Fil d'Ariane

Myanmar : les forces de sécurité impliquées dans des actes de torture, selon des enquêteurs de l’ONU

Le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar (IIMM), créé par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en 2018 pour analyser les preuves de violations graves du droit international, a déclaré que les victimes avaient été soumises à des coups, des chocs électriques, des strangulations et d’autres formes de torture, comme l’arrachage des ongles à l’aide de pinces.
Selon le document, ces actes de torture ont parfois entraîné la mort. Des enfants, souvent détenus illégalement à la place de leurs parents disparus, figuraient parmi les personnes torturées, précise le rapport.
« Nous avons découvert des preuves significatives, notamment des témoignages oculaires, montrant que des actes de torture systématiques sont commis dans les centres de détention du Myanmar », a déclaré dans un communiqué, Nicholas Koumjian, Chef du Mécanisme.

Crimes sexuels
En outre, le Mécanisme a continué à compiler « des preuves crédibles de crimes sexuels » commis contre des civils de différents âges et sexes dans le cadre des divers conflits armés au Myanmar. Il s’agit notamment de preuves de viols collectifs, des cas d’esclavage sexuel, de torture sexuelle, de mutilations sexuelles, d’agressions sexuelles aux postes de contrôle militaires ainsi que des faits de nudité forcée.
Le rapport détaille également des brûlures des parties génitales et d’autres formes de violences sexuelles, notamment des fouilles corporelles invasives visant à humilier ; l’utilisation d’insultes à caractère sexuel, misogyne ou homophobe ou des menaces de violence sexuelle.
Les conclusions du rapport, qui couvre une période d’un an jusqu’au 30 juin, s’appuient sur des informations provenant de plus de 1.300 sources, dont des centaines de témoignages oculaires ainsi que des preuves médico-légales, des documents et des photographies.
Le Mécanisme a également recueilli des preuves permettant d’identifier les auteurs d’exécutions sommaires de combattants capturés ou de civils accusés d’être des informateurs. Ces meurtres ont été perpétrés tant par les forces de sécurité du Myanmar et les milices qui leur sont affiliées que par des groupes armés de l’opposition.
Exécutions sommaires
« Notre rapport met en évidence une augmentation continue de la fréquence et de la brutalité des atrocités commises au Myanmar », a déclaré M. Koumjian. « Nous travaillons pour que les auteurs de ces actes aient un jour à répondre de leurs actes devant un tribunal ».
Par ailleurs, le Mécanisme indique avoir progressé dans l’identification des personnes impliquées dans les opérations menées dans certains centres de détention et des unités des forces de sécurité auxquelles elles appartiennent. Et cette liste des auteurs identifiés à ce jour comprend des commandants de haut rang.
Le rapport indique également que les forces de sécurité du Myanmar et les groupes armés de l’opposition ont procédé à des exécutions sommaires pendant le conflit, et qu’il a identifié les responsables.
« Nous avons progressé dans l’identification des auteurs, y compris les commandants qui supervisent ces centres, et nous sommes prêts à soutenir toute juridiction disposée et capable de poursuivre ces crimes ».
Coupes budgétaires
Les preuves fournies par le Mécanisme ont contribué aux enquêtes qui ont conduit le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) à demander, en novembre 2024, un mandat d’arrêt contre Min Aung Hlaing, commandant en chef de l’armée. Les preuves communiquées par le Mécanisme ont également été utilisées par la justice argentine, qui a ordonné en février dernier la délivrance de mandats d’arrêt contre Min Aung Hlaing et 24 autres personnes.
Cependant, les enquêteurs de l’ONU s’inquiètent des conséquences des coupes budgétaires de l’ONU sur leur travail. Pour aggraver ces difficultés, l’initiative ONU80 a introduit des mesures supplémentaires de réduction des coûts, obligeant le Mécanisme à réduire de 20 % les postes financés par le budget ordinaire en 2026.
« Ces pressions financières menacent la capacité du Mécanisme à poursuivre son travail essentiel et à continuer de soutenir les efforts de justice internationaux et nationaux », a fait valoir le Mécanisme, relevant qu’il continuera à mobiliser des fonds extrabudgétaires pour soutenir ses activités à l’avenir.

Aide humanitaire nécessaire dans l’État de Rakhine
De son côté, le Programme alimentaire mondial (PAM) a lancé un appel urgent pour une aide humanitaire accrue dans l’État de Rakhine, où une combinaison mortelle de conflits, de blocus et de réductions budgétaires entraîne une augmentation spectaculaire de la faim et de la malnutrition.
L’agence onusienne a besoin de 30 millions de dollars pour venir en aide à 270.000 personnes dans l’État de Rakhine au cours des six prochains mois. « Sans une action urgente, cette crise va dégénérer en une catastrophe totale », a déclaré Michael Dunford, Représentant du PAM au Myanmar. « Le monde ne doit pas détourner le regard ».
Dans le centre de l’État de Rakhine, le nombre de familles qui n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins alimentaires de base a atteint 57 %, contre 33 % en décembre 2024. Les familles sont contraintes de prendre des mesures désespérées pour survivre : endettement croissant, mendicité, violence domestique, abandon scolaire, tensions sociales et même traite des êtres humains.
« Nous entendons des histoires déchirantes d’enfants qui pleurent de faim et de mères qui sautent des repas. Les familles font tout ce qu’elles peuvent, mais elles ne peuvent pas survivre seules ».
La crise alimentaire est alimentée par un conflit prolongé, des restrictions sévères à la liberté de mouvement, la flambée des prix alimentaires et la réduction de l’aide humanitaire due à une baisse significative des financements.
En avril 2025, le PAM a été contraint de réduire son aide vitale à plus d’un million de personnes à travers le Myanmar, en raison d’un manque de fonds.