Aller au contenu principal

Conférence de l’ONU à Nice : plus d’un tiers des stocks mondiaux de poissons surexploités

Un rapport publié lors de la 3e Conférence de l'ONU sur l'océan, à Nice, montre que 35 % des stocks mondiaux de poissons sont exploités de manière non-durable.
© The Ocean Story/Vincent Kneefel
Un rapport publié lors de la 3e Conférence de l'ONU sur l'océan, à Nice, montre que 35 % des stocks mondiaux de poissons sont exploités de manière non-durable.
À Nice, ce mercredi, ce n’est pas un loup ou un rouget que l’on a hissé sur le vieux port, mais une statistique : 35 % — soit la part des stocks mondiaux de poissons aujourd’hui surexploitée, selon un rapport dévoilé en marge de la troisième Conférence des Nations Unies sur l’océan.

Alors que les délégués affluaient sur les quais du port Lympia, entre les yachts amarrés et les tentes dressées pour accueillir les discussions, ce chiffre alarmant a jeté un froid sur la troisième journée du sommet onusien. La surpêche, le changement climatique et la faiblesse des systèmes de gestion pèsent de plus en plus lourd sur la santé des mers.

Tweet URL

Le nouveau rapport, présenté lors d’une conférence de presse par le biologiste Manuel Barange, Sous-directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), dresse un tableau sans fard : les océans s’épuisent à force d’être ponctionnés. « Pour le dire en des termes financiers », confie-t-il dans un entretien avec ONU Info, « nous retirons plus que les intérêts : nous attaquons le capital ».

Intitulée « État des ressources marines halieutiques mondiales 2025 », l’étude de la FAO s’appuie sur l’analyse de 2.570 stocks de poissons — un échantillon d’une ampleur inédite. Le constat est nuancé : si plus d’un tiers des stocks sont en situation critique, 77 % des poissons consommés dans le monde proviennent encore de pêcheries bien gérées, preuve que des politiques efficaces peuvent porter leurs fruits. 

« Quand la gestion est rigoureuse, ça fonctionne », martèle M. Barange. « On sait comment reconstituer les populations ».

Des disparités régionales profondes

Mais l’état des océans dessine une géographie à deux vitesses. Sur la côte pacifique des États-Unis et du Canada, plus de 90 % des stocks sont exploités durablement. En Australie et en Nouvelle-Zélande, la proportion dépasse 85 %. L’Antarctique, soumis à un régime international strict, affiche même une durabilité intégrale.

Ailleurs, le tableau est plus sombre. Le long des côtes nord-ouest de l’Afrique, du Maroc au golfe de Guinée, plus de la moitié des stocks sont surexploités. En Méditerranée et en mer Noire, la situation est encore plus préoccupante : 65 % des ressources y sont jugées non durables. Un chiffre en recul malgré tout : le nombre de bateaux y a baissé d’un tiers en dix ans — signe que les politiques de gestion commencent à produire des effets.

Pour le biologiste de la FAO, la leçon est claire : quand des systèmes existent et qu’ils sont dotés de moyens, les stocks peuvent se reconstituer. Mais ces politiques ont un coût. « Dans certaines régions, il manque de tout : les structures de contrôle, les capacités scientifiques, les institutions », regrette-t-il. « L’enjeu, ce n’est pas de pointer du doigt. C’est de comprendre pourquoi ça ne marche pas, et d’aider ces pays à reconstruire leurs ressources ».

Manuel Barange, Sous-directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), lors d'un entretien avec ONU Info.
UN News/Fabrice Robinet
Manuel Barange, Sous-directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), lors d'un entretien avec ONU Info.

Le thon, symbole d’une renaissance

Menacé d’effondrement il y a encore quelques années, le thon, cette espèce emblématique, connaît aujourd’hui un net rebond. Selon le rapport, 87 % des principaux stocks sont désormais exploités durablement, et 99 % du marché mondial repose sur ces pêcheries.

« C’est un retournement de situation remarquable », souligne Manuel Barange. « Nous avons mis en place des systèmes de suivi, de gestion, de contrôle. Nous avons pris la question au sérieux ».

Pour la FAO, l’expérience acquise dans la gestion du thon doit inspirer d’autres filières. L’organisation collabore aujourd’hui avec 25 structures régionales de gestion des pêches, dans une logique de transparence et de réforme. Le modèle, selon M. Barange, est transposable — à condition que la volonté politique soit au rendez-vous.

Une déclaration politique attendue

Mercredi, les délégations réunies à Nice auraient déjà finalisé le projet de déclaration politique qui doit être adopté en clôture de la conférence, vendredi. S’il est adopté, ce texte sera l’un des piliers du Plan d’action pour l’océan de Nice, et viendra soutenir la mise en œuvre du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal, adopté en 2022, qui vise à protéger 30 % des terres et des mers d’ici à 2030.

Sur les quais de Nice chauffés par le soleil, dans l’une des régions d’Europe les plus exposées au changement climatique, les discussions étaient aujourd’hui centrées sur les enjeux de durabilité. Des ateliers de travail ont porté sur le soutien aux pêches artisanales et le développement d’économies maritimes équitables. L’objectif : faire converger les priorités écologiques avec les impératifs sociaux, notamment dans les pays où des millions de personnes dépendent de la mer pour se nourrir et vivre.

Une dépendance vitale

« Six cents millions de personnes à travers le monde vivent de la pêche et de l’aquaculture », rappelle Manuel Barange. « Dans de nombreux pays, les produits de la mer représentent la première source de protéines. Nous ne sommes pas extérieurs à l’océan — nous en faisons partie ».

À l’approche de la fin du sommet, l’avertissement de la FAO résonne comme un signal. Mais le rapport fournit aussi un élément plus rare dans les débats sur la biodiversité et le climat — la preuve qu’inverser la tendance est possible.

Trois jours après l’ouverture de la conférence, ce message fait écho à celui qu’António Guterres avait livré lors de son discours inaugural : « Ce qui a été perdu en l’espace d’une génération peut renaître en l’espace d’une autre », avait promis le Secrétaire général de l’ONU.