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Europe : les violences faites aux femmes, une question de santé publique

En Europe, des millions de survivantes de violences n’ont pas accès à des soins médicaux et psychologiques vitaux, qui devraient leur être prodigués rapidement.
Unsplash/S.Bughdaryan
En Europe, des millions de survivantes de violences n’ont pas accès à des soins médicaux et psychologiques vitaux, qui devraient leur être prodigués rapidement.
« Tout à fait inadéquate » : c’est ainsi que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) caractérise la réponse du secteur de la santé face à la violence contre les femmes et les filles en Europe, « laissant des millions de survivantes sans accès à des soins médicaux et psychologiques d’une importance vitale, qui devraient être prodigués rapidement ».

Présenté le 20 novembre à Madrid avec le ministère espagnol de la Santé, le nouveau rapport de l’OMS intitulé Care, courage, change: health sector leadership in ending violence against women and girls (Des soins, du courage, un changement : le rôle moteur du secteur de la santé pour mettre fin à la violence contre les femmes et les filles) indique que 28,6 % des femmes et des filles de la région européenne de l’OMS âgées de 15 ans ou plus subiront des violences physiques et/ou sexuelles au cours de leur vie.

« Une statistique qui donne le vertige », souligne l’OMS. La région Europe de l’OMS compte 53 pays, parmi lesquels de nombreux Etats non-membres de l’Union européenne (UE) comme le Royaume-Uni, la Suisse et Israël, ou encore l’Ukraine, la Russie et l’Ouzbékistan.

Services d’avortement sans risque

Sur ces 53 États, seuls sept (13 %) offrent des services d’avortement sans risque, 17 (32 %) proposent une contraception d’urgence et 17 (32 %) offrent une prophylaxie post-exposition au VIH.

Seulement 20 pays (38 %) proposent une prophylaxie contre les infections sexuellement transmissibles, 20 (38 %) un bilan de santé mentale, et 23 (43 %) un aiguillage vers des services de santé mentale.

En outre, près d’un tiers des pays (32 %) exigent encore que les professionnels de santé signalent à la police, sans le consentement des survivantes adultes, les cas de violence domestique ou de violence infligée par des partenaires intimes. L’OMS déconseille vivement cette pratique, car elle porte atteinte à l’autonomie des survivantes et contrevient au secret professionnel ; on sait qu’elle dissuade les femmes de demander de l’aide.

Violences domestiques

Qu’en est-il plus précisément au sein de l’UE ? La Hongrie est le pays où la prévalence des violences perpétrées par le partenaire est la plus forte : 42,2 % des filles et femmes les subissent au cours de leur existence. Viennent ensuite la Finlande (37,4 %) et la Roumanie (34,5 %).

Ces niveaux sont aussi élevés à Chypre (32,3 %), au Luxembourg (29,8 %), en Slovaquie (27,7%) et au Danemark (27,2 %). En France, en Espagne, aux Pays-Bas et en Belgique, ce sont respectivement 18,9 %, 18,3 %, 17,3 % et 17,2 % et des femmes qui subissent des violences de leur partenaire au cours de leur vie.

Aucun chiffre n’est donné pour la Russie et Israël. Le rapport précise dès ses premières pages que « des lacunes dans les données empêchent d’avoir une vue d’ensemble. La prévalence varie considérablement d’un pays à l’autre, sous l’influence, entre autres, des normes culturelles, de la stigmatisation et de la sous-déclaration ».

Les survivantes évitent souvent de se rendre à la police par peur, par honte ou par crainte de perdre la garde de leurs enfants ou de compromettre leur statut juridique, en particulier dans les systèmes qui ne les protègent pas. (…) En conséquence, les données officielles ne reflètent qu’une fraction de la violence, masquant son ampleur réelle et entravant la mise en place de politiques et de services efficaces. »

L'exemple espagnol

Lors de la présentation du rapport, le Directeur de l’OMS Europe, Hans Henri Kluge, a tenu à « féliciter l’Espagne pour son approche globale et coordonnée visant à mettre fin à la violence à l’égard des femmes ».

Le pays fournit des orientations cliniques claires aux professionnels de santé sur la violence à l’égard des femmes et des filles, tout en intégrant la prévention de la violence dans sa politique de santé fondamentale. « L’Espagne montre comment les systèmes de santé, de justice et sociaux peuvent travailler ensemble pour offrir des soins centrés sur les survivantes », a dit Dr Kluge.

Le rapport fait également état de certains progrès et sources d’espoir. Par exemple, 75 % des pays de la région ont des politiques qui favorisent la formation des professionnels de santé concernant la violence à l’égard des femmes et des filles. Plus des deux tiers (68 %) prévoient un soutien de première ligne pour les survivantes – une norme minimale pour une prise en charge empreinte de compassion et exempte de tout jugement.

Un article produit par le Centre d'information des Nations Unies pour l'Europe occidentale (UNRIC) basé à Bruxelles.