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Crise alimentaire mondiale : un record alarmant de 295 millions de personnes frappées par la faim

Pour la sixième année consécutive, ce bilan de la faim s’est aggravé, la détérioration de la situation au Soudan, en Birmanie ou à Gaza masquant les améliorations constatées en Afghanistan ou au Kenya.
« Ce rapport mondial sur les crises alimentaires est un nouveau témoignage sans complaisance d’un monde qui a dangereusement dévié de sa trajectoire », a déclaré dans un communiqué le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres.
Le rapport annuel publié par le Réseau mondial contre les crises alimentaires, (agences de l’ONU, Union européenne, Banque mondiale…), pointe du doigt les conflits, les chocs économiques, les phénomènes météorologiques extrêmes et les déplacements forcés, ou une combinaison de ces facteurs.
La famine guette Gaza, Haïti, le Mali, le Soudan et le Soudan du Sud
1,9 million sur les 295 millions de personnes évoquées par l’étude étaient au bord de la catastrophe, à risque de ou confrontées famine, du jamais vu depuis le lancement de ce bilan en 2016. L’essentiel de ces populations en situation extrême se trouvaient au Soudan, dans la bande de Gaza, et dans une moindre mesure au Mali et en Haïti.
Dans toute la bande de Gaza, plus de 1,1 million de personnes, soit la moitié de la population du territoire, a été menacée par la faim entre mars et avril 2024.
Parmi les zones d’inquiétude, l’étude s’alarme de la situation au Soudan, où la population confrontée à la famine ou au risque de famine (phase 5) est passée de zéro en 2023 à plus de 755.000 en 2024.
Toujours sur le continent africain, près de 80.000 personnes ont également été en situation de catastrophe au Soudan du Sud pendant la période de soudure d’avril à juillet 2024. Au Mali, ce nombre est de 2.600 personnes, notamment dans la région de Ménaka.
En Haïti, environ 5.600 déplacés internes de Port-au-Prince ont été menacés par la faim entre août 2024 et février 2025.

Le quotidien de millions de personnes, dont des enfants
« Nous sommes conscients que l’insécurité alimentaire aiguë n’est pas qu’une crise – c’est une réalité quotidienne pour des millions de personnes, dont la plupart vivent en zone rurale », a regretté Qu Dongyu, Directeur général de la FAO.
Par ailleurs, la malnutrition, en particulier chez les enfants, a atteint des niveaux extrêmement élevés, notamment dans la bande de Gaza, au Mali, au Soudan et au Yémen. Près de 38 millions d’enfants de moins de cinq ans souffraient de malnutrition aiguë dans 26 zones de crise nutritionnelle.
« Dans un monde d’abondance, il n’y a aucune excuse pour que des enfants souffrent de la faim ou meurent de malnutrition. La faim ronge l’estomac d’un enfant. Elle ronge aussi sa dignité, son sentiment de sécurité et son avenir », a déploré Catherine Russell, Directrice générale de l’UNICEF.
Les conflits, premier facteur de la faim
Le Rapport met en évidence une forte progression de la faim causée par les déplacements forcés. Près de 95 millions déplacés forcés vivaient dans des pays touchés par des crises alimentaires tels que la Colombie, la République démocratique du Congo, le Soudan et la Syrie, sur un total de 128 millions de personnes déplacées contre leur gré dans le monde.
Plus largement, les conflits sont demeurés le premier facteur d’insécurité alimentaire aiguë, touchant environ 140 millions de personnes dans 20 pays et territoires.
Sur un autre plan, les chocs économiques, notamment l’inflation et la dévaluation de la monnaie, ont aggravé la faim dans 15 pays, touchant près de 60 millions de personnes, soit près du double des niveaux enregistrés avant la pandémie de covid-19, malgré une modeste baisse à partir de 2023.
Toutefois, grâce à l’aide humanitaire et à des interventions ciblées, y compris en agriculture d’urgence, des millions de personnes de moins ont besoin d’assistance cette année dans une quinzaine de pays dont l’Afghanistan, le Guatemala, le Kenya et l’Ukraine.

« La faim au XXIe siècle est indéfendable »
Certaines des crises alimentaires les plus importantes sont principalement imputables aux chocs économiques, notamment en Afghanistan, en République arabe syrienne, au Soudan du Sud et au Yémen.
Les phénomènes météorologiques extrêmes, en particulier les sécheresses et les inondations causées par El Niño, ont fait basculer 18 pays dans des situations de crise alimentaire touchant plus de 96 millions de personnes, des effets considérables s’étant fait sentir en Afrique australe, en Asie du Sud et dans la Corne de l’Afrique.
Alors même que l’insécurité alimentaire et la malnutrition aiguës ont atteint un niveau record, les financements mondiaux enregistrent la baisse la plus rapide depuis des années et la volonté politique faiblit.
« Les crises de longue date sont maintenant aggravées par une autre, plus récente : la réduction spectaculaire des fonds humanitaires vitaux pour répondre à ces besoins. Il ne s’agit pas seulement d’une défaillance des systèmes, mais d’une défaillance de l’humanité. La faim au XXIe siècle est indéfendable. Nous ne pouvons pas répondre à des estomacs vides avec des mains vides et des dos tournés », a fait valoir M. Guterres.
Intensification des conflits et tensions géopolitiques accrues en 2025
Pour 2025, le rapport prévient que l’intensification des affrontements, les tensions géopolitiques accrues, l’incertitude économique mondiale, les coupes dans les financements de l’aide... « accroissent déjà l’insécurité alimentaire dans certains pays», de la RDC jusqu’en Haïti.
Il met aussi en garde contre les « chocs économiques » – escalade des droits de douane, dollar affaibli, etc- à même de faire exploser les prix des produits alimentaires et de perturber les chaînes d’approvisionnement.