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Le Mali ne devrait pas entraver ou suspendre les activités des partis politiques (experts de l'ONU)

Une électrice vote lors du scrutin présidentiel au Mali en août 2018.
Photo MINUSMA/Harandane Dicko
Une électrice vote lors du scrutin présidentiel au Mali en août 2018.
L'adoption d'un projet de loi abrogeant les protections fondamentales de la participation politique par le Conseil des ministres et la signature d'un décret suspendant les activités des partis politiques jusqu'à nouvel ordre au Mali constituent une violation directe des droits humains fondamentaux, a averti jeudi un groupe d'experts indépendants de l’ONU.

« Ce décret suspendant les activités politiques doit être immédiatement abrogé. De plus, s'il est adopté, le projet de loi du 30 avril mettra le Mali en contravention avec ses obligations en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne les libertés d'association et d'expression », ont souligné ces experts des droits de l’hommedans un communiqué conjoint.

Le gouvernement du Mali a fait valoir que l'abrogation des lois existantes ne remettait pas en cause l'existence des partis politiques et que le gouvernement cherchait seulement à « mettre fin à la prolifération des partis politiques » dans le pays.

Consultations boycottées

Cependant, les experts ont souligné que la prolifération des partis est plus facile à réduire avec des règles électorales légitimes, y compris celles qui subordonnent l'enregistrement à des résultats électoraux antérieurs. « Au lieu de cela, le projet de loi récemment adopté conditionnera l'enregistrement d'un parti et les candidatures à des dépôts financiers onéreux, limitant le droit à la participation politique aux secteurs à forte capacité économique », ont-ils averti.

« Le gouvernement affirme qu'il s'agit de propositions directes issues des dialogues nationaux : les Assises Nationales de la Refondation de 2021 et les consultations sur la révision de la Charte des Partis Politiques d'avril 2025. Cependant, aucune consultation véritable n'est possible dans le climat actuel de suppression de l'espace civique, où les opposants et les journalistes indépendants ont des raisons de craindre que la liberté d'expression soit sanctionnée », ont déclaré les experts.

Plusieurs partis politiques ont boycotté les consultations d'avril 2025 parce qu'ils craignaient, à juste titre, que les autorités maliennes de transition n'utilisent le processus comme un outil pour dissoudre les partis politiques ou interdire leurs activités.

Le Conseil des ministres du Mali a également pris note d'autres recommandations issues des consultations d'avril 2025, notamment la nomination de l'actuel chef de l'État, le général Assimi Goita, comme président, sans élections, pour une période de cinq ans renouvelable à compter de 2025. Le projet de loi, ainsi que l'accueil favorable réservé par le Conseil des ministres à des propositions aussi alarmantes, trahiraient les engagements nationaux et internationaux pris par les autorités maliennes, estiment les experts.

Appel à s'abstenir d'approuver le projet de loi

Le projet de loi sera maintenant présenté au Conseil national de transition, présidé par le général Malick Diaw, pour approbation.

« Nous demandons instamment au Conseil national de transition de s'abstenir d'approuver ce projet de loi », ont déclaré les experts. « Nous sommes prêts à aider le gouvernement à réviser le projet de loi d'amendement afin de garantir la conformité avec les normes et standards internationaux en matière de droits humains ».

Suite à l'adoption du projet de loi, les partis politiques ont appelé à des manifestations et à des activités publiques les 3 et 4 mai. Cependant, ils ont allégué que des individus prétendant soutenir les autorités de transition ont violemment perturbé leurs rassemblements. En outre, les partis politiques ont appelé à de nouveaux rassemblements publics le 9 mai.

« Le droit de se réunir pacifiquement est essentiel à la santé d'une communauté politique dynamique », ont affirmé les experts. « Les autorités maliennes de transition doivent le respecter scrupuleusement et s'abstenir d'actes d'intimidation et de répression mettant en péril l'intégrité physique et les droits des manifestants ».

 

*Les experts: Eduardo GonzalezExpert indépendant sur la situation des droits de l'homme au MaliIrene KhanRapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expressionGina RomeroRapporteuse Spéciale sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association.

NOTE :

Les Rapporteurs spéciaux, les experts indépendants et les groupes de travail font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations unies, est le nom général des mécanismes indépendants d’enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les parties du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.