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Drones en Pologne : Kiev et Moscou se rejettent la responsabilité de l’escalade

Les drones sont devenus l'un des principaux acteurs de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
© Unsplash/Peter Fogden
Les drones sont devenus l'un des principaux acteurs de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Après l’incursion de drones militaires soupçonnés d’appartenir à la Russie sur le territoire polonais, le Conseil de sécurité de l'ONU s’est réuni en urgence, vendredi. Alors que l’incident fait craindre une escalade régionale, Kiev et Moscou se sont accusées mutuellement de vouloir internationaliser le conflit.

La nuit de mardi a ouvert une brèche inquiétante dans le ciel européen – si ce n’est un nouveau chapitre du conflit ukrainien. Au total, 19 drones militaires ont traversé la frontière polonaise et pénétré, pour certains profondément, dans l’espace aérien du pays.

C’est la première fois, depuis le début de l’invasion russe en février 2022, qu’un tel nombre d'engins s’aventurent aussi loin dans le territoire d’un pays membre de l’OTAN. Mercredi, le premier ministre polonais, Donald Tusk, a immédiatement pointé Moscou du doigt. « La nuit dernière, l'espace aérien polonais a été violé par un grand nombre de drones russes », a-t-il affirmé sur le réseau social X. Les 19 engins détectés ont été abattus par l’armée polonaise avant qu’ils ne puissent faire de victimes.

La Pologne assure que certains de ces appareils provenaient de la Biélorussie, avec laquelle elle a annoncé, en représailles, la fermeture de sa frontière, tandis que Minsk évoque des drones « déviés » par les contre-mesures militaires ukrainiennes. Moscou, de son côté, nie toute intention de viser le territoire polonais, tout en reconnaissant avoir mené une « frappe massive » contre l’industrie de défense ukrainienne.

Rosemary DiCarlo, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, au Conseil de sécurité de l'ONU (photo d'archive).
UN Photo/Loey Felipe
Rosemary DiCarlo, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, au Conseil de sécurité de l'ONU (photo d'archive).

Une guerre qui déborde

Alors que plusieurs capitales européennes accusent la Russie d’avoir délibérément franchi la frontière polonaise, l’ONU rappelle la gravité du moment. « Cet incident met en danger les récents efforts diplomatiques visant à mettre fin à cette guerre brutale et non provoquée », a déploré Rosemary DiCarlo, cheffe du département des affaires politiques de l’organisation, lors d’une réunion du Conseil de sécurité convoquée, vendredi après-midi, à la demande de Varsovie.

Les débats ont souligné l’ampleur du malaise. L’Ukraine a accusé Moscou de se moquer du Conseil. « Ce n’est pas une erreur, mais le franchissement d’une ligne rouge », a averti son représentant, allant jusqu’à évoquer la possibilité de voir « des drones à Paris, Berlin et Londres et même au-delà, au-dessus de l’océan Atlantique ».

La Russie a dénoncé « l’incohérence » de ces accusations et proposé un dialogue direct entre ministères de la défense russe et polonais, tout en accusant Kiev de chercher à internationaliser le conflit. La Biélorussie, pour sa part, a revendiqué avoir été la première à alerter ses voisins polonais et lithuanien de l’approche des drones, dénonçant la fermeture de la frontière terrestre polonaise comme une mesure « injustifiée et antisociale ».

Solidarité occidentale 

La Pologne, représentée par son Secrétaire d’État, Marcin Bosacki, a accusé Moscou de « chercher à mettre la région à feu et à sang », réclamant une condamnation « unifiée, sans équivoque et immédiate » des « actes criminels russes ».

Les États-Unis se sont posés en rassembleurs du camp occidental : « Soyez assurés que nous défendrons chaque centimètre carré du territoire de l’OTAN », a martelé leur représentante. 

Membre de l’alliance militaire transatlantique depuis 1999, la Pologne a invoqué mercredi l’article 4 de son traité fondateur, ouvrant la voie à des consultations entre ses 32 membres.

En arrière-plan, plane l’ombre de l’article 5 – le pilier de l’OTAN – une clause de défense collective en vertu de laquelle toute attaque contre un pays membre est considérée comme une attaque contre l'ensemble de ses alliés. 

L’incident a déjà déclenché une réaction militaire de plusieurs nations européennes. Emmanuel Macron a dénoncé sur X « les intimidations croissantes de la Russie » et annoncé l’envoi de trois avions de chasse pour « contribuer à la protection de l’espace aérien polonais et du flanc Est de l’Europe ». Prague et La Haye se sont engagées à fournir hélicoptères de combat et batteries antiaériennes.

Un centre de santé à Kiev touché par une attaque russe, en juillet 2024 (photo d'archives).
© UNOCHA/Viktoriia Andriievska
Un centre de santé à Kiev touché par une attaque russe, en juillet 2024 (photo d'archives).

L’Ukraine toujours sous le feu

Pour l’ONU, l’incursion en Pologne ne peut être dissociée des attaques qui ravagent quotidiennement l’Ukraine. Dans la nuit du 9 au 10 septembre, la Russie a lancé 415 drones et plus de 40 missiles sur quinze régions du pays, selon le président Volodymyr Zelensky, causant des victimes civiles, dont au moins une à Kyiv.

« Les attaques visant des civils et des infrastructures civiles violent le droit international humanitaire. Elles sont inacceptables et doivent cesser immédiatement, où qu’elles se produisent », a rappelé Rosemary DiCarlo. Rien que pour le mois d’août, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a recensé 208 civils tués et 827 blessés, un bilan qui illustre l’intensification des combats.

Un incident isolé ?

En Pologne, les aéroports de Varsovie et de Rzeszów ont dû fermer temporairement suite au passage des drones. Dans plusieurs villages de l’est du pays, les habitants ont découvert au petit matin des débris et morceaux de carlingues.

Au-delà des dégâts matériels, l’incident pose désormais la question de savoir s’il est possible de contenir le conflit ukrainien à l’intérieur des frontières du pays, à défaut d’y mettre fin, ou si l’histoire retiendra la nuit de mardi 9 septembre comme le point de bascule vers l’internationalisation du conflit.