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Il est rapporté au Conseil des droits de l’homme que la situation au Burundi reste incertaine et que la violence exercée sur les civils sud-soudanais est à son plus haut niveau depuis décembre 2013

Compte rendu de séance

 

Des informations sur des exécutions extrajudiciaires dans le cadre d’opérations de sécurité au Venezuela continuent de parvenir au Haut-Commissariat

 

« Malheureusement, nous avons documenté que depuis l’arrivée au pouvoir du Président Ndayishimiye et même au cours des derniers mois, des violations graves des droits de l’homme ont continué à être commises » au Burundi. La situation actuelle dans ce pays est donc « trop complexe et incertaine pour pouvoir parler d’une véritable amélioration ». C’est ce qu’a affirmé ce matin devant le Conseil des droits de l’homme le Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, M. Doudou Diène. Il a dit espérer que les premiers gestes entrepris par le Président Ndayishimiye, suite à ses promesses d’améliorer la situation des droits de l’homme et la gouvernance du pays, « soient les prémices de changements profonds, de nature structurelle, qui eux se font toujours attendre ».

Ce matin, la Présidente de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud, Mme Yasmin Sooka, a quant à elle estimé que la violence exercée sur les civils sud-soudanais était à son plus haut niveau depuis le début de la guerre civile en décembre 2013. Malgré la formation du Gouvernement en février 2020, pratiquement aucune des dispositions de l'Accord de paix revitalisé n'a été mise en œuvre, a-t-elle en outre déploré.

Rappelant que le mandat de la Commission qu’elle préside consiste aussi à établir les responsabilités en cas de violations flagrantes des droits de l'homme et de crimes connexes, ainsi qu'à recueillir des preuves pour les futurs processus de responsabilisation, Mme Sooka indiqué que la Commission a compilé des dossiers sur 111 militaires de haut rang, hauts fonctionnaires, politiciens, membres de l'opposition et hommes d'affaires.

Présentant pour sa part une mise à jour sur la situation des droits de l’homme au Venezuela, la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, a notamment indiqué que des informations sur des exécutions extrajudiciaires dans le cadre d’opérations de sécurité continuent de parvenir au Haut-Commissariat. Elle s’est félicitée des solutions adoptées pour réduire les délais judiciaires et la surpopulation dans les centres de détention, mais a dit rester préoccupée par les informations faisant état de décès en détention dus à la malnutrition, à la tuberculose et à d'autres maladies. La nomination du prochain Conseil électoral national est un test pour la crédibilité des prochaines élections, a souligné la Haute-Commissaire.

Suite à ces présentations, le Venezuela, le Burundi et le Soudan du Sud ont fait des déclarations en tant que pays concernés. De nombreuses délégations ont par ailleurs pris part aux dialogues noués avec la Haute-Commissaire aux droits de l'homme, s'agissant du Venezuela*, et avec la Commission d'enquête sur le Burundi**.

 

Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil doit poursuivre son dialogue avec la Commission d’enquêtes sur le Soudan du Sud, avant d’engager ses dialogues avec la Commission d'enquête sur la République arabe syrienne et avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar.

 

Dialogue avec la Haute-Commissaire aux droits de l’homme concernant la situation des droits de l’homme au Venezuela

Le Conseil est saisi d’une mise à jour orale de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme en République bolivarienne du Venezuela.

Mise à jour orale

MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire aux droits de l’homme, a rappelé que [dans sa mise à jour sur la situation globale des droits de l’homme dans le monde faite devant le Conseil le 26 février dernier] elle avait reconnu les mesures positives prises par le Gouvernement du Venezuela – auquel le Haut-Commissariat continuera d’apporter un soutien technique.

Des informations sur des exécutions extrajudiciaires dans le cadre d’opérations de sécurité continuent cependant de parvenir au Haut-Commissariat, a indiqué Mme Bachelet. Début janvier, au moins 14 personnes auraient été tuées au cours d'une opération dans le quartier de La Vega à Caracas. Rappelant les annonces de réforme de la police faites par les autorités du pays, Mme Bachelet a demandé que des enquêtes indépendantes soient menées rapidement afin de garantir que les responsables rendent des comptes, de prévenir d'autres événements similaires et de mettre fin à cette pratique.

D’autre part, a poursuivi la Haute-Commissaire, depuis septembre 2020, l'accès aux services de base tels que l'assistance médicale, l'eau, le gaz, la nourriture et l'essence a continué à se raréfier et a été encore plus limité par les effets de la pandémie. Cela a contribué à déclencher des protestations sociales et a sérieusement aggravé la situation humanitaire, a-t-elle ajouté. La mort d'au moins 28 migrants vénézuéliens en mer des Caraïbes en décembre a rappelé une fois de plus les choix difficiles que certains doivent faire et leur vulnérabilité accrue face aux réseaux de traite de migrants, a-t-elle alors souligné.

Mme Bachelet s’est ensuite félicitée des solutions adoptées pour réduire les délais judiciaires et la surpopulation dans les centres de détention. Mais elle a dit rester préoccupée par les informations faisant état de décès en détention dus à la malnutrition, à la tuberculose et à d'autres maladies. Elle a appelé à la libération inconditionnelle de toutes les personnes détenues arbitrairement, tout en se félicitant de l'accès récemment accordé au Haut-Commissariat aux centres de détention de la police.

Mme Bachelet a en outre fait part de sa préoccupation face aux initiatives visant à imposer des restrictions à l’activité des organisations non gouvernementales (ONG), y compris le gel d’avoirs, ainsi que face à la multiplication des signes de réduction de l'espace civique : depuis septembre dernier, le Haut-Commissariat a documenté au moins 66 cas d'intimidation, de harcèlement et de criminalisation visant des journalistes ou des sympathisants de l'opposition, y compris des membres élus de l'Assemblée nationale élue en 2015 et leurs proches. Le jour des élections en décembre 2020, le Haut-Commissariat a documenté au moins quinze cas d'intimidation et de harcèlement de journalistes, ainsi que des déclarations tendant à conditionner l'accès aux programmes sociaux au vote. En ce qui concerne le prochain cycle électoral, Mme Bachelet a rappelé aux autorités leur obligation de protéger les libertés fondamentales et de garantir les conditions d'une participation significative à la vie publique, y compris pour les voix dissidentes. La nomination du prochain Conseil électoral national est un test pour la crédibilité des prochaines élections, a conclu la Haute-Commissaire.

Pays concerné

Le Venezuela a dit rejeter l’approche des mandats de pays (mandats ciblant un pays particulier), affirmant que cette approche est inspirée par des pays qui cherchent « la paille dans les yeux des autres et ne voient pas la poutre dans les leurs ». De la même manière, la délégation rejette le rapport [la présente mise à jour] de la Haute-Commissaire parce qu’il ne tient pas compte des progrès enregistrés dans le pays, pas plus que des réponses apportées par le Gouvernement à ses questions ; il ne tient même pas compte des observations de sa propre mission [celle du Haut-Commissariat] au Venezuela et ignore par ailleurs les effets des sanctions économique unilatérales qui pèsent sur le Venezuela.

Or, a poursuivi la délégation vénézuélienne, on ne peut parler de la situation des droits de l'homme dans le pays sans tenir compte des sanctions imposées par les États-Unis et leurs alliés – des sanctions qui sont constitutives de crimes contre l’humanité, a affirmé la délégation. L’on se trompe si l’on s’imagine que le Venezuela rompra sa coopération avec le Haut-Commissariat ; au contraire, les autorités vénézuéliennes restent engagées à pleinement coopérer avec lui et avec le Conseil des droits de l'homme, a conclu la délégation.

Aperçu du dialogue

Un groupe de pays s’est dit très préoccupé par la détérioration de la situation des droits de l'homme au Venezuela, qui a notamment entraîné la deuxième plus grande crise de migration et de réfugiés au monde. A particulièrement été déplorée l'escalade des restrictions de l'espace civique et démocratique au Venezuela, y compris au détriment de la liberté de la presse. La détérioration continue de l'état de droit et le manque d'indépendance du système judiciaire s'accompagnent de la criminalisation et du ciblage systématique des organisations de la société civile, a-t-il été dénoncé. La libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes détenues arbitrairement a été demandée.

Une organisation non gouvernementale (ONG) a fait observer que la situation humanitaire au Venezuela restait marquée par les effets de la pandémie de COVID-19 et par l'aggravation des problèmes économiques et politiques. L’accès à l’aide humanitaire et une distribution sans entrave de cette aide, en particulier pour ce qui est des médicaments et des vaccins, ont été jugés indispensables dans le contexte de la crise humanitaire en cours.

Il a par ailleurs été rappelé que la reddition de comptes et la réparation pour les violations des droits de l'homme renforcent la crédibilité des institutions d'un pays.

Une délégation a regretté que les élections législatives du 6 décembre 2020 aient été une « occasion manquée pour la démocratie » et qu'elles n'aient pas respecté les normes internationales relatives à un processus démocratique. Les autorités vénézuéliennes ont été appelées à garantir les droits relatifs aux libertés d'opinion, d'expression, d'information, de réunion et d'association, et à faire en sorte que chacun puisse exercer son droit de participer à la vie publique. Les autorités ont également été appelées à adopter immédiatement des mesures concrètes pour prévenir la persécution politique et le recours aux exécutions extrajudiciaires et à la détention arbitraire. Une ONG a déploré qu’aucune enquête ne semble avoir été ouverte sur les événements de La Vega, à Caracas.

Un intervenant a, pour sa part, déploré que la question des droits de l'homme soit utilisée pour exercer des pressions sur le Venezuela. Dans ce contexte, les conséquences de l’action subversive de l'opposition radicale provoquant des troubles sont tues, de même que sont passées sous silence les conséquences des sanctions étrangères ayant un impact négatif sur la situation générale du pays, a fait observer cet intervenant.

D’autres délégations ont salué l’engagement des autorités à coopérer avec les mécanismes des droits de l'homme des Nations Unies, notamment dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU).

Une délégation ayant assuré que les sanctions imposées au Venezuela par son pays ne visaient que certains individus, il a été relevé que la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur la jouissance des droits de l'homme avait confirmé, lors d’une visite récente au Venezuela, que ces mesures affectent négativement tous les secteurs du pays. Il est regrettable que le rapport ne mentionne pas cet aspect, a-t-il été ajouté.

La création, par le Conseil, de mandats de pays sans l’aval des pays concernés a une fois de plus été critiquée.

*Liste des intervenants : Union européenne, Pérou (au nom d'un groupe de pays), Brésil, Fédération de Russie, Équateur, Japon, Iran, République populaire démocratique de Corée, Pérou, Espagne, Albanie, Uruguay, Bélarus, Chine, Syrie, Royaume-Uni, Géorgie, Sri Lanka, Nicaragua, République démocratique populaire lao, Cuba, Slovaquie, Argentine, Colombie, Bolivie, Fundación Latinoamericana por los Derechos Humanos y el Desarrollo Social , Caritas Internationalis (International Confederation of Catholic Charities) , Ingénieurs du Monde, Commission internationale de juristes, United Nations Watch, Asociacion HazteOir.org, International Human Rights Association of American Minorities (IHRAAM) , Centre pour la justice et le droit international, Amnesty International et Advocates for Human Rights.

Réponses et remarques de conclusion de la Haute-Commissaire

MME BACHELET a remercié les délégations qui ont insisté sur l’importance de la présence du Haut-Commissariat au Venezuela, y compris au travers de l’ouverture d’un bureau. Le Haut-Commissariat continuera de contrôler les progrès réalisés dans le domaine des droits de l’homme – y compris pour ce qui est de la prévention de la torture – et de signaler les carences à cet égard, a-t-elle indiqué. Le Haut-Commissariat poursuivra, ce faisant, le dialogue avec les autorités, a assuré Mme Bachelet. Elle a espéré que les annonces de réforme qui visent à trouver des solutions durables, au-delà des mesures ponctuelles, seront concrétisées.

Pour l’avenir, Mme Bachelet a jugé nécessaire de renforcer le champ de l’action civique, de protéger l’indépendance des institutions et de dialoguer dans le plein respect des droits de l’homme. La Haute-Commissaire a en outre appelé à la levée des sanctions contre le Venezuela. Elle a enfin demandé que cessent les représailles contre les personnes ayant collaboré avec le Haut-Commissariat et que les responsables de telles représailles soient sanctionnés.

Dialogue avec la Commission d’enquête sur le Burundi

Le Conseil est saisi d’une mise à jour orale de la Commission d’enquête sur le Burundi.

Mise à jour orale

M. DOUDOU DIENE, Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, a rappelé que situation sanitaire mondiale limite les possibilités d'effectuer des missions sur le terrain. Surtout, a-t-il ajouté, la crise de liquidités que traverse l’ONU a fortement affecté pour la Commission la mise à disposition des ressources humaines nécessaires à l’exécution de son mandat. Nous avons continué à effectuer des entretiens à distance, a-t-il indiqué.

De nombreux développements ont eu lieu depuis la présentation de notre dernier rapport, a poursuivi le Président de la Commission d’enquête. En novembre 2020, a-t-il rappelé, l’Organisation de la Francophonie (OIF) a levé les sanctions qui avaient été prises dans le contexte de la crise de 2015. Le 4 décembre 2020, le Conseil de sécurité a décidé de retirer le Burundi de son programme de travail en raison notamment de « l’amélioration des conditions de sécurité au Burundi » ; mais il a toutefois souligné « qu’il reste encore beaucoup à accomplir pour faire avancer la réconciliation nationale, la promotion de l’état de droit et d’un système judiciaire indépendant et efficace, la préservation de l’espace démocratique et le respect des libertés fondamentales, telles que la liberté d’expression, y compris pour les membres de la presse et les acteurs de la société civile, la consolidation de la paix, la cohésion sociale et le développement […] et que les violations des droits humains et les atteintes à ces droits continuent de soulever des préoccupations ». L’Union européenne a quant à elle entamé depuis le 7 décembre 2020 une reprise progressive du dialogue politique avec les autorités burundaises, a indiqué M. Diène.

Durant ces derniers mois, les rapatriements de réfugiés burundais depuis les pays limitrophes se sont accélérés, y compris en provenance du Rwanda, a poursuivi M. Diène. Selon le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), quelque 315 000 Burundais restent néanmoins réfugiés dans les pays limitrophes, et le HCR a lancé un appel de fonds pour 2021 de 222 millions de dollars américains afin de pouvoir leur fournir de l’assistance humanitaire. Le HCR a également lancé un appel de fonds additionnel de 104 millions de dollars pour soutenir le rapatriement prévu de 143 000 réfugiés burundais en 2021, mais également pour soutenir les 120 494 Burundais qui ont été rapatriés depuis 2017 et qui n’ont pas reçu « une assistance appropriée pour une réintégration adéquate ». Nous encourageons les États membres à répondre à ces appels, a déclaré M. Diène.

Depuis son arrivée au pouvoir, a rappelé M. Diène, le Président Ndayishimiye a mis en avant la priorité du Gouvernement de développer le pays et donc de réduire la pauvreté dans laquelle vit une grande partie de la population ; il a également multiplié les promesses d’améliorer la situation des droits de l’homme et la gouvernance du pays, a fait observer M. Diène. « Nous notons qu’au cours des derniers mois, il y a enfin eu des premiers gestes en ce sens, que nous saluons, tout en rappelant que de simples gestes ad hoc et des déclarations d’intention ne sauraient suffire pour véritablement améliorer la situation de manière durable. Il faut également noter qu’à côté de ces quelques signes encourageants, d’autres développements sont nettement plus préoccupants », a déclaré le Président de la Commission d’enquête. Il résulte de ce tableau général un sentiment global d’incertitude quant à l’évolution en cours au Burundi et la voie suivie par le Président Ndayishimiye, a-t-il ajouté.

Le premier signe positif est que le Gouvernement a démontré avoir les moyens – quand il le souhaite – de contrôler les Imbonerakure en mettant certains d’entre eux face à leur responsabilité pour des crimes graves et en permettant qu’ils soient poursuivis en justice et sanctionnés de manière adéquate, a observé M. Diène. Malheureusement, a-t-il poursuivi, « nous avons documenté que depuis l’arrivée au pouvoir du Président Ndayishimiye et même au cours des derniers mois, des violations graves des droits de l’homme ont continué à être commises ». Des affrontements armés et des échanges de tirs entre des membres des forces de sécurité, parfois appuyés par des Imbonerakure, et des membres de groupes armés, mais aussi des cas d’attaques de civils par des groupes d’hommes armés non identifiés se sont multipliés. Ainsi une organisation indépendante a dénombré 308 incidents de ce type qui ont fait 273 victimes parmi les forces de l’ordre et de sécurité, les Imbonerakure, les membres des groupes armés mais aussi la population civile entre le 18 juin 2020 (date d’investiture du Président Ndayishimiye) et le 26 février 2021.

Cette situation a eu pour effet d’accroître la « chasse » aux rebelles, principalement dans les zones où les attaques ont eu lieu et dans les provinces frontalières du pays, et « la répression visant les personnes soupçonnées de faire partie ou de soutenir les groupes armés d’opposition responsables de ces attaques s’est donc renforcée, et se fait généralement sur la base d’un profilage ethnique et/ou politique, ou tout simplement pour avoir traversé la frontière », a indiqué M. Diène. En conséquence, a-t-il poursuivi, « depuis septembre 2020, des militaires ex-FAB (membres des anciennes Forces armées burundaises) encore en poste ou à la retraite ainsi que des membres de leur famille, des jeunes, souvent d’origine tutsie, et des membres des partis d’opposition, principalement du Congrès national pour la liberté (CNL), ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, d’arrestations et de détentions arbitraires souvent accompagnées de torture ». Des agents du SNR (le Service national du renseignement), parfois appuyés d’Imbonerakure, ont été identifiés comme les auteurs principaux de ces violations, tout comme cela a été le cas depuis 2015, a-t-il ajouté, avant de rappeler que depuis la révision constitutionnelle de 2018, le SNR relève directement de l’autorité du Président de la République. M. Diène a donc appelé solennellement le chef de l’État à exercer son pouvoir hiérarchique sur le SNR afin de faire cesser ces pratiques.

« Chaque semaine, des corps sans vie, portant pour la plupart les signes d’une mort violente, continuent d’être retrouvés dans l’espace public et sont enterrés à la va-vite par les autorités qui ne prennent même pas la peine de les identifier et encore mois de chercher à établir les causes de leur décès, ni rechercher les éventuels responsables », a également déploré M. Diène. Il a ensuite passé en revue la situation du pays en ce qui concerne, notamment la liberté et la sécurité des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des opposants politiques. La grâce présidentielle accordée le 5 mars 2021 à plus de 5000 prisonniers est certes bienvenue vu la surpopulation carcérale qui a atteint un niveau record ces derniers mois, mais il est regrettable qu’en soient exclus les défenseurs des droits de l’homme et les opposants politiques, généralement condamnés pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’État », a-t-il notamment fait remarquer.

La coopération avec les Nations Unies reste aléatoire et partiale. Si les autorités se montrent ouvertes à la coopération en matière de développement économique et d’assistance humanitaire, elles restent toutefois fermées à toute coopération au niveau politique et en matière des droits de l’homme, a enfin relevé le Président de la Commission d’enquête, faisant notamment observer qu’aucune avancée n’avait eu lieu pour la réouverture du bureau pays du Haut-Commissariat aux droits de l’homme fermé unilatéralement par le Gouvernement le 28 février 2019.

« La situation actuelle au Burundi est donc trop complexe et incertaine pour pouvoir parler d’une véritable amélioration. Nous espérons que les gestes entrepris par le Président Ndayishimiye soient les prémices de changements profonds, de nature structurelle, qui eux se font toujours attendre », a conclu M. Diène.

Pays concerné

Le Burundi a rejeté les allégations formulées à l’encontre de son pays en violation du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États, inscrit dans la Charte des Nations Unies. Ce dialogue, a poursuivi la délégation burundaise, intervient au moment où la situation au Burundi connaît d’énormes avancées résultant de la nouvelle politique du Gouvernement. Au niveau intérieur, le Gouvernement s’attelle notamment à l’amélioration de la bonne gouvernance et de la santé publique. Au niveau diplomatique, le Gouvernement s’est félicité de la reprise de la collaboration avec la Francophonie et du dialogue politique avec l’Union européenne, qui se poursuit dans un climat constructif. La délégation burundaise a aussi salué la décision historique du Conseil de sécurité de l’ONU de retirer le Burundi de son agenda politique.

Sur le plan des droits de l’homme, plus de 5255 prisonniers viennent de bénéficier de la grâce présidentielle, y compris quatre journalistes. En outre, le Gouvernement investit tous ses moyens pour faciliter le travail des mécanismes nationaux de protection des droits humains et particulièrement celui de la Commission indépendante des droits de l’homme. Un dialogue avec les médias suspendus est en cours et la Radio Bonesha ainsi que d’autres médias électroniques ont eu l’autorisation d’émettre, a fait valoir la délégation. Il faut aussi signaler le retour massif et volontaire de plus de 120 000 réfugiés depuis août 2017 – un signe éloquent du retour de la paix, de la sécurité, de la stabilité et de la confiance entre les Burundais et leurs leaders, a ajouté la délégation.

Aperçu du dialogue

La communauté internationale attend des progrès substantiels, a-t-il été souligné ; elle attend la mise en place de réformes pour mieux protéger les droits de l'homme, s’agissant en particulier de la lutte contre l’impunité – notamment celle dont continuent de jouir les Imbonerakure. Ces réformes sont d’autant plus attendues que de nombreuses violations des droits de l'homme continuent de se produire, notamment contre les journalistes, les opposants politiques et les défenseurs des droit de l'homme, a-t-il été relevé.

Dans ce contexte, il a été demandé au Gouvernement burundais de suivre les recommandations de la Commission d’enquête, de coopérer pleinement avec les mécanismes internationaux et de promouvoir les droits de l'homme et le développement au profit du peuple burundais. Que peut donc faire la communauté internationale pour appuyer et aider le Gouvernement à protéger les droits de tous les Burundais, a-t-il été demandé ?

Les mécanismes et autres mandats ciblant des pays particuliers et non agréés par les États concernés ne sont pas acceptables, surtout lorsqu’ils sont politisés et ne sont pas fondés sur les principes des droits de l'homme, a affirmé une délégation. Le Conseil des droits de l'homme n’a pas vocation à s’immiscer dans les affaires électorales des États, a-t-il été ajouté. Au lieu de politiser la situation des droits de l'homme au Burundi, la communauté internationale ferait mieux de reconnaître les progrès du pays et de lever les sanctions économiques imposées au Burundi, a affirmé une délégation. La levée de ces sanctions pourrait considérablement améliorer la coopération entre le Burundi et la communauté internationale, a-t-il été déclaré.

**Liste des intervenants : Union européenne, Norvège (au nom des pays nordique et baltes), Fédération de Russie, Suisse, Pays-Bas, Venezuela, République populaire démocratique de Corée, États-Unis, Égypte, Belgique, Bélarus, Chine, Luxembourg, Royaume-Uni, Soudan du Sud, Cameroun, Cuba, Irlande, Sri Lanka, République islamique d’Iran, Soudan, Tanzanie, Centre pour les droits civils et politiques, East and Horn Africa Human Rights Defenders project, Service international pour les droits de l'homme, RADDHO, CIVICUS, Advocate for Human Rights et Amnesty international.

Réponses et remarques de conclusion de la Commission d’enquête

MME FRANÇOISE HAMPSON, membre de la Commission d’enquête sur le Burundi, a souligné que si le Conseil de sécurité a bien retiré le Burundi de son ordre du jour, il n’en a pas moins exprimé, dans sa déclaration du 4 décembre 2020, sa préoccupation constante face à la situation des droits de l'homme dans ce pays.

L’État burundais devrait notamment rouvrir l'espace démocratique, renforcer le système judiciaire et garantir son indépendance, a indiqué Mme Hampson. Il doit aussi garantir des recours effectifs contre l'inertie du système judiciaire, offrir une meilleure protection aux victimes et aux témoins et établir un système efficace de contrôle de la légalité de la détention, afin de lutter contre les détentions arbitraires et les abus de la détention préventive.

La communauté internationale doit encourager le Gouvernement du Burundi à procéder aux changements structurels nécessaires, tout en l'aidant à assumer ses responsabilités en matière de droits de l'homme. La réouverture du bureau de pays du Haut-Commissariat constituerait un pas important dans ce sens et un indicateur de la volonté du Gouvernement, a déclaré Mme Hampson. La Commission d’enquête est toujours disponible pour engager un dialogue et une coopération avec le Gouvernement du Burundi, a-t-elle assuré. Elle a en outre espéré que la Commission nationale des droits de l'homme serait, dans les mois à venir, en mesure de démontrer qu'elle peut remplir son mandat de manière indépendante et crédible. Mais cet organe, lié à la réalité nationale, ne peut compenser le dysfonctionnement d'un système judiciaire ou d'un exécutif qui cherche à supprimer les libertés démocratiques, a-t-elle ajouté.

M. DIÈNE a proposé des critères pour aider la communauté internationale dans son positionnement sur la situation des droits de l’homme dans les pays concernés. D’abord, il faut tenir compte du contexte régional et international, notamment de la fragilité des droits de l’homme dans la région, a-t-il indiqué. La dimension historique de la situation des droits de l’homme au Burundi est également importante, tout comme l’est la prise en compte de la souffrance du peuple. Enfin, le renouvellement du mandat de la Commission d’enquête serait une reconnaissance de son travail de fond, a conclu M. Diène.

Dialogue avec la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud

Le Conseil est saisi du rapport de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud
(A/HRC/46/53).

Présentation du rapport

MME YASMIN SOOKA, Présidente de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud, a affirmé que la violence exercée sur les civils sud-soudanais était à son plus haut niveau depuis le début de la guerre civile en décembre 2013. Cette situation est aggravée par une crise humanitaire, par la pandémie de COVID-19 et par des inondations, de même que par l’insécurité alimentaire, a-t-elle précisé.

L'indépendance n'a pas apporté la paix aux quelque deux millions d'habitants de Jonglei et de la zone administrative du Grand Pibor, où des dizaines de milliers d'hommes dotés d'armes sophistiquées opèrent, a poursuivi Mme Sooka. Lors d'une attaque contre un village, au moins 140 femmes et enfants, dont des nourrissons, ont été enlevés, a-t-elle indiqué, précisant que lors de ce raid, les milices ont pris plus de 175 000 têtes de bétail, toutes les maisons ont été incendiées et les biens pillés. Dans l’Équatoria-Central, le conflit est motivé en partie par la concurrence pour le contrôle de mines d'or lucratives, a en outre souligné Mme Sooka.

Malheureusement, a-t-elle poursuivi, l'Accord de paix revitalisé n'a pas réduit les niveaux de violence au niveau local. Les élites politiques, préoccupées par le partage du pouvoir et des ressources au niveau central, ont délibérément alimenté la violence ethnique locale pour en tirer un avantage politique, a déploré Mme Sooka.

La Présidente de la Commission a ensuite constaté que, depuis 2011, le Gouvernement du Soudan du Sud avait systématiquement réprimé les libertés de parole, d'expression, de réunion pacifique et d'association. Par sa surveillance omniprésente des journalistes, des activistes et des défenseurs des droits de l'homme, le Gouvernement continue d'étouffer la dissidence et d'instiller la peur au sein des communautés, a-t-elle insisté, précisant que ces actes sont menés principalement par le Service de sécurité nationale (NSS).

Malgré la formation du Gouvernement en février 2020, pratiquement aucune des dispositions de l'Accord de paix revitalisé n'a été mise en œuvre, a en outre déploré Mme Sooka. Cela a de graves conséquences : l'armée nationale unique, qui doit être constituée à partir des forces rivales, n'est pas encore formée, pas plus que le nouveau pouvoir législatif. De même, les dispositions de l'Accord relatives à la justice transitionnelle – concernant notamment le tribunal hybride, la commission vérité, réconciliation et guérison et une autorité de compensation et de réparation – ne sont pas appliquées.

En 2020, a relevé Mme Sooka, l'armée a créé des cours martiales pour juger et condamner des soldats gouvernementaux pour viols et violences sexuelles. Mais les tribunaux militaires ne sont pas le forum idéal pour traiter les viols et les violences sexuelles impliquant des victimes civiles, a souligné la Présidente de la Commission.

Mme Sooka a indiqué que la Commission qu’elle préside a fourni au Gouvernement une feuille de route stratégique pour un processus de justice transitionnelle inclusif et participatif, qui pourrait contribuer à l'instauration d'une paix durable au Soudan du Sud.

Le mandat de la Commission consiste aussi à établir les responsabilités en cas de violations flagrantes des droits de l'homme et de crimes connexes, ainsi qu'à recueillir des preuves pour les futurs processus de responsabilisation, a en outre rappelé Mme Sooka. A cet égard, a-t-elle précisé, la Commission a compilé des dossiers sur 111 militaires de haut rang, hauts fonctionnaires et politiciens, membres de l'opposition et hommes d'affaires.

Pays concerné

Le Soudan du Sud a déclaré que « de façon générale », la situation au Soudan du Sud continue d’être calme, en dépit de quelques affrontements qui ont toujours lieu dans divers endroits du pays. Ces affrontement sont le fait de groupes armés non signataires de l’Accord de paix revitalisé et le Gouvernement cherche toujours à les enrôler dans l’Accord, a précisé la délégation sud-soudanaise.

Par ailleurs, a poursuivi la délégation, le Gouvernement lutte contre l’impunité. A titre d’exemple, en janvier 2021, environ 24 personnes ont été condamnées à diverses peines, y compris des peines de prison, et certains de ces condamnés étaient membres des forces de sécurité. Les signataires de l’Accord de paix revitalisé se sont en outre engagés à lutter contre le recrutement d’enfants, a fait valoir la délégation, avant de souligner que plusieurs groupes ont déjà démobilisé de nombreux enfants soldats.

Compte tenu de ces éléments de progrès, le Soudan du Sud demande à être retiré du point de l’ordre du jour portant sur l’examen des situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent l’attention du Conseil (point 4) et souhaite que sa situation soit désormais examinée au titre du point 10 de l’ordre du jour du Conseil qui porte, lui, sur l’assistance technique dans le domaine des droits de l'homme.

 

 

 


HRC36.036F