Fil d'Ariane

Menaces en mer : le chef de l’ONU lance un S.O.S.

Lors d’un débat du Conseil de sécurité sur la sécurité maritime, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a rappelé combien l’humanité dépendait des océans et des mers, non seulement pour leur biodiversité ou l’oxygène qu’ils génèrent, mais aussi pour le commerce et la stabilité géopolitiques. « Les routes maritimes unissent le monde » et sont « depuis toujours le principal vecteur d’échanges commerciaux », a-t-il souligné.
Criminalité, conflits et tensions régionales

Mais ces routes maritimes, essentielles à l’équilibre mondial, sont aujourd’hui fragilisées. « Des difficultés liées à des frontières contestées, à l’épuisement des ressources naturelles de l’océan, en passant par l’escalade des tensions géopolitiques qui attisent les flammes de la concurrence, des conflits et de la criminalité », a énuméré le chef de l’ONU. Le Conseil de sécurité, a-t-il rappelé, s’est déjà saisi de plusieurs de ces menaces : « La piraterie, le vol à main armée, le trafic et le crime organisé […] mais aussi le terrorisme maritime ».
Les chiffres sont préoccupants. Après une baisse en 2024, les actes de piraterie repartent de plus belle. Selon l’Organisation maritime internationale (OMI), le nombre d’attaques a augmenté de près de moitié par rapport à l’an dernier à la même période. « En Asie, il a presque doublé », a précisé M. Guterres.
Les détroits de Malacca et de Singapour, la mer Rouge, le golfe d’Aden ou encore le golfe de Guinée concentrent désormais des activités illicites multiples, allant du trafic de migrants à la pêche illégale, en passant par la contrebande de pétrole, d’armes et de drogues.
Les réseaux transnationaux sont eux aussi pointés du doigt. « L’héroïne en provenance d’Afghanistan continue d’arriver en Afrique de l’Est par l’océan Indien. La cocaïne passe par les côtes des Amériques et traverse l’océan Atlantique pour atteindre l’Afrique de l’Ouest et les ports européens », a décrit le Secrétaire général. À cela s’ajoute une menace plus récente : les cyberattaques qui visent les ports et les compagnies maritimes.
« Des routes maritimes du monde et des populations qui en dépendent nous parvient un message de détresse », a-t-il résumé.

Un appel à la coopération
Pour faire face à ces menaces, António Guterres a insisté sur la nécessité d’agir dans trois domaines : le respect du droit international, la lutte contre les causes profondes de l’insécurité maritime, et le renforcement des partenariats à tous les niveaux.
« Le respect du droit international est la condition première de la sûreté maritime », a-t-il affirmé, rappelant que la Charte des Nations Unies et la Convention sur le droit de la mer constituent un cadre essentiel. « Toutefois, son efficacité dépend de la volonté des États d’en assurer la mise en œuvre pleine et effective ».
Sur le fond, le Secrétaire général a plaidé pour une approche globale s’attaquant aux racines de la criminalité en mer : pauvreté, gouvernance fragile, manque de moyens de subsistance. « On ne saurait conjurer les menaces qui pèsent sur la sûreté maritime sans affronter également des problèmes tels que la pauvreté, l’absence de moyens de subsistance, l’insécurité et la faiblesse des structures de gouvernance ».
Des progrès fragmentés
L’ONU et ses agences soutiennent plusieurs initiatives régionales, de l’Afrique de l’Ouest à l’Asie. Le mécanisme interrégional de l’Architecture de Yaoundé, mis en place pour sécuriser le golfe de Guinée, a permis de faire passer le nombre d’actes de piraterie de 81 en 2020 à seulement 18 en 2024. « L’Organisation maritime internationale continue en outre de jouer un rôle fondamental », a noté António Guterres, saluant aussi les projets de renforcement des capacités locales, d’assistance judiciaire ou de modernisation des forces navales.
Mais pour répondre pleinement à l’urgence, une coopération élargie s’impose. « Nous devons associer toutes les parties concernées par les espaces maritimes à l’action menée dans ce domaine », a insisté le chef de l’ONU. Gouvernements, armateurs, assureurs, sociétés civiles et communautés côtières doivent être inclus dans la réponse.
Les femmes et les filles, touchées de manière disproportionnée par la piraterie ou la traite des personnes, doivent également faire partie des priorités. « Alors que les menaces […] deviennent de plus en plus complexes et interconnectées, il est essentiel d’améliorer la coordination et de renforcer la gouvernance maritime ».
Un rendez-vous à Nice pour « passer à l’action »
M. Guterres a enfin appelé les États membres à faire de la Conférence des Nations Unies sur l’océan, prévue à Nice du 9 au 13 juin, un moment de rupture. « La prochaine Conférence sur l’océan […] sera pour les pays du monde entier une occasion décisive de passer à l’action ».
En conclusion, le Secrétaire général a réaffirmé l’engagement des Nations Unies : « Le système des Nations Unies est prêt à continuer d’aider ce Conseil et tous les États Membres à garantir des espaces maritimes pacifiques, sûrs et prospères pour les générations à venir ».