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Les Gazaouis « terrorisés » après une nouvelle nuit de frappes meurtrières – et de siège

Enfants palestiniens déplacés à Gaza. (février 2025)
© WHO
Enfants palestiniens déplacés à Gaza. (février 2025)
Le bilan s’alourdit à Gaza, et avec lui le sentiment d’impuissance. Au lendemain d’une nouvelle nuit de raids israéliens durant laquelle au moins 64 personnes auraient trouvé la mort, dont de nombreux civils, les agences humanitaires de l’ONU ont rejeté fermement, vendredi, les accusations selon lesquelles l’aide serait détournée au profit du Hamas.

« Le signalement de la mort d’au moins 45 enfants dans la bande de Gaza au cours des deux derniers jours est un autre rappel dévastateur que les enfants à Gaza sont les premiers à souffrir », a déploré Edouard Beigbeder, directeur de l’Unicef pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, dans un communiqué de presse. « Ces 19 derniers mois ont été particulièrement mortels pour les enfants à Gaza ».

Les propos du directeur régional de l’Unicef font suite à des rapports indiquant que plus de 950 enfants ont été tués dans la bande de Gaza au cours des deux derniers mois. « Du nord au sud, les enfants sont tués et mutilés dans les hôpitaux, les écoles transformées en abris, les tentes de fortune ou les bras de leurs parents », a-t-il ajouté.

Ces déclarations interviennent alors que l’enclave palestinienne a connu une escalade significative des opérations militaires israéliennes ces derniers jours, marquée par des frappes à répétition dans des zones densément peuplées. 

L’équivalent d’un nettoyage ethnique

Face à un tel degré d’acharnement contre la population de Gaza, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme est allé jusqu’à parler de nettoyage ethnique. « Cette dernière salve de bombes, qui contraint les populations à fuir sous la menace d’attaques accrues, la destruction méthodique de quartiers entiers et le refus d’accès à l’aide humanitaire indiquent qu’il semble y avoir une volonté de provoquer un changement démographique permanent à Gaza, en violation du droit international et équivalant à un nettoyage ethnique », a dénoncé Volker Türk.

Le haut responsable a mis en garde contre le risque d’une offensive israélienne de plus grande ampleur et appelé à une mobilisation de la communauté internationale : « Il faut arrêter cette folie immédiatement ».

Le « Plan B » israélien : « une diversion cynique »

Parallèlement, aucune aide humanitaire n’est entrée à Gaza depuis plus de deux mois, en raison du blocus humanitaire imposé par l’armée israélienne. Jens Laerke, le porte-parole du bureau des affaires humanitaires des Nations Unies, a dénoncé le soi-disant « Plan B » d’Israël pour la livraison de l’aide, qui, selon lui, a fait l’objet de plus de 40 réunions avec les agences de l’ONU. 

Ce plan, a-t-il expliqué en conférence de presse, canaliserait l’aide à travers seulement quatre ou cinq points de distribution – contre 400 auparavant – et entraînerait de nouveaux déplacements tout en laissant de vastes zones de Gaza sans assistance. « Ce “Plan B” était une diversion cynique », a affirmé M. Laerke. « La seule solution logique pour améliorer la situation des habitants de Gaza était l’évidence – le “Plan A”, qui a été conçu et testé par ceux qui ont réellement livré de l’aide dans ce conflit ».

L'aide retenue à la frontière

Tout en appelant Israël à mettre immédiatement fin au blocus, M. Laerke a énuméré le contenu de certains des camions d’aide en attente d’autorisation : « des chaussures pour enfants, de la papeterie et des jouets, des pâtes, des œufs, des bonbons, des tentes, des réservoirs d’eau, des kits d’allaitement, des substituts de lait maternel, du shampoing et du savon pour les mains ». Et d’ajouter : « quelle guerre peut-on prétendre mener avec ça ? ».

En réponse aux accusations de détournement de l’aide par le Hamas, le porte-parole a rappelé que les mécanismes onusiens de surveillance de l’aide étaient robustes et éprouvés. « Je ne peux pas garantir à 100 % qu’aucun détournement de l’aide ait eu lieu – personne ne peut le faire dans ce genre d’opérations, où qu’elle soit », a-t-il dit. « Mais ce n’est certainement pas à une échelle qui justifie qu’on mette un terme à une opération d’aide humanitaire vitale ».

Bombardements d’hôpitaux

De son côté, Margaret Harris, porte-parole de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a décrit la détérioration des conditions dans les hôpitaux et le déplacement massif d’enfants malades.

Le 13 mai, deux des plus grands hôpitaux de Khan Younès – le complexe médical Nasser et l’hôpital européen – ont été la cible de frappes israéliennes, rendant ce dernier hors service. « L’hôpital européen, l’un des hôpitaux les mieux organisés de Gaza, a maintenant été bombardé, entraînant l’évacuation d’enfants atteints de cancer », a déploré Mme Harris. « Si vous avez un cancer et que vous ne recevez pas de traitement, vous souffrirez et finirez par mourir ».

La porte-parole a ajouté : « Les êtres humains ne sont pas faits pour la terreur constante et continue à laquelle ils sont maintenant exposés jour après jour, nuit après nuit. Les gens sont résilients, mais la haine les tue, de l’extérieur et de l’intérieur ».

Volker Türk a rappelé que les hôpitaux doivent être protégés en tout temps, y compris en période de guerre, où ils sont encore plus indispensables. « Le fait de tuer des patients, des visiteurs venus voir leurs proches blessés ou malades, des secouristes ou d’autres civils simplement en quête d’un refuge est aussi tragique qu’abject », a-t-il protesté.

Des images de vidéosurveillance, diffusées avant l’une des frappes, montraient femmes, hommes et enfants déambulant sans alerte préalable. « Même si, comme le soutient Israël, les cibles étaient des centres de commandement souterrains du Hamas, le droit international impose de faire preuve d’un soin constant pour épargner les vies civiles – ce qui, manifestement, n’a pas été le cas », a-t-il souligné.

Le ministère de la Santé de Gaza rapporte que près de 53.000 personnes ont été tuées depuis le début du conflit, en octobre 2023. Plus de 10.000 patients – dont 4.500 enfants – nécessitent une évacuation médicale urgente, selon l’OMS.

Appel à lever le blocus

Alessandra Vellucci, porte-parole du Service d’information de l’ONU, a souligné que l’ONU avait « pressé les pays ayant de l’influence de faire tout ce qui est possible pour permettre la livraison de l’aide et le respect de l’aide humanitaire internationale ». Si les partenaires de l’ONU ne sont pas autorisés à apporter et à distribuer de l’aide, « cette responsabilité incombe à Israël en tant que puissance occupante », a-t-elle affirmé.

Alors que la situation à Gaza s’aggrave de jour en jour, Mme Vellucci a repris la position du Secrétaire général de l’ONU, António Guterres : la paix ne peut venir que d’une solution politique. 

« Une solution durable, longue et équitable au conflit israélo-palestinien doit être trouvée », a-t-elle déclaré, « et l’ONU n’a cessé de répéter que cette solution comprenait deux États indépendants vivant en paix, côte à côte ».