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L'Assemblée générale exige le retour immédiat des enfants ukrainiens enlevés par la Russie

Une femme enlace une fillette près d'un immeuble résidentiel touché par des missiles russes à Kiev, en Ukraine.
© UNICEF/Oleksii Filippov
Une femme enlace une fillette près d'un immeuble résidentiel touché par des missiles russes à Kiev, en Ukraine.
L'Assemblée générale des Nations Unies a adopté, mercredi, une résolution condamnant les transferts forcés d’enfants ukrainiens vers la Russie, leurs adoptions illégales et l’effacement de leur identité.

 Le texte, approuvé par 91 voix pour, 12 contre et 57 abstentions, exige leur retour « immédiat, sûr et inconditionnel » et rappelle l’interdiction absolue, en droit international humanitaire, de déplacer des civils depuis un territoire occupé.

L’initiative s’inscrivait dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par les forces russes, qui occupent aujourd’hui de vastes pans de territoires dans le sud et l’est du pays. Depuis le début de cette invasion de grande ampleur en février 2022, Kiev et plusieurs organisations internationales accusent Moscou d’avoir organisé le transfert de milliers d’enfants ukrainiens vers la Russie ou vers des zones sous contrôle russe.

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L’adoption du texte a été précédée d’échanges particulièrement tendus. Du haut du podium, la présidente de l’Assemblée, Annalena Baerbock, a replacé le vote dans le cadre juridique d’une occupation militaire. La quatrième Convention de Genève, a rappelé la haute responsable d’origine allemande, interdit le transfert de force de civils protégés issus de territoires occupés, y compris des enfants. 

Pour illustrer les conséquences concrètes de ces transferts, Mme Baerbock a évoqué le cas de Vladislav Rudenko, 16 ans, enlevé à Kharkiv, dans le nord-est ukrainien : « Ils ont essayé de me briser de toutes les manières possibles », affirmait-il après sa libération. Pour la présidente, ces cas constituent « une violation flagrante du droit international ».

L’Ukraine dénonce une politique systémique

Au nom de Kiev, la vice-ministre des affaires étrangères du pays, Mariana Betsa, a dressé un tableau sans détour : « Nos enfants ont été tués, nos enfants ont été blessés, nos enfants ont été torturés, violés, nos enfants ont été enlevés et déportés par la Russie ».

Selon l’Ukraine, au moins 20 000 enfants auraient été transférés vers la Russie ou des territoires occupés par Moscou depuis 2022. Seuls 1 850 d’entre eux ont pu être ramenés chez eux.

Mme Betsa a affirmé que des autorités russes avaient confirmé que 7 400 enfants ukrainiens se trouvaient officiellement sur leur territoire. Elle a raconté l’histoire de Veronica, enlevée à 13 ans et retenue par les forces russes pendant 14 mois, durant lesquels elle a été soumise à « des interrogatoires » et à « des examens gynécologiques et psychiatriques forcés », avant de parvenir à rejoindre Kiev. 

Pour la vice-ministre, la résolution adoptée mercredi répond à un impératif moral : « Nos enfants ne sont pas négociables », a-t-telle martelé.

La contre-lecture russe : « une toile de mensonges »

La représentante de la Fédération de Russie a quant à elle rejeté l’ensemble des accusations, affirmant que le texte adopté repose sur « une toile de mensonges » élaborée par un « triumvirat européen, canadien et kievien ». Elle conteste notamment le chiffre de 20 000 enfants déportés, qualifié de « mensonge retentissant et répété ». Selon elle, cette estimation « n’est corroborée par aucune note, aucun relevé, aucune liste ».

Moscou met en avant un autre jeu de chiffres : 122 enfants auraient été renvoyés en Ukraine et 29 en Russie dans le cadre d’un « mécanisme réel de coopération » actif depuis 2023, incluant les médiateurs des deux pays, la Croix-Rouge, le Saint-Siège et le Qatar. Le pays affirme également qu’une liste transmise par Kiev en juin contenait 339 noms, dont « certains étaient des adultes », d’autres « n’avaient jamais été en Russie », et plusieurs se trouvaient simplement « auprès de leurs parents ou proches ».

Moscou s’étonne aussi de l’absence, dans la résolution, de toute mention concernant les enfants ukrainiens séparés de leurs familles dans le reste de l’Europe : la diplomate a cité le chiffre de 23 000 mineurs non accompagnés ou séparés recensés par la Commission européenne en 2022.

Pour la Russie, la résolution vise avant tout à la « calomnier ». La représentante a conclu : « Chaque vote pour la résolution est un soutien aux mensonges, à la guerre et à la confrontation. Chaque vote contre est un vote pour la paix ».

Une majorité nette, mais un paysage diplomatique fragmenté

Avec 91 voix pour, le texte bénéficie d’un large soutien, regroupant le bloc occidental, mais aussi de nombreux États d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. Les 12 voix contre correspondent au noyau d’États alignés sur la position russe, de la Corée du Nord à l’Iran, en passant par le Bélarus. Quant aux 57 abstentions, dont la Chine, elles traduisent la prudence d’un grand nombre de pays refusant de se placer ouvertement dans l’un ou l’autre camp, alors que la guerre en Ukraine politise l’ensemble des forums multilatéraux.

Pour Kiev, l’enjeu dépasse la seule reconnaissance politique : l’Ukraine répète qu’il ne pourra y avoir de négociation sérieuse sans le retour préalable de ces mineurs. Pour Moscou, il s’agit d’une manœuvre destinée à « entraver » les efforts diplomatiques en cours.

La résolution demeure non contraignante, mais elle inscrit noir sur blanc la position d’une large majorité d’États face à une pratique jugée incompatible avec le droit international humanitaire. Dans un système multilatéral fragilisé par la guerre en Ukraine, ce vote confirme que la question des enfants déplacés est devenue un marqueur politique central, une ligne rouge qui conditionnera, à terme, toute discussion de règlement du conflit.