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Gaza : même à l'intérieur de l'enclave, l'aide attend toujours le feu vert israélien

Une famille déplacée quitte la zone Est de Deir Albalah, dans le centre de Gaza, après un ordre d'évacuation émis par les autorités israéliennes.
© UNFPA/Media Clinic
Une famille déplacée quitte la zone Est de Deir Albalah, dans le centre de Gaza, après un ordre d'évacuation émis par les autorités israéliennes.
Malgré l’urgence humanitaire, l’aide entre au compte-goutte dans la bande de Gaza, asphyxiée par plus de deux mois de blocus total imposé par Israël. Mais une fois dans l'enclave, son acheminement se heurte à des obstacles logistiques majeurs.

Mardi, environ 100 camions de l’ONU ont été autorisés à franchir la frontière, selon l’OCHA, le bureau onusien des affaires humanitaires. La veille, moins d’une dizaine d’entre eux avaient pu entrer dans le territoire palestinien.

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« Ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan », déplore sur le réseau X l’Unicef, l’agence des Nations Unies pour les enfants, tout en alertant sur l’épuisement imminent de ses stocks pour lutter contre la malnutrition infantile.

Des cargaisons immobilisées, l’aide ralentie

À quelques heures de route de l’enclave, des cargaisons attendent toujours : denrées pour nourrir 200.000 personnes, médicaments pour 1,6 million de patients, kits d’hygiène et fournitures scolaires. « Pendant ce temps, les habitants de Gaza ont besoin de tout. L’aide doit entrer », s’alarme l’UNRWA, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, sur les réseaux sociaux.

Selon le Cogat, l’organisme du ministère de la défense israélien qui supervise les activités civiles de l’armée, 93 camions de l’ONU sont entrés mardi dans la bande de Gaza.

Mais les obstacles logistiques restent majeurs. Lors d'un point de presse, mercredi, Stéphane Dujarric, le porte-parole du Secrétaire général de l’ONU, a indiqué qu'aucune livraison entrée dans la bande de Gaza par le passage de Kerem Shalom, dans le sud d’Israël, n'avait pu quitter la zone. En cause : un environnement opérationnel « extrêmement difficile », entre complications sécuritaires et nouvelles exigences des autorités israéliennes.

Ces dernières imposent désormais que les camions soient déchargés côté palestinien, puis rechargés séparément une fois que l’accès des équipes humanitaires est sécurisé depuis l’intérieur. Mardi soir, les équipes de l’ONU ont ainsi dû patienter plusieurs heures avant d’obtenir le feu vert pour collecter les produits alimentaires.

« Les autorités israéliennes n'avaient autorisé nos équipes à traverser qu'une seule zone, très encombrée, que nous estimions dangereuse et où le risque de pillage était élevé, compte tenu des privations prolongées à Gaza », a expliqué M. Dujarric. « Nous espérons que cela changera très bientôt. Les discussions se poursuivent actuellement en ce sens entre nos collègues et les autorités de sécurité israéliennes ».

Bombardements et tirs d'artillerie

Parallèlement, les bombardements et tirs d'artillerie se poursuivent à Gaza, où le ministère de la santé fait état de dizaines de morts au cours des dernières 24 heures.

Selon M. Dujarric, 80 % du territoire est désormais sous le coup d'ordres de déplacement ou dans des zones militarisées par Israël. « Ces zones exigent que les travailleurs humanitaires coordonnent leurs mouvements avec les forces sécurité israéliennes », a-t-il dit.

Au cours des derniers jours, près de la moitié des personnes nouvellement déplacées ont fui sans emporter le moindre bien. « Le déplacement continu de la population de Gaza exerce une pression énorme sur les équipes humanitaires, en particulier lorsque l'accès à la nourriture et aux produits de première nécessité est interrompu », a dit le porte-parole.

Dans ces conditions, les sites d'hébergement sont surpeuplés et les personnes déplacées s'installent dans des structures abandonnées ou endommagées par les bombardements. « Certaines dorment à la belle étoile », a indiqué M. Dujarric.

Pénuries, flambée des prix et marchés à l’arrêt

Le durcissement du blocus, le 2 mars, marqué par la fermeture de tous les points de passage, a provoqué un effondrement brutal des marchés locaux. Les chaînes d’approvisionnement sont rompues, les étals se vident et les prix flambent.

Les denrées de base comme les œufs ou la viande congelée ont disparu. Le prix de la farine de blé a été multiplié par 40 par rapport à la période de cessez-le-feu. En mars, l’indice des prix à la consommation a bondi de 40 % en un mois et de 172 % par rapport aux niveaux d’avant-crise.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) estime qu’entre mai et septembre, toute la population de Gaza sera en situation d’urgence alimentaire, soit plus de deux millions de personnes, dont près d’un quart sont menacées de famine.

Une économie en ruine

La crise humanitaire s’accompagne d’un effondrement économique sans précédent. En 2024, le PIB de Gaza a chuté de 83 % et celui de la Cisjordanie de 17 %, selon les estimations. Sur l’ensemble du territoire palestinien, la contraction économique atteint 27 %, la pire enregistrée depuis plus de trente ans.

« L’effondrement économique qu’ont connu la Cisjordanie et Gaza est considéré comme l’un des plus graves de l’histoire récente », avertit le PAM. Il faudrait treize ans à Gaza, et trois à la Cisjordanie, pour retrouver les niveaux de PIB réel d’avant le conflit.