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Séismes en Afghanistan : l’ONU alerte sur l’urgence humanitaire avant l’hiver

Un villageois de la province de Kounar, en Afghanistan, déblaye les décombres après le tremblement de terre qui a frappé le pays, le 31 août
© UNICEF/Amin Meerzad
Un villageois de la province de Kounar, en Afghanistan, déblaye les décombres après le tremblement de terre qui a frappé le pays, le 31 août
Face à la dévastation causée par de puissants séismes dans les provinces orientales de l'Afghanistan, deux agences de l’ONU demandent près de 40 millions de dollars pour venir en aide aux centaines de milliers de sinistrés à l’approche de la saison froide, sur fond de nouvelles entraves imposées sur place au personnel féminin de l'ONU.

Plus de 2.100 morts, 3.600 blessés, près de 7.000 maisons détruites, et un demi-million de personnes affectées. Tel est le bilan dressé par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) après les tremblements de terre de magnitude 6 et 6,2, qui ont frappé l’est du pays, les 31 août et 4 septembre derniers.

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Dans ce paysage de désolation, de nombreux résidents de Kounar, Nangarhar et Laghman – les trois principales provinces touchées – sont désormais contraints de vivre à l’air libre, exposés aux nuits déjà froides de septembre. « Des familles ont tout perdu et dorment désormais à la belle étoile, sans abri adéquat, sans nourriture ni eau potable », a alerté jeudi Ugochi Daniels, la directrice générale adjointe de l’OIM. Pour les aider, l’organisation onusienne lance un appel de 16,8 millions de dollars afin de soutenir 134.000 personnes.

Un cauchemar logistique et social

Les routes effondrées et les rochers bloquant les vallées ralentissent les convois d’urgence. Dans certains districts reculés, il faut plusieurs heures à dos d’âne pour atteindre un village. 

Mais selon le représentant de l’UNICEF en Afghanistan, l’isolement n’est pas le seul obstacle : « Les infrastructures limitées et des normes sociales très conservatrices font de cette crise l’une des réponses d’urgence les plus complexes que nous ayons eues à gérer », a reconnu mercredi le Dr Tajudeen Oyewale.

Des restrictions préoccupantes

De nouvelles mesures imposées par les autorités talibanes de facto à l'encontre du personnel féminin de l'ONU compliquent notamment la réponse de l'organisation. Le 7 septembre, les forces de sécurité afghanes ont empêché des employées et prestataires afghanes des Nations Unies d’accéder aux locaux de l’organisation dans la capitale, Kaboul, une restriction ensuite étendue aux bureaux régionaux, notamment à Hérat, dans l'est, et Mazar-i-Charif, dans le nord. 

Selon la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA), ces interdictions concernent aussi les déplacements sur le terrain, y compris pour des opérations vitales en faveur des femmes touchées par les séismes ou rapatriées d’Iran et du Pakistan. « [Elles] compromettent directement l’acheminement d’une assistance par les femmes, pour les femmes, qui est essentielle dans le contexte afghan », a averti jeudi la mission onusienne, qui rappelé que ces mesures constituent une violation des règles internationales sur les privilèges et immunités du personnel onusien.

La peur de l’hiver

Malgré ces entraves, l'UNICEF a présenté un plan de réponse de 22 millions de dollars pour les six prochains mois. Objectif : secourir 400.000 personnes, dont une majorité d’enfants. Des équipes mobiles sillonnent déjà les vallées, distribuant soins médicaux, eau potable, kits d’hygiène et soutien psychosocial. Des espaces d’apprentissage temporaires sont installés pour remplacer les écoles détruites, tandis que des transferts en espèces sont prévus pour plus de 13.000 familles afin de passer l’hiver.

L’urgence est désormais double. Aux blessures et traumatismes s’ajoute en effet la menace du froid. Les provinces touchées abritent 3,7 millions d’habitants, dont près de 800.000 déplacés par la catastrophe, mais aussi deux décennies de conflits en Afghanistan. Un grand nombre d’entre ont récemment été contraints de rentrer dans l’est du pays après des années d'exil, notamment au Pakistan voisin. « Avec l’hiver qui approche, leur situation ne pourra que s’aggraver sans aide urgente », a averti Ugochi Daniels, de l’OIM.

Car au-delà des tentes, couvertures et poêles à distribuer, il s’agit d’éviter l’effondrement sanitaire : flambées de diarrhée aiguë, recrudescence de la malnutrition, aggravation de la détresse psychologique. Dans les camps improvisés, la promiscuité accroît aussi les risques pour les femmes et les filles, privées d’intimité et d’accès sûr aux services de base.

Un appel au monde

Sous pression, les agences de l’ONU martèlent le même message : sans financement rapide, les opérations humanitaires ne pourront répondre à l’ampleur du désastre. « Nous appelons la communauté internationale à se tenir aux côtés de ces populations et à nous aider à protéger les enfants avant que l’hiver rigoureux ne s’installe », a insisté le Dr Tajudeen Oyewale.

Dans ces montagnes meurtries, le temps presse. Chaque jour perdu rapproche un peu plus les sinistrés de l’hiver glacial, qui menace de prolonger la catastrophe.