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Après 22 ans, la mission de l’ONU en Iraq tire sa révérence sur fond de stabilité retrouvée

Dans la vieille ville de Mossoul, en Iraq, Noor, 15 ans (à gauche) et sa cousine Rahaf marchent ensemble jusqu'à l'école.
© UNICEF/Diego Ibarra Sánchez
Dans la vieille ville de Mossoul, en Iraq, Noor, 15 ans (à gauche) et sa cousine Rahaf marchent ensemble jusqu'à l'école.
L’un des chapitres onusiens les plus longs et les plus sensibles depuis la fin de la guerre froide est sur le point de se refermer. Mardi, le chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq a salué la « clôture honorable et digne » d’une mission politique née dans la tourmente, en pleine « guerre contre la terreur ».

La MANUI fermera définitivement ses portes le 31 décembre, laissant derrière elle un pays dont les institutions, la sécurité et la vie politique apparaissent plus solides que lors de son déploiement.

Mohamed Al Hassan, chef de la Mission d'assistance des Nations Unies pour l'Iraq (MANUI), au Conseil de sécurité de l'ONU.
UN Photo/Eskinder Debebe
Mohamed Al Hassan, chef de la Mission d'assistance des Nations Unies pour l'Iraq (MANUI), au Conseil de sécurité de l'ONU.

Mais au moment de sa création en août 2003, quelques mois après l’invasion américaine de l’Iraq qui a renversé Saddam Hussein, le pays est à reconstruire : institutions effondrées, insurrections djihadistes naissantes, violences quasi quotidiennes et menace de fragmentation territoriale. Le Conseil de sécurité mandate alors une mission politique chargée d’accompagner une transition qui s’annonce longue et périlleuse.

Revenant sur ce contexte initial lors d'une réunion du Conseil – sa dernière en tant que chef de la MANUI – Mohamed Al Hassan a évoqué un pays marqué par « des décennies de dictature, des guerres régionales, des conflits internes, l’occupation étrangère et la terreur » de groupes djihadistes. 

Des institutions qui ont résisté à deux décennies de crises

Dans les années qui ont suivi le déploiement de la MANUI, malgré une guerre civile entre factions sunnites et chiites, les offensives d’Al-Qaïda, puis, à partir de 2013, de Daech, et les tensions persistantes entre le gouvernement fédéral et la région nord-est du Kurdistan, l’Iraq a maintenu le cap de la reconstruction institutionnelle.

En témoigne le scrutin législatif organisé le 11 novembre dernier dans le pays, que M. Al Hassan a décrit comme « l’un des plus libres, des plus ordonnés et des plus crédibles » organisés dans le pays, avec une participation de 56 %. « Je ne saurais imaginer un dernier chapitre plus approprié », a-t-il ajouté, saluant les « files ordonnées » d’électeurs observées dans tout le pays.

Pour autant, la transition n’est pas totalement finalisée. La formation du nouveau gouvernement à Bagdad se fait attendre, tandis que celle du gouvernement régional autonome du Kurdistan est paralysée depuis plus d’un an. « La relation entre Bagdad et Erbil est un partenariat crucial », a rappelé le chef de mission, appelant à « une coopération » et à un « dialogue plus ouvert » sur les dossiers sensibles, notamment celui des territoires disputés.

Des familles yézidies rescapées de Daech se préparent à être réinstallées en France.
© IOM
Des familles yézidies rescapées de Daech se préparent à être réinstallées en France.

Un million de déplacés et des séquelles toujours visibles

Si l’armée et les institutions iraquiennes ont résisté, les blessures d’un conflit multiforme restent profondes. Environ un million de personnes vivent toujours déplacées, piégées par la persistance d’obstacles économiques, sécuritaires ou administratifs. Parmi elles, plus de 100 000 membres de la minorité religieuse yézidie, dont le territoire du Sinjar, dans le nord de l’Iraq, a été attaqué par Daech. Ces survivants, « qui ont enduré des souffrances indicibles », vivent encore « dans des conditions précaires ».

L’Iraq a accéléré le retour de ses ressortissants dans les camps du nord-est de la Syrie. « Environ 20 800 personnes ont été rapatriées », a rappelé le chef de la MANUI, saluant un « accomplissement considérable ». Mais il avertit : la réussite dépendra désormais d’une réintégration réelle – accès aux services essentiels, moyens de subsistance, soutien communautaire – pour éviter de nouvelles tensions. M. Al Hassan a ainsi plaidé pour l’adoption d’un « plan national global » permettant d’offrir des solutions durables et de garantir des perspectives de vie dignes aux déplacés, qu’ils reviennent de Syrie ou d’ailleurs dans le pays.

Il s’est par ailleurs dit « profondément préoccupé » par des attaques récentes visant des infrastructures pétrolières et gazières dans le Kurdistan iraquien : « Cela doit cesser et leurs auteurs doivent être traduits en justice. »

La voie de l’apaisement avec le Koweït

Parmi les dossiers les plus épineux hérités du passé, celui des personnes koweïtiennes disparues et des archives nationales demeure non résolu. 

L’incident remonte à l’invasion du Koweït par l’Iraq de Saddam Hussein en 1990. Durant les sept mois d’occupation, des centaines de civils et de militaires koweïtiens furent arrêtés, enlevés ou transférés de force vers l’Iraq, avant de disparaître. Après la chute du régime en 2003, des fosses communes ont été mises au jour, permettant d’identifier plusieurs victimes. « Mais plus de 300 personnes, koweïtiennes pour la plupart, demeurent portées disparues », a rappelé M. Al Hassan. Depuis 2013, la MANUI coordonne les recherches avec le Comité international de la Croix-Rouge et les autorités des deux pays, un travail humanitaire et diplomatique long et douloureux pour les familles concernées.

Dès 2026, ce mandat sera transféré à un nouveau responsable. Les réunions techniques récentes entre les deux pays sur des questions de délimitation maritime sont perçues comme un signe encourageant de bon voisinage. « Je ne vois aucune raison pour laquelle l’Iraq et le Koweït ne devraient pas entretenir les meilleures relations possibles », a conclu M. Al Hassan.

Un charnier, contenant sans doute des victimes de Daech, est découvert dans la province d'Anbar, dans l'ouest de l'Iraq (photo d'archive).
UN Photo/UNITAD
Un charnier, contenant sans doute des victimes de Daech, est découvert dans la province d'Anbar, dans l'ouest de l'Iraq (photo d'archive).

Un passage de relais, non une rupture

« Le départ de la MANUI ne marque pas la fin du partenariat. Il symbolise l’ouverture d’une nouvelle phase, fondée sur la pleine prise en main, par l’Iraq, de son avenir », a-t-il affirmé. 

À compter de 2026, la présence onusienne se recentrera sur l’équipe des Nations Unies dans le pays, mobilisée autour de priorités clés : inclusion économique, résilience climatique, droits humains, déplacement des populations et participation des femmes, des jeunes et des minorités.

Pour son dernier message au Conseil, le chef de mission a dit sa « pleine confiance dans la résilience du peuple iraquien et la détermination de ses dirigeants à relever les défis à venir ». Une page se tourne : pour la première fois depuis 2003, l’avenir de l’Iraq s’écrira sans la MANUI – mais pas sans l’ONU.