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Le Conseil des droits de l’homme se penche sur les situations en Somalie, en République centrafricaine et au Soudan

Compte rendu de séance

 

Le Conseil des droits de l’homme a poursuivi, cet après-midi, ses travaux au titre de l’assistance technique et du renforcement des capacités. Il a successivement tenu un dialogue avec l’Experte indépendante sur la situation des droits de l’homme en Somalie, Mme Isha Dyfan, et engagé son dialogue avec l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine, M. Yao Agbetse. Le Conseil a également achevé le dialogue renforcé entamé ce matin au sujet du rapport du Haut-Commissariat sur la situation des droits de l’homme au Soudan, dialogue auquel plusieurs délégations* ont pris part.

Présentant son rapport, qui couvre la période allant du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021, Mme Dyfan a relevé que malgré les efforts déployés par les forces de sécurité somaliennes, la situation restait désastreuse : les attaques contre la population et les biens civils sont quotidiennes en Somalie et, à ce jour, pour cette année 2021, les Nations Unies ont recensé 889 victimes civiles, dont 401 tués et 488 blessés, Al-Shabaab étant responsable de plus de 60% de ces pertes civiles.

Le retrait des forces de la Mission de l’Union africaine en Somalie, s'il n'est pas soigneusement géré, risque donc de créer d'importants vides sécuritaires, qui continueront d'être exploités par Al-Shabaab, les milices claniques et d'autres groupes, a mis en garde l’Experte indépendante. D’autre part, la pandémie de COVID-19, l'invasion de criquets pèlerins et les chocs climatiques répétés ont aggravé la situation humanitaire et contribué à la stagnation économique du pays, alors même que l'absence de filet de sécurité pour les personnes vulnérables accroît les inégalités, a souligné l’Experte indépendante.

Après une déclaration de la Somalie, qui a dit se réjouir d’accueillir prochainement Mme Dyfan pour sa première visite dans le pays, de nombreuses délégations** ont pris part au dialogue avec l’Experte indépendante.

Présentant à son tour son rapport, qui couvre la période allant de juillet 2020 à juin 2021, l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine a expliqué que les élections présidentielles et législatives du 27 décembre 2020 avaient été fortement perturbées par la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), formée quelques jours plus tôt par certains groupes armés en violation de leurs engagements au titre de l’Accord politique pour la paix de 2019. La CPC a troublé la distribution normale du matériel électoral, empêché les candidats de battre campagne et empêché les électeurs de faire leur choix démocratique, obligeant les autorités à organiser des élections législatives partielles et résiduelles dans les zones troublées par les attaques de la CPC, a souligné M. Agbetse. Il a condamné avec fermeté la CPC et les autres groupes armés qui continuent de semer insécurité et désolation au sein de la population, et les a appelés à déposer immédiatement les armes. L’Expert indépendant a aussi indiqué avoir reçu plusieurs informations faisant état de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire par les Forces armées centrafricaines et leurs instructeurs russes. Une clarification juridique du statut des instructeurs russes, et des obligations qui en découlent au regard du droit international, devrait être établie, a-t-il recommandé.

Après une déclaration de M. Arnaud Djoubaye Abazene, Ministre d’État chargé de la justice, de la promotion des droits humains et de la bonne gouvernance, Garde des sceaux de la République centrafricaine, les premières délégations*** ont ouvert le dialogue avec l’Expert indépendant.

Le Ministre de la justice centrafricain a notamment tenu à affirmer le bon fonctionnement des juridictions ordinaires sur l’ensemble du territoire national. Il a ensuite souligné que la CPC continuait de commettre de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire et a indiqué que son Gouvernement exhorte la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) à poursuivre les opérations conjointes et à faire usage de son mandat de protéger la population. Somme toute, a assuré M. Djoubaye Abazene, la situation des droits de l’homme en République centrafricaine connaît une évolution très significative du point de vue du rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du pays.

 

À 9 heures demain matin, le Conseil doit achever le dialogue avec M. Agbetse, avant d’engager son dialogue avec la Mission d’enquête chargée d’établir les faits et les circonstances de la situation des droits de l’homme dans toute la Libye. Le Conseil examinera ensuite plusieurs rapports et mises à jour de la Haute-Commissaire et du Secrétaire général concernant le Cambodge, la Géorgie, les Philippines et le Yémen.

 

Suite du dialogue renforcé autour du rapport du Haut-Commissariat sur la situation des droits de l’homme au Soudan

Aperçu du débat

Plusieurs délégations ont salué l'engagement du Gouvernement du Soudan à maintenir et à promouvoir la paix, la stabilité et les valeurs des droits de l'homme dans tout le pays. La signature de l'Accord de paix de Juba (octobre 2020) a été jugée très positive, de même que la formation du nouveau Gouvernement avec une large participation des différents groupes politiques, y compris les groupes armés signataires de l’Accord. Les partenaires de la transition ont été appelés à maintenir et à consolider le processus de transformation démocratique.

L'engagement constructif du Gouvernement du Soudan avec la communauté internationale, en particulier avec le Conseil des droits de l'homme, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et d'autres organismes de défense des droits de l'homme, a aussi été salué cet après-midi. Les partenaires du Soudan ont été appelés à aider le pays dans cette période de transition, tout en évitant toute mesure risquant de semer la division entre les composantes du peuple soudanais. Des intervenants se sont félicités de la fin du mandat de l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Soudan.

D’autres intervenants ont souligné que la tentative de coup d'État déjouée en septembre dernier témoigne des obstacles qui s’opposent encore à la réussite de la transition vers un régime entièrement civil au Soudan. Des préoccupations ont en outre été exprimées s’agissant de la persistance d’affrontements et de violences dans le pays, notamment au Darfour et au Kordofan méridional. La nécessité d’appliquer le plan national de protection des civils a été évoquée à plusieurs reprises pendant le débat. Des progrès doivent aussi être réalisés en matière de lutte contre l’impunité et pour le respect des libertés fondamentales, dont les libertés d’opinion et de presse, a-t-il été souligné.

Le Gouvernement soudanais a été appelé avec insistance à créer un environnement favorable aux défenseurs des droits de l'homme, de même qu’à protéger les droits de tous, notamment ceux des femmes et des minorités. La société civile ayant été à l’origine du changement au Soudan, ses droits et ses libertés fondamentales doivent être protégés et garantis, a-t-il été affirmé.

Les familles et les victimes de l'attaque du 3 juin 2019 n’ont toujours pas obtenu justice, ont regretté des organisations non gouvernementales (ONG), qui ont estimé que le Conseil, en mettant un terme au mandat de l’Expert indépendant, avait interrompu prématurément son suivi de la situation au Soudan.

*Liste des intervenants : Norvège (au nom d’un groupe de pays), Égypte (au nom du Groupe des États arabes), Union européenne, Cameroun (au nom du Groupe des États africains), Qatar, Allemagne, Sénégal, France, Égypte, Iraq, République de Corée, Pays-Bas, Venezuela, Fédération de Russie, États-Unis, Chine, Arabie saoudite, Algérie, Yémen, Royaume-Uni, Irlande, Espagne, Botswana, Belgique, Émirats arabes unis, Soudan du Sud, Jordanie, Sri Lanka, Mauritanie, Tchad, Tunisie, Christian Solidarity WorldwideEast and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, World Evangelical Alliance, Fédération internationale des ligues de droits de l’homme, Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme, Human Rights Watch, Organisation internationale pour les pays les moins avancés (OIPMA), Service international pour les droits de l'homme et Elizka Relief Foundation.

Réponses et remarques de conclusion

MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a salué les mesures prises et les progrès accomplis par le Gouvernement du Soudan pour répondre aux préoccupations en matière de droits de l’homme, s’agissant notamment de la lutte contre l’impunité. La Haute-Commissaire adjointe a insisté sur la nécessité d’appliquer les mesures de justice transitionnelle prévues par l’Accord de Juba, y compris la création du tribunal pour le Darfour. Il est indispensable de répondre au besoin de justice de la population, a insisté Mme Al-Nashif, ajoutant que le Haut-Commissariat se tient prêt à aider le Gouvernement dans ce domaine.

Les femmes devront participer à tous les processus de transition et de sécurité, a ajouté la Haute-Commissaire adjointe, qui a encouragé le Gouvernement à appliquer son plan pour les femmes, la paix et la sécurité.

Une collaboratrice du Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan, M. Volker Perthes, a souligné qu’il faudrait trouver des ressources pour assurer la protection des civils au Soudan, laquelle est au cœur de l’Accord de paix de Juba. Elle a recommandé que le Gouvernement se concentre sur la lutte contre l’impunité dont jouissent encore les auteurs d’attaques contre les civils, et qu’il s’attache aussi à résoudre les causes profondes du problème de la violence contre les femmes au Soudan.

M. ALI IBN ABI TALIB ABDELRAHMAN MAHMOUD, Représentant permanent du Soudan auprès des Nations Unies à Genève, s’est félicité que ce dialogue soit le dernier d’une série portant sur la situation des droits de l’homme dans son pays. Il a assuré que son Gouvernement poursuivrait son programme de réformes en matière de droits de l’homme et qu’il appliquerait son plan national de protection des civils. M. Mahmoud a appelé la communauté internationale à soutenir les efforts de son Gouvernement dans ce domaine et pour l’aider à organiser le retour des Soudanais réfugiés à l’étranger.

Dialogue avec l’Experte indépendante sur la situation des droits de l’homme en Somalie

Le Conseil est saisi du deuxième rapport de l’Experte indépendante chargée d’examiner la situation des droits de l’homme en Somalie (A/HRC/48/80), qui couvre la période allant du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021.

Présentation du rapport

MME ISHA DYFAN, Experte indépendante sur la situation des droits de l'homme en Somalie, a d’abord attiré l’attention sur l’imprévisibilité très préoccupante de la situation politique et sécuritaire en Somalie. Si elle a salué l'engagement du Gouvernement fédéral de Somalie et des acteurs de la société civile dans le troisième cycle de l'Examen périodique universel (EPU) cette année, l’Experte indépendante s’est toutefois dite préoccupée par la lenteur de la mise en œuvre du nouveau calendrier des processus électoraux aux différents niveaux, et s’est dite déçue que la loi électorale fédérale de 2020 ne prévoie pas de quota minimum de 30 % pour la représentation des femmes. Elle a encouragé les autorités somaliennes à s'engager rapidement dans la tenue d'élections inclusives, crédibles et transparentes répondant au principe « une personne, un vote ».

D’autre part, a poursuivi Mme Dyfan, malgré les efforts déployés par les forces de sécurité somaliennes avec le soutien de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) et des partenaires internationaux, la situation reste désastreuse : les attaques contre la population et les biens civils sont quotidiennes en Somalie, a-t-elle déploré. À ce jour, a indiqué l’Experte indépendante, pour cette année 2021, les Nations Unies ont recensé 889 victimes civiles, dont 401 tués et 488 blessés. Al-Shabaab est responsable de plus de 60% de ces pertes civiles, a-t-elle précisé. Les violences sexuelles liées au conflit et les violations graves à l'encontre des enfants continuent d'augmenter. Le retrait des forces de l'AMISOM, s'il n'est pas soigneusement géré, risque de créer d'importants vides sécuritaires, qui continueront d'être exploités par Al-Shabaab, les milices claniques et d'autres groupes, a mis en garde l’Experte indépendante.

Mme Dyfan a d’autre part relevé que les journalistes, les travailleurs des médias et les défenseurs des droits de l'homme faisaient toujours l’objet d’exécutions extrajudiciaires, d’arrestations arbitraires et de détention illégale. Le retard dans la promulgation des lois et politiques relatives aux droits de l'homme et dans la nomination des membres des institutions cruciales en matière de droits de l'homme remet en question la volonté politique des autorités somaliennes de progresser dans le domaine des droits de l'homme, a affirmé Mme Dyfan. Elle a regretté que la Commission nationale des droits de l'homme n’ait toujours pas commencé à travailler.

Enfin, a relevé Mme Dyfan, la pandémie de COVID-19, l'invasion de criquets pèlerins et les chocs climatiques répétés ont aggravé la situation humanitaire et ont également contribué à la stagnation économique du pays, alors même que l'absence de filet de sécurité pour les personnes vulnérables accroît les inégalités.

Pays concerné

La Somalie a rappelé que durant la période couverte par le rapport de l’Experte indépendante, la Somalie a connu des défis important, notamment l’organisation des élections et la pandémie de COVID-19. La Somalie considère que le rapport de Mme Dyfan expose les progrès enregistrés par le pays et les moyens de progresser. Le pays élabore actuellement la deuxième génération des programmes visant à mettre en œuvre les obligations de la Somalie en matière de droits de l’homme, a indiqué la délégation somalienne. Il est nécessaire de nouer un dialogue avec les partenaires pour mettre en œuvre les recommandations de l’Experte indépendante, a-t-elle ajouté. Aussi, la Somalie remercie Mme Dyfan et se réjouit de l’accueillir prochainement pour sa première visite dans le pays.

Aperçu du débat

Les délégations ont salué les efforts déployés par le Gouvernement fédéral et les États de la Somalie pour renforcer la promotion et la protection des droits de l'homme, s’agissant notamment de la défense et de la mise en œuvre des engagements pris par le pays en matière de droits de l'homme et de l’engagement de ce dernier dans le système international des droits de l'homme. A également été relevé avec satisfaction le soutien continu de la Somalie au mandat de l'Experte indépendante.

Néanmoins, de nombreuses délégations se sont dites alarmées par l'augmentation des cas signalés de violence sexuelle et sexiste à l'encontre des femmes et des enfants dans le cadre de la pandémie et par la récente régression en termes de protection des droits de l'ensemble des femmes, des filles et des enfants. Il a en outre été relevé que les violations et les atteintes aux droits de l'homme et au droit humanitaire international se poursuivent, notamment les mariages précoces et forcés d'enfants et les pratiques néfastes telles que les mutilations génitales féminines ; le recrutement et l'utilisation d'enfants dans les conflits armés, ainsi que leur détention ; le maintien de la peine de mort ; le manque de protection des personnes déplacées à l'intérieur du pays ; ou encore les attaques, les arrestations et le harcèlement dont sont victimes les défenseurs des droits de l'homme, les journalistes et les professionnels des médias.

Plusieurs délégations ont expliqué que l’organisation d’élections répondant aux normes internationales ne peut reposer que sur une protection des opposants politiques, des journalistes et de la société civile. Une délégation a en outre appelé les autorités somaliennes à assurer que le quota de 30% de femmes soit appliqué dès les prochaines élections.

D’autres intervenants ont lancé un appel aux autorités somaliennes pour qu'elles s'acquittent rapidement et intégralement des obligations du pays en matière de droits de l'homme, qu'elles renforcent la protection de tous les civils, y compris le personnel humanitaire et médical, qu'elles assurent un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave, qu'elles améliorent l'accès à la justice et qu'elles veillent à ce que les responsables rendent des comptes, notamment via le nouveau code pénal dont l'adoption a été reportée à 2022.

Une délégation a regretté que les commissaires n'aient toujours pas été nommés au sein de la Commission nationale des droits de l'homme indépendante – ce qui, a-t-elle ajouté, entrave la capacité à assurer la protection et la promotion des droits de l'homme.

De multiples appels ont été lancés pour que la communauté internationale continue à soutenir les efforts de la Somalie pour promouvoir et protéger les droits de l’homme.

**Liste des intervenants : Union européenne, Danemark (au nom d’un groupe de pays), Qatar, Egypte, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), France, Pays-Bas, Venezuela, Fédération de Russie, Etats-Unis, Chine, Arabie saoudite, Italie, Yémen, Royaume-Uni, Irlande, Botswana, Soudan du Sud, Mauritanie, Soudan, Sri Lanka, Fédération internationale des journalistes, Minority Rights Group, Elizka Relief Foundation, East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, Institut International pour les Droits et le Développement, Amnesty International, United Nations Watch.

Réponses et remarques de conclusion de l’Experte indépendante

MME DYFAN a déclaré qu’il fallait élargir l’espace civique dans le cadre des élections. Il faut lutter contre les pratiques qui nuisent à la participation des femmes, a-t-elle ajouté. Les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme et les membres de l’opposition continuent d’être victimes d’arrestations arbitraires, notamment dans le cadre des processus électoraux, a-t-elle par ailleurs déploré. L’Experte indépendante a dit espérer que les minorités, les femmes, et les personnes handicapées, entre autres, pourraient participer pleinement aux prochaines élections et jouer un rôle dans la reconstruction du pays.

Les défis dans le domaine de la sécurité et des forces de l’ordre doivent être une priorité des autorités somaliennes, a poursuivi Mme Dyfan.

Les mécanismes de reddition de comptes doivent par ailleurs être renforcés, notamment pour protéger les civils et plus particulièrement les victimes de violence sexiste, a ajouté l’Experte indépendante. En outre, la Commission nationale des droits de l’homme doit être rendue opérationnelle le plus rapidement possible, a-t-elle plaidé.

Mme Dyfan a dit espérer qu’elle pourrait évaluer les progrès du pays en matière des droits de l’homme durant sa visite prochaine en Somalie.

Dialogue avec l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine

Le Conseil des droits de l’homme est saisi du deuxième rapport de l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine (A/HRC/48/81, version préliminaire), qui couvre la période allant de juillet 2020 à juin 2021.

Présentation du rapport

M. YAO AGBETSE, Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine, a expliqué que les élections présidentielles et législatives du 27 décembre 2020 avaient été fortement perturbées par la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) formée quelques jours plus tôt par certains groupes armés en violation de leurs engagements au titre de l’Accord politique pour la paix de 2019. Leurs activités belliqueuses, notamment les attaques contre les populations civiles, les autorités locales et les agents de l’autorité sous-préfectorale des élections, ont déstabilisé le processus électoral, a insisté l’Expert.

En janvier 2021, la CPC a ainsi mené deux attaques sur Bangui, ciblant les convois civils, humanitaires et commerciaux en provenance du Cameroun et nuisant aux activités économiques du pays, a poursuivi M. Agbetse. Le CPC a troublé la distribution normale du matériel électoral, empêché les candidats de battre campagne et empêché les électeurs de faire leur choix démocratique, obligeant les autorités à organiser des élections législatives partielles et résiduelles le 14 mars, le 23 mai et le 25 juillet 2021 dans les zones troublées par les attaques de la CPC.

L’Expert indépendant a condamné avec fermeté la CPC et les autres groupes armés qui continuent de semer insécurité et désolation au sein de la population, et les a appelés à déposer immédiatement les armes. Il a aussi indiqué avoir reçu plusieurs informations faisant état de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire par les Forces armées centrafricaines (FACA) et les instructeurs russes. Une clarification juridique du statut de ces instructeurs russes, et des obligations qui en découlent au regard du droit international, devrait être établie, a recommandé l’Expert indépendant.

S’agissant des prochaines élections prévues en septembre 2022, le rapport souligne qu’il est nécessaire, dès à présent, que les autorités centrafricaines mettent en place un plan de sécurisation du processus électoral, a indiqué M. Agbetse.

Entre autres recommandations, l’Expert indépendant a jugé urgent que les autorités centrafricaines ainsi que les États voisins continuent à coopérer avec la Cour pénale internationale, y compris dans l’exécution des mandats d’arrêt émis contre des personnes sur lesquelles pèsent des allégations de violations de droits de l’homme et du droit international humanitaire.

Pays concerné

M. ARNAUD DJOUBAYE ABAZENE, Ministre d’État chargé de la justice, de la promotion des droits humains et de la bonne gouvernance , Garde des sceaux de la République centrafricaine, a tout d’abord tenu à affirmer le bon fonctionnement des juridictions ordinaires sur l’ensemble du territoire national. En particulier, a-t-il indiqué, viennent de prendre fin les audiences de la cour martiale de Bangui, à l’issue desquelles des peines exemplaires ont été prononcées à l’encontre des militaires et assimilés qui se sont rendus coupables de crimes. Quant à la Cour pénale spéciale (CPS), juridiction internationalisée dédiée à juger des violations graves des droits humains, elle entre dans sa phase opérationnelle avec l’instruction en cours de douze dossiers ; la tenue des premières audiences est prévue avant la fin de l’année, a précisé le Ministre d’Etat.

S’agissant de l’opérationnalisation de la Commission vérité, justice, réconciliation et réparation, ses onze membres – dont cinq femmes – ont prêté serment en juillet 2021, a poursuivi M. Djoubaye Abazene.

Le Ministre a déploré qu’au moment où se tient cette séance, la CPC continuait de commettre de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Le cas le plus récent est celui du massacre d’une trentaine de personnes civiles innocentes, commis il y a deux jours par la CPC dans la localité de Bambari, a-t-il précisé. Le Gouvernement centrafricain exhorte la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) à poursuivre les opérations conjointes et à faire usage de son mandat de protéger la population.

Somme toute, a ajouté le Ministre d’Etat, la situation des droits de l’homme en République centrafricaine connaît une évolution très significative du point de vue du rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du pays, suite à la reconquête des territoires autrefois sous contrôle des rebelles par les FACA, les Forces de sécurité intérieures appuyées par les instructeurs russes, les forces rwandaises et la MINUSCA.

Aperçu du débat

Un certain nombre d’intervenants ont fait part de leurs préoccupations devant les incidents signalés en République centrafricaine, notamment les exécutions extrajudiciaires et sommaires, la torture et les violences sexuelles et sexistes liées au conflit. Ces actes, a-t-il été souligné, sont commis par toutes les parties au conflit. Le rapport indique ainsi que l'armée nationale, les forces de sécurité intérieure ainsi que les instructeurs russes et les employés de sociétés de sécurité privées sont responsables de plusieurs violations du droit international humanitaire et de violations et abus du droit international des droits de l'homme, a-t-il été relevé.

En outre, a déploré une délégation, la République centrafricaine est l'un des pires pays où grandir, toutes les parties au conflit continuant à commettre de graves violations des droits de l'enfant, telles que recrutement forcé et violences sexuelles.

Les autorités centrafricaines ont été appelées à prendre des mesures crédibles pour mettre un terme à ces violations et pour lutter contre l’impunité de leurs responsables, notamment – a-t-il été demandé – les membres des forces armées centrafricaines et les instructeurs et employés de sociétés de sécurité privées opérant dans le pays, y compris les mercenaires du groupe Wagner. La communauté internationale a été appelée à soutenir le Gouvernement centrafricain dans ses efforts visant à lutter contre la culture de l’impunité qui règne dans le pays.

D’autres délégations ont dit apprécier les efforts déployés par le Gouvernement en faveur de la paix sociale, de la réconciliation nationale et du rétablissement de la sécurité et la stabilité dans tout le pays. L'assistance technique et le renforcement des capacités sont cependant nécessaires pour aider le Gouvernement centrafricain à rétablir l'autorité de l'État sur l'ensemble du territoire, a fait observer une délégation.

Une délégation a assuré que les accusations du rapport concernant l'implication d'instructeurs russes dans la commission d'actes illégaux en République centrafricaine étaient une provocation faisant partie d'une vaste campagne de diffamation contre la Fédération de Russie. L’Expert indépendant a été prié par un autre intervenant de réaliser son mandat dans le respect du code de conduite applicable aux procédures spéciales du Conseil.

***Liste des intervenants : Norvège (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Sénégal, Togo, Égypte, Angola, Venezuela, Fédération de Russie, Maroc, États-Unis, Belgique et Chine.

 

HRC21.143F