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Un nombre record d’humanitaires tués dans les zones de conflit à travers le monde en 2024

Une employée de l'UNRWA aide des enfants à Gaza.
© UNRWA
Une employée de l'UNRWA aide des enfants à Gaza.
Un nombre record de 383 travailleurs humanitaires ont été tués dans les zones de conflit à travers le monde en 2024, près de la moitié d’entre eux à Gaza, a indiqué mardi le bureau humanitaire de l’ONU lors de la journée annuelle rendant hommage aux milliers de personnes qui interviennent dans les crises pour aider les populations vulnérables.
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Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), ce bilan meurtrier inédit constitue un signal d’alarme sur la nécessité de garantir la protection de tous les civils dans les conflits et les crises et de mettre fin à l’impunité.

Les huit premiers mois de 2025 ne montrent aucun signe de renversement de cette tendance inquiétante : 265 travailleurs humanitaires ont déjà été tués au 14 août, selon les données provisoires de la base de données sur la sécurité des travailleurs humanitaires.

« Des attaques d’une telle ampleur, avec une absence totale de reddition des comptes, illustrent de manière accablante l’inaction et de l’indifférence internationales. En tant que communauté humanitaire, nous exigeons, une fois encore, que ceux qui détiennent le pouvoir et l’influence agissent pour l’humanité, protègent les civils et les travailleurs humanitaires et demandent des comptes aux auteurs de ces actes », a déclaré dans un communiqué, Tom Fletcher, Secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des affaires humanitaires.

Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a rendu hommage aux travailleurs humanitaires tués et a réclamé des mesures concrètes pour protéger les travailleurs humanitaires et investir dans leur sécurité, mais aussi « pour mettre fin aux mensonges qui coûtent des vies, pour faire en sorte que les auteurs de ces crimes ne puissent se soustraire à leur responsabilité et soient traduits en justice, et pour mettre fin aux flux d’armes à destination des parties prenantes qui enfreignent le droit international ».

« Ensemble, disons d’une seule voix : une attaque contre les humanitaires est une attaque contre l’humanité », a ajouté le chef de l'ONU.

« Jour après jour »

Sur le terrain, une travailleuse humanitaire chevronnée de l'ONU basé à Gaza a réaffirmé la détermination des humanitaires du monde entier à sauver des vies et à soulager les souffrances, quelle que soit la difficulté de la situation.

S'adressant à ONU Info depuis l'enclave ravagée par la guerre, Olga Cherevko, de l'OCHA, a déclaré que les travailleurs humanitaires, épuisés, continuaient, malgré tout, de travailler « jour après jour ».

À l’approche des deux ans du début de la guerre à Gaza, Mme Cherevko a souligné le dévouement de ses collègues palestiniens, « les médecins, les infirmières, les travailleurs humanitaires qui, pour beaucoup d’entre eux, ont tout perdu et plusieurs fois ».

Lors d'une cérémonie à Genève, Tom Fletcher, le chef de l'humanitaire de l'ONU, a souligné combien « les humanitaires portent l'espoir là où règne le désespoir ». « Ils sont altruistes dans un monde égoïste. Ils cherchent à réparer ce que d'autres cherchent à briser. Ils apportent de l'humanité là où règne l'inhumanité ».

Des survivants et des familles de victimes de l'attaque contre les bureaux de l'ONU à Bagdad du 19 août 2003 déposent des fleurs lors de la cérémonie de commémoration de la Journée mondiale de l'aide humanitaire à Genève.
UN Photo/Violaine Martin
Des survivants et des familles de victimes de l'attaque contre les bureaux de l'ONU à Bagdad du 19 août 2003 déposent des fleurs lors de la cérémonie de commémoration de la Journée mondiale de l'aide humanitaire à Genève.

Un bilan meurtrier en hausse

La base de données sur la sécurité des travailleurs humanitaires, qui compile des rapports depuis 1997, indique que le nombre de meurtres est passé de 293 en 2023 à 383 en 2024, dont plus de 180 à Gaza. « La plupart des travailleurs humanitaires tués étaient des employés nationaux au service de leur communauté, qui ont été attaqués pendant leur travail ou à leur domicile ».

L’année dernière, 599 attaques majeures ont visé des travailleurs humanitaires, soit une forte hausse par rapport aux 420 attaques recensées en 2023. Les attaques de 2024 ont également fait 308 blessés parmi les travailleurs humanitaires, 125 ont été kidnappés et 45 ont été détenus.

Selon la base de données, la violence contre les travailleurs humanitaires a augmenté dans 21 pays en 2024 par rapport à l’année précédente, les forces gouvernementales et leurs affiliés étant les auteurs les plus fréquents.

Le nombre le plus élevé d’attaques majeures l’année dernière a été enregistré dans les territoires palestiniens avec 194, suivis du Soudan avec 64, du Soudan du Sud avec 47, du Nigéria avec 31 et du Congo avec 27.

Une violence qui n’est pas inévitable

En ce qui concerne les meurtres, le Soudan, où la guerre civile fait toujours rage, arrive en deuxième position après Gaza et la Cisjordanie, avec 60 travailleurs humanitaires ayant perdu la vie en 2024. C’est plus du double qu’en 2023 lorsque 25 décès avaient été enregistrés.

Au Liban, 20 travailleurs humanitaires ont été tués, contre aucun en 2023. L’Éthiopie et la Syrie ont chacune enregistré 14 meurtres, soit environ le double du nombre enregistré en 2023, et l’Ukraine a vu 13 travailleurs humanitaires tués en 2024, contre 6 en 2023.

« Même une seule attaque contre un collègue humanitaire est une attaque contre nous tous et contre les personnes que nous servons », a conclu le Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU, Tom Fletcher. « La violence contre les travailleurs humanitaires n’est pas inévitable. Elle doit cesser ».

Un employé de l'ONU au Tchad s'entretient avec des réfugiés nouvellement arrivés du Soudan. Des milliers d'entre eux sont dans une situation désespérée.
© UNHCR/Caitlin Kelly
Un employé de l'ONU au Tchad s'entretient avec des réfugiés nouvellement arrivés du Soudan. Des milliers d'entre eux sont dans une situation désespérée.

Attaques au Moyen-Orient

Dans ce tour d’horizon des messages marquant la Journée mondiale, il y a cette déclaration commune des coordonnateurs de l’ONU dans les territoires palestiniens occupés, en Syrie, au Yémen et au Liban. Ces derniers rappellent que dans la région, les civils, y compris les travailleurs humanitaires, sont tués, blessés et attaqués en nombres effarants.

Depuis août 2024, au moins 446 travailleurs humanitaires ont été tués, blessés, kidnappés ou détenus dans ces quatre territoires et pays. Cela porte le nombre total depuis août 2023 à au moins 841 travailleurs touchés, dont 584 tués, 215 blessés, 38 détenus et 4 kidnappés.

Dans un message publié sur X, le Directeur de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a indiqué qu’environ 360 membres du personnel ont été tués à Gaza, dont plusieurs dans l’exercice de leurs fonctions, et que des centaines d’autres ont été blessés.

Philippe Lazzarini a également indiqué qu’une cinquantaine de membres du personnel ont été arrêtés ou détenus, certains ayant subi des tortures lors de leur arrestation.

Impunité et inaction

De son côté, le Coordonnateur humanitaire par intérim de l’ONU pour le Soudan note que ce pays est devenu l’une des zones les plus meurtrières pour les travailleurs humanitaires dans le monde. Depuis le début du conflit actuel en avril 2023, plus de 120 travailleurs humanitaires ont été tués, presque tous soudanais.

« Nos travailleurs humanitaires en première ligne, sont attaqués, détenus, harcelés et même tués. Les violations du droit international humanitaire sont devenues inquiétantes. Chaque ligne rouge franchie est accueillie avec impunité, indifférence et inaction », a déploré Luca Renda.

Même signal d’alarme pour le Soudan du Sud voisin, qui reste l’un des endroits les plus dangereux au monde pour les travailleurs humanitaires, se classant au deuxième rang cette année.

Depuis le début de l’année, Djouba dénombre 26 victimes, dont 15 travailleurs humanitaires et 11 sous-traitants qui ont été tués ou blessés, ce qui représente une hausse très inquiétante par rapport aux 15 personnes recensées à la même période l’année dernière.

« Entre janvier et juillet 2025, plus de 200 incidents de violence directe contre des humanitaires et des biens ont été signalés, contre 176 l’année dernière. L’insécurité croissante a contraint 56 travailleurs humanitaires à quitter leurs zones d’opération », a détaillé Anita Kiki Gbeho, Coordinatrice humanitaire pour le Soudan du Sud.

Les groupes mobiles fournissent des soins d'urgence  et des soins de santé primaires en Ukraine.
WHO
Les groupes mobiles fournissent des soins d'urgence et des soins de santé primaires en Ukraine.

Travailleurs de la santé

Par ailleurs, le groupe sectoriel de l’ONU chargé de la santé constate « une érosion constante du respect du droit international humanitaire ». Une façon de fustiger les attaques contre les services de santé, qui sont « devenues horriblement courantes ». Entre janvier 2024 et août 2025, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a recensé 2.450 attaques contre les services de santé dans 21 pays et territoires.

Celles-ci ont fait 2.060 morts et 2.395 blessés parmi les travailleurs de la santé et les patients. Au cours de cette même période, 1.392 attaques ont touché le personnel de santé, entraînant des morts, des blessés, des enlèvements et des arrestations.

L’OMS note que depuis le début de l’année, 821 attaques contre des structures de santé ont été recensées dans toutes les régions du monde, qui ont fait 1.121 morts et 645 blessés parmi les professionnels de santé et les patients dans 16 pays/territoires.

Parmi les cinq pays ayant signalé le plus grand nombre d’attaques, l’Ukraine figure en tête, avec 325 attaques répertoriées ayant entraîné 10 morts et 114 blessés. Suivent les Territoires palestiniens occupés (304 attaques, avec 61 morts et 165 blessés), la République démocratique du Congo (38 attaques) et le Soudan (38 attaques, avec 933 morts et 148 blessés).

Les établissements de santé ont été les ressources les plus fréquemment touchées. « Les types d’attaques les plus fréquents cette année sont les violences impliquant l’utilisation d’armes lourdes (chars, missiles, bombes, etc.) (471), les entraves à la prestation de soins de santé (255), les violences commises avec des armes individuelles (144) et le recours à la violence psychologique (142) », a déclaré lors d’un point de presse à Genève, le porte-parole de l’OMS, Christian Lindmeier.

Pourquoi célébrons-nous la Journée de l'aide humanitaire ?

  • Le 19 août 2003, un attentat à la bombe contre l'hôtel Canal à Bagdad a tué 22 travailleurs humanitaires, dont le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l'Iraq, Sergio Vieira de Mello.
  • Cinq ans plus tard, l'Assemblée générale a adopté une résolution proclamant le 19 août Journée mondiale de l'aide humanitaire.
  • Chaque année, cette journée internationale rassemble des partenaires de l'ensemble du système humanitaire pour plaider en faveur de la survie, du bien-être et de la dignité des personnes touchées par les crises, ainsi que de la sécurité des travailleurs humanitaires.
  • Le thème de la commémoration de cette année est la fin des attaques contre les humanitaires et les civils, ainsi que de l'impunité au regard du droit international humanitaire.