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Les États ont des responsabilités claires d’empêcher les dommages au climat et de réglementer les acteurs privés, est-il notamment souligné au deuxième jour du Forum sur les droits de l'homme, la démocratie et l'état de droit

Résumés des réunions

 

Le Forum sur les droits de l'homme, la démocratie et l'état de droit a achevé aujourd'hui sa cinquième session, entamée hier sur le thème « Démocratie et changements climatiques : trouver des solutions ». 

Le Forum a tenu aujourd’hui les trois dernières des six tables rondes inscrites à l’ordre du jour de cette cinquième session. Y ont participé des représentants des Nations Unies, des experts des changements climatiques, des responsables gouvernementaux, des universitaires et des membres de la société civile.

Les thèmes des trois tables rondes du jour étaient respectivement : « Clarté juridique, défense de la démocratie et créativité »; « Harmonie avec la nature: privilégier les solutions qui font progresser les droits de l’homme, y compris le droit à un environnement sain »; et « Des solutions adaptées à des problèmes interdépendants ».

Au terme de ces deux journées de travaux, M. Ioannis Ghikas, Représentant permanent de la Grèce auprès des Nations Unies à Genève et Président du Forum, s’est félicité que le Forum ait une nouvelle fois confirmé son rôle unique en tant que plate-forme reliant la démocratie, les droits de l'homme et l'état de droit au défi mondial le plus urgent de notre époque : les changements climatiques.  Ces derniers ne sont pas seulement une crise environnementale, mais aussi une mise à l’épreuve de la gouvernance démocratique et du respect de la dignité humaine. La seule voie à suivre, a affirmé M. Ghikas, est celle qui unit l'ambition climatique à la légitimité démocratique et à l'état de droit. 

Le Président du Forum a insisté sur le fait que l'avis consultatif rendu par la Cour internationale de Justice en juillet dernier avait précisé que les obligations des États en matière de droits humains sont contraignantes et exécutoires dans le contexte des changements climatiques.  L’avis de la CIJ a également précisé que le fait de ne pas éliminer progressivement les combustibles fossiles pouvait constituer un acte internationalement illicite, a-t-il rappelé. Ainsi, la justice climatique n'est plus une aspiration abstraite : elle devient une question d'obligation juridique et de responsabilité démocratique, a insisté M. Ghikas.

À ce propos, il a notamment été souligné, pendant les travaux, qu’aux termes de l’avis de la Cour internationale de justice, les États ont des responsabilités claires d’empêcher les dommages au climat et de réglementer les acteurs privés, notamment dans le secteur des combustibles fossiles.

Les résumés des deux journées de réunions publiques du Forum sont disponibles ici, tandis que les webdiffusions de ces mêmes réunions sont disponibles ici. Le programme de travail de la cinquième session du Forum et d'autres documents liés à la session sont disponibles ici.

Table ronde 4: « Clarté juridique, défense de la démocratie et créativité »

La première table ronde de ce jour – et quatrième de cette cinquième session du Forum – a été modérée par M. Clément Nyaletsossi Voule, chercheur à l’Académie de droit humanitaire international et de droits de l’homme de Genève et ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association.

Le table ronde a entendu des présentations de M. Sumbue Antas, Représentant permanent de Vanuatu auprès des Nations Unies à Genève; Mme Liliana Ávila, Directrice du programme Droits humains et environnement à l’Interamerican Association for Environmental Defense; Mme Suraya Ahmad Pauzi, Représentante permanente adjointe de la Malaisie auprès des Nations Unies à Genève; M. Chris Mburu, Chef par intérim de la Branche Afrique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme; Mme Maria Diamantopoulou, Présidente du Groupe multidisciplinaire ad hoc sur l'environnement (GME) du Conseil de l'Europe; et M. Danilo B. Garrido Alves, conseiller juridique pour les campagnes de Greenpeace.

Les représentants des États, institutions ou organisations non gouvernementales suivants ont aussi pris part au débat : Indonésie, Union interparlementaire, Just Atonement Inc. et Global Forum for the Defense of the Less Privileged.

La discussion a porté, en particulier, sur plusieurs décisions juridiques rendues récemment au niveau régional en matière de climat. Les panélistes ont d’abord estimé que l’avis consultatif récent de la Cour internationale de Justice (CIJ) relatif aux obligations des États en matière de changements climatiques constituait un tournant pour la démarche consistant à obliger les pays qui ont, de manière volontaire ou par omission, causé des dommages à rendre des comptes. En particulier, a-t-il été souligné, les États ont des responsabilités claires pour ce qui est d’empêcher les dommages au climat et de réglementer les acteurs privés, notamment dans le secteur des combustibles fossiles. 

Il a été regretté que, du fait de pressions, la résolution adoptée au Conseil des droits de l’homme, il y a quelques semaines, concernant les effets de la montée de la mer n’ait pas intégré de mention à l’arrêt de la CIJ ; et que l’accord sur les plastiques, cet été, n’ait pu être scellé du fait de pressions similaires.

Quant à l’arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme reliant explicitement la protection du climat aux droits humains, il a fait suite à un processus participatif inédit ayant impliqué, notamment, des milliers de jeunes, de scientifiques et de personnes autochtones, qui tous exigeaient des réponses à leurs préoccupations relatives aux changements climatiques, a rappelé une panéliste. La Cour a souligné que le coût des mesures d’adaptation est supporté en grande partie par les pays les moins riches, contrairement au principe du « pollueur payeur », a précisé cette experte, avant d’ajouter que la seule manière de sortir de l’urgence climatique consistait à étendre la participation des citoyens ainsi que la démocratie. Réagir à l’urgence climatique n’est donc plus facultatif mais est désormais un impératif relevant des droits de l’homme, a-t-il été souligné.

Ont également été mentionnées plusieurs initiatives de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), notamment la conclusion d’un accord régional contre la pollution transfrontière, la création de centres pour la biodiversité, ou encore l’adoption d’une déclaration témoignant de l’engagement des pays concernés en faveur de la protection de l’environnement et des droits humains. 

S’agissant de l’Afrique, il a été indiqué que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples avait été saisie, en mai dernier, d’une demande urgente d’avis consultatif sur « les obligations des États africains en matière de protection des droits humains en période de crise climatique ». Les effets de cette crise se font particulièrement sentir sur le continent africain, compte tenu, notamment, de l’importance qu’y revêt le secteur de l’agriculture, très exposé aux événements climatiques, a-t-il été observé. 

Concernant l’Europe, le Conseil de l’Europe, lors du sommet de Reykjavik en mai 2023, a pris l’engagement collectif de traiter les enjeux environnementaux de manière prioritaire et conforme aux valeurs fondamentales dudit Conseil – à savoir la démocratie, les droits de l’homme et l’état de droit. Une stratégie a été adoptée par la suite qui contient cinq objectifs, parmi lesquels la protection des défenseurs des droits de l’homme et des lanceurs d’alerte, ainsi que la traduction en justice des auteurs de crimes liés à l’environnement, a-t-il été précisé. Aboutissement de cette stratégie, la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection de l’environnement par le droit pénal – « premier instrument international juridiquement contraignant visant à lutter contre la criminalité environnementale » – sera ouverte à la signature le 3 décembre prochain, a souligné une panéliste.

Il a par ailleurs été recommandé que les entreprises qui pratiquent l’« écoblanchiment » soient, elles aussi, sanctionnées.

Du point de vue de la société civile, un intervenant s’est félicité de ce que les tribunaux soient, depuis quelques années, « inondés de plaintes » contre des entreprises ou des États pour leur responsabilité dans les changements climatiques. Une nouvelle ère dans la reddition de comptes s’est ainsi ouverte, comme en témoignent les avis rendus notamment par la CIJ et par la Cour interaméricaine des droits de l’homme, et dont il convient désormais de suivre les effets au niveau des pays, a-t-il été affirmé. À cet égard, la question de la réglementation par les États de l’industrie des combustibles fossiles, mentionnée explicitement par la CIJ, devra faire l’objet d’une grande attention, a insisté un panéliste.

À l’inverse, a été pointé le problème des procédures pénales – ou procès-bâillons – lancées contre des organisations non gouvernementales environnementales pour les faire taire. À cet égard, a été jugée positive la directive de l’Union européenne visant à empêcher la manipulation des tribunaux par des intérêts particuliers.

Certains États puissants se sentent au-dessus du droit international et attaquent les juridictions internationales telles que la Cour pénale internationale, a déploré un intervenant. Les engagements en matière de climat, ont insisté plusieurs intervenants, ne doivent pas se résumer à des déclarations mais se traduire en textes de loi et en mesures concrètes de la part non seulement des États mais aussi des parlements, compte tenu de la difficulté qu’éprouvent toujours les citoyens à saisir les tribunaux. 

Table ronde 5 : « Harmonie avec la nature : privilégier les solutions qui font progresser les droits de l’homme, y compris le droit à un environnement sain »

Modératrice du débat, Mme Amiera Sawas, responsable de la recherche et des politiques à l'Initiative pour un traité sur la non-prolifération des combustibles fossiles, a souligné que toutes les «solutions» climatiques ne se valent pas et a invité à examiner celles qui placent les droits humains, y compris le droit à un environnement sain, au cœur de la transition.

La Table ronde a ensuite entendu des présentations de M. Jorge E. Viñuales, Professeur de droit et de politique environnementale au Clare College de l'Université de Cambridge; Mme Shweta Narayan, chargée de campagne à la Global Climate and Health Alliance; M. José Francisco Calí Tzay, Représentant permanent du Guatemala auprès des Nations Unies à Genève; Mme Peninnah Mbabazi, chargée de programme pour la justice climatique au Centre pour les droits économiques et sociaux; Mme Sheryl Lightfoot, Vice-Présidente [et ancienne Présidente] du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones; et Mme Francesca Mingrone, avocate principale pour le programme Energie et climat du Centre international de droit de l'environnement (CIEL).

Ont pris part à la discussion les délégations des pays, institutions ou organisations non gouvernementales ci-après: Tunisie, Bolivie, Inde, Mexique, International Indian Treaty Council, Integracion Ciudadana Suiza, Just Atonement Inc., et Global Forum for the Defence of the Less Privileged (GFDLP).

Plusieurs panélistes ont insisté sur la nécessité de replacer la gouvernance climatique dans une perspective fondée sur le droit international des droits de l’homme, afin que les politiques adoptées ne profitent pas à une minorité responsable de la surconsommation et de la surproduction au détriment des plus vulnérables. 

Une transition juste doit être à la fois écologique, démocratique et centrée sur la santé, a-t-il été affirmé. Une intervenante a souligné qu’une véritable transition suppose de réparer les inégalités environnementales et sociales, d’appliquer le principe du « pollueur-payeur », de dépolluer les sites contaminés et de rediriger les subventions publiques vers les énergies propres, les services de santé et les économies locales durables. 

Il a par ailleurs été rappelé que la démocratie ne peut prospérer lorsque les populations sont malades, appauvries ou exclues des processus de décision : une transition juste passe donc par la participation directe de celles et ceux qui subissent les impacts des changements climatiques.

Les solutions fondées sur le marché, telles que les compensations carbone, ont été considérées avec prudence. L’accent a été mis sur la nécessité de respecter pleinement les droits des peuples autochtones et les principes d’intégrité et de transparence.

La discussion a d’autre part mis en lumière les risques liés aux mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États – mécanismes qui peuvent dissuader certains gouvernements d’adopter des politiques climatiques ambitieuses ou de défendre les droits des communautés locales, a-t-il été observé. Ces dispositifs, prévus dans d’innombrables accords d’investissement, donnent souvent un pouvoir disproportionné aux investisseurs et exposent les États à des litiges coûteux lorsqu’ils tentent de réguler les activités polluantes, a-t-il été expliqué. 

A d’autre part été particulièrement souligné le rôle crucial des peuples autochtones dans la protection des écosystèmes et la régulation du climat. Leurs savoirs traditionnels, leur gouvernance fondée sur la réciprocité et leur relation spirituelle à la nature constituent des piliers essentiels de la durabilité environnementale, a-t-il été affirmé. D’aucuns ont dénoncé les projets d’extraction ou d’infrastructures qui continuent souvent d’être menés sur les terres des peuples autochtones sans consultation adéquate ni garanties de protection. 

Plusieurs intervenants ont alerté sur les dérives technologiques, en particulier les projets de géo-ingénierie, présentés comme des solutions extrêmes pour compenser les émissions. Ces technologies, qu’il s’agisse de la modification du rayonnement solaire ou de l’élimination du dioxyde de carbone, comportent des risques environnementaux, sociaux et géopolitiques considérables, tout en détournant l’attention de la seule voie réellement sûre qu’est la réduction rapide de l’usage des combustibles fossiles, a-t-il été affirmé. 

Les panélistes ont appelé à replacer l’humain et la nature au centre des décisions politiques, et à repenser les mécanismes économiques de la transition pour éviter de reproduire les logiques d’exploitation.  Plusieurs délégations ont à leur tour mis en avant la nécessité d’un rééquilibrage entre humanité et planète, appelant à repenser en profondeur les modèles de développement actuels fondés sur l’exploitation et la croissance illimitée.  La reconnaissance de la nature comme sujet de droit a été présentée comme un moyen de restaurer une relation harmonieuse et durable entre les sociétés humaines et leur environnement.

Les délégations ont en outre mis en lumière l’importance d’une gouvernance climatique démocratique et inclusive, reposant sur la participation des communautés locales, des peuples autochtones, des femmes et des jeunes. Certaines ont présenté des exemples nationaux de cadres juridiques renforçant cette approche participative, notamment à travers la reconnaissance constitutionnelle des peuples autochtones comme sujets de droit public et à travers le respect du consentement préalable libre et éclairé. D’aucuns ont insisté sur la nécessité d’intégrer la justice climatique dans les politiques nationales et internationales en tenant compte des responsabilités historiques et différenciées et en favorisant la solidarité, le transfert de technologies et le renforcement des capacités pour les pays en développement.

Des délégations et organisations de la société civile ont plaidé pour une refondation du rôle de l’État, qui – a-t-il été affirmé – ne devrait plus se limiter à la protection des libertés fondamentales mais intégrer également un rôle de gardien du bien-être planétaire. Dans cette optique, certains intervenants ont plaidé pour une « souveraineté climatique » fondée sur la responsabilité, la retenue et la préservation des écosystèmes vitaux.

Des organisations de la société civile ont alerté sur la criminalisation croissante des défenseurs de l’environnement et la confiscation du débat public par les logiques économiques. 

Plusieurs délégations ont évoqué les avancées juridiques récentes, notamment les avis consultatifs de la Cour internationale de Justice et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, qui consacrent le droit à un environnement sain comme une obligation juridique contraignante pour les États. Ces décisions marquent un tournant vers une gouvernance climatique davantage fondée sur le droit et sur la responsabilité intergénérationnelle, a-t-il été souligné.

Table ronde 6 : « Des solutions adaptées à des problèmes interdépendants »

La sixième et dernière table ronde de la session a pris la forme d’une discussion libre subdivisée en trois parties portant respectivement sur la « transformation systémique », les « perspectives des titulaires de droits » et les « solutions fondées sur les droits ». Elle a été précédée par l’intervention de Mme Shweta Narayan, chargée de campagne à la Global Climate and Health Alliance, qui a fait part de son expérience personnelle. Mme Narayan a ainsi brièvement relaté sa prise de conscience, étant enfant, des dégâts pour la santé qu’engendrait la pollution industrielle dans sa ville natale, une cité industrielle en Inde – un problème dont elle s’est bientôt rendu compte qu’il touchait de nombreuses autres personnes à toutes les étapes de leur vie. À cet égard, a regretté Mme Narayan, les problèmes de santé ont trop longtemps été considérés comme le prix à payer pour que les pays se développent. Aujourd’hui, la recherche de solutions à la pollution, et en particulier à la pollution induite par les combustibles fossiles, doit passer par le respect du droit à un environnement sain, a-t-elle insisté. 

Les intervenants suivants ont ensuite pris part à la première partie de la table ronde, consacrée à la « transformation systémique »: M. Benjamin Schachter, Coordonnateur de l’Unité Environnement et changements climatiques au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme; M. Malcolm Noonan, sénateur irlandais, membre du Green Party; Dr Arnold Kreilhuber, Directeur régional du Programme des Nations Unies pour l'environnement à Genève; Mme Colette Pichon Battle, Cofondatrice et partenaire Vision & Initiative chez Taproot; M. Daniel Uribe, Responsable principal du Programme développement durable et changements climatiques au South Centre; Mme Jazmin Burgess, Directrice pour l'action climatique inclusive à C40 Cities; et M. Mauricio Lazala, Chef de la Section Entreprises et droits de l'homme au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. 

La discussion s’est d’abord nouée autour des crises environnementales multiples que connaît le monde – dégradation des terres, pollutions – et qui empêchent la jouissance d’un environnement sain et durable, ce que la Cour internationale de Justice (CIJ) considère comme un préalable à l’exercice de tous les droits humains, a souligné un intervenant. Au cœur de cette question se trouve le rapport des êtres humains à la nature, mais aussi l’enjeu de la responsabilité des producteurs de biens qui, en toute impunité, nuisent à l’environnement, a ajouté cet intervenant. 

Les grandes entreprises, qui sont les principales sources des changements climatiques et de pollution, doivent assumer leurs responsabilités en révisant leurs chaînes de production, en prenant des engagements pour le climat et en tenant compte des besoins des communautés concernées par leurs activités, a insisté un autre intervenant, avant de constater que de plus en plus d’entreprises étaient conscientes de l’importance de tenir compte des risques pour l’environnement au moment d’évaluer l’impact de leurs activités sur les droits de l’homme. La démocratie et l’état de droit jouent un rôle important pour combler les inégalités de pouvoir entre les entreprises et les populations, a fait remarquer le même intervenant.

Des réparations doivent permettre de corriger les injustices en matière de climat et d’environnement dont de nombreuses communautés sont victimes depuis beaucoup trop longtemps, a plaidé une autre intervenante. 

La nature a elle aussi des droits, a-t-il ensuite été affirmé. L’inscription de ce principe – par exemple pour ce qui est du droit d’un cours d’eau de s’écouler librement et sans être pollué – dans la Constitution des pays serait un objectif louable mais difficile à atteindre pour des raisons liées au manque de ressources, a-t-il été observé. Des expériences à ce sujet ont été tentées dans certains pays, notamment aux États-Unis, dont il faudrait tirer des enseignements, a-t-il été indiqué.

Un intervenant a attiré l’attention sur l’importance de protéger la biodiversité en tant qu’elle profite à l’économie – même s’il faut alors s’interroger sur l’économie que l’on veut, a-t-il ajouté. Les « solutions adaptées à des problèmes interdépendants » doivent être prises de concert et permettre de résoudre des problèmes immédiats tels que la préservation des coraux et des palétuviers, a-t-il été indiqué. Ce faisant, il convient toujours de tenir compte des besoins exprimés par les populations, y compris l’obligation d’obtenir le consentement des peuples autochtones concernés, et de respecter les principes d’équité et de transparence, a-t-on souligné. 

Les villes, très exposées aux phénomènes météorologiques extrêmes, en particulier les épisodes de très grande chaleur, peuvent elles aussi proposer des solutions aux problèmes environnementaux et climatiques que rencontrent les communautés qui y habitent, a fait observer une intervenante. Le système onusien, pour sa part, pourrait proposer des solutions mondiales plus efficaces, a-t-il été affirmé.

Plusieurs intervenants ont mis en évidence le lien entre un environnement sain et le droit au développement. 

Les intervenants suivants ont pris part à la deuxième partie de la table ronde, consacrée aux « perspectives des titulaires de droits »:  Esther et Oisín, membres de l'Assemblée des enfants et des jeunes d'Irlande; Mme Marie-Claire Graf, cofondatrice de la Youth Negotiators Academy; Mme Camilla Pollera, Associée de programme au Centre international pour le droit environnemental; Mme Jo Banner, Cofondatrice et Codirectrice de The Descendants Project; M. Johnson Jament, Directeur fondateur de Blue Green Coastal Resources et membre de l’Asia Indigenous Peoples Pact Foundation; et M. Juan Ignacio Pérez Bello, Conseiller principal en droits de l'homme à l’Alliance internationale pour les personnes handicapées.

Les enfants et les jeunes, qui devront affronter les décisions prises aujourd’hui, doivent être intégrés à la recherche de solutions et aux décisions sur les enjeux qui concernent leur avenir, a-t-on insisté. Malheureusement, la voix des jeunes reste marginalisée dans les prises de décision et les gouvernements refusent généralement de les intégrer dans leurs équipes chargées des négociations multilatérales, a fait remarquer une intervenante, avant de plaider pour une prise de décision qui soit vraiment intergénérationnelle.

Les gouvernements sont les seuls à pouvoir obliger les entreprises à respecter la nature, un aspect dont il faut tenir compte au moment de rédiger les lois sur l’environnement, a-t-il été affirmé.

Les changements climatiques ont sur les femmes et les filles, de même que sur les personnes de genres divers, des effets largement disproportionnés, a ensuite relevé une intervenante, avant de souligner que les solutions doivent être adaptées à leurs besoins et que les femmes doivent être au cœur de tous les processus. Les femmes qui défendent leurs droits, en particulier leurs droits fonciers, doivent être protégées, a-t-il été ajouté. Le moment est venu de se détourner des combustibles fossiles et du patriarcat qui ont suscité la crise actuelle, a plaidé une intervenante. Les solutions doivent avoir des effets concrets sur les communautés confrontées directement aux problèmes, notamment les personnes d’ascendance africaine, a-t-il été souligné.

D’aucuns ont fait observer que les changements climatiques empêchent les peuples autochtones de recourir à leurs pratiques ancestrales et à leurs connaissances traditionnelles, fondées sur l’harmonie avec la nature. D’autre part, a-t-il été ajouté, les activités industrielles détruisent leurs ressources. Il existe pourtant de nombreux exemples de la manière dont les peuples autochtones contribuent à la protection de l’environnement, a souligné un intervenant, citant notamment des initiatives pour décarboner le secteur de la pisciculture traditionnelle.

Les changements climatiques ont bien entendu des incidences sur les personnes handicapées, qui n’ont pas toutes les moyens de s’adapter, entre autres, aux vagues de chaleur: selon les Nations Unies, le taux de mortalité parmi les personnes handicapées est à cet égard de deux à quatre fois supérieur au reste de la population [lors de vagues de chaleur], a fait remarquer un intervenant. Autre problème : les plans d’action nationaux d’adaptation aux changements climatiques mentionnent très peu les personnes handicapées ; a-t-il été relevé.

Les intervenants suivants ont pris part à la troisième et dernière partie de la table ronde, consacrée aux « solutions fondées sur les droits »:  Mme Lindsey Fielder Cook, Directrice adjointe par intérim et Représentante pour les changements climatiques du Bureau Quaker auprès des Nations Unies; Mme Ana Maria Suarez Franco, Secrétaire générale de FIAN International; Mme Elena Villalobos Prats, Responsable technique pour les changements climatiques et la santé à l'Organisation mondiale de la Santé; Mme Tina Hočevar, Conseillère pour les affaires environnementales à la Mission permanente de la République de Slovénie auprès des Nations Unies à Genève; Mme Christina Behrendt, Cheffe de l'Unité des politiques sociales à l’Organisation internationale du Travail; Mme Sandra Ata, d’Action climatique contre la désinformation; et Mme Dina Ionesco, Experte principale en matière de migrations et d’asile au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. 

Une intervenante a fait observer que les politiques proposées actuellement en matière de réduction des gaz à effet de serre n’étaient pas viables. Elle a recommandé que les consommateurs soient encouragés à s’approprier les solutions alternatives telles que l’énergie solaire et les éoliennes, et a cité plusieurs initiatives menées avec succès dans ce domaine pour équiper les foyers les plus démunis de panneaux solaires, y compris au Pakistan, en Inde et aux Maldives. La question se pose ici de savoir si, plutôt que de subventionner les énergies fossiles, il ne vaudrait pas mieux financer ces énergies alternatives et promouvoir des transports en commun dignes de ce nom, a-t-il été observé. Toute transformation énergétique doit tenir compte des droits de l’homme, a insisté une intervenante.

Ont en outre été mentionnées un certain nombre de solutions appliquées dans des pays tels que la France, pour favoriser l’agroécologie et une alimentation plus saine, ou le Brésil, pour favoriser l’entraide communautaire sous la forme de cuisines solidaires. 

Pour éviter que la crise de l’eau – relative notamment à la fonte accélérée des glaciers et à la pollution de l’eau par les microplastiques – ne prenne encore plus d’ampleur, des initiatives innovantes ont été prises pour, par exemple, rapprocher la gestion des ressources hydriques des communautés ou encore partager, entre États, les responsabilités en matière de gestion des cours d’eau communs, a fait remarquer une spécialiste. 

D’aucuns ont insisté sur l’importance d’aider les personnes à faire face à la crise climatique, tout au long du cycle de vie, par le biais de politiques sociales adaptées.

Pour ce qui est des déplacements induits par les changements climatiques, il a été recommandé que les migrants, les personnes déplacées et les réfugiés soient explicitement intégrés aux plans de préparation et d’adaptation adoptés par les États, y compris s’agissant de l’accès aux financements climatiques.

L’éducation est à la base des progrès, en particulier pour remédier au problème de la désinformation en matière de climat, a souligné une intervenante. Toute solution doit tenir compte des pratiques racistes et colonialistes qui ont permis et justifié la destruction de l’environnement, a-t-elle ajouté.

Enfin, Mme Banner a rendu compte de l’expérience parfois indicible des personnes d’ascendance africaine qui vivent dans les pays du Nord, en particulier aux États-Unis. Elle a d’abord évoqué le parcours de sa propre famille, dont les ancêtres étaient esclaves en Louisiane, avant de décrire les conséquences sanitaires dramatiques des émanations d’usines de pesticides et d’hydrocarbures, ainsi que des brûlis des plantations de canne à sucre, dans ce même État, entre Bâton Rouge et la Nouvelle-Orléans, tout au long du fleuve Mississipi. Mme Banner a mentionné les solutions que l’organisation non gouvernementale qu’elle anime met en place pour capturer le carbone, recycler le plastique et protéger la nappe phréatique, et créer ainsi des emplois parmi la communauté noire.

Remarques de conclusion

M. IOANNIS GHIKAS, Représentant permanent de la Grèce auprès des Nations Unies à Genève et Président du Forum, a remercié tous les intervenants, en particulier ceux représentant la société civile, pour leurs contributions intéressantes et parfois poignantes. 

Le Président s’est félicité que ce Forum ait une nouvelle fois confirmé son rôle unique en tant que plate-forme reliant la démocratie, les droits de l'homme et l'état de droit au défi mondial le plus urgent de notre époque: les changements climatiques. Ces derniers ne sont pas seulement une crise environnementale, mais aussi une mise à l’épreuve de la gouvernance démocratique et du respect de la dignité humaine, a-t-il souligné. La seule voie à suivre, a-t-il estimé, est celle qui unit l'ambition climatique à la légitimité démocratique et à l'état de droit. 

M. Ghikas a insisté sur le fait que l'avis consultatif de la Cour internationale de Justice avait précisé que les obligations des États en matière de droits humains sont contraignantes et exécutoires dans le contexte des changements climatiques. L’avis de la CIJ a également précisé que le fait de ne pas éliminer progressivement les combustibles fossiles pouvait constituer un acte internationalement illicite, a-t-il rappelé. Ainsi, la justice climatique n'est plus une aspiration abstraite : elle devient une question d'obligation juridique et de responsabilité démocratique, a conclu le Président du Forum.

 

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HRC25.011F