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« Coûteux, insuffisants et inefficaces », les largages aériens sur Gaza ne peuvent remplacer les camions

Des femmes et des enfants attendent de la nourriture dans une cuisine communautaire à l'ouest de la ville de Gaza.
UN News
Des femmes et des enfants attendent de la nourriture dans une cuisine communautaire à l'ouest de la ville de Gaza.
Alors que des largages aériens d’aide sur Gaza sont menés depuis quelques jours, l’ONU a souligné vendredi que ces largages coûtent « au moins 100 fois plus cher que les camions » qui transportent « deux fois plus d'aide » que les avions.
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Depuis dimanche, Israël autorise l’acheminement d'aide humanitaire par les airs à Gaza. Les autorités israéliennes ont autorisé des « pauses tactiques » quotidiennes dans trois secteurs de l’enclave palestinienne pour mettre la livraison de davantage d’assistance. Toutefois, l’accès humanitaire par voie terrestre reste très limité.

Plusieurs pays, dont les Emirats arabes unis, la Jordanie, la France, le Royaume-Uni, la Belgique et l’Allemagne ont déjà largué des dizaines de tonnes de vivres par avion auprès d’une population menacée par la famine.

Selon la presse, l’opération française prévoit de larguer 40 tonnes d’aide, soit l’équivalent de 2 à 3 camions d’aide humanitaire.

Il s’agit de répondre à une situation humanitaire dramatique dans la bande de Gaza où les preuves de famine s’accumulent, selon l’ONU.

« S'il existe une volonté politique d'autoriser les largages aériens, qui sont très coûteux, insuffisants et inefficaces, il devrait y avoir une volonté politique similaire pour ouvrir les points de passage », a déclaré le chef de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), Philippe Lazzarini, dans un message sur le réseau social X.

« Alors que la population de Gaza meurt de faim, la seule façon de répondre à la famine est d'inonder Gaza d'aide », a-t-il ajouté.

L'UNRWA, la plus grande agence des Nations Unies sur le terrain, a 6.000 camions chargés d'aide bloqués à l'extérieur de Gaza, attendant un feu vert pour entrer, a-t-il précisé.

Revenir à ce qui fonctionne

L'ONU, dont l'UNRWA et ses partenaires, a pu acheminer 500 à 600 camions par jour pendant le cessez-le-feu en début d'année. « L'aide a atteint toute la population de Gaza dans la sécurité et la dignité. Elle a permis d'enrayer la famine qui s'aggravait sans détournement d'aide », a rappelé M. Lazzarini.

Selon lui, « aucune autre solution que la réponse coordonnée de l’ONU, avec l’UNRWA comme colonne vertébrale, n’a donné des résultats similaires ».

« Revenons à ce qui fonctionne et faisons notre travail. C'est ce dont la population de Gaza a plus que jamais besoin aujourd'hui, ainsi qu'un cessez-le-feu durable », a déclaré le chef de l’UNRWA. 

Un enfant souffrant de malnutrition sévère est soigné dans un hôpital de Gaza.
© WHO
Un enfant souffrant de malnutrition sévère est soigné dans un hôpital de Gaza.

Plus de 100 personnes tuées en deux jours

De son côté, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) a souligné que les forces israéliennes ont poursuivi leurs attaques le long des itinéraires des convois alimentaires et à proximité des sites d'aide de la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), une organisation privée soutenue par Israël et les Etats-Unis.

Entre le 30 et le 31 juillet, 105 Palestiniens ont été tués et au moins 680 autres blessés le long des itinéraires des convois dans la zone de Zikim, au nord de Gaza, au sud de Khan Younis, et à proximité des sites de la GHF dans le centre de Gaza et à Rafah, a précisé le bureau du HCDH dans le territoire palestinien occupé, dans un communiqué de presse publié vendredi.

Au total, depuis le 27 mai, au moins 1.373 Palestiniens ont été tués alors qu'ils cherchaient de la nourriture : 859 à proximité des sites de la GHF et 514 le long des itinéraires des convois alimentaires.

Le HCDH a noté que la plupart des meurtres ont été commis par l'armée israélienne et que, bien qu'il soit au courant de la présence d'autres éléments armés dans les mêmes zones, il ne dispose d'aucune information indiquant leur implication dans ces meurtres.

« [Le bureau] ne dispose d'aucune information indiquant que ces Palestiniens participaient directement aux hostilités ou représentaient une menace pour les forces de sécurité israéliennes ou d'autres individus. Chaque personne tuée ou blessée luttait désespérément pour sa survie, non seulement pour elle-même, mais aussi pour sa famille et les personnes à sa charge », a-t-il déclaré.

Respect du droit international

Le bureau des droits de l'homme a souligné que le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des civils ne participant pas directement aux hostilités et d'utiliser intentionnellement la faim comme méthode de guerre en les privant de biens indispensables à leur survie, y compris en entravant délibérément l'acheminement des secours, constitue des crimes de guerre.

« S'ils s'inscrivent dans le cadre d'une attaque systématique ou généralisée contre la population civile, ils peuvent également constituer des crimes contre l'humanité », a ajouté le HCDH, soulignant l'impact cumulé de ces incidents et des restrictions d'accès humanitaire.

« Chacun de ces meurtres doit faire l'objet d'une enquête rapide et indépendante, et les responsables doivent rendre des comptes. Des mesures urgentes doivent être mises en place pour éviter que cela ne se reproduise », a-t-il déclaré.

Profonde souffrance

De retour d'une visite à Gaza, le Directeur adjoint du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), Ted Chaiban, a souligné vendredi, lors d'une conférence de presse avec des journalistes à New York, que « les marques d'une profonde souffrance et de la faim étaient visibles sur le visage des familles et des enfants ».

« Gaza est désormais confrontée à un grave risque de famine », a-t-il affirmé. « C'est un phénomène qui s'est amplifié, mais nous avons maintenant deux indicateurs qui ont dépassé le seuil de famine ».

Selon lui, la crise ne peut être résolue que par un flux d'aide sans restriction vers Gaza. « Les enfants que j'ai rencontrés ne sont pas victimes d'une catastrophe naturelle. Ils sont affamés, bombardés et déplacés », a-t-il dit.

Lors de discussions avec les autorités israéliennes à Jérusalem et à Tel-Aviv, l'UNICEF a « incité à une révision des règles d'engagement militaire [israéliennes] afin de protéger les civils et les enfants », a expliqué M. Chaiban.

« Les enfants ne devraient pas être tués en faisant la queue dans un centre de nutrition ou en allant chercher de l'eau, et les gens ne devraient pas être désespérés au point de devoir se précipiter sur un convoi », a-t-il déclaré. « Ce qui se passe sur le terrain est inhumain ».