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Soudan : « une véritable catastrophe », alerte une responsable de l’ONU

Une femme et son enfant déplacés à Kosti, dans l'État du Nil Blanc, au Soudan.
© UNICEF/Mohamed Dawod
Une femme et son enfant déplacés à Kosti, dans l'État du Nil Blanc, au Soudan.
De retour d’une visite au Soudan, une haute responsable humanitaire a dressé jeudi un tableau apocalyptique de la guerre qui ravage le pays depuis plus de deux ans. De la capitale Khartoum, réduite au silence, à El Fasher assiégée, en passant par les camps de réfugiés au Tchad, Edem Wosornu décrit un pays à genoux, où la famine et le choléra menacent des millions de vies.

« Le Soudan est l’une des pires crises humanitaires du monde aujourd’hui », a rappelé la directrice des opérations de l’OCHA, le bureau onusien des affaires humanitaires, lors d’une conférence de presse à New York.

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Les chiffres témoignent du désastre : environ 30 millions de personnes dans le besoin, quatre millions de réfugiés dans les pays voisins, et plus de 600.000 Soudanais frappés par la famine. « C’est plus de la moitié du total mondial », s'est scandalisée Mme Wosornu. Au Darfour, dans l’ouest, et au Kordofan, dans le centre, les poches de malnutrition aiguë se multiplient, tandis que la période de soudure – une saison de disette qui précède les récoltes – est « d’une gravité sans précédent ».

Depuis le mois d’avril 2023, le Soudan est en proie à une guerre civile entre les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », et l’armée régulière du général Abdel Fattah Al-Bourhane, le leader de facto du Soudan.

Le contraste est saisissant pour ce pays autrefois décrit comme « le grenier de la Corne de l’Afrique ». Désormais, selon Mme Wosornu, « une véritable catastrophe » est à l’œuvre, marquée par des violations flagrantes du droit international humanitaire : bombardements de civils, frappes de drones, villes assiégées.

Khartoum, la capitale fantôme

Revenue pour la première fois dans la capitale depuis le début du conflit, la haute responsable raconte une ville méconnaissable : « L’ampleur et la destruction sont dévastatrices. (…) Une ville qui était autrefois animée est devenue une ville fantôme ». Dans les rues jonchées de débris explosifs, « le traumatisme est partout », dit-elle, jusque dans les récits de ses propres collègues soudanais, qu'elle a trouvés « en pleurs ».

Malgré tout, des signes ténus de résilience émergent. Des habitants balaient les avenues, des médecins rouvrent des centres de traitement du choléra. « La population est déterminée à revenir », souligne-t-elle, même si la reconstruction prendra selon elle de très nombreuses années.

Au Tchad, l’autre front de la crise

Au-delà des frontières, le drame se prolonge. Le Tchad voisin accueille 1,4 million de réfugiés, dont 850.000 Soudanais. Dans l’est du pays, une personne sur trois est aujourd’hui soudanaise, bouleversant la démographie locale. Les taux de malnutrition et de choléra y explosent, tandis que les communautés hôtes supplient : « Ne nous oubliez pas ! ».

Mme Wosornu a salué « l’effort colossal » des autorités tchadiennes, qui maintiennent les frontières ouvertes malgré la fragilité de leur propre État.

Une urgence pour la communauté internationale

La responsable de l’OCHA appelle la communauté internationale à garantir l’accès humanitaire entravé par les combats, notamment à El Fasher, la capitale du Darfour du Nord, où 70 camions d’aide sont à l'heure actuelle bloqués.

Mme Wosornu demande également des efforts en termes de financements internationaux. « Nous avons besoin de 55 centimes par personne et par jour. Mon café au Starbucks aujourd’hui, ce n’est pas exactement 55 centimes », a-t-elle ironisé.

Interrogée sur le sentiment d’abandon exprimé par de nombreux Soudanais, Mme Wosornu a livré cet avertissement : « Un étudiant m’a dit : “Si le Soudan était sur un autre continent ou d’une autre couleur, le monde se soucierait davantage de nous” ». Et de conclure : « Je n'ai de cesse de nous lancer le défi de rester focalisés sur le Soudan ».