Fil d'Ariane

Examen du Mexique au CEDAW : les experts du Comité se penchent notamment sur la lutte contre les féminicides et la violence envers les femmes, et sur la participation des femmes à la vie politique

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW, selon l’acronyme en anglais) a examiné, hier après-midi et cet après-midi, le rapport soumis par le Mexique au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Pendant le dialogue qui s’est noué entre les experts membres du Comité et la délégation mexicaine venue présenter ce rapport, une experte a félicité le Mexique d'avoir élu la première femme présidente de son histoire, Mme Claudia Sheinbaum. Elle a salué la décision du Mexique d'adopter une politique étrangère féministe, ainsi que la réforme constitutionnelle de 2024 qui intègre le droit à l'égalité réelle, à une vie sans violence et à des soins dignes. L’experte a jugé positives la ratification de la convention n° 189 de l’Organisation internationale du Travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques, et la dépénalisation progressive de l'avortement dans plusieurs États fédérés.
L’experte a cependant regretté que la Constitution mexicaine n'intègre pas la définition de la discrimination à l'égard des femmes conformément à la Convention, et qu’elle ne reconnaisse explicitement ni la discrimination indirecte, ni l'intersectionnalité – ce qui, a affirmé l’experte, limite la protection effective des femmes autochtones, des femmes afro-mexicaines, des femmes handicapées, des femmes migrantes ou des femmes LBTI.
Une experte a fait part de la préoccupation du Comité devant la diversité des définitions du féminicide dans les États fédérés, ce qui fait que près de 80 % des meurtres de femmes ne sont pas qualifiés de féminicides. D’autres préoccupations ont porté sur l'utilisation abusive de « procédures judiciaires accélérées » dans certains cas graves de violence à l'égard des femmes et des filles, y compris le féminicide.
Un expert a relevé que les femmes étaient toujours sous-représentées dans les postes élus au Mexique, en particulier au niveau des municipalités. La violence politique à l'égard des femmes se poursuit sans relâche et restreint ou dissuade la participation des femmes, a fait remarquer une autre experte.
A été jugée préoccupante la persistance des stéréotypes sexistes dans les médias, en particulier ceux qui touchent les femmes handicapées, les femmes autochtones, les femmes afro-mexicaines, les immigrées, les réfugiées ou les demandeuses d'asile, et les défenseuses des droits humains – y compris les buscadoras, femmes à la recherche de leurs proches disparus.
D’autres questions ou préoccupations des experts ont porté sur la lutte contre la traite des êtres humains au Mexique, le manque de données ventilées sur la violence subie par certaines catégories de femmes ou encore le taux élevé de grossesses parmi les adolescentes.
Présentant le rapport, Mme Citlalli Hernández Mora, Secrétaire à la condition féminine du Mexique, a souligné que son gouvernement était conscient que, pendant des décennies, il avait existé un système d'inégalité structurelle ayant intensifié la violence sous toutes ses formes et dans toutes ses modalités à l'égard des femmes. Vu cette réalité, les premières réformes législatives que la Présidente Sheinbaum a soumises au Congrès de l'Union ont élevé au rang constitutionnel l'égalité substantielle et établi des obligations renforcées pour l'État afin de lutter contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes, ainsi que l'élimination de l'écart salarial entre les sexes, a fait savoir la Secrétaire.
Mme Hernández Mora a aussi insisté sur l’importance que son pays accorde à la lutte contre la pauvreté. À cet égard, « la personne la plus pauvre du Mexique étant une fille autochtone handicapée », la politique sociale exprimée dans les programmes de bien-être représente un investissement de près de 45 milliards de dollars, ce qui a permis, au cours des six dernières années, à 3,5 millions de femmes de sortir de la pauvreté modérée, à près de 700 000 de l'extrême pauvreté et à un million de femmes de ne plus être sans revenus, a souligné la Secrétaire.
Mme Hernández Mora a mis en avant, par ailleurs, la mise en œuvre de la Nueva Escuela Mexicana (Nouvelle école mexicaine), visant à garantir une éducation inclusive, égalitaire et de qualité pour les enfants et les jeunes au Mexique, ainsi que la création du réseau Abogadas de las Mujeres (Avocates des femmes), chargé notamment de favoriser l'accès à la justice des femmes et des filles.
Le Comité a entendu d’autres déclarations liminaires de Mmes Francisca E. Méndez Escobar, Représentante permanente du Mexique auprès des Nations Unies à Genève ; Ingrid Gómez, Sous-Secrétaire au droit à une vie sans violence au Secrétariat à la condition féminine ; Jennifer Feller, Directrice générale des droits de l'homme et de la démocratie au Ministère mexicain des affaires étrangères ; Teresa Ramos Arreola, Directrice du Centre national pour l'égalité des sexes, la santé sexuelle et reproductive ; Yaneth Del Rosario Cruz Gomez, représentante du Conseil national des peuples autochtones ; Martha Lucía Micher Camarena, Sénatrice fédérale et Présidente de la Commission pour l'égalité des sexes du Sénat de la République ; Mónica Soto, Présidente du Tribunal électoral du pouvoir judiciaire de la Fédération ; et Marycarmen Color Vargas, Directrice de l'égalité des genres de la Cour suprême de justice de la Nation.
La délégation était composée de nombreux représentants des Secrétariats aux relations extérieures, à l’éducation publique et à la santé. L’Institut de la sécurité sociale, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire mexicains étaient aussi représentés.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Mexique et les publiera à l’issue de sa session, le 4 juillet prochain.
Le Comité examinera le rapport de la Thaïlande demain à partir de 10 heures.
Examen du rapport du Mexique
Le Comité est saisi du dixième rapport périodique du Mexique (CEDAW/C/MEX/10), document établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Présentation du rapport
Dans une déclaration liminaire, MME FRANCISCA E. MÉNDEZ ESCOBAR, Représentante permanente du Mexique auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que son pays avait accueilli la première Conférence mondiale sur les femmes en 1975, avait été un promoteur actif de la Convention et avait joué un rôle de premier plan dans la création d'ONU Femmes.
Présentant ensuite le rapport de son pays, MME CITLALLI HERNÁNDEZ MORA, Secrétaire à la condition féminine du Mexique, a notamment souligné que son gouvernement était conscient que, pendant des décennies, il avait existé un système d'inégalité structurelle qui a intensifié la violence sous toutes ses formes et dans toutes ses modalités à l'égard des femmes dans toute leur diversité.
Conscient de cette réalité, les premières réformes législatives que la Présidente Claudia Sheinbaum a soumises au Congrès de l'Union ont élevé au rang constitutionnel l'égalité substantielle et établi des obligations renforcées pour l'État afin de lutter contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes, ainsi que l'élimination de l'écart salarial entre les sexes afin de garantir un salaire égal pour un travail égal. Ces réformes sont entrées en vigueur en novembre 2024. Dans le cadre de ce changement structurel, le Secrétariat à la condition féminine du Mexique a été créé le 1er janvier 2025.
Le Mexique, a poursuivi la Secrétaire, est convaincu que pour le bien de tous, il faut d'abord s'occuper des pauvres. La personne la plus pauvre du Mexique étant une fille autochtone handicapée, la politique sociale exprimée dans les programmes de bien-être représentait un investissement de près de 45 milliards de dollars, ce qui a permis, au cours des six dernières années, à 3,5 millions de femmes de sortir de la pauvreté modérée, à près de 700 000 de l'extrême pauvreté et à un million de femmes de ne plus être sans revenus. Parallèlement, de 2019 à 2024, l'écart salarial entre les sexes a été réduit de 29 % au niveau local, et de 66 % dans les municipalités où vivent les femmes les plus pauvres.
Mme Hernández Mora a mis en avant, par ailleurs, la mise en œuvre de la Nueva Escuela Mexicana (Nouvelle école mexicaine) dans une perspective de genre, visant à garantir une éducation inclusive, égalitaire et de qualité pour les enfants et les jeunes au Mexique. Elle a mentionné les mesures prises pour éradiquer la violence sexuelle dans l'enseignement primaire, de même que pour étendre la couverture des services d'éducation et de garde d'enfants à l'ensemble du territoire national, priorité étant donnée aux zones très vulnérables telles que les maquiladoras de la frontière nord ou celles qui concentrent les journalières agricoles.
Enfin, Mme Hernández Mora a informé le Comité de la création du réseau Abogadas de las Mujeres (Avocates des femmes), chargé notamment de favoriser l'accès à la justice des femmes et des filles.
Complétant cette présentation, MME INGRID GÓMEZ, Sous-Secrétaire au droit à une vie sans violence au Secrétariat à la condition féminine, a mentionné pour sa part les mesures prises pour protéger les femmes en situation de risque et pour améliorer les systèmes d'aide aux victimes de violence envers les femmes. Ces deux démarches, a-t-elle souligné, ont entraîné une tendance à la baisse soutenue de l'incidence des féminicides. Ainsi, de 2022 à 2024, une réduction de 16 % a été enregistrée ; au cours des deux premiers mois de 2025, une diminution de 29,23 % par rapport à la même période en 2024 a été signalée.
Parallèlement, et conformément à une recommandation antérieure du Comité, le Mexique a progressé dans l'harmonisation législative de la qualification pénale du féminicide, qui a été réalisée dans 28 des 32 entités fédérales, a dit Mme Gómez.
MME JENNIFER FELLER, Directrice générale des droits humains et de la démocratie au Ministère mexicain des affaires étrangères, a pour sa part mis en avant le Mécanisme de protection des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes au Mexique, outil destiné à garantir leur sécurité, leur intégrité et le libre exercice de leurs activités. Cet instrument fonctionne sur la base d'évaluations intégrales des risques tenant compte de la perspective de genre et d'une approche différenciée, ce qui permet d'identifier des contextes spécifiques de vulnérabilité, de concevoir des mesures de protection et de mettre en œuvre des actions préventives, a indiqué Mme Feller. En avril 2025, le mécanisme couvrait 2341 personnes, dont 189 femmes journalistes et 789 défenseuses des droits humains, ainsi que 425 membres de leur famille.
MME TERESA RAMOS ARREOLA, Directrice du Centre national pour l'égalité des sexes, la santé sexuelle et reproductive, a précisé que la contraception était gratuite au Mexique et que 24 des 32 États du pays avaient dépénalisé l'avortement. En outre, le Centre national pour l'égalité des sexes, la santé sexuelle et reproductive a publié une note technique relative aux « Limites à l'exercice de l'objection de conscience ». De plus, la norme NOM-046 autorise l'interruption légale de grossesse en cas de viol sans qu'il soit nécessaire de porter plainte, et prévoit l'accès des filles et des adolescentes aux services d'interruption volontaire de grossesse dans les cas autorisés par la loi, a fait savoir Mme Ramos Arreola. Le taux de fécondité chez les adolescentes a reculé de 30 % entre 2018 et 2023, a-t-elle aussi relevé.
MME YANETH DEL ROSARIO CRUZ GOMEZ, représentante du Conseil national des peuples autochtones, a indiqué que des ressources étaient directement allouées aux peuples et communautés autochtones et afro-mexicaines par le Fonds de contribution pour les infrastructures sociales des peuples autochtones et afro-mexicains, Fonds qui dispose d'un budget de plus de 653 millions de dollars, et dont les comités ont nommé des femmes trésorières dans 20 000 communautés autochtones et afro-mexicaines. Mme Cruz Gomez a également précisé que les femmes autochtones et afro-mexicaines étaient en train d'élaborer une loi générale sur les droits des peuples autochtones et afro-mexicains.
MME MARTHA LUCÍA MICHER CAMARENA, Sénatrice fédérale et Présidente de la Commission pour l'égalité des sexes du Sénat de la République, a fait état d’une réforme constitutionnelle adoptée en 2024 pour renforcer l'obligation de l'État mexicain de garantir la jouissance et l'exercice de l'égalité substantielle, ainsi que l'intégration transversale de la perspective de genre dans toutes les actions du gouvernement. En décembre 2024, le Sénat a approuvé à l'unanimité des modifications à diverses lois secondaires, notamment la loi générale pour l'égalité entre les femmes et les hommes et la loi générale sur l'accès des femmes à une vie sans violence.
Par ailleurs, la Commission pour l'égalité des sexes du Sénat de la République a créé trois sous-commissions de travail spécialisées, chargées de suivre de près les recommandations générales et spécifiques du Comité CEDAW, a ajouté Mme Micher Camarena.
MME MÓNICA SOTO, Présidente du Tribunal électoral du pouvoir judiciaire de la Fédération, a souligné que le Tribunal avait rendu plusieurs arrêts visant à assurer une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les trois pouvoirs et aux trois niveaux de gouvernement, grâce à quoi le premier Congrès fédéral paritaire avait été constitué en 2024.
De plus, depuis 2016, 871 jugements ont été rendus sur la parité et 3105 pour lutter contre la violence politique sexiste : le Tribunal a par exemple annulé, en 2021, l'élection d'Iliatenco, dans l'État de Guerrero, pour violence politique à l'égard d'une femme autochtone, a dit Mme Soto.
Enfin, MME MARYCARMEN COLOR VARGAS, Directrice de l'égalité des genres de la Cour suprême de justice de la Nation, a indiqué que la Cour suprême avait édicté un « Protocole pour juger dans une perspective de genre », dont l’application est aujourd'hui une obligation constitutionnelle pour tous les juges. En 2020, il a été mis à jour avec 22 thèses et 86 précédents ; et en 2022, le Protocole pour juger dans une perspective d'orientation sexuelle, d'identité et d'expression de genre, et de caractéristiques sexuelles a été mis à jour. Un nouveau protocole est sur le point d'être publié pour traiter les cas de féminicide dans le cadre de la fonction judiciaire, a précisé Mme Color Vargas.
Parallèlement, la Politique intégrale d'inclusion a été adoptée, qui a permis d'augmenter la participation des femmes aux plus hauts niveaux judiciaires de 20 % à 31 %, a-t-elle souligné.
Questions et observations des membres du Comité
Une experte a d’abord félicité le Mexique d'avoir élu la première femme présidente de son histoire, Mme Claudia Sheinbaum, et salué sa décision d'adopter une politique étrangère féministe, ainsi que la réforme constitutionnelle de 2024 qui intègre le droit à l'égalité réelle, à une vie sans violence et à des soins dignes. L’experte a aussi jugé positives la constitutionnalisation du système national de soins, la ratification de la convention n° 189 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur le travail domestique, ainsi que la dépénalisation progressive de l'avortement dans plusieurs États fédérés.
L’experte a cependant regretté que la Constitution mexicaine n'intègre pas la définition de la discrimination à l'égard des femmes conformément à la Convention, et qu’elle ne reconnaisse explicitement ni la discrimination indirecte, ni l'intersectionnalité – ce qui, a affirmé l’experte, limite la protection effective des femmes autochtones, des femmes afro-mexicaines, des femmes handicapées, des femmes migrantes ou des femmes LBTI.
L’experte a aussi regretté que le Conseil national pour la prévention de la discrimination (CONAPRED), organe chargé d’appliquer, en particulier, la Loi fédérale visant à prévenir et à éliminer la discrimination (LFPED), ne dispose d'aucun pouvoir de sanction. Elle a aussi demandé dans quelle mesure la Commission nationale des droits de l'homme (institution nationale de droits de l’homme mexicaine) disposait de l’autonomie nécessaire pour remplir sa mission et ce qu’elle faisait en faveur des buscadoras, femmes à la recherche de leurs proches disparus et qui, d'après les informations dont dispose le Comité, sont victimes de menaces, de disparitions et d'assassinats.
D’autres préoccupations de l’experte ont porté sur l'utilisation abusive de « procédures judiciaires accélérées » dans certains cas graves de violence à l'égard des femmes et des filles, y compris le féminicide, de même que sur l’augmentation du nombre de femmes placées en détention provisoire depuis quelques années. Elle a demandé si les victimes de crimes sexistes pouvaient obtenir des indemnisations adéquates.
L’experte a enfin mentionné des préoccupations exprimées par des organisations mexicaines relativement à la disparition de l'Institut national pour la transparence, l'accès à l'information et la protection des données personnelles (INAI). Elle a voulu savoir quelles mesures avaient été prises pour empêcher l'opacité qui peut renforcer l'impunité, en particulier dans des domaines tels que les féminicides et la violence institutionnelle.
Une autre experte a salué la création du Secrétariat à la condition féminine (SEMUJERES) en 2024, la création d'une commission chargée de coordonner la mise en œuvre et le suivi de la Convention, de même que l'augmentation du nombre d'unités chargées de l'égalité des sexes dans l'administration publique fédérale. Elle a cependant fait remarquer que, selon certaines sources, le SEMUJERES serait confronté à un manque de ressources techniques, humaines et financières. L’experte a demandé quelle contribution le Secrétariat apportait à la réalisation du plan mexicain pour les femmes, la paix et la sécurité, dans le sillage de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité.
Un expert a relevé que les femmes étaient toujours sous-représentées dans les postes élus au Mexique, en particulier au niveau des municipalités. Il a regretté que le pays n’applique pas les mesures temporaires spéciales prévues à l’article 4 de la Convention pour accélérer l’égalité réelle des femmes autochtones et des femmes afro-mexicaines, entre autres.
Une experte a fait part de la préoccupation du Comité devant la diversité des définitions du féminicide dans les États fédérés, qui fait qu'une grande partie (près de 80 %) des homicides de femmes ne sont pas qualifiés de féminicides. De plus, la législation sur la violence numérique se limite à la diffusion non consentie d'images intimes à caractère sexuel et ne prévoit pas de sanctions administratives ou civiles. L’experte a aussi relevé que les femmes lesbiennes qui tuent leur partenaire sont exposées à des peines beaucoup plus lourdes que celles infligées aux hommes homosexuels dans la même situation.
Le Comité est aussi préoccupé par la persistance des stéréotypes sexistes dans les médias, en particulier ceux qui touchent les femmes handicapées, les femmes autochtones, les femmes afro-mexicaines, les immigrées, les réfugiées ou les demandeuses d'asile, les défenseuses des droits humains, y compris les buscadoras, a dit l’experte. De même, le Comité est préoccupé par la faiblesse du mécanisme de protection des défenseurs et des journalistes s’agissant de l'intégration de la perspective de genre, dans un contexte où les défenseuses des droits humains sont particulièrement ciblées.
Il n'existe pas de données ventilées sur la violence subie par les femmes autochtones, afro-descendantes, migrantes, lesbiennes, bisexuelles et transgenres, ainsi que les femmes handicapées, a regretté l’experte.
Une experte a jugé positifs le renforcement de la législation contre la traite des êtres humains et la création de la Commission intersectorielle sur la traite des êtres humains. Néanmoins, a-t-elle regretté, le manque de mise en œuvre et de coordination persiste, tout comme l'inefficacité des enquêtes et la complicité des autorités avec le crime organisé lié à la traite.
L’experte a relevé par ailleurs que sept femmes sur dix victimes de meurtre au Mexique sont tuées par des armes à feu. Il s’agit là de la principale cause de décès chez les femmes : on compte six femmes tuées chaque jour, a constaté l’experte.
Une experte a salué les résultats obtenus par le Mexique en matière d'égalité des sexes dans la vie politique et publique, en particulier grâce à des réformes législatives aux niveaux national, municipal et communautaire afin d'éliminer la discrimination fondée sur le sexe et d'améliorer les procédures et les institutions électorales. Cela s'est traduit par une augmentation de 43 % du nombre de femmes occupant des postes de direction dans la fonction publique d'ici 2023, a relevé l’experte.
Cependant, a poursuivi l’experte, la participation politique des femmes autochtones, rurales, afro-mexicaines, LBTI et handicapées est limitée par des normes communautaires exclusives et par la violence structurelle. De plus, la violence politique à l'égard des femmes se poursuit sans relâche et restreint ou dissuade la participation des femmes. Le Comité, a rappelé l’experte, a exhorté à plusieurs reprises, et sans succès, l'État partie à lutter contre la violence politique fondée sur le genre.
Par ailleurs, a ajouté la même experte, il existe un décalage entre l'adoption d'une politique étrangère féministe et le fait que les femmes restent minoritaires dans les ambassades, les négociations multilatérales et les organisations internationales.
Une experte a demandé ce qui était fait pour garantir l’accès à l’éducation des jeunes filles des communautés rurales, autochtones ou handicapées. Une autre experte a fait part de la préoccupation du Comité devant le taux élevé de déscolarisation des filles et des jeunes femmes du fait des grossesses, des violences et du harcèlement sexuel, y compris à l’université.
Neuf États fédérés n’ont toujours pas dépénalisé l’avortement, a-t-il été remarqué par ailleurs.
Une experte a constaté que 46 % seulement des femmes étaient employées au Mexique, contre 76 % des hommes, et que 40 % seulement des femmes employées avaient accès à la sécurité sociale.
Enfin, une experte a fait remarquer que les femmes au Mexique étaient plus souvent placées en détention préventive que les hommes, et pour des durées plus longues.
Réponses de la délégation
La délégation a d’abord indiqué que le Mexique avait lancé en 2018 un processus de transformation et de modernisation de son système administratif et judiciaire, processus visant en particulier l’éradication de la corruption dans la justice. Dans ce contexte, le Secrétariat à la condition féminine s’efforce depuis six mois de modifier le fonctionnement de l’État pour que les droits des femmes soient garantis dans tout le pays.
La réforme de la justice qui a été menée prévoit aujourd’hui la parité entre les sexes au sein du système. Le ministère a publié un manuel pour des « jugements tenant compte de la perspective de genre ». Il a aussi pris des mesures pour garantir l’application d’une perspective intersectionnelle dans la formation des magistrats, a aussi indiqué la délégation.
Le même ministère est par ailleurs en train de mettre en place un réseau d’avocats commis d’office ayant connaissance des besoins spécifiques des femmes autochtones.
La Constitution pose très clairement le principe de non-discrimination , a poursuivi la délégation. Le Mexique tiendra compte des remarques du Comité s’agissant des motifs de discrimination envers les femmes dans les textes de loi. La délégation a souligné la nature fédérale du Mexique, dont les trente-deux États ou territoires disposent chacun de leur propre Constitution.
S’agissant des procédures judiciaires accélérées, il a été précisé que des procureurs spécialisés ont été nommés pour traiter des affaires de féminicides, la procédure accélérée étant un droit à la disposition des victimes et non une obligation. Des mesures ont par ailleurs été prises pour éviter que des auteurs, ou auteurs présumés, de féminicides ne soient indûment libérés, a précisé la délégation.
S’agissant du CONAPRED, la délégation a indiqué que l’instance pouvait être saisie de plaintes relatives à des faits de discrimination, gérer des médiations entre parties et ordonner le paiement d’indemnisations. Quant à la Commission nationale des droits de l’homme , il s’agit d’une institution autonome capable de formuler des recommandations sur des sujets divers, y compris la lutte contre les féminicides.
Les buscadoras sont souvent des mères, sœurs ou épouses qui, outre leurs activités de recherche de leurs proches, assument des responsabilités familiales. À ce titre, elles et leurs enfants ont accès, en tant que victimes, à des aides de l’État.
La délégation a indiqué que le Mexique favorisait l’intégration des femmes dans le système national de défense et de sécurité : de nombreux postes dans l’armée autrefois réservés aux hommes ont ainsi été ouverts aux femmes. Quant au plan de suivi du programme Femmes, paix et sécurité adopté en 2021, il est appliqué par le Secrétariat à la condition féminine en collaboration avec la société civile.
Pour remédier à la sous-représentation des femmes dans les instances élues au niveau local, les autorités ont apporté des aménagements au système de représentation proportionnelle et mis en place un outil (« bloc de compétitivité ») obligeant les partis à introduire au moins 50 % de femmes dans leurs listes. Grâce à ces mesures, en 2024, 44 % des postes de gouverneur étaient occupés par des femmes, et plus de 500 femmes supplémentaires ont été élues à des postes de maire. Le Gouvernement n’entend pas adopter de quotas, les estimant dépassés.
Le Cabinet fédéral est d’ores et déjà paritaire, de même que les gouvernements des États fédérés, mais des progrès restent à faire au niveau des municipalités, a résumé la délégation.
La délégation a encore fait état de l’adoption, depuis la pandémie de COVID-19, de mesures spéciales en faveur de la santé mentale des femmes qui travaillent dans le secteur de la santé, de même que des usagères des services.
Le gouvernement est en train de renforcer le mécanisme d’alerte préventive en cas de situation de violence potentielle, a indiqué la délégation. Elle a mentionné la désignation de nouveaux procureurs spécialisés dans la poursuite des féminicides, ainsi que d’autres mesures pour mieux saisir l’ampleur du problème et qualifier les faits de manière adéquate. La délégation a évoqué les mesures prises par l’État mexicain pour protéger les femmes qui recherchent des proches, y compris par le biais d’une meilleure coopération au niveau fédéral.
La Charte de prévention de la traite des personnes, diffusée auprès des autorités à tous les niveaux, est traduite en six langues, y compris des langues autochtones. Plus de 200 femmes victimes de traite ont été accueillies en 2025 dans les centres spécialisés ouverts à leur intention. Des dispositifs de détection et de prise en charge des victimes ont été mis en place.
Le Secrétariat à la condition féminine est en train de se doter d’un mécanisme de collecte et de ventilation des données statistiques, a poursuivi la délégation.
Le Code pénal fédéral contient huit infractions fondées sur le genre. Plusieurs lois secondaires ont été reformulées pour introduire des sanctions contre la violence numérique ou médiatique.
Quelque 90 % des 200 000 armes à feu qui entrent au Mexique de manière illégale chaque année proviennent de pays du Nord, a fait remarquer la délégation.
La délégation a indiqué que le gouvernement s’efforçait de réduire l’écart entre les hommes et les femmes s’agissant de la présence de ces dernières dans les services extérieurs du Mexique, où elles représentent désormais 37 % des fonctionnaires.
Le programme de renforcement de la participation des femmes à la vie politique a été élaboré avec la société civile, a-t-il été précisé. Des rencontres spécialisées sont organisées dans les régions pour favoriser la participation des femmes rurales et des femmes autochtones, entre autres. Les autorités ont par ailleurs créé un réseau des femmes défenseuses des droits humains.
Quant à la participation des femmes aux prises de décision au niveau communautaire, la délégation a fait état de la création d’assemblées communautaires au sein desquelles les femmes disposent de places réservées.
S’agissant des questions d’éducation, la délégation a indiqué que la « Nouvelle école mexicaine » mettait l’accent, entre autres, sur le soutien à la scolarisation des adolescentes enceintes. Une stratégie axée sur les zones rurales et autochtones a permis de réduire le nombre de mariages précoces et de grossesses parmi les adolescentes, a ajouté la délégation. Elle a précisé en outre qu’un programme de lutte contre la violence était déployé dans les écoles et les universités, impliquant des protocoles de prévention, de dénonciation et de prise en charge.
La délégation a fait état, par ailleurs, de la mise en place de plusieurs programmes pour étendre la sécurité sociale à de nouvelles catégories de femmes, notamment les travailleuses agricoles et occasionnelles, les travailleuses domestiques et les indépendantes. Les travailleuses enceintes bénéficient par ailleurs de garanties concernant leur retour à l’emploi à la fin du congé de maternité.
Le salaire moyen des femmes au Mexique a augmenté de 19 %, soit davantage que l’inflation, a aussi mis en avant la délégation. Dans le même temps, l’écart salarial entre les sexes se réduit progressivement.
Le gouvernement central travaille avec les neuf États où l’accès à l’avortement reste difficile, a assuré la délégation. Il n’y a pas, au Mexique, de femmes détenues pour avoir eu recours à l’avortement, a-t-elle ajouté.
La délégation a répondu à d’autres questions relatives à l’enregistrement des naissances d’enfants de migrantes, au dépistage des cancers du sein et du col de l’utérus, à l’autonomisation économique des femmes rurales, ou encore à l’accès des femmes aux microcrédits et à l’économie verte.
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