Fil d'Ariane
Examen du Guatemala au CERD : la situation des peuples autochtones, des Garifunas et des personnes d’ascendance africaine est au cœur des préoccupations
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD, selon l’acronyme anglais) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Guatemala au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation guatémaltèque venue soutenir ce rapport, un expert a regretté l’absence, au Guatemala, d’une législation complète qui contienne une définition claire de la discrimination raciale, y compris sous ses formes directes et indirectes, multiples et croisées, couvrant l’ensemble des motifs visés à l’article premier de la Convention. Il a demandé si des initiatives législatives avaient été lancées pour renforcer la lutte contre la discrimination raciale et protéger les droits des peuples autochtones, des Garifunas et des personnes d’ascendance africaine.
L’expert a d’autre part voulu savoir si la motivation raciste était expressément reconnue comme circonstance aggravante dans le Code pénal. Le Comité, a-t-il indiqué à ce propos, a reçu des informations préoccupantes faisant état de discours de haine racistes, de crimes de haine et d’incitations à la haine raciale et à la xénophobie dans les médias, visant en particulier les peuples autochtones, les Garifunas, les personnes d’ascendance africaine, les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés.
Un autre expert s’est ému d’une « vague de répression » contre les peuples autochtones qui a été signalée au Comité. Il a évoqué l’expulsion de peuples autochtones de leurs territoires, voire l’assassinat de dirigeants autochtones, xincas notamment. Une experte a regretté que, selon certaines informations, il serait presque impossible pour les autochtones d’ester en justice faute d’interprétation dans leur langue.
Une autre experte a relayé des allégations selon lesquelles la police aurait abusé de la force contre des autochtones ayant manifesté pour leur droit à la terre. Elle a fait état de « défaillances systémiques et [de] pratiques discriminatoires avérées au sein des institutions agraires et d'enregistrement » des terres.
La même experte a indiqué que le Comité avait conscience du fait que le Guatemala disposait d’un nouveau Gouvernement mais aussi que l’héritage colonial était difficile à éliminer. Elle a espéré que ce dialogue avec la délégation aiderait le pays à régler les problèmes qui perdurent.
Présentant le rapport de son pays, M. Miguel Felipe Pajarito, Commissaire présidentiel de la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l’égard des peuples autochtones (CODISRA) du Guatemala, a d’emblée indiqué que le Guatemala reconnaissait que la reproduction du racisme et de la discrimination raciale structurelle avait plongé les peuples autochtones dans la pauvreté et le sous-développement. Les peuples autochtones, a reconnu M. Pajarito, sont confrontés à de sérieuses difficultés pour obtenir un accès rapide à la justice, ainsi qu’à des processus de criminalisation et de persécution des autorités et des dirigeants autochtones, à des expulsions forcées et à la perte de leurs terres et de leurs territoires.
Le Gouvernement actuel a posé un jalon historique en créant l'Assemblée nationale de dialogue permanent avec les autorités autochtones et ancestrales, qui établit des programmes nationaux et territoriaux sur des thèmes liés notamment à la protection et à la préservation de l'environnement et de la biodiversité, et à l'amélioration de la couverture des services de santé dans les communautés autochtones, a indiqué M. Pajarito.
En 2024, a ensuite souligné le Commissaire présidentiel, l'Accord agraire avec les organisations paysannes, dont la plupart appartiennent aux peuples autochtones, a été signé, établissant un consensus sur cinq thèmes fondamentaux: prise en compte des conflits agraires, accès à la terre, économie sociale, développement rural et création d'un espace politique de communication permanente. M. Pajarito a attiré l’attention sur d’autres mesures prises en faveur des peuples mayas, garifunas et xinkas, citant notamment le décret 3-2024 qui institue la Journée nationale des langues autochtones et le décret 13-2025 qui permet de réaliser des investissements publics dans les terres communales des peuples autochtones.
La délégation guatémaltèque était également composée, entre autres, de M. José Francisco Calí Tzay, Représentant permanent du Guatemala auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que d’autres représentants du Ministère des relations extérieures, du Ministère de l’éducation, du Ministère du travail et de la prévention sociale, de la Cour suprême de justice et du Congrès du Guatemala. Étaient aussi représentés la Commission présidentielle pour la paix et les droits de l’homme, l’Institut guatémaltèque de la migration et le Conseil national de prise en charge des migrants au Guatemala.
Durant le dialogue, la délégation a notamment fait savoir que le Ministère de la justice avait créé un Secrétariat chargé de faciliter l’accès des peuples autochtones à la justice, notamment par le biais de la mise à disposition d’une vingtaine d’interprètes et de la création d’organes judiciaires décentralisés dans les régions où vivent les peuples autochtones.
La délégation a par ailleurs reconnu que le contexte actuel était défavorable aux droits des défenseurs des droits de l’homme et des autochtones, avec des expulsions ainsi que la criminalisation de dirigeants autochtones et de membres d’organisations de droits de l’homme. Le Gouvernement actuel ne partage pas les agissements des autorités judiciaires responsables de cet état de fait, a déclaré la délégation. L’un des organes principaux de cette criminalisation est en effet le ministère public, lequel est lié à des pouvoirs obscurs qui dominent encore dans le pays, a-t-elle expliqué. Le Gouvernement entend donc modifier le système de justice et la loi organique qui régit le parquet pour éliminer cette criminalisation et il reste encore à obtenir l’engagement du pouvoir législatif dans cette démarche, a indiqué la délégation.
Les expulsions d’autochtones sont ordonnées pour l’essentiel par le ministère public, a également précisé la délégation. L’exécutif s’efforce de prévenir ces expulsions et propose plusieurs aides directes aux communautés visées, a-t-elle ajouté.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Guatemala et les publiera à l’issue de sa session, le 5 décembre prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la Suède.
Examen du rapport du Guatemala
Le Comité est saisi du rapport valant dix-huitième à vingtième rapports périodiques du Guatemala (CERD/C/GTM/18-20).
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, M. MIGUEL FELIPE PAJARITO, Commissaire présidentiel de la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l’égard des peuples autochtones (CODISRA) du Guatemala, a d’emblée indiqué que le Guatemala reconnaissait sa dette historique envers les titulaires de droits, ainsi que le fait que la reproduction du racisme et de la discrimination raciale structurelle avait plongé les peuples autochtones dans la pauvreté et le sous-développement. M. Pajarito a souligné que cette reconnaissance, de même que le respect des droits des peuples autochtones, faisaient partie d'un programme que l'État du Guatemala doit encore mettre en œuvre.
Les peuples autochtones sont confrontés à de sérieuses difficultés pour obtenir un accès rapide à la justice, ainsi qu’à des processus de criminalisation et de persécution des autorités et des dirigeants autochtones, à des expulsions forcées et à la perte de leurs terres et de leurs territoires, a poursuivi le chef de délégation.
Le Gouvernement guatémaltèque actuel a posé un jalon historique en créant l'Assemblée nationale de dialogue permanent avec les autorités autochtones et ancestrales, qui établit des programmes nationaux et territoriaux sur des thèmes liés notamment à la protection et à la préservation de l'environnement et de la biodiversité, et à l'amélioration de la couverture des services de santé dans les communautés autochtones, a déclaré M. Pajarito.
En 2024, a ensuite indiqué le Commissaire présidentiel, l'Accord agraire avec les organisations paysannes, dont la plupart appartiennent aux peuples autochtones, a été signé, établissant un consensus sur cinq thèmes fondamentaux: prise en compte des conflits agraires, accès à la terre, économie sociale, développement rural et création d'un espace politique de communication permanente. M. Pajarito a par ailleurs mentionné l’existence d’une politique d'accès à la justice pour les peuples autochtones, avec en particulier la mise à disposition d'interprètes dans les 22 langues mayas reconnues.
M. Pajarito a attiré l’attention sur d’autres mesures prises en faveur des peuples mayas, garifunas et xinkas, citant notamment le décret 3-2024 qui institue la Journée nationale des langues autochtones et le décret 13-2025 qui permet de réaliser des investissements publics dans les terres communales des peuples autochtones. De plus, une étude de faisabilité sur la création d'un département des affaires autochtones est en cours d'approbation, a-t-il fait savoir.
D’autre part, a souligné le chef de délégation, une politique de protection des défenseurs des droits de l'homme a récemment été approuvée: elle prévoit la création de mécanismes de protection des droits des personnes, des organisations, des communautés et des autorités représentant les peuples autochtones. En matière de migration, a-t-il ajouté, des services adaptés à la culture ont été créés pour la population. Le plan « Retour à la maison » a été mis en œuvre pour la réintégration des migrants guatémaltèques de retour au pays, avec des projets de vie et des dialogues communautaires visant à définir des actions qui s'attaquent aux causes de la migration irrégulière.
Complétant cette présentation, une représentante de l’institution du Procureur des droits de l’homme du Guatemala (institution nationale des droits de l’homme) a notamment précisé que le recensement de la population et des logements de 2018 avait confirmé que 42% de la population guatémaltèque s'identifie comme appartenant aux peuples maya, garifuna ou xinka. Les départements d’Alta Verapaz, Quiché et Huehuetenango comptent la plus forte population autochtone et concentrent les niveaux de pauvreté les plus élevés, dépassant 80%, a-t-elle indiqué. Le fait que l'auto-identification des Afro-descendants ne soit pas reconnue limite leur intégration dans les politiques publiques et les statistiques officielles, a en outre fait remarquer la représentante.
Le droit à la terre reste l'une des questions structurelles non résolues au Guatemala, a ensuite fait remarquer la représentante. Selon la Police nationale civile, a-t-elle indiqué, entre 2019 et 2024, 88 expulsions collectives ou communautaires ont été effectuées, dont 81% se sont concentrées dans les départements d'Alta Verapaz, Guatemala, Escuintla, Izabal et Petén, sans garanties minimales de relogement ni mesures humanitaires. La représentante a d’autre part fait état de carences dans l’éducation bilingue et dans l’accès des peuples autochtones aux services de santé de base.
La représentante a par ailleurs regretté que l'Unité du ministère public contre les crimes de discrimination enregistre les cas sans classer le motif de discrimination, malgré l'existence de lignes directrices institutionnelles, ce qui - a-t-elle souligné - empêche des poursuites pénales adéquates. En ce qui concerne l'accès à la justice, la couverture en interprètes dans les langues mayas, garifuna et xinca reste insuffisante dans les institutions du secteur judiciaire, a aussi regretté la représentante.
Questions et observations des membres du Comité
M. ABDERRAHMAN TLEMÇANI, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Guatemala, a d’abord évoqué les questions relatives aux statistiques pour demander si l’État guatémaltèque avait procédé à une évaluation de la qualité et de l’exhaustivité des données de recensement recueillies par auto-identification; il a voulu savoir ce qui avait été fait, le cas échéant, pour corriger les sous-déclarations ou omissions concernant les peuples autochtones, les Garifunas, les personnes d’ascendance africaine, ainsi que les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile.
L’expert s’est ensuite interrogé sur les mesures prises pour faire mieux connaître à la population du Guatemala, en particulier aux personnes appartenant à des peuples autochtones, aux Garifunas, aux personnes d’ascendance africaine et aux migrants, les droits qu’ils tiennent de la Convention ainsi que les mécanismes de plainte et les recours judiciaires et non judiciaires disponibles.
M. Tlemçani a regretté l’absence, au Guatemala, d’une législation complète qui contienne une définition claire de la discrimination raciale, y compris sous ses formes directes et indirectes, multiples et croisées, couvrant l’ensemble des motifs visés à l’article premier de la Convention. L’expert a demandé si des initiatives législatives avaient été lancées pour renforcer la lutte contre la discrimination raciale et protéger les droits des peuples autochtones, des Garifunas et des personnes d’ascendance africaine.
L’expert a aussi voulu savoir si la motivation raciste était expressément reconnue comme circonstance aggravante dans le Code pénal. Le Comité, a-t-il indiqué, a reçu des informations préoccupantes faisant état de discours de haine racistes, de crimes de haine et d’incitations à la haine raciale et à la xénophobie dans les médias, visant en particulier les peuples autochtones, les Garifunas, les personnes d’ascendance africaine, les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés.
Le Comité, a ajouté l’expert, est préoccupé par les obstacles persistants rencontrés par les peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine, les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés pour accéder à la justice, et par l’insuffisante reconnaissance des systèmes traditionnels de justice autochtones.
Le Comité suit avec attention l’évolution du processus de justice transitionnelle dans l’État partie, notamment en ce qui concerne les violations graves des droits de l’homme commises pendant le conflit armé interne, a fait savoir M. Tlemçani. Il a demandé ce qui avait été fait pour rompre avec l’impunité, garantir une réparation intégrale aux victimes — en particulier celles appartenant à des peuples autochtones, garifunas ou d’ascendance africaine — et donner plein effet aux engagements découlant des accords de paix, dont l’Accord sur l’identité et les droits des populations autochtones. L’expert s’est aussi interrogé sur les conditions d’application de la politique du pouvoir législatif sur les peuples autochtones (Accord 20-2024).
D’autres questions de M. Tlemçani ont porté sur les compétences du Procureur des droits de l’homme du Guatemala en matière de lutte contre le racisme et la xénophobie et sur les modalités de sa coopération avec les représentants des peuples autochtones. Il s’est aussi interrogé sur les résultats obtenus grâce à la politique publique pour la cohabitation et l’élimination du racisme et de la discrimination raciale, de même que sur les résultats des activités organisées dans le cadre de la première Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.
M. Tlemçani a demandé dans quelle mesure les peuples autochtones, les Garifunas, les personnes d’ascendance africaine et les migrants étaient représentés dans les manuels et programmes scolaires et a voulu savoir si des mécanismes existaient pour en réviser les contenus afin d’éliminer les stéréotypes et les préjugés raciaux.
L’expert s’est par ailleurs enquis des effets de l’Accord de coopération en matière d’asile conclu en juillet 2019 avec les États-Unis sur les droits des migrants et demandeurs d’asile.
MME VERENE ALBERTHA SHEPHERD, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Guatemala, a demandé si le Gouvernement utilisait les cours d’histoire pour aborder les préjugés hérités de l’époque coloniale, y compris le racisme antinoir et la question de la traite esclavagiste.
Mme Shepherd a ensuite demandé ce qui était fait pour que les personnes d’ascendance africaine et les peuples autochtones puissent participer à la vie publique et politique, en particulier pour éliminer les stéréotypes qui empêchent toujours les femmes autochtones et garifunas de se lancer dans le carrière politique.
L’experte a relayé des allégations selon lesquelles la police aurait abusé de la force contre des autochtones ayant manifesté pour leur droit à la terre et le parquet aurait accusé ces personnes de terrorisme.
Mme Shepherd a d’autre part voulu savoir quelles suites avaient été données à un arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, en 2021 (affaire Maya Kaqchikel Indigenous Peoples of Sumpango et al. contre Guatemala), demandant au Gouvernement d'adapter sa réglementation nationale « afin de reconnaître les stations de radio communautaires comme des moyens de communication distincts » dans un délai raisonnable, en consultation avec les peuples autochtones.
Mme Shepherd a en outre demandé ce qui était fait pour garantir l'exercice du droit à la liberté de religion des peuples autochtones, des Garifunas et des personnes d'ascendance africaine, ainsi que pour protéger leurs lieux sacrés, en particulier face à l'impact des activités extractives ou des projets de développement. À ce propos, l’experte a voulu savoir s’il existait un mécanisme pour obtenir le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones – conformément notamment à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones – concernant les projets d'infrastructure ou d'exploitation des ressources naturelles susceptibles d'affecter leurs droits.
Vu « les défaillances systémiques et des pratiques discriminatoires avérées au sein des institutions agraires et d'enregistrement », Mme Shepherd a par ailleurs demandé si des mesures de protection étaient mises en place pour que les communautés autochtones puissent accéder à une justice efficace, rapide et compétente.
Mme Shepherd a indiqué que le Comité avait conscience du fait que le Guatemala disposait d’un nouveau Gouvernement mais aussi que l’héritage colonial était difficile à éliminer. Elle a espéré que le dialogue avec la délégation permettrait au pays de régler les problèmes qui perdurent.
Mme Shepherd a demandé si le Gouvernement comptait des personnes d’ascendance africaine parmi ses membres et s’il avait prévu des mesures pour remédier à la discrimination raciale dont ces personnes sont toujours victimes au Guatemala.
L’experte a fait remarquer que les programmes de réduction de la pauvreté ne devraient pas se limiter à des transferts économiques, mais devraient aussi prendre la forme de mesures spéciales visant à surmonter les désavantages structurels auxquels sont confrontés les peuples autochtones et les personnes d'ascendance africaine, en particulier compte tenu des graves disparités en matière d'éducation qui perpétuent les cycles de pauvreté.
Une autre experte a fait observer que, selon certaines informations, il serait presque impossible pour les autochtones d’ester en justice faute d’interprétation dans leur langue. D’autre part, a-t-elle ajouté, le système de justice aurait davantage tendance à poursuivre les défenseurs des droits de l’homme des peuples autochtones qu’à faire respecter ces droits.
Une experte a demandé ce qui était fait, avec la participation des communautés concernées, pour contrer les préjugés et stéréotypes visant les peuples autochtones et les personnes d’ascendance africaine.
Qu’en est-il de la vague de répression contre les peuples autochtones qui a été signalée au Comité, a demandé un expert, évoquant l’expulsion de peuples autochtones de leurs territoires, voire l’assassinat de dirigeants autochtones, xincas notamment?
Un expert a voulu savoir s’il était envisagé de protéger les droits fonciers des peuples autochtones par le biais d’une loi.
A été soulignée l’importance de protéger les droits territoriaux des peuples autochtones et, en attendant l’adoption d’une loi dans ce domaine, d’imposer un moratoire sur les expulsions.
D’autres questions des experts ont porté sur des allégations de conflits d’intérêts dans la nomination des juges guatémaltèques.
Réponses de la délégation
La délégation a indiqué que le Code des migrations de 2016 avait porté création d’une autorité des migrations [l’Institut guatémaltèque de la migration] dont la mission est centrée sur les droits des personnes concernées. Depuis 2020, cette autorité a reçu plus de 7000 demandes d’asile, 1900 personnes ayant été reconnues comme réfugiées et 1786 demandes étant en attente d’une décision, a précisé la délégation. Les autorités partent du principe que « nous sommes tous des migrants » et mènent des campagnes de sensibilisation et de commémoration, a-t-elle ajouté, avant de faire état de la création d’une plate-forme d’information pour les réfugiés et requérants d’asile à la recherche d’un emploi, et du lancement d’une campagne de prévention des violences et de la traite des êtres humains dans le contexte de la mobilité humaine.
Le recensement de 2018 contenait des variables relatives à l’origine ethnique et à la culture, a poursuivi la délégation. Quelque 37% des sondés se sont autodéclarés mayas et 1,8% xincas, a indiqué la délégation. Elle a affirmé que des progrès importants avaient été accomplis dans la collecte de données statistiques concernant la situation des femmes, des enfants et des peuples autochtones. L’Institut national des statistiques doit encore mettre en place une politique pour faciliter l’auto-identification, une démarche difficile compte tenu du racisme qui sévit dans le pays, a ajouté la délégation.
Le Congrès du Guatemala compte seulement 10% de membres d’origine autochtone, dont une seule femme, ce qui complique l’adoption d’initiatives législatives en leur faveur, a ensuite fait observer la délégation. Quoi qu’il en soit, le Congrès a récemment adopté trois décrets relatifs aux peuples autochtones, traitant des langues autochtones, de la formation de sage-femmes autochtones et du financement d’infrastructures. Il s’agit là de progrès notables mais insuffisants pour solder la dette de l’État envers les peuples autochtones, a déclaré la délégation.
Un projet de loi est en préparation, consacré à la prévention, à la sanction et à l’élimination de la discrimination raciale, a par ailleurs fait savoir la délégation.
Concernant la justice, il a été précisé que le Ministère de la justice avait mis en place un Secrétariat chargé de faciliter l’accès des peuples autochtones à la justice, notamment par le biais de la mise à disposition d’une vingtaine d’interprètes et de la création d’organes judiciaires décentralisés dans les régions où vivent les peuples autochtones. Le Ministère applique aussi des méthodes alternatives de règlement des différends, a souligné la délégation.
La formation des nouveaux magistrats met fortement l’accent sur l’apprentissage de la langue maya, a-t-il par ailleurs été indiqué.
La Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l’égard des peuples autochtones a créé un outil informatique pour faciliter l’accès à la justice et a mis en place une coordination entre les institutions traitant en justice des éléments de preuve relatifs aux actes de discrimination, a fait savoir la délégation.
Les magistrats au Guatemala sont indépendants dans l’exercice de leurs fonctions et ne sont soumis qu’à la loi et à la Constitution, a par ailleurs souligné la délégation. La nomination des magistrats de la Cour suprême et des cours d’appel est régie par la Constitution, a-t-elle ajouté.
Depuis 2020, a d’autre part regretté la délégation, on a assisté au Guatemala à un démantèlement des institutions de paix, la justice transitionnelle étant ainsi dans l’impasse, à l’exception de plusieurs affaires dont a été saisie la Cour interaméricaine des droits de l’homme. La Commission présidentielle susmentionnée a pris des mesures pour distribuer les réparations ordonnées par la Cour, a-t-elle indiqué. Aujourd’hui, le Gouvernement est en train d’élaborer un plan de recherche des personnes disparues pendant le conflit, a par ailleurs souligné la délégation.
Le système politique guatémaltèque exclut toujours largement les femmes et les peuples autochtones, a reconnu la délégation. De manière encourageante toutefois, la représentation des femmes et des autochtones a augmenté au sein du Gouvernement, a-t-elle fait valoir.
Le budget du Procureur des droits de l’homme a augmenté de 204% depuis 2022, a également fait valoir la délégation, avant de préciser que le Procureur n’a cependant eu qu’une action modeste dans l’incrimination de personnes et dans l’accompagnement de parties civiles. De même, le Fonds de développement autochtone a vu une augmentation de son budget depuis 2022, a ajouté la délégation.
Depuis 2024, a poursuivi la délégation, l’Institut guatémaltèque de la migration s’est doté d’Unités genre et peuples autochtones. Ses installations ont été décentralisées et il emploie actuellement 6% de personnel autochtone. L’Institut respecte toujours dans ses décisions le principe de non-refoulement, a assuré la délégation.
La délégation a assuré que le Gouvernement guatémaltèque avait conscience de l’importance de réviser les manuels scolaires pour en éliminer les images stéréotypées des peuples autochtones.
Le Gouvernement a par ailleurs relancé l’initiative législative visant à décréter une journée nationale des femmes garifunas, qui est l’un des engagements pris par le pays dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, a-t-il été indiqué. D’autres activités ont été menées pour mettre en avant la culture des personnes d’ascendance africaine et des Garifunas, a souligné la délégation.
Les autorités actuelles, qui ont lancé des initiatives dans le cadre de la deuxième Décennie des personnes d’ascendance africaine, notamment en matière d’employabilité, prendront d’autres mesures concrètes, en 2026, pour reconnaître comme il se doit les communautés de personnes d’ascendance africaine au Guatemala, a fait savoir la délégation. Elle a attiré l’attention sur la difficulté qu’il y a à rendre compte, dans les statistiques, de la différence entre les Garifunas et les communautés de personnes d’ascendance africaine.
La délégation a précisé que le Gouvernement avait adopté une politique publique relative aux défenseurs des droits de l’homme pour, entre autres raisons, donner effet à une décision de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Ladite politique a été mise à jour et adoptée la semaine dernière par le Gouvernement actuel, sur la base d’une consultation avec les milieux concernés et avec l’aide du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Elle poursuit trois objectifs: la création d’une institution chargée d’évaluer les risques pour les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes; la protection des personnes concernées, y compris les défenseurs des droits des peuples autochtones; et leur accès à la justice, ainsi que les réparations à leur accorder.
La délégation a reconnu que le contexte actuel était défavorable aux droits des défenseurs des droits de l’homme et des autochtones, avec des expulsions ainsi que la criminalisation de dirigeants autochtones – tel Luis Pacheco – et de membres d’organisations de droits de l’homme. Le Gouvernement actuel ne partage pas les agissements des autorités judiciaires responsables de cet état de fait, a déclaré la délégation. L’un des organes principaux de cette criminalisation est en effet le ministère public, lequel est lié à des pouvoirs obscurs qui dominent encore dans le pays, a-t-elle expliqué. Le Gouvernement entend donc modifier le système de justice et la loi organique qui régit le parquet pour éliminer cette criminalisation. Il reste encore à obtenir l’engagement du pouvoir législatif dans cette démarche, a fait remarquer la délégation.
Le Gouvernement actuel a, pour mettre un terme aux expulsions mentionnées, réactivé l’Accord agraire qui avait été délaissé par les gouvernements précédents, et pris des mesures telles que le dialogue avec les autorités ancestrales pour régler des préoccupations anciennes, a poursuivi la délégation. Elle a ajouté que la législature actuelle, qui a débuté il y a deux ans, avait proposé plusieurs initiatives essentielles en faveur des peuples autochtones, notamment des projets de loi sur les radios communautaires et sur le patrimoine des autochtones. Le défi actuel consiste à augmenter le nombre de députés autochtones pour appuyer ces initiatives, a souligné la délégation.
Depuis 2024, le Gouvernement n’a prononcé aucun état d’exception dans les régions où les peuples autochtones manifestent pour leurs droits, les autorités favorisant le dialogue avec les autorités ancestrales et autochtones, a d’autre part indiqué la délégation.
Le Président guatémaltèque [M. Bernardo Arévalo] est aussi disposé à mener des changements pour que soit reconnue la cosmovision des peuples autochtones, a-t-il en outre été précisé.
Depuis deux ans, a ajouté la délégation, le Gouvernement organise, avec les municipalités, des formations destinées à favoriser la participation des femmes autochtones à la vie publique et politique.
Depuis la signature des accords de paix qui ont mis un terme à trente-six années de conflit interne, le Guatemala est devenu officiellement un pays pluriculturel, a rappelé la délégation. Malheureusement, a-t-elle ajouté, le système politique, toujours marqué par un racisme structurel, ne reflète pas cette réalité, d’où l’importance de modifier la loi électorale en vue d’une meilleure participation des autochtones. Des propositions ont été faites en ce sens mais elles n’ont pas encore abouti, a souligné la délégation.
La délégation a souligné que la question des radios communautaires était épineuse, d’une part parce que le réseau radioélectrique n’est pas réparti de manière équitable, au détriment des peuples autochtones, au point que la Cour interaméricaine a dû être saisie, comme l’a rappelé une experte du Comité; et, d’autre part, parce que certains secteurs économiques s’opposent, au sein même du Congrès où les autochtones sont peu représentés, à l’extension des radios communautaires. En outre, le ministère public lui-même s’oppose à l’application de l’arrêt de la Cour interaméricaine, a ajouté la délégation.
Les expulsions d’autochtones sont ordonnées pour l’essentiel par le ministère public et il est très difficile d’imposer un moratoire dans ce domaine, a en outre souligné la délégation. L’exécutif s’efforce de prévenir ces expulsions et propose plusieurs aides directes aux communautés visées, a-t-elle fait valoir.
Le Gouvernement prévoit de dépenser en 2026 10% du budget national dans le développement social des communautés autochtones afin de combler le fossé d’inégalités, a fait savoir la délégation.
Dans un contexte où le secteur de l’éducation est affaibli par des intérêts qui n’ont rien à voir avec l’éducation, le Gouvernement a recruté plus de douze mille enseignants, dont bon nombre sont bilingues (espagnol et langues mayas, xinca ou garifuna), a fait valoir la délégation. Le Gouvernement a pour objectif de scolariser dans le secondaire plus de 25 000 nouveaux enfants autochtones, grâce à l’ouverture de nouvelles écoles, a-t-elle ajouté. D’autres mesures, telles que des bourses, visent la rescolarisation les jeunes ayant quitté l’école, dont la majorité sont malheureusement autochtones, a en outre souligné la délégation.
L’affaire Pacheco n’a pas encore été jugée, a indiqué la délégation.
Un débat est en cours au Parlement au sujet de l’adoption d’une loi portant qualification pénale de la discrimination raciale, a rappelé la délégation à l’issue du dialogue.
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