème de nuisance publique, surtout sonore la nuit. Les autorités ont dû intervenir, les migrants ont jeté des pierres et ont dû être poursuivis conformément à la loi.

La délégation a souligné que la loi de prévention et de lutte contre la traite ne fait aucune distinction entre une victime marocaine ou non. Parmi les 13 objectifs de la Stratégie sur la traite des personnes, 5 concernent les migrants. Des allocations financières sont fournies aux organisations de la société civile pour la gestion des centres d'accueil. De nombreux migrants bénéficient de prestations de services sociaux, dont 31% sont des enfants migrants non-accompagnés. Par ailleurs 75 juristes et avocats ainsi que 13 interprètes ont été formés et mis à la disposition des tribunaux qui entendent des affaires impliquant des migrants.

L'accord administratif sur les saisonniers marocains en Espagne est un moyen de décourager la migration clandestine et prévoit un certain nombre de conditions, comme l'évaluation des dispositions relatives au logement, au salaire, à la santé et à l'emploi. Le protocole d'accord d'intégration verticale permet d'accompagner les travailleuses saisonnières dans des projets après leur retour grâce aux près de 4000 écoles de formation professionnelle que compte le Maroc. La délégation s'est félicitée du nouveau concept du cadre national de certification reconnaissant une expérience professionnelle, qui facilite l'accès à l'emploi.

Le programme « Aourach » (travaux) a permis d'aider des personnes n'ayant pu se rendre en Espagne pour y travailler pendant la pandémie de COVID-19 à trouver des emplois au Maroc. Pour sa part, le programme « Tahfiz », en passe d'être lancé, prévoit que toute personne recrutée sans diplôme par une petite entreprise marocaine de moins d'un millions d'euros de revenus sera payée pendant 9 mois 1500 dirhams (la moitié du salaire minimum) par l'État. La délégation a aussi cité l'indemnité pour perte de l'emploi mise en place et née de discussions dans le cadre du dialogue social.

La délégation a aussi insisté sur les relations d'amitié solide avec les pays subsahariens, ajoutant que le Maroc prend très au sérieux la protection des migrants originaires de ces pays. À cet égard, la coopération Sud-Sud est consacrée comme principe constitutionnel, ce qui est très rare dans le monde. Les premiers accords sur les travailleurs migrants, en 1963, avaient été conclus aussi bien avec des pays européens qu'africains, ce qui montre le caractère visionnaire de la politique marocaine.

Répondant à une question sur l' expulsion en 1975 par l'Algérie, de 45 000 familles marocaines, la délégation a rendu hommage à la solidarité des citoyens, tout en mettant l'accent sur les aides fournies par l'État. Les relations avec le voisin de l'Est étant ce qu'elles sont, la délégation a prié le Comité d'intervenir à cet égard, notamment en ce qui concerne le « chantier de mémoire » pour les victimes de cette expulsion.

La délégation a informé le Comité que de nouvelles règles ont été établies en matière sociale, avec un agenda et un calendrier d'application, ce qui est une première et était « inimaginable » auparavant. Elle a notamment souligné qu'il a été décidé d'arriver à une entente avec les syndicats pour procéder à une révision du Code du travail. À titre d'exemple, les 300 000 enseignants ont signé un accord « historique » pour des avantages inédits et une logique de travail basée sur l'impact sur l'école. Cela a permis de faire beaucoup de choses en une période marquée par une pandémie, notamment en termes de renforcement des syndicats.

En réponse à d'autres questions, la délégation a notamment indiqué que les cartes de séjour ont une validité pouvant aller jusqu'à trois ans. Les programmes d'intégration dans le cadre de la Stratégie nationale de 2014 sur la migration et l'asile accordent la priorité aux familles et à la politique de développement à l'échelle territoriale.

Les Marocains résidant à l'étranger ont le droit de s'inscrire sur les listes électorales du Maroc et sont éligibles. La délégation a ajouté que la participation de députés qui résident à l'étranger jouent un rôle déterminant dans l'adoption de certaines lois au Parlement. La délégation a aussi indiqué que 1454 fonctionnaires ont été formés pour aider les Marocains résidant à l'étranger ou ceux en situation irrégulière, y compris par le biais de consulats mobiles pour fournir des prestations en faveur de Marocains ne pouvant se rendre à l'ambassade ou au consulat. Une plateforme pour la prise de rendez-vous existe également, et quelque 2 millions de données sont déjà numérisées.

La délégation a aussi mis l'accent sur les mesures en faveur des enfants des rues et en situation de vulnérabilité, et du mécanisme national d'identification de la traite, qui accorde une attention particulière aux enfants dans le contexte de la traite. Depuis janvier 2023, le pays compte 105 bureaux d'assistance sociale qui aident les enfants à se réinsérer dans la société.

Interrogée sur le fait que le Maroc n0a pas fait la déclaration reconnaissant la compétence du Comité à recevoir des plaintes individuelles (art. 77), la délégation a renvoyé au bilan du Maroc qui reconnaît déjà cette compétence pour six organes conventionnels. Il a fait valoir la nécessité d'une harmonisation de la législation nationale avec la Convention, assurant que la déclaration au titre de l'article 77 n'échappera pas à cette logique.

Conclusions

Le rapporteur du Comité pour le Maroc, M. OUMARIA, s'est félicité d'un dialogue très fructueux et du fait que le Maroc était en train de construire un modèle référentiel sur le continent sur une matière complexe.

Le chef de la délégation du Maroc, M. SEKKOURI, a souligné les centaines d'années de civilisation d'un pays, le Maroc, qui ne saurait fonctionner sans un système de valeurs. Le capital immatériel par les gens, par l'état de droit, le droit d'accès à l'information alors même que le Maroc est un pays de départ, de destination et de transit représente une pression énorme. Le Ministre marocain a souligné que l'avenir est dans le partenariat avec le Sud, précisant que le Maroc a misé sur l'investissement dans l'humain, ce qui est l'émanation de la volonté populaire, pour montrer que cela est possible dans une nation émergente avec des moyens limités.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.

 

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