Aller au contenu principal

Maintien de la paix : entre héritage et critiques, quel avenir ?

La mission de maintien de la paix de l'ONU au Liban patrouille le long de la Ligne bleue avec l'armée libanaise.
© UNIFIL
La mission de maintien de la paix de l'ONU au Liban patrouille le long de la Ligne bleue avec l'armée libanaise.
Alors que le nombre de conflits est à son plus haut niveau depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’ONU s’interroge sur l’avenir de son instrument phare : le maintien de la paix. Entre héritage revendiqué et critiques croissantes, les casques bleus doivent se réinventer pour faire face aux nouvelles menaces, dans un contexte de fragmentation géopolitique. 

Plus de 60.000 casques bleus, déployés dans 11 missions à travers le monde, incarnent encore aujourd’hui l’action la plus visible des Nations Unies sur le terrain. « Le maintien de la paix n’est pas un luxe ; c’est une bouée de sauvetage pour des millions d’êtres humains », a rappelé mardi Jean-Pierre Lacroix, le chef des opérations de paix de l’ONU, lors d’un débat consacré à leur avenir au Conseil de sécurité – le seul organe habilité à créer ces missions. 

Tweet URL

Le constat qu’il dresse est sévère : jamais depuis 1946 autant de guerres n’ont ravagé la planète – plus de 60 conflits recensés en 2024 selon l’université d’Uppsala – et jamais la recherche de solutions politiques n’a semblé aussi ardue.

80 ans d'expérience – et de limites criantes

Face à cet avenir incertain, l’ONU revendique l’héritage de près de huit décennies d’opérations. Mines neutralisées au Soudan du Sud, villages protégés en Centrafrique, cessez-le-feu surveillés au Liban : autant de gestes quotidiens qui traduisent, selon M. Lacroix, « la différence » que les Casques bleus continuent de faire pour les populations. 

Mais il reconnaît aussi les limites : « Nous ne devons pas être indéfiniment responsables de la protection des populations. C’est pourquoi la recherche de solutions politiques doit rester au cœur de ce que nous faisons ».

Les missions politiques en contrepoint

Rosemary DiCarlo, cheffe des affaires politiques des Nations Unies, a souligné l’importance de tirer les leçons de l’histoire, s’agissant non seulement des opérations de maintien de la paix, mais également de leurs proches parentes : les missions politiques spéciales, ces opérations civiles non assorties de contingents armés, mandatées par le Conseil à des fins diplomatiques. De la décolonisation libyenne aux élections post-apartheid en Afrique du Sud, en passant par la médiation au Népal, ces missions ont, selon elle, prouvé leur efficacité lorsqu’elles restaient ciblées, flexibles et peu coûteuses.

Le temps des grandes opérations adossées à des accords de paix ambitieux, comme au Cambodge ou au Timor-Leste, paraît désormais lointain. « Aujourd’hui, les accords de paix globaux sont l’exception, pas la règle », a averti Mme DiCarlo, plaidant pour des mandats « modestes » et « flexibles » – mais aussi, a insisté M. Lacroix, « clairs » et « hiérarchisés ».

Adapter l’outil onusien aux nouvelles menaces

Prolifération des groupes armés non étatiques, usage militaire des drones et de l’intelligence artificielle, montée du crime organisé transnational : autant de facteurs qui compliquent la tâche des casques bleus et exigent des réponses plus souples et innovantes. Les deux responsables convergent sur l’urgence d’adapter l’outil onusien à ces nouvelles menaces. 

Si le chef du maintien de la paix appelle à de meilleures capacités de planification et à des partenariats renforcés, notamment avec l’Union africaine (UA), Mme DiCarlo insiste sur la coordination entre les opérations et les équipes de l’ONU à l’intérieur des pays concernés, pour conjuguer action politique, développement, aspects humanitaires et droits humains. Tous deux mettent en garde contre les approches uniformes et plaident pour des réponses sur mesure.

Reste une constante, rappelée par la responsable onusienne : « L’échec ou la mise en œuvre insuffisante des mandats tient bien souvent au manque de soutien politique ». Dans les pays hôtes, parmi les acteurs régionaux comme au sein du Conseil de sécurité, la volonté fait souvent défaut. Et sans elle, ni les casques bleus, ni les diplomates ne peuvent durablement éteindre les foyers de guerre.