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Haïti : un record de 1,3 million de déplacés en raison de la violence des gangs

Un membre du personnel de l'OIM évalue les besoins des personnes déplacées par la violence en Haïti.
© IOM/Antoine Lemonnier
Un membre du personnel de l'OIM évalue les besoins des personnes déplacées par la violence en Haïti.
Un nombre record de près de 1,3 million de personnes ont été forcées de fuir les violences des gangs en Haïti pour trouver refuge ailleurs dans ce pays des Caraïbes, a indiqué mercredi une agence des Nations Unies.
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Cela représente « une augmentation de 24 % depuis décembre 2024 », a souligné l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), relevant que « cette hausse représente le plus grand nombre de personnes déplacées par la violence jamais enregistré dans le pays ».

« Derrière ces chiffres se cachent tant de personnes dont la souffrance est incommensurable : des enfants, des mères, des personnes âgées, dont beaucoup ont été forcés de fuir leur maison à plusieurs reprises, souvent sans rien, et qui vivent maintenant dans des conditions qui ne sont ni sûres ni durables », a déclaré Amy Pope, Directrice générale de l’OIM.

Réunion au siège de l'ONU

Ces chiffres ont été publiés alors qu’une réunion est organisée ce mercredi au siège de l’ONU à New York par le Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) et la Commission de consolidation de la paix (CCP) avec pour thème « Construire et pérenniser la paix en Haïti ».

Les participants de la réunion ont examiné les mesures visant à consolider la paix au niveau local et à réduire la violence en Haïti, notamment grâce au rôle des femmes et des jeunes. 

Lors d’une conférence de presse avant la réunion, le Président de l’ECOSOC, Bob Rae, a estimé que la situation actuelle en Haïti était « vraiment existentielle ».

« Il est important que nous ayons une bonne discussion sur ce que nous pouvons faire ensemble pour faire face à ces problèmes », a-t-il dit, précisant qu’il ne s'agit « pas seulement d'augmenter la puissance de feu ».

Etre à la hauteur

Lors de cette conférence de presse à laquelle elle a participé par visioconférence, la Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti, María Isabel Salvador, a également souligné qu’il s’agit d’une « crise multifactorielle qui ne peut pas être traitée par une seule approche ».

« Nous pensons que la réponse de la communauté internationale doit être à la hauteur de l'ampleur, de l'urgence et de la complexité du défi. C'est pourquoi un soutien international solide en matière de sécurité doit s'accompagner de mesures de consolidation de la paix, d'une action humanitaire et d'un soutien politique qui pourraient permettre à Haïti, à terme, de progresser sur la voie du développement durable ».

Selon elle, « une bonne façon d'agir dans ce sens est de mener des initiatives de réduction de la violence communautaire, menées par les Haïtiens, en particulier les femmes et les jeunes ».

La violence s’étend au-delà de Port-au-Prince

Selon l’OIM, Port-au-Prince reste l’épicentre de la crise, mais la violence des gangs s’étend au-delà de la capitale haïtienne.

Les récentes attaques dans les départements du Centre et de l’Artibonite ont ainsi contraint des dizaines de milliers d’autres résidents à fuir, beaucoup vivant désormais dans des conditions précaires et des abris temporaires.

« Bien qu’environ un quart de toutes les personnes déplacées à l’intérieur du pays vivent encore dans la capitale, un nombre croissant de personnes fuient vers d’autres régions du pays à la recherche de sécurité. Dans le Nord, le nombre de personnes contraintes de quitter leur foyer a augmenté de près de 80 % », précise l’OIM.

Dans le département de l’Artibonite (ouest), « les violence à Petite Rivière ont chassé des milliers de personnes de leur domicile, portant le nombre total de déplacés dans la région à plus de 92.000». Dans le département du Centre, la situation est encore plus « alarmante ».

Le nombre de sites spontanés de déplacement continue de se multiplier à travers Haïti alors que de plus en plus de personnes fuient la violence et l’insécurité.
© IOM/Antoine Lemonnier
Le nombre de sites spontanés de déplacement continue de se multiplier à travers Haïti alors que de plus en plus de personnes fuient la violence et l’insécurité.

Les sites de déplacés sont passés de 142 à 246

Les combats dans des villes comme Mirebalais et Saut-d’Eau ont plus que doublé le nombre de personnes déplacées en quelques mois, passant d’environ 68.000 à plus de 147.000. Nombre d’entre elles doivent désormais vivre sans accès aux soins de santé, aux écoles et à l’eau potable, laissant des familles déjà vulnérables lutter pour leur survie.

Alors que de plus en plus de personnes sont forcées de fuir, le nombre de sites spontanés de déplacement augmente également. Depuis décembre, ces sites sont passés de 142 à 246.

La hausse la plus forte se situe dans des régions qui n’en avaient pas auparavant, comme le département du Centre, qui compte désormais 85 sites. Cependant, environ 83 % des réfugiés sont hébergés dans des familles d’accueil, ce qui met à rude épreuve les ménages déjà surchargés, en particulier dans les communautés rurales.

« Nous devons agir de toute urgence. La force du peuple haïtien est impressionnante, mais la résilience ne peut pas être son seul refuge. Cette crise ne peut pas devenir la nouvelle normalité », a ajouté Mme Pope.

Saison des ouragans

Haïti connaît un regain de violence depuis mi-février. Les gangs, qui contrôlent environ 85 % de Port-au-Prince selon l’ONU, ont multiplié les attaques dans plusieurs zones qui échappaient jusque-là à leur contrôle, semant la terreur parmi la population.

Ces derniers mouvements de population interviennent alors que le pays aborde la saison des ouragans 2025 sans stock d’urgence en raison d’un manque de financement. Le Programme alimentaire mondial (PAM) signale que, pour la première fois, ses équipes ne disposent pas de stocks alimentaires prépositionnés dans le pays, ni des liquidités nécessaires pour mettre en place une réponse humanitaire rapide en cas d’ouragan.

Les années précédentes, l’agence onusienne pouvait aider rapidement entre 250.000 et 500.000 personnes immédiatement après un événement météo extrême. Le manque actuel de stocks d’urgence et de fonds opérationnels laisse les communautés les plus à risque d’Haïti dangereusement sans protection à un moment de vulnérabilité accrue.

Une femme déplacée par la violence porte un sac de riz fourni par l'ONU.
© WFP/Luc Junior Segur
Une femme déplacée par la violence porte un sac de riz fourni par l'ONU.

75 millions de dollars reçus

L’ONU et ses partenaires ont prépositionné des kits d’eau, d’hygiène et d’assainissement pour plus de 100.000 personnes et des fournitures de santé pour 20.000 personnes à travers le pays. Toutefois, ces articles, bien qu’importants, ne suffisent pas à eux seuls à répondre aux besoins vitaux en cas d’urgence, surtout en l’absence de nourriture.

Ce déficit survient alors que l’île caraïbéenne est confrontée à « une crise humanitaire de plus en plus grave ». Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), la violence armée continue de perturber gravement l’accès aux services de base.

L’insécurité alimentaire reste généralisée, avec plus de 5,7 millions de personnes - près de la moitié de la population - souffrant d’une faim aiguë, dont 2,1 millions à des niveaux d'urgence.

Selon l’ONU, Haïti est l’un des cinq pays au monde dont la population est confrontée à des conditions proches de la famine. Or le plan de réponse aux besoins humanitaires de 908 millions de dollars pour Haïti est actuellement financé à un peu plus de 8 %, avec 75 millions de dollars reçus.