Fil d'Ariane

En pleine transition, la Syrie ne peut affronter une nouvelle vague d’instabilité, estime l'ONU

« La Syrie ne peut tout simplement pas se permettre une nouvelle vague d'instabilité », a déclaré mardi l'Envoyée spéciale adjointe de l'ONU pour ce pays, Najat Rochdi, lors d'un exposé devant les membres du Conseil de sécurité à New York.
« Les risques d'une nouvelle escalade dans la région ne sont pas hypothétiques : ils sont immédiats, graves et risquent de compromettre les fragiles progrès vers la paix et le redressement en Syrie », a-t-elle ajouté.
Elle a fait écho à la condamnation par le Secrétaire général de l'ONU de l'escalade militaire au Moyen-Orient et à son appel à Israël et à l'Iran pour une retenue maximale.

Un engagement « constructif et coopératif »
Mme Rochdi a rendu compte de l'engagement continu de l'Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, Geir Pedersen, ces derniers mois, notamment des rencontres avec de hauts responsables à Damas, dont le ministre des Affaires étrangères par intérim, Asaad Hassan al-Shaibani.
Leurs discussions ont porté notamment sur l'importance de donner la priorité aux affaires intérieures en vue d'une transition politique véritablement inclusive et dans laquelle tous les Syriens ont un intérêt.
« Une attention particulière a été accordée aux prochaines étapes de la transition et à la coordination des efforts avec les commissions nouvellement créées sur la justice transitionnelle et les personnes disparues », a-t-elle ajouté.
Parmi les prochaines étapes importantes figure la création d'une nouvelle Assemblée du peuple, autorité législative de transition.
Évolution de la situation dans le nord-est
S'agissant du nord-est de la Syrie, Mme Rochdi a évoqué l'accord du 10 mars conclu entre les autorités intérimaires et les Forces démocratiques syriennes (FDS), qui contrôlent la région, visant à intégrer le groupe dirigé par les Kurdes à l'armée nationale.
Cet accord « constitue une occasion historique de résoudre l'une des principales questions en suspens dans ce conflit et de restaurer la souveraineté et l'unité de la Syrie », a-t-elle dit.
Elle a également salué les récents échanges de détenus ainsi que la coopération qui a permis à plusieurs familles syriennes du camp d'Al-Hol de retourner dans le nord-ouest. Des milliers de personnes originaires de plusieurs pays sont détenues depuis des années dans ce camp pour leurs liens présumés avec les extrémistes de Daech.
Attaques contre des communautés
Najat Rochdi a souligné que la protection et la sécurité de toutes les composantes de la société, ainsi que la prévention de l'incitation aux tensions intercommunautaires, « sont des piliers absolus de la stabilité ». Elle a noté que des incidents violents sporadiques se poursuivaient à Homs, Hama et dans d'autres régions, notamment des meurtres, des enlèvements et des atteintes aux libertés individuelles.
Par ailleurs, certaines des personnes rencontrées par l'Envoyé spécial Pedersen à Damas ont exprimé leur inquiétude face aux attaques continues visant des communautés et des groupes spécifiques, notamment les Alaouites, les Druzes et les femmes.
Justice et transition
La réinstallation des juges limogés par l’ancien régime est un autre développement positif dans la restauration de la confiance du peuple en la justice, a affirmé Mme Rochdi.

La justice a été au cœur de l’intervention d"Amneh Khoulani, défenseure des droits humains, survivante et Directrice exécutive de l’ONG Adalaty Centre, qui a perdu trois frères, exécutés par l’ancien régime.
« La justice transitionnelle est un impératif national et moral essentiel à l’instauration de la paix civile », a-t-elle rappelé. Elle a notamment salué la création récente de la Commission nationale pour la justice transitionnelle et de la Commission nationale pour les disparus.
« La Syrie doit être reconstruite par son peuple, sans discrimination et avec l’inclusion comme principe directeur de chaque étape », a-t-elle dit. Le régime précédent ayant laissé derrière lui un État dévasté, dépourvu d’institutions fonctionnelles, Mme Khoulani a estimé que la Syrie a besoin d’une aide internationale responsable et pleinement respectueuse de son indépendance.
Crise humanitaire
Même son de cloche du côté de Joyce Msuya, Sous-Secrétaire générale des Nations Unies aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, qui a appelé la communauté internationale à rester concentrée sur la crise humanitaire en Syrie, l’une des plus importantes au monde.

Mme Msuya a rappelé que les trois quarts de la population ont encore besoin d’aide humanitaire, le pays comptant plus de 7 millions de personnes déplacées.
« Alors que nous sommes à la moitié de l’année, le plan d’aide humanitaire pour la Syrie a reçu 260 millions de dollars, soit à peine 14% des fonds nécessaires », a-t-elle dit.
Dans un contexte de crise des financements, l’ONU entend réduire son déploiement. Cela signifie « faire moins avec moins », a justifié Mme Msuya. Pour éviter que les populations ne soient dépendantes de l’assistance, la Sous-Secrétaire générale a appelé à rétablir les moyens de subsistance.
Rapatriés et mesures économiques
Najat Rochdi a noté que malgré la fragilité de la situation sécuritaire et socio-économique dans leur pays d'origine, près de 600.000 personnes seraient rentrées en Syrie au cours des six derniers mois, principalement en provenance des pays voisins.
On estime que 1,34 million de personnes déplacées à l'intérieur de la Syrie sont également retournées dans leurs régions d'origine au cours de la même période.
La haute responsable a déclaré que l'ONU continuait de saluer et d'encourager les actions internationales contribuant à la relance de l'économie syrienne. Parmi celles-ci figurent une levée, pendant de six mois, de certaines sanctions américaines, la levée des sanctions économiques par l'Union européenne et un large éventail de transactions autorisées par le Royaume-Uni pour faciliter l'activité commerciale dans certains secteurs clés.
Elle a également salué un important contrat pour la construction de plusieurs centrales à gaz et à énergie solaire, signé entre les autorités intérimaires et un consortium d'organisations régionales et internationales. « Ces projets devraient répondre à plus de la moitié des besoins nationaux en électricité de la Syrie, ce qui représente un grand pas en avant vers la sécurité énergétique, la relance économique et la résilience des infrastructures », a-t-elle déclaré.