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En Syrie, les parties belligérantes ont commis cumulativement presque tous les crimes contre l'humanité énumérés dans le Statut de Rome de la CPI, indique M. Pinheiro

Compte rendu de séance

 

Au Myanmar, le nombre d’arrestations et de détentions arbitraires depuis le 1er février a bondi au-delà des 2000, alors que la violence contre les manifestants ne cesse de croître, rapporte M. Andrews

 

En Syrie, « les parties belligérantes ont commis cumulativement presque tous les crimes contre l'humanité énumérés dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale », a indiqué cet après-midi M. Paulo Pinheiro, alors qu’il présentait au Conseil des droits de l’homme le rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, qu’il préside.

« Si le cessez-le-feu de mars 2020 s’est traduit par un déclin significatif des hostilités, cela n’a été qu’une réduction relative par rapport aux pics des souffrances infligées au début de l’année dernière », a souligné M. Pinheiro. « Beaucoup n’auront vu que peu de différence dans leur vie quotidienne et le pays reste loin d’être un environnement sûr pour les civils », a-t-il insisté.

Des dizaines de milliers de personnes qui étaient détenues sont toujours portées disparues, a par ailleurs rappelé M. Pinheiro, avant de demander instamment au Gouvernement syrien et à toutes les autres parties qui font disparaître des personnes de révéler leur sort. L'attention internationale doit impérativement se porter sur la sombre situation d'impunité qui prévaut dans le conflit syrien, a-t-il ajouté.

Suite à cette présentation, la Syrie a fait une déclaration en tant que pays concerné. De nombreuses délégations* ont ensuite pris part au dialogue avec les membres de la Commission d’enquête.

Cet après-midi, le Conseil des droits de l’homme a également entendu M. Thomas H. Andrews, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, présenter son rapport. M. Andrews a indiqué que « le nombre total d’arrestations et de détentions arbitraires depuis le 1 er février a bondi au-delà des 2000, alors que la violence contre les manifestants […] ne cesse de croître ». « Dans le rapport écrit que j’ai rédigé la semaine dernière, j’ai documenté un total de 23 meurtres » et « des informations crédibles indiquent qu’à ce jour, les forces de sécurité du Myanmar ont tué au moins 70 personnes », a ajouté le Rapporteur spécial.

Un ensemble croissant d’informations laisse de plus en plus apparaître clairement que les meurtres, emprisonnements, disparitions forcées et autres actes perpétrés contre le peuple du Myanmar font partie d’une campagne coordonnée ; qu’ils sont dirigés contre la population civile et non contre des combattants ; qu’ils sont très répandus et bien organisés ; et que la haute direction du pays en a connaissance, a déclaré le Rapporteur spécial.

Le Myanmar est « contrôlé par un régime meurtrier et illégal » ; « Les dirigeants actuels du pays ont perpétré des crimes atroces qui sont au centre de l'accusation de génocide portée devant la Cour internationale de Justice (CIJ) », a également déclaré M. Andrews. Il a exhorté les États Membres à s'engager à prendre des mesures fortes, décisives et coordonnées au sein d’une coalition internationale.

Le Myanmar a fait une déclaration en tant que pays concerné, avant que plusieurs délégations** n’engagent avec le Rapporteur spécial un dialogue qui se poursuivra demain après-midi.

En fin de journée, trois pays ont exercé leur droit de réponse : Liban, Turquie et Syrie.

 

Demain matin, à 10 heures, le Conseil tiendra son dialogue avec la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud, qui a présenté son rapport ce matin.

 

Dialogue avec la Commission d’enquête sur la Syrie

Le Conseil est saisi du rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne (A/HRC/46/54), ainsi que d’un second rapport de la Commission ( A/HRC/46/55 en anglais seulement) traitant plus particulièrement de l’emprisonnement et la détention arbitraires en République arabe syrienne.

Présentation des rapports

M. PAULO PINHEIRO, Président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, a souligné que « si le cessez-le-feu de mars 2020 s’est traduit par un déclin significatif des hostilités, cela n’a été qu’une réduction relative par rapport aux pics des souffrances infligées au début de l’année dernière ». « Beaucoup n’auront vu que peu de différence dans leur vie quotidienne et le pays reste loin d’être un environnement sûr pour les civils », a-t-il insisté.

Dans le sud du pays, en particulier à Deraa, le meurtre ciblé de civils se poursuit et des meurtres ciblés ont également été perpétrés à Alep et dans certaines parties du gouvernorat de Deir ez-Zor, a poursuivi M. Pinheiro. Daech a revendiqué la responsabilité d’un certain nombre de ces incidents, a-t-il relevé, soulignant que malgré sa défaite territoriale, ce groupe continue d’avoir un impact sur la vie quotidienne des civils.

M. Pinheiro a ensuite indiqué que le rapport la Commission qu’il préside montrait comment les forces du Gouvernement syrien ont arrêté arbitrairement, torturé et exécuté sommairement des détenus » ; « elles ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité », a ajouté M. Pinheiro.

D'autres parties belligérantes ont perpétré des crimes de guerre similaires dans leurs propres centres de détention, a-t-il poursuivi. Les organisations terroristes désignées comme telles par l'ONU, comme Daech ou le groupe HTS, se sont également livrées à des crimes contre l'humanité, a souligné M. Pinheiro. Daech a aussi commis un génocide contre les Yazidis, en partie par le biais de la détention, a-t­-il précisé.

Des dizaines de milliers de personnes qui étaient détenues sont toujours portées disparues, a ensuite rappelé M. Pinheiro. Le Gouvernement et d'autres parties prolongent délibérément la souffrance de centaines de milliers de familles en retenant des informations sur le sort de leurs êtres chers, a-t-il déploré. La Commission d’enquête demande instamment au Gouvernement syrien et à toutes les autres parties qui font disparaître des personnes de révéler leur sort. Les États Membres impliqués dans le conflit doivent également accroître leurs efforts pour convaincre les parties qu'ils soutiennent de donner des informations sur les disparus, a insisté M. Pinheiro.

Ce sont les civils de Syrie qui souffrent le plus d’un conflit qui dure depuis dix ans, a poursuivi M. Pinheiro. Les parties belligérantes ont volontairement donné la priorité au contrôle territorial et minimisé les risques pour elles-mêmes, tout en méprisant la vie et les droits des civils, a-t-il affirmé. Les forces progouvernementales ont délibérément pris pour cible les hôpitaux et les installations médicales, décimant ainsi le secteur médical avant l'arrivée de la pandémie la plus catastrophique depuis un siècle, a-t-il en outre souligné. En conséquence, les parties belligérantes ont commis cumulativement presque tous les crimes contre l'humanité énumérés dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et presque tous les crimes de guerre applicables dans un conflit armé non international, a insisté M. Pinheiro.

L'attention internationale doit impérativement se porter sur la sombre situation d'impunité qui prévaut dans le conflit syrien, la demande de justice étant un élément central de toute paix durable, a souligné M. Pinheiro, avant de faire observer que la traduction en justice des responsables des crimes commis est partiellement assurée par des États tiers, comme en témoigne le verdict récemment rendu par un tribunal de Coblence, en Allemagne.

Pays concerné

La Syrie a déclaré que depuis des années, le Conseil entend toujours le même rapport de la part d’une commission d’enquête « imposée par certains États au sein de ce Conseil ». Or depuis tout ce temps, il n’y a eu aucune évolution, notamment en ce qui concerne les souffrances infligées au peuple syrien par le biais de campagnes de désinformation médiatiques qui n’ont pour seul but que de donner des prétextes à certains États pour attaquer la Syrie, a affirmé la délégation syrienne.

De son côté, a poursuivi la délégation, la Syrie a fait du retour des personnes déplacées une priorité nationale et n’a cessé de prendre des mesures pour protéger sa population de l’occupation d’Israël, de la Turquie et des États-Unis, notamment. Les Etats-Unis se livrent même à un pillage du pétrole de la Syrie et transfèrent ses céréales vers d’autres pays, en plus d’entraver l’action humanitaire, a ajouté la délégation. « L’occupant américain » a même transformé le camp de Rubkan en camp d’entraînement pour combattants extrémistes, a-t-elle affirmé. De même, les pays occidentaux ne veulent pas rapatrier leurs combattants étrangers, tandis que la Turquie finance des groupes séparatistes qui utilisent les civils comme boucliers humains – des civils qui se voient en outre interdire d’emprunter les couloirs humanitaires pourtant ouverts par l’Etat syrien, a poursuivi la délégation syrienne. `

Selon la délégation, les mesures coercitives unilatérales imposées à la Syrie par les pays occidentaux n’ont d’autre but que d’affamer et de punir le peuple syrien pour ses choix politiques. A tout cela, la Commission d’enquête ne fait aucune allusion, a déploré la délégation syrienne, indiquant que c’est pour ces raisons que la République arabe syrienne ne reconnaît pas « le mandat politisé de cette Commission » d’enquête.

Aperçu du dialogue

Nombre de délégations ont condamné les violations des droits de l'homme et du droit humanitaire international commises par toutes les parties au conflit, en particulier par le « régime syrien » et ses alliés. Ont ainsi été particulièrement condamnés le ciblage d’hôpitaux et d’autres infrastructures civiles en Syrie ; la détention par le Gouvernement syrien d’enfants soumis à de violents passages à tabac et à la torture ; de même que des viols et abus sexuels contre des femmes et des filles lors d'opérations terrestres. Toutes les parties ont été appelées à cesser la violence sexuelle et sexiste, y compris dans les lieux de détention, et à libérer toutes les personnes détenues arbitrairement en Syrie.

Des délégations ont estimé qu'un cessez-le-feu national et permanent était indispensable et ont souligné que la justice et la responsabilisation étaient des conditions de toute paix durable. À cet égard, a été jugé particulièrement important le rôle du Mécanisme international, impartial et indépendant (« IIIM ») chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011.

La lutte contre l’impunité devant rester une priorité, la Commission d’enquête, complémentaire du Mécanisme susmentionné, est fondamentale dans l’établissement des faits, a insisté une délégation. La condamnation par un tribunal allemand, il y a deux semaines, d’un ancien officier des services de renseignement syriens a été saluée par plusieurs intervenants. La situation en Syrie doit être déférée à la Cour pénale internationale, ont ajouté plusieurs pays.

Un intervenant a souligné que la crise en Syrie ne pouvait être résolue que par un effort politique – et non par des moyens militaires. De plus, « chaque famille syrienne étant affectée par les abus du régime », il ne saurait y avoir de solution politique inclusive durable qui ne tienne compte des personnes détenues, a fait observer une délégation.

S’agissant du retour des personnes déplacées, tous les mouvements de retour doivent être volontaires et effectués en coopération avec des organisations compétentes telles que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ont insisté certains orateurs.

Une organisation non gouvernementale (ONG) a observé qu’il restait en Syrie environ mille enfants de combattants européens de Daech, victimes des choix de leurs parents mais aussi de l'inaction des gouvernements européens concernés.

Ont par ailleurs été dénoncées des tentatives de provoquer un changement démographique dans les régions du nord de la Syrie afin de servir des objectifs expansionnistes et de diviser les rangs de l'opposition syrienne.

Une délégation a estimé, pour sa part, que les rapports de la Commission d’enquête donnaient une image déformée des événements de la crise syrienne. Le principal facteur de déstabilisation cité par la Commission n’est pas les atrocités commises par les terroristes et leur financement extérieur, mais les activités antiterroristes du Gouvernement syrien, a déploré cette délégation. Un autre intervenant a demandé que soient jugées les personnes qui financent les groupes terroristes en Syrie.

*Liste des interventans : Union européenne, Danemark (au nom d'un groupe de pays), Croatie (au nom d'un groupe de pays), Koweït, Qatar, Allemagne, Jordanie, Israël, Brésil, Fédération de Russie, Iraq, France, Grèce, Équateur, Japon, Australie, Pays-Bas, Suisse, Venezuela, Iran, République populaire démocratique de Corée, Belgique, Malte, États-Unis, Égypte, Roumanie, Bahreïn, Espagne, Chili, Albanie, Bélarus, Chine, Italie, Royaume-Uni, Émirats arabes unis, Turquie, Chypre, Irlande, Géorgie, ONU Femmes, Sri Lanka, Uruguay, Cuba, Autriche, Nicaragua, Philippines, Arménie, International Council Supporting Fair Trial and Human Rights, Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, Congrès juif mondial, Physicians for Human Rights, World Evangelical Alliance, Institut du Caire pour les études sur les droits de l’homme, The Palestinian Return Centre Ltd.,Christian Solidarity Worldwide, Maat for Peace,Development and Human Rights Association, Institute for NGO Research.

Réponses et remarques de conclusion de la Commission d’enquête

M. HANNY MEGALLY, membre de la Commission d’enquête, a indiqué que la Commission avait préparé des lignes directrices sur la coopération entre les mécanismes d’enquête et les juridictions nationales. L’impunité est imputable à l’inaction tant des autorités syriennes que des autres parties au conflit, a-t-il souligné. Cette impunité s’explique aussi par le veto au Conseil de sécurité, qui empêche de déférer la situation à la Cour pénale internationale, a-t-il ajouté. Certes, la compétence universelle s’étend, mais elle reste limitée, a relevé M. Megally, avant de demander aux États impliqués dans le conflit de mener des enquêtes sur les agissements de leurs propres forces.

Evoquant la recommandation de la Commission de créer un mécanisme indépendant pour coordonner et consolider les demandes d’information concernant les personnes disparues, M. Megally a expliqué que cet instrument devrait permettre de rechercher et d’identifier les personnes disparues, tout en centralisant les plaintes des familles.

Pour conclure, M. PINHEIRO a donné lecture d’une déclaration dans laquelle MME KAREN KONING ABUZAYD, également membre de la Commission d’enquête, plaide pour la libération immédiate des personnes détenues arbitrairement, pour l’identification des personnes disparues et pour le soutien aux enfants victimes de violences sexuelles.

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar

Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar (A/HRC/46/56, en anglais seulement)

Présentation de rapport

M. THOMAS H. ANDREWS, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, a indiqué qu’alors qu’il y a un mois – lors de la session extraordinaire sur le Myanmar qu’a tenue le Conseil – il rapportait que la « junte » avait tué une personne et détenait plus de 200 personnes, « le nombre total d’arrestations et de détentions arbitraires depuis le 1er février a bondi au-delà des 2000, alors que la violence contre les manifestants […] ne cesse de croître ». « Dans le rapport écrit que j’ai rédigé la semaine dernière, j’ai documenté un total de 23 meurtres » et « des informations crédibles indiquent qu’à ce jour, les forces de sécurité du Myanmar ont tué au moins 70 personnes », a poursuivi le Rapporteur spécial. La « junte » détient arbitrairement chaque jour des dizaines de personnes, parfois des centaines, a-t-il insisté.

Il existe également de nombreuses preuves vidéo montrant les forces de sécurité en train de battre violemment des manifestants, des médecins et des passants, a indiqué M. Andrews, ajoutant qu’une vidéo montre aussi des soldats et des policiers se déplaçant systématiquement dans les quartiers et détruisant des propriétés, pillant des magasins, arrêtant arbitrairement des manifestants et passants, et tirant aveuglément à l’intérieur des maisons.

La « junte » a systématiquement détruit toutes les protections légales, qu’il s’agisse de la liberté d’expression, de réunion ou d’association, ou encore du droit à la vie privée, a poursuivi le Rapporteur spécial ; elle a abrogé l’habeas corpus, criminalisé toute critique contre elle – rendant même illégal de la qualifier de ‘junte’ – et interdit la plupart des syndicats, a-t-il notamment souligné.

M. Andrews a ensuite affirmé que le Myanmar est « contrôlé par un régime meurtrier et illégal ». « Les dirigeants actuels du pays ont perpétré des crimes atroces qui sont au centre de l'accusation de génocide portée devant la Cour internationale de Justice (CIJ) », a-t-il rappelé, avant de souligner que, comme il le documente dans l’annexe à son rapport, les crimes contre les Rohingyas se sont poursuivis. Tout au long de 2020, les forces de sécurité du Myanmar se sont livrées à la torture, au meurtre et aux disparitions forcées de Rohingyas, tuant au moins 33 personnes, en violation de l'ordonnance sur les mesures conservatoires de la CIJ. Depuis le coup d'État, a ajouté le Rapporteur spécial, l'armée a attaqué et déplacé de force de leurs foyers plusieurs milliers de membres de nationalités ethniques. Cela ne devrait surprendre personne qu’il existe des preuves croissantes que cette même armée du Myanmar, menée par les mêmes dirigeants, soit maintenant susceptible de commettre des crimes contre l’humanité.

Un ensemble croissant d’informations laisse de plus en plus apparaître clairement que les meurtres, emprisonnements, disparitions forcées et autres actes perpétrés contre le peuple du Myanmar font partie d’une campagne coordonnée ; qu’ils sont dirigés contre la population civile et non contre des combattants ; qu’ils sont très répandus et bien organisés ; et que la haute direction du pays en a connaissance.

« Si nous admettons qu’il est fort probable que la junte du Myanmar commet actuellement des crimes atroces contre son propre peuple, alors que nous siégeons ici, que faisons-nous à ce sujet ? », a interrogé le Rapporteur spécial. Évoquant la déclaration publiée hier par le Conseil de sécurité qui exprimait sa profonde préoccupation face aux développements au Myanmar et condamnait la violence contre des manifestants pacifiques, M. Andrews a affirmé que, pour bienvenus qu’ils soient, ces mots sont « totalement insuffisants ». Le peuple du Myanmar a besoin non seulement de paroles de soutien, mais aussi d’action de soutien ; il a besoin de l’aide de la communauté internationale, maintenant, a insisté M. Andrews.

Le Rapporteur spécial a également dit se rendre compte que toutes les nations ne sont pas prêtes à agir. Mais la réticence de quelques nations ne doit pas interdire l’action coordonnée de celles qui sont prêtes à agir, a-t-il souligné, avant de préciser que les sanctions contre la « junte militaire » ne seront vraiment efficaces que si elles sont unifiées et coordonnées. M. Andrews a exhorté les États Membres à s'engager à prendre des mesures fortes, décisives et coordonnées au sein d’une coalition internationale. Une fois formée, cette coalition devrait envisager : d’arrêter immédiatement le flux de revenus vers les coffres de « la junte illégale » ; d’interdire l'exportation d'armes à destination de l'armée du Myanmar ; d’ouvrir, pour les pays qui ont des lois de juridiction universelle, des enquêtes sur les crimes en cours et se préparer à déposer des accusations contre les hauts responsables de la sécurité du Myanmar ; de veiller à ce que l’aide humanitaire et l’aide au développement ne transitent plus par « la junte » ; et de refuser de reconnaître la « junte militaire » comme le gouvernement légitime représentant le peuple du Myanmar – ce qu’elle n’est pas.

Pays concerné

Le Myanmar a dit prendre note de l'exposé du Rapporteur spécial, même si la position du Gouvernement du Myanmar vis-à-vis des mandats de pays reste inchangée, à savoir que le Myanmar y est opposé car il les considère contraires aux principes d’universalité, d’impartialité, d’objectivité, de non-sélectivité et de non-politisation. Cependant, les gouvernements successifs du Myanmar ont coopéré avec les rapporteurs spéciaux et ont accepté la quasi-totalité de leurs visites, a ajouté la délégation du Myanmar, affirmant que le but d’une telle coopération est d'expliquer de manière équilibrée la situation du pays sur le terrain.

Concernant précisément la situation de terrain et l’évolution récente du Myanmar, la délégation a expliqué qu’après avoir observé des irrégularités sur les listes électorales qui pourraient être liées à la fraude électorale lors des élections générales du 8 novembre dernier, la Tatmadaw (armée) avait demandé à la précédente Commission électorale de l'Union (UEC) de résoudre la situation. L’enquête a révélé que sur 38 millions de personnes inscrites sur les listes publiées par l'UEC, environ 10,48 millions conduiraient à des cas de fraude électorale. Ces fraudes auraient conduit des personnes à voter plus d'une fois. Les listes comprenaient aussi des mineurs, a ajouté la délégation.

Conformément aux dispositions constitutionnelles, a-t-elle poursuivi, les représentants parlementaires de la Tatmadaw et de certains partis politiques ont demandé au président du Pyidaungsu Hluttaw (Parlement de l'Union du Myanmar) de résoudre cette question en convoquant une session spéciale du Parlement. La Tatmadaw a également demandé au président de tenir informé le Conseil national de sécurité et de défense pour résoudre correctement le problème. Cependant, toutes ces tentatives ont été ignorées et l'UEC n'a pas réussi à résoudre le problème conformément aux lois existantes. Compte tenu de l'échec de l'UEC, du Parlement et du Gouvernement à aborder la question, le président par intérim a déclaré l'état d'urgence pour un an le 1er février, conformément à l'article 417 de la Constitution et a transféré les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire au commandant en chef des services de défense conformément à l'article 418 (a) de la Constitution de l'État, a indiqué la délégation.

La délégation a également assuré que la composition du Conseil d'administration d'État (SAC) est différente de celle d’une d'administration de type militaire. Depuis son organe central jusqu’aux administrations locales, il comprend des civils et des représentants des minorités nationales. Le SAC n'a par ailleurs pas aboli la Constitution et s'est engagé à consolider le système démocratique multipartite discipliné qui convient à la situation actuelle du pays et auquel aspire le peuple du Myanmar. Le SAC s’est également engagé à respecter les obligations internationales du Myanmar et les lois en vigueur. Le SAC en outre annoncé cinq programmes prioritaires dont la reconstitution de la nouvelle UEC pour procéder à la vérification des listes électorales conformément à la loi; le renforcement des mesures de lutte contre la pandémie de COVID-19 ; ou encore le rétablissement d'une paix durable dans tout le pays. Il s’engage aussi à transférer le pouvoir au parti vainqueur des prochaines élections générales démocratiques libres et équitables, a assuré la délégation.

Aperçu du dialogue

Plusieurs délégations ont condamné le coup d'État militaire au Myanmar et se sont dites solidaires des « personnes courageuses qui défendent la démocratie ». Le recours à la force létale face à des manifestants pacifiques est inacceptable et les militaires devront rendre compte de leur répression brutale des manifestations pacifiques, a-t-il été souligné.

La libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes détenues arbitrairement au Myanmar, en particulier celle de Daw Aung San Suu Kyi, de U Win Myint et d'autres dirigeants politiques, a été demandée à plusieurs reprises cet après-midi, de même que la levée de l'état d'urgence. Le gouvernement civil élu doit être restauré et la volonté du peuple respectée, a-t-il été ajouté.

Le coup d'État aura des conséquences au-delà de la sphère politique, en aggravant les conflits, la pauvreté et l'exclusion des groupes minoritaires, notamment des Rohingyas, a-t-il par ailleurs été souligné.

Plusieurs pays ont remercié le Rapporteur spécial pour son travail important et ont dit soutenir fermement son mandat. Il lui a été demandé de faire des recommandations quant aux moyens de garantir la reddition de comptes pour les crimes actuels et ceux commis dans le passé.

A par ailleurs été dénoncée l’exclusion des Rohingyas des processus démocratiques au Myanmar, en particulier lors des dernières élections. A également été demandée l’application des recommandations du Rapporteur spécial concernant la nationalité des Rohingyas.

Une délégation a jugé injustifiées les tentatives de placer l'examen de la situation au Myanmar sur le terrain des droits de l'homme. Il appartient plutôt à la communauté internationale d'aider le Myanmar à traverser la phase difficile actuelle de son développement, sans fermer les canaux de communication et sans suspendre la coopération, a affirmé cette délégation.

**Liste des intervenants : Royaume-Uni, Union européenne, Lituanie (au nom d’un groupe de pays), Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique, OCI), Allemagne, Libye, Fédération de Russie, Philippines, France, Maldives, Malaisie, Arabie saoudite, Japon, Australie, Pays-Bas, Suède, Indonésie, Venezuela, Suisse, Iran, Belgique, République de Corée, Pakistan, Inde, Etats-Unis, Thaïlande, République démocratique populaire lao, Espagne, Croatie, Albanie, Chine.

 

HRC21.037F