Fil d'Ariane

Réformer l’ONU pour les 80 prochaines années : António Guterres appelle à un « sursaut »

Coupes budgétaires, réduction des effectifs et relocalisations sont au menu de l’initiative de réforme « ONU 80 » lancée par le Secrétaire général, António Guterres, le 11 mars dernier.
Lors d’une réunion avec les représentants des Etats membres, au siège des Nations Unies, à New York, M. Guterres a détaillé son ambition de transformer l’organisation de l’intérieur, à travers une triple démarche : gains d’efficacité, révision de la mise en œuvre des mandats, et réorganisation structurelle.
Reconnaissant que le système onusien fait face à « une période de turbulences », le chef de l’ONU n’a pas caché la gravité de la situation, notamment face à une crise de liquidités persistante.
Mais, a-t-il insisté, « c’est aussi une période d’opportunité ». Pour lui, la mission des Nations Unies n’a jamais été aussi « urgente », et le moment exige un « sursaut collectif » afin de relever les défis « de la prochaine décennie et même des 80 prochaines années ».
Réduction des coûts
Le chantier ONU 80 repose sur trois grands axes de transformation. Le premier est une recherche d’efficacité budgétaire et organisationnelle, menée par un groupe de travail interne sous la houlette de Catherine Pollard, cheffe du département de la gestion stratégique. Ce groupe explore des pistes de réduction des coûts, de recentrage des fonctions administratives, et de relocalisation hors des lieux de travail les plus coûteux.
« Toutes les entités du Secrétariat, à New York comme à Genève, ont été invitées à revoir leurs fonctions pour déterminer si certaines peuvent être exercées ailleurs, à partir de bureaux existants et moins coûteux, réduites ou simplement supprimées », a précisé M. Guterres.

Repenser les mandats
Le second chantier s’attaque à la mise en œuvre des nombreux mandats confiés par les États membres, dont certains, selon M. Guterres, mettent à rude épreuve les capacités du système, « bien au-delà du raisonnable ». Le Secrétaire général a rappelé qu’une précédente analyse menée en 2006 avait déjà mis en lumière des « doublons », « lourdeurs bureaucratiques » et « inadéquations entre mandats et ressources » – des problèmes, a-t-il admis, qui « non seulement subsistent, mais se sont intensifiés ».
À ce jour, 3.600 mandats uniques ont été recensés rien que pour le Secrétariat. Cette cartographie exhaustive doit maintenant déboucher sur des propositions de simplification, de regroupement et de suppression des doublons. « La mesure du succès n’est pas le volume de rapports produits ou le nombre de réunions tenues », a lancé M. Guterres. « Mais l’impact réel que nous avons sur la vie des populations ».
Vers une refonte des structures
Le troisième pilier du projet – sans doute le plus ambitieux – vise des réalignements structurels à l’échelle du système onusien. Déjà, près de 50 propositions ont été soumises par des hauts responsables de l’ONU. Sept groupes thématiques ont été mis en place pour porter cette dynamique : paix et sécurité ; développement au sein du Secrétariat et du système onusien ; action humanitaire ; droits humains ; formation et recherche ; et agences spécialisées.
Certaines propositions concrètes sont déjà sur la table. Le Secrétaire général a ainsi annoncé un projet de réforme profonde du département des affaires politiques (DPPA) et de celui des opérations de paix (DPO), qui pourrait entraîner une réduction de 20 % de leurs effectifs. Il a toutefois admis que ces changements impliqueront « des décisions difficiles », y compris des relocalisations et des suppressions de postes.
« Nous sommes conscients que certains de ces changements seront douloureux pour notre famille onusienne », a-t-il dit. « Nous devons toujours rester fidèles à nos principes, ne jamais compromettre nos valeurs fondamentales, et défendre sans relâche les buts et principes de la Charte des Nations Unies », a-t-il affirmé.
Concluant sur une note solennelle, le Secrétaire général a exhorté les États membres à ne pas céder à la tentation de l’inaction : « Il peut sembler plus facile d’ignorer ces réformes ou de les repousser. Mais cette voie-là est une impasse ».