Fil d'Ariane

La résistance aux antibiotiques augmente dans le monde, avertit l’OMS

« La résistance aux antimicrobiens (RAM) va plus vite que les progrès de la médecine moderne et menace la santé des familles dans le monde entier », a mis en garde le Directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus.
L’OMS estime que la RAM bactérienne a été directement responsable de 1,27 million de décès en 2019 et a contribué à près de cinq millions de décès dans le monde. Sans action, des experts avertissent que les infections résistantes pourraient entraîner 3.000 milliards de dollars de pertes annuelles de PIB mondial d’ici 2030.
Selon un nouveau rapport de l’OMS fondé sur les données du Système mondial de surveillance de la résistance aux antimicrobiens et de leur usage (GLASS) compilées dans plus de 100 pays, la résistance antimicrobienne a augmenté dans plus de 40 % des associations agent pathogène–antibiotique surveillées entre 2018 et 2023, avec une progression annuelle moyenne de 5 à 15 %.
« Nous devons utiliser les antibiotiques de manière responsable et veiller à ce que chacun ait accès aux bons médicaments, à des outils de diagnostic fiables et à des vaccins », a souligné le Dr Tedros.
Une résistance inégale selon les régions
Le rapport montre que la résistance est la plus élevée dans les régions de l’Asie du Sud-Est et de la Méditerranée orientale, où une infection sur trois signalée était résistante, contre une sur cinq en Afrique.
Il note également que la résistance tend à s’aggraver dans les pays où les systèmes de santé restent fragiles, faute de moyens pour diagnostiquer et traiter correctement les infections bactériennes.
Le rapport évalue la prévalence de la résistance à 22 antibiotiques utilisés contre les infections urinaires, gastro-intestinales, sanguines et la gonorrhée. Huit bactéries pathogènes courantes sont surveillées, dont Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Acinetobacter spp. et Staphylococcus aureus.

L’essor des superbactéries
La plus grande menace provient des bactéries à Gram négatif — des agents pathogènes notoirement difficiles à éradiquer et résistants à de multiples médicaments, en particulier pour les pays à revenu faible ou intermédiaire.
Parmi elles, le rapport souligne que E. coli et K. pneumoniae, deux causes majeures d’infections du sang, affichent des niveaux préoccupants de résistance aux céphalosporines de troisième génération, utilisées en première intention contre de nombreuses infections graves. Plus de 40 % des souches d’E. coli et 55 % de K. pneumoniae sont désormais résistantes, avec des taux dépassant 70 % en Afrique.
D’autres antibiotiques essentiels, tels que les carbapénèmes et les fluoroquinolones, qui sont utilisés notamment contre Salmonella et Acinetobacter, perdent également en efficacité.
La résistance croissante contraint « les cliniciens à recourir à des antibiotiques de dernier recours », avertit le rapport. Ces traitements sont coûteux, complexes et souvent indisponibles dans les pays à revenu inférieur, réduisant les options thérapeutiques et augmentant le risque de mortalité.
Renforcer les systèmes de prévention
Même si le nombre de pays participant au GLASS a plus que quadruplé, passant de 25 en 2016 à 104 en 2023, près de la moitié n’ont pas transmis de données en 2024 et ce sont les pays les plus touchés par la résistance antimicrobienne qui demeurent souvent les moins équipés pour la surveiller, explique l’OMS.
L’agence onusienne exhorte désormais tous les pays à transmettre au GLASS, d’ici à 2030, des données complètes et fiables sur la résistance et l’usage des antimicrobiens, afin d’orienter efficacement les politiques de santé publique et les traitements.
« Notre avenir dépend du renforcement des systèmes de prévention, de diagnostic et de traitement », a affirmé le Dr Tedros, appelant à investir dans le développement d’antibiotiques de nouvelle génération et de tests moléculaires rapides utilisables sur le lieu de prestation des soins.