Fil d'Ariane
Inauguration de la « fleur de Srebrenica » à l’ONU, 30 ans après le génocide

Le ruban a été coupé par Munira Subašić, présidente de l’association des mères de Srebrenica et de Žepa, en Bosnie-Herzégovine, accompagnée de son petit-fils Karim, 12 ans. Durant le génocide, Mme Subašić a perdu son fils, son mari et près de 70 membres de sa famille. Depuis trois décennies, elle mène un combat acharné pour que les morts ne disparaissent pas une seconde fois, dans l’oubli ou la déformation du passé.
« Nos enfants ont été assassinés simplement parce qu’ils portaient un autre nom, parce qu’on les appelait autrement, et parce qu’ils étaient musulmans », a-t-elle rappelé devant une centaine de diplomates, de fonctionnaires et de familles de survivants. « Cette fleur signifie que nous sommes toujours là, et que nous serons encore plus nombreuses ».
La sculpture, composée de onze pétales blancs entourant un bouton vert, renvoie au 11 juillet, désormais Journée internationale de réflexion et de commémoration du génocide. Le blanc symbolise l’innocence, le vert le linceul traditionnel musulman, mais aussi l’idée, ténue, de renouveau.
Aux côtés de Mme Subašić, son petit-fils Karim, venu spécialement de Bosnie-Herzégovine, illustrait cette continuité générationnelle. « Je suis fier d’elle », confie l'adolescent de 12 ans à propos de sa grand-mère. « C’est une source d’inspiration. J’espère qu’elle continuera à se battre pour que personne ne vive jamais plus cela. ». L’adolescent explique ne presque jamais évoquer ces événements avec ses amis : « C’est trop triste ».
Lutter contre la falsification du passé
La cérémonie d’inauguration a résonné comme une réponse cinglante à la persistance de récits révisionnistes concernant le massacre. « La négation est en elle-même une attaque contre l’humanité. Elle déforme l’histoire, déshumanise les victimes et approfondit les divisions qui rendent possibles de futures atrocités », a déclaré la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Amina Mohammed.
Chaloka Beyani, conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide, a salué quant à lui « l’acte d’amour et de mémoire » mené par Mme Subašić et les milliers de mères qui refusent que les crimes de 1995 soient relativisés ou travestis.
Un dialogue silencieux entre Srebrenica et Kigali
Offert par la Bosnie-Herzégovine dans le cadre du programme de sensibilisation de l’ONU sur le génocide de Srebrenica, le mémorial a été installé à quelques mètres de la flamme Kwibuka, dédiée aux victimes du génocide de 1994 contre les Tutsi au Rwanda. Deux tragédies, deux continents, et désormais deux lieux de recueillement qui cohabitent dans un même espace institutionnel.
« Les monuments dédiés au génocide commis au cœur de l’Europe et à celui perpétré au cœur de l’Afrique témoignent de la vérité, mais avertissent aussi l’humanité : ne plus jamais laisser un génocide se reproduire », a rappelé Denis Bećirović, membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine.
Dans ce jardin où se côtoient désormais mémoire européenne et mémoire africaine, la fleur de Srebrenica s’inscrit comme un rappel constant : l’oubli n’est pas une option, et la responsabilité internationale, même défaillante hier, oblige encore aujourd’hui.