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Aux États-Unis, les personnes de couleur et autres minorités sont touchées de manière disproportionnée par les violences policières, les crimes de haine et les restrictions de vote, et elles sont surreprésentées dans les prisons et les couloirs de la mort, relèvent les experts du Comité des droits de l’homme

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits de l’homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport soumis par les États-Unis au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Malgré des mesures positives, au nombre desquelles figure l’adoption de la loi de 2018 portant réforme de la justice pour mineurs, les membres du Comité ont souligné qu’aux États-Unis, les personnes de couleur et autres minorités sont touchées de manière disproportionnée par les violences policières, par la violence armée, par les crimes de haine et par les restrictions de vote, et sont surreprésentées dans les prisons et dans les couloirs de la mort.  Et en dépit de mesures prises au niveau fédéral, notamment pour promouvoir la non-discrimination à l’égard de la communauté LGBT, dans les faits, les femmes, les personnes de couleur, les personnes handicapées, les populations autochtones et les LGBT restent confrontés à une discrimination intersectionnelle.

Les Noirs, mais aussi les personnes LGBTQ+ et les musulmans américains, sont particulièrement visés par les quelque 11 000 crimes de haine qui ont été commis aux États-Unis en 2022, soit le nombre le plus élevé depuis que le FBI a commencé à publier des données à ce sujet, en 1991, a indiqué une experte. Les groupes extrémistes qui prônent la supériorité de la race blanche sont les principaux responsables de l'extrémisme violent aux États-Unis, a-t-elle ajouté.

La violence armée aux États-Unis semble atteindre des proportions épidémiques, a mis en garde un expert, relevant qu’en 2023, à la date du 1er octobre, au moins 32 548 personnes sont mortes à cause de la violence armée, dont 1096 adolescents et 230 enfants, et que 527 fusillades de masse ont été recensées. Cette violence armée touche de manière disproportionnée les personnes de couleur, les autres minorités raciales, les enfants et les femmes, a relevé l’expert.

D’autre part, plus de mille personnes seraient abattues par la police chaque année, a constaté un expert, ajoutant que les Noirs et d'autres minorités raciales, les peuples autochtones et les personnes d'origine hispanique ou latine sont, ici encore, touchés de manière disproportionnée.  Une experte s’est inquiétée de l'omniprésence de la discrimination raciale à tous les niveaux des rencontres (contacts) avec la police.

Par ailleurs, si l'abolition de la peine de mort dans plusieurs États fédérés et le moratoire temporaire sur les exécutions au niveau fédéral ont été salués, il a été observé que les condamnations à mort continuent d'être appliquées au niveau fédéral et au niveau des États, et que les membres de groupes raciaux et ethniques minoritaires sont toujours surreprésentés dans les couloirs de la mort. 

Tout en reconnaissant les mesures prises par les États-Unis pour lutter contre le racisme et la discrimination, une experte a souligné que la réalité quotidienne semblait très dure. Elle a ainsi fait état d’une surreprésentation en détention des personnes d'ascendance africaine et des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques. Le Comité, a-t-elle ajouté, est aussi préoccupé par l'augmentation générale de la détention provisoire, avec ici encore une surreprésentation des accusés noirs et hispaniques par rapport à leur part dans la population totale.

Il a par ailleurs été relevé que 19 États (des États-Unis) appliquaient des mesures qui empêchent la participation des électeurs à faible revenu, des personnes d'ascendance africaine, d'origine hispanique ou latino, et des peuples autochtones, y compris les restrictions au vote par correspondance et le « charcutage » des circonscriptions électorales (gerrymandering).

Une experte a en outre indiqué que le Comité était très préoccupé par les informations selon lesquelles les États-Unis se soustraient aux obligations du Pacte en transférant des personnes en dehors de leur territoire, y compris dans des centres de détention à l'étranger tels que Guantánamo. D’autre part, a ajouté cette experte, le recours aux frappes létales par des drones en dehors des théâtres de conflit reconnus est présumé illégal et viole plusieurs droits énoncés dans le Pacte. Ces frappes ont tué des milliers de personnes dans le monde, dont de nombreux civils, a-t-elle rappelé.

Des préoccupations ont par ailleurs été exprimées s’agissant de la criminalisation des migrants en situation irrégulière aux États-Unis et de la détention d’immigrants sans procédure régulière.

La délégation a d’autre part été priée de dire ce que le Gouvernement ferait pour empêcher l'introduction de nouvelles interdictions et restrictions dans l'accès à l'avortement et pour garantir l'accès à un avortement sûr et légal ; en criminalisant l'avortement, de nombreux États fédérés contreviennent directement à l'Observation générale n°36 du Comité concernant le droit à la vie, a-t-il été souligné.

Présentant le rapport de son pays, Mme Michèle Taylor, Représentante auprès du Conseil des droits de l’homme à la Mission permanente des États-Unis auprès des Nations Unies à Genève, a assuré de l’attachement de son pays aux droits inscrits dans le Pacte – en particulier le droit de vote et de participation aux affaires publiques, qui n'est pas seulement nécessaire pour favoriser une société civile active et le pluralisme politique, mais aussi crucial pour assurer l'égalité de traitement devant la loi et pour relever un large éventail de défis en matière de droits de l'homme, a-t-elle souligné.  Elle a ajouté que les droits inscrits dans le Pacte étaient ceux de toutes les démocraties dignes de ce nom.

Pour preuve de l’attachement de son pays à l’application du Pacte, Mme Taylor a cité de nombreuses mesures prises en faveur des droits de la communauté LGBTQI+, dans des conditions plus qu’adverses. Le Gouvernement essaie aussi de renforcer ses liens avec les nations tribales, en veillant à ce que les politiques soient élaborées à l'issue de consultations avec les chefs tribaux, a-t-elle indiqué. Mme Taylor a mentionné d’autres initiatives en matière de santé maternelle et de droit à la santé génésique, et a souligné que l'équité et l’accès à la justice restaient au cœur des priorités du Gouvernement fédéral. Les États-Unis s'efforcent de faire progresser l’égalité pour tous les membres des minorités raciales, religieuses ou ethniques, a-t-elle affirmé. Les États-Unis luttent contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie, l'intolérance et la « suprématie blanche », a-t-elle ajouté.

Complétant cette présentation, M. Justin Vail, Assistant spécial du Président des États-Unis pour la démocratie et la participation civique, a pour sa part mis en avant les progrès réalisés à ce jour par l'Administration Biden-Harris et qui ont permis d’améliorer concrètement la vie de nombreuses personnes – même si, a-t-il admis, les États-Unis reconnaissent qu'il leur reste encore beaucoup à faire. M. Vail a cité en particulier l’effort historique de l'ensemble du Gouvernement pour lutter contre le racisme systémique, ainsi que des mesures visant à prévenir la discrimination et éliminer les inégalités persistantes dans le système de justice pénale et dans l'accès aux soins de santé.

Face aux attaques contre les valeurs et les droits fondamentaux aux États-Unis, notamment les attaques contre le droit de vote lors d'élections libres et équitables, contre les droits procréatifs et contre la communauté LGBTQ+, le Gouvernement est résolu à protéger et à faire progresser les droits de l'homme, a assuré M. Vail.

Outre Mme Taylor et M. Vail, la délégation des États-Unis était composée de Mme Bathsheba N. Crocker, Représentante permanente des États-Unis auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de nombreux représentants du Bureau exécutif du Président des États-Unis, du Département d’État et des Départements de la défense, de la justice, de la sécurité intérieure, de l’intérieur, du logement et du développement urbain, de l’éducation, de la santé et des services humains. Les autorités du Nevada et de la ville de Montgomery (Alabama), l’Agence pour la protection de l’environnement et le Bureau de la démocratie, des droits humains et du travail étaient aussi représentés.

Le Département (fédéral) de la justice s’efforce de lutter systématiquement contre tout usage excessif de la force par la police, a souligné la délégation au cours du dialogue. Soixante procédures sont en cours dans tout le pays contre des agents qui n’ont pas respecté les droits fondamentaux des citoyens, a-t-elle indiqué, avant d’ajouter que les autorités plaident à cet égard non seulement pour des sanctions, mais aussi pour la formation des agents concernés.

Face à certaines attaques résolues contre la participation aux élections de certaines catégories de la population, le Président Biden a appelé le Congrès à adopter des lois garantissant le droit de tous d’être inscrits sur les listes électorales et de voter en toute liberté, a d’autre part indiqué la délégation.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport des États-Unis et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 3 novembre prochain.

À la demande d’une experte, le Comité a observé, au titre de l’article 6 du Pacte sur le droit à la vie, une minute de silence à la mémoire des nombreux civils victimes de conflits ces derniers jours.

 

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la Trinité-et-Tobago.

 

Examen du rapport des États-Unis

Le Comité est saisi du cinquième rapport périodique des États-Unis (CCPR/C/USA/5), établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation

Présentant le rapport de son pays, l’Ambassadrice MICHÈLE TAYLOR, Représentante auprès du Conseil des droits de l’homme à la Mission permanente des États-Unis auprès des Nations Unies à Genève, a assuré de l’attachement de son pays aux droits inscrits dans le Pacte – en particulier le droit de vote et de participation aux affaires publiques, qui n'est pas seulement nécessaire pour favoriser une société civile active et le pluralisme politique, mais aussi crucial pour assurer l'égalité de traitement devant la loi et pour relever un large éventail de défis en matière de droits de l'homme, a-t-elle souligné.  Elle a ajouté que les droits inscrits dans le Pacte étaient ceux de toutes les démocraties dignes de ce nom.

Pour preuve de l’attachement de son pays à l’application du Pacte, Mme Taylor a cité de nombreuses mesures prises en faveur des droits de la communauté LGBTQI+, dans des conditions plus qu’adverses. Le Gouvernement essaie aussi de renforcer ses liens avec les nations tribales, en veillant à ce que les politiques soient élaborées à l'issue de consultations avec les chefs tribaux, a-t-elle indiqué. Mme Taylor a mentionné d’autres initiatives en matière de santé maternelle et de droit à la santé génésique, et a souligné que l'équité et l’accès à la justice restaient au cœur des priorités du Gouvernement fédéral. Les États-Unis s'efforcent de faire progresser l’égalité pour tous les membres des minorités raciales, religieuses ou ethniques, a-t-elle affirmé. Les États-Unis luttent contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie, l'intolérance et la « suprématie blanche », a-t-elle ajouté.

Mme Taylor a enfin indiqué avoir accueilli le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste dans sa visite au centre de détention de Guantánamo. Si les États-Unis ne souscrivent pas à toutes les recommandations du rapport issu de cette visite, ils n’en espèrent pas moins qu’elles les aideront à progresser, a déclaré Mme Taylor.

Complétant cette présentation, M. JUSTIN VAIL, Assistant spécial du Président des États-Unis pour la démocratie et la participation civique, a réaffirmé l’engagement constant du Gouvernement des États-Unis en faveur de la protection et de la promotion des droits civils et politiques de toutes les personnes, tant au niveau mondial qu'au niveau national. Il a précisé que les autorités avaient cherché, en composant la délégation, à y intégrer des fonctionnaires des États et des collectivités locales, ainsi que des représentants de la société civile.

M. Vail a mis en avant les progrès réalisés à ce jour par l'Administration Biden-Harris et qui ont permis d’améliorer concrètement la vie de nombreuses personnes, même si les États-Unis reconnaissent qu'il leur reste encore beaucoup à faire. Dès le premier jour de son mandat, le Président Biden a dirigé un effort historique de l'ensemble du Gouvernement pour lutter contre le racisme systémique, a souligné l’Assistant spécial du Président. Le Gouvernement prend des mesures pour prévenir la discrimination et éliminer les inégalités persistantes dans le système de justice pénale et dans l'accès aux soins de santé, au logement et à d'autres aspects de la vie qui sont essentiels à la liberté et à la prospérité, a indiqué M. Vail.

M. Vail a par ailleurs indiqué que le Président Biden avait créé, pour la première fois à la Maison Blanche, des services chargés de l’égalité entre les sexes et de la prévention de la violence armée.

Face aux attaques contre les valeurs et les droits fondamentaux aux États-Unis, notamment les attaques contre le droit de vote lors d'élections libres et équitables, contre les droits procréatifs et contre la communauté LGBTQ+, le Gouvernement est résolu à protéger et à faire progresser les droits de l'homme, a assuré M. Vail.

Questions et observations des membres du Comité

La délégation a été priée de dire si les États-Unis envisageaient de ratifier les deux Protocoles facultatifs se rapportant au Pacte (concernant respectivement la possibilité de déposer une plainte devant le Comité et l'abolition de la peine de mort), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la Convention relative aux droits de l'enfant et celle relative aux droits des personnes handicapées.

Un expert a constaté qu’il n’existait pas aux États-Unis d’institution nationale des droits de l'homme. Le même expert a noté avec satisfaction l’adoption de la loi de 2018 portant réforme de la justice pour mineurs. Il a demandé ce qu’il en était de l'interdiction de l'emprisonnement à vie de mineurs de 17 ans sans possibilité de libération conditionnelle. L’expert a en outre fait part de préoccupations concernant la fréquence de la violence domestique aux États-Unis, qui touche de manière disproportionnée les groupes raciaux et ethniques minoritaires.

L’expert a ensuite salué l'abolition de la peine de mort dans plusieurs États fédérés depuis le précédent examen [du pays devant le Comité], ainsi que le moratoire temporaire sur les exécutions au niveau fédéral. Mais, a-t-il regretté, les condamnations à mort continuent d'être appliquées au niveau fédéral et à celui des États, sans qu'aucun progrès n'ait été réalisé en ce qui concerne la loi visant à abolir cette peine (Federal Death Penalty Prohibition Act of 2023). L’expert a aussi relayé des inquiétudes en ce qui concerne les méthodes d'exécution, en particulier les injections létales, vu le risque de douleurs atroces qu’elles induisent. De plus, les membres de groupes raciaux et ethniques minoritaires sont toujours surreprésentés dans les couloirs de la mort et il est fait état d’une discrimination raciale dans la sélection des jurys, a mis en garde l’expert.

Une experte a cité plusieurs exemples qui, à son avis, soulèvent de sérieuses inquiétudes quant au respect par les États-Unis de leurs engagements au titre du Pacte, en particulier l'omniprésence de la discrimination raciale à tous les niveaux des rencontres (contacts) avec la police.

Pour la même experte, le fait que les États-Unis ne reconnaissent pas l'applicabilité du Pacte en dehors de leur territoire a pour conséquence que de graves violations des droits de l'homme ne sont pas traitées. Le Comité, a-t-elle précisé, est à cet égard très préoccupé par les informations selon lesquelles les États-Unis se soustraient aux obligations du Pacte en transférant des personnes en dehors de leur territoire, y compris dans des centres de détention à l'étranger tels que Guantánamo.

D’autre part, a poursuivi l’experte, le recours aux frappes létales par des drones en dehors des théâtres de conflit reconnus est présumé illégal et viole plusieurs droits énoncés dans le Pacte. Ces frappes ont tué des milliers de personnes dans le monde, dont de nombreux civils, a-t-elle souligné. Elle a demandé ce qui était fait pour élaborer et rendre publique une politique de ciblage qui soit conforme au Pacte. L’experte a aussi regretté que le Gouvernement n'ait effectué aucun versement à des victimes civiles en 2020 et un seul en 2021.

D’autre part, malgré les mesures positives prises par le nouveau Gouvernement, la violence armée aux États-Unis semble atteindre des proportions épidémiques, a dit un expert.  Pour cette année 2023, au 1er octobre 2023, au moins 32 548 personnes sont mortes à cause de la violence armée aux États-Unis, dont 1096 adolescents et 230 enfants, et 527 fusillades de masse ont été recensées, a-t-il précisé, soulignant que cette violence armée touche de manière disproportionnée les personnes de couleur, les autres minorités raciales, les enfants et les femmes. L’expert a demandé si le Gouvernement entendait fixer une norme minimale, dans tout le pays, pour s'assurer que les armes à feu ne soient pas accessibles à des individus qui risquent de les utiliser à mauvais escient.

D’autre part, plus de mille personnes seraient abattues par la police chaque année, a constaté un expert, ajoutant que les Noirs et d'autres minorités raciales, les peuples autochtones et les personnes d'origine hispanique ou latine sont, ici encore, touchés de manière disproportionnée. Le Comité est informé en outre d’une pratique de profilage racial par les forces de l'ordre lors des contrôles d'identité, des interpellations et des fouilles, et d’un manque de reddition de comptes par les forces de l’ordre, a ajouté l’expert.

Le même expert a ensuite cité la contamination de l’eau par du plomb dans la ville de Flint (Michigan), estimant que cette situation était contraire à l’article 6 du Pacte, qui fait obligation aux États parties de prendre des mesures pour remédier aux conditions qui peuvent donner lieu à des menaces directes sur le droit à la vie. Dans un contexte où les changements climatiques induisent des effets tels que l’incendie qui a dévasté Lahaina, à Hawaï, en août 2023, entraînant de nombreuses victimes, une experte a demandé quelles mesures l'État partie avait prises pour assurer l'utilisation durable des ressources naturelles et pour adopter une approche de précaution afin de protéger les personnes, y compris les plus vulnérables, des effets négatifs des changements climatiques et des catastrophes naturelles.

Une autre experte a dit reconnaître les mesures prises par les États-Unis pour lutter contre le racisme et la discrimination, mais a ajouté que la réalité quotidienne semblait très dure. Elle a ainsi fait état d’une surreprésentation en détention des personnes d'ascendance africaine et des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques. Le Comité, a-t-elle ajouté, est aussi préoccupé par l'augmentation générale de la détention provisoire, avec ici encore une surreprésentation des accusés noirs (43%) et hispaniques (19,6%) par rapport à leur part dans la population totale.

Le Comité constate d’autre part qu'au niveau fédéral, diverses mesures ont été prises pour promouvoir la non-discrimination à l’égard de la communauté LGBT, a poursuivi la même experte. Mais, dans les faits, les femmes, les personnes de couleur, les personnes handicapées, les populations autochtones et les LGBT restent confrontés à une discrimination intersectionnelle. De plus, les personnes LGBT et les personnes transgenres sont victimes d'une violence excessive, dont les auteurs sont non seulement des particuliers, mais aussi des agents des forces de l'ordre ou des gardiens de prison.

Une experte a rappelé les inquiétudes qui ont été exprimées après l’arrêt de la Cour suprême constituant « un revers majeur après cinq décennies de protection de la santé et des droits sexuels et génésiques aux États-Unis grâce à l'arrêt Roe contre Wade ». L’experte a demandé ce que le Gouvernement ferait pour empêcher l'introduction de nouvelles interdictions et restrictions dans l'accès à l'avortement et pour garantir l'accès à un avortement sûr et légal. En criminalisant l'avortement, de nombreux États fédérés contreviennent directement à l'Observation générale n°36 du Comité sur le droit à la vie, a constaté une autre experte.

D’autres préoccupations ont été exprimées s’agissant de la criminalisation du sans-abrisme aux États-Unis ; de la misogynie qui prévaut dans l’armée américaine ainsi que la discrimination, du harcèlement sexuel et des agressions dont y seraient victimes les soldats transgenres ; de la poursuite de la politique de séparation des familles de migrants, malgré la proclamation présidentielle 10141 (2021), Ending Discriminatory Bans on Entry to the United States ; ou encore du taux de mortalité maternelle aux États-Unis, qui est le plus élevé parmi les pays riches.

Le fait d’empêcher une femme d’accéder à un avortement légal et sûr est une violation du droit à la vie de cette femme, a insisté une experte du Comité. Il ne suffit pas de protéger le droit des femmes concernées à la confidentialité, a ajouté l’experte : il faut interdire la criminalisation des femmes qui veulent avorter et des personnes qui les aident à avorter.

Des préoccupations ont par ailleurs été exprimées quant à la sous-représentation des minorités raciales et ethniques dans le pouvoir judiciaire aux États-Unis, et quant à l’efficacité des mesures déjà prises contre la violence par armes à feu.

Plusieurs questions ont porté sur les suites judiciaires données au programme de « transfèrement extrajudiciaire » (rendition) mené en son temps par la CIA.

Plusieurs questions ont porté sur la répression de la torture aux États-Unis et sur les conditions de détention dans les prisons. Il a été rappelé que, selon le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, le traitement des détenus à Guantánamo Bay constitue « un traitement cruel, inhumain et dégradant permanent » et peut également « atteindre le seuil légal de la torture ». 

D’autres questions de membres du Comité ont porté sur la criminalisation des victimes de la traite des êtres humains, sur l’exploitation au travail de personnes entrées aux États-Unis avec des visas de travail temporaire et sur le fait que les personnes incarcérées soient parfois contraintes au travail forcé.

En ce qui concerne la participation à la vie politique, un expert a pointé le risque de violation de l’article 25 du Pacte posé par le manque de transparence dans le financement des campagnes électorales. Une experte a relevé que 19 États appliquaient des mesures qui empêchent la participation des électeurs à faible revenu, des personnes d'ascendance africaine, d'origine hispanique ou latino, et des peuples autochtones, y compris les restrictions au vote par correspondance et le « charcutage » des circonscriptions électorales (gerrymandering).

Un autre expert s’est dit préoccupé par la criminalisation des migrants en situation irrégulière aux États-Unis et par la détention d’immigrants sans procédure régulière. Des informations font état d'un usage excessif de la force par les gardes frontière, entraînant la perte de vies humaines, le profilage racial, des interpellations et des fouilles illégales, ainsi que des mauvais traitements infligés aux migrants à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, a signalé l’expert.

Concernant la liberté d’expression, il a été relevé qu’aucune loi fédérale ne protégeait les journalistes contre des enquêtes ou une surveillance indues et que, en 2022, 57% des 12 000 journalistes en activité aux États-Unis se déclaraient très ou extrêmement préoccupés par les restrictions à la liberté de la presse. Le problème du harcèlement de la presse par des politiciens de haut niveau a aussi été évoqué.

Le Comité a constaté d’autre part que 11 000 crimes de haine ont été commis aux États-Unis en 2022, soit le nombre le plus élevé depuis que le FBI a commencé à publier des données à ce sujet, en 1991, a souligné une experte, avant de préciser que ces crimes visaient principalement les Noirs, mais aussi les personnes LGBTQ+ et les musulmans américains. Les groupes extrémistes qui prônent la supériorité de la race blanche sont les principaux responsables de l'extrémisme violent aux États-Unis, a ajouté cette même experte. Rappelant que les États-Unis ont émis une réserve à l'égard de l’article 20 du Pacte, interdisant « tout appel à la haine […] qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence », l’experte a voulu savoir si le Gouvernement envisageait de légiférer pour interdire les discours de haine et de supprimer cette réserve.

Des préoccupations ont en outre été exprimées s’agissant de l’inculpation de manifestants autochtones et de militants écologistes en vertu de lois qui alourdissent considérablement les peines encourues pour la participation à des manifestations en faveur de l'environnement et de la justice climatique.

Si le Comité se félicite de l'adoption d'une législation concernant les Indiens d'Amérique et les autochtones de l'Alaska disparus et assassinés, il reçoit toujours des informations sur de nombreux cas de violence à l'encontre de femmes autochtones et sur l’impunité des auteurs de ces actes, a par ailleurs souligné une experte.

Enfin, s’agissant du conflit israélo-palestinien, un expert a demandé si, grâce au Président Biden, un cessez-le-feu serait déclaré et des couloirs humanitaires ouverts à Gaza.

Réponses de la délégation

Concernant le système de justice pénale, la délégation a déclaré que le Gouvernement entendait, à titre de priorité, y réduire les effets de la discrimination raciale et du racisme systémique. La Commission chargée des peines a mené enquête et constaté que les hommes noirs étaient sanctionnés plus souvent et plus durement que les hommes blancs. Le Gouvernement a donc enjoint aux parquets de limiter le recours aux peines planchers (peines minimales) et de revoir le système de poursuite pour possession de stupéfiants. Des réductions de peine ont été recommandées pour les personnes astreintes à des peines inhabituellement longues et d’autres mesures sont prises en vue de l’élargissement anticipé de détenus atteints de troubles mentaux.

Le Gouvernement a aussi pris des mesures pour réduire les interventions de police au sein des écoles et interdire le traitement disciplinaire différencié au détriment des élèves noirs.

L’accès de tous à la justice civile et pénale est l’une des priorités de l’actuel Procureur général des États-Unis, a précisé la délégation.

La délégation a rappelé que le Département de la justice avait été créé il y a 200 ans pour faire respecter les droits des Noirs victimes de crimes de haine. Elle a constaté que de nombreuses victimes de ces crimes ne dénoncent pas les crimes dont elles sont victimes. Il a été recouru à plusieurs reprises aux autorités chargées des poursuites pour juger et faire condamner les auteurs de massacres racistes, a souligné la délégation, citant plusieurs affaires jugées récemment. Les efforts déployés dans ce domaine consistent aussi à aider les autorités locales à lutter contre ce problème grave.

Le Gouvernement fédéral, par l’intermédiaire du Department of Homeland Security (Département de la sécurité intérieure), attache une grande importance aux conditions de détention, y compris s’agissant de l’hygiène, de la discrimination subie par les personnes détenues ou encore de l’utilisation injustifiée de la force, a poursuivi la délégation.  Les autorités examinent toutes les plaintes, a-t-elle assuré.

Le Département (fédéral) de la justice s’efforce en outre de lutter systématiquement contre tout usage excessif de la force par la police, dont un exemple tragique est la mort de George Floyd, dont les responsables ont été jugés. Soixante procédures sont en cours dans tout le pays contre des agents qui n’ont pas respecté les droits fondamentaux des citoyens, a indiqué la délégation. Les autorités plaident à cet égard non seulement pour des sanctions, mais aussi pour la formation des agents concernés. La délégation a fait état d’expériences réussies à cet égard, avec une réduction d’un tiers des violences policières dans certains cas. Elle a mentionné d’autres mesures telles que le port obligatoire d’une caméra par les agents, toujours pour lutter contre les pratiques policières contraires aux droits constitutionnels.

De même, le profilage racial est inconstitutionnel aux États-Unis, a précisé la délégation. Dans le cadre de la réforme de justice pénale, le profilage est mentionné comme inacceptable et des procédures alternatives, respectueuses de la Constitution, sont recommandées aux agents.

Beaucoup de travail reste à accomplir pour remédier à l’usage excessif de la force et à la discrimination dans le ciblage de certaines personnes par la police, a admis la délégation. Le Gouvernement entend ici faire respecter les droits civils de toute la population, a-t-elle assuré.

La délégation a décrit les mesures prises par la municipalité de Montgomery (֤État de l’Alabama) en vue de transformer l’action de la police, citant en particulier la réduction du nombre des incarcérations, l’obligation faite aux policiers de rendre compte de leurs actes, l’organisation de formation contre les préjugés et la prise en compte de l’avis des leaders communautaires dans la réforme du maintien de l’ordre.

La délégation a en outre mentionné des initiatives menées dans l’État du Nevada pour remédier au problème de la surreprésentation des Noirs et des autochtones dans les prisons et dans le système de justice pénale en général. Elle a indiqué que plus de 500 millions de dollars seront ainsi investis dans différents programmes, y compris la formation des agents à la manière de réagir aux situations impliquant des personnes atteintes dans leur santé mentale.

Quant au Department of Homeland Security (Département de la sécurité intérieure), a ajouté la délégation, il a édicté des protocoles régissant l’emploi de la force par ses agents et comprenant aussi des instructions sur la manière de documenter les incidents et sur l’obligation d’en rendre compte.

Les autorités fédérales ne sont pas toutes puissantes mais continueront à lutter contre le racisme et les préjugés, a insisté la délégation. 

Les autorités fédérales ont pris différentes mesures pour assurer la protection des LGBTIQ+ contre la discrimination et contre les stéréotypes colportés à leur encontre par la désinformation, a poursuivi la délégation. Près de 600 personnes au Gouvernement fédéral sont chargées de protéger les LGBTIQ+ contre la discrimination, y compris la discrimination contre les jeunes non binaires à l’école, a-t-il été précisé.

Le Département (fédéral) de la justice s’engage en outre à veiller à ce que les droits constitutionnels des personnes LGBTIQ+ soient effectivement respectés. Il a écrit pour cela aux procureurs des États afin de leur rappeler leurs obligations dans ce domaine, et a assigné en justice plusieurs États qui entendaient promulguer des lois contrevenant à ces mêmes obligations, a fait savoir la délégation.

Des réflexions et évaluations sont en cours sur la manière de tenir compte des besoins des personnes transgenres en détention ainsi que de leurs besoins sur le marché du logement, où elles sont victimes de discrimination, a aussi précisé la délégation.

« Le harcèlement sexuel gangrène les forces armées », a ajouté la délégation, précisant que le Département de la défense réagissait fortement à cet état de fait : il a en particulier désigné des procureurs militaires spécialisés dans ce type de délits et mène des campagnes de formation et de sensibilisation.

Pour le Gouvernement fédéral, « le droit de choisir » est un droit essentiel, a poursuivi la délégation : le Gouvernement s’efforcera donc de convaincre le Congrès d’adopter une loi allant dans le sens de l’arrêt Roe contre Wade. Entre-temps, le Gouvernement fédéral s’emploie en particulier à faire respecter le droit à la confidentialité des femmes qui veulent avorter et à améliorer la santé maternelle avant et après l’avortement. Le Département de la justice contrôle dans le même temps l’application de la loi dans les États fédérés afin de contrecarrer toute violation du droit d’accès à la santé génésique, a dit la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Président avait récemment invité, par décret, les autorités des États fédérés à identifier tout danger à l’environnement posé par leurs pratiques. Dans le même temps, l’Agence fédérale de l’environnement porte son attention sur la mise à disposition de ressources en eau salubres et pérennes, plusieurs actions au niveau des infrastructures ayant été lancées en partenariat avec le secteur privé, a ajouté la délégation.

Par son décret 10141, le Président Biden est revenu sur certaines restrictions aux voyages de ressortissants de certains pays vers les États-Unis et sur les conditions d’obtention des visas y relatifs, a précisé la délégation. Les demandes déboutées par le passé ont pu être soumises à nouveau. Le Gouvernement est attaché à la non-discrimination dans ce domaine également, a souligné la délégation. Pour favoriser l’unité familiale mise à mal par un précédent gouvernement, les autorités fédérales ont pris des mesures visant à favoriser le regroupement des familles, a-t-elle ajouté. S’il doit y avoir séparation, elle doit se faire à des conditions particulières, et le Gouvernement entend que les situations en suspens soient réglées sous peu.

La délégation a fourni un certain nombre d’explications sur la manière dont les autorités veillent au respect des garanties procédurales des migrants. Toute personne qui déclare risquer, en cas d’expulsion vers un pays tiers, de subir des mauvais traitements peut demander un examen de son cas au service des douanes et de l’immigration, a-t-elle notamment précisé. Elle a par ailleurs indiqué que quatre-vingts enfants migrants séparés de leur famille étaient encore répertoriés dans la base de données officielle ; et qu’une enquête avait été ouverte pour faire la lumière sur le décès d’une petite fille gardée par la police des frontières – un cas évoqué par une experte du Comité.

Concernant Guantánamo, la délégation a fait part de la volonté de son Gouvernement de fermer, à terme, ce lieu de détention. En attendant, le Gouvernement veille à y assurer des conditions de détention dignes et sûres. Les personnes qui y sont détenues sont petit à petit rapatriées vers leurs pays d’origine ou, si ce n’est pas possible, vers des pays tiers.  La délégation a par la suite insisté sur le fait que le Gouvernement actuel veillerait, avant de fermer progressivement l’installation de Guantánamo, à ce que les conditions de détention y soient sûres et humaines, et que les trente détenus bénéficient des soins dont ils ont besoin.

Les États-Unis respectent le principe de non-refoulement et ne transfèrent personne vers un pays où la personne risquerait de subir des mauvais traitements voire des actes de torture, a assuré la délégation. Elle a mis en avant la transparence qui a entouré la visite du Rapporteur spécial à Guantánamo mais a indiqué que son pays n’était pas d’accord avec certaines des conclusions de l’expert.

Les États-Unis mènent des frappes ciblées hors de leur territoire pour prévenir la commission d’actes terroristes, une pratique légitimée par le droit international, a affirmé la délégation.  De même, l’usage de drones est conforme au droit de la guerre, a-t-elle déclaré. Toutes ces mesures sont encadrées par un « mémorandum » général relatif à la lutte contre le terrorisme qui a été rendu public, a-t-elle ajouté.

Les États-Unis veillent à limiter le nombre de victimes civiles dans leurs opérations à l’extérieur, et ils appliquent pour cela des règles plus contraignantes encore que les dispositions générales du droit de la guerre, a insisté la délégation.

Une autre priorité de l’administration Biden-Harris est la lutte contre la violence par armes à feu, a par ailleurs souligné la délégation. Les autorités misent sur l’interdiction de la vente d’armes de guerre, le traçage des armes, l’interdiction de l’achat d’armes par des personnes réputées dangereuses et la sécurisation des écoles et des communautés, a-t-elle précisé. Le Gouvernement s’efforce actuellement de faire passer au Congrès un projet de loi bipartisan sur cette question, a fait savoir la délégation.

Les États-Unis ne disposent pas d’une institution nationale de droits de l’homme, mais de nombreuses institutions, tant au niveau fédéral qu’à celui des États fédérés, qui remplissent des fonctions en matière de protection des droits de l’homme, a expliqué la délégation.

La délégation a déclaré que le Président Biden avait fait de la préservation de la démocratie la pierre angulaire de sa présidence. C’est pourquoi, face à certaines attaques résolues contre la participation aux élections de certaines catégories de la population, il a appelé le Congrès à adopter des lois garantissant le droit de tous d’être inscrits sur les listes électorales et de voter en toute liberté. La délégation a présenté des mesures prises par des États fédérés et des municipalités pour garantir le respect du droit vote, considéré comme la clef de voûte de la démocratie, y compris l’enregistrement automatique dans les listes électorales, le rétablissement des anciens détenus dans leurs droits civiques ou encore l’interdiction du « charcutage » électoral.

Le Président a aussi pris des dispositions pour remédier aux violences faites aux peuples autochtones, a poursuivi la délégation. Elle a par ailleurs affirmé la volonté du Gouvernement fédéral de respecter son obligation de consulter les nations tribales et de mieux financer les programmes qui leur sont destinés. Le Gouvernement a aussi créé une commission fédérale regroupant des dirigeants et chefs de tribu pour évoquer les questions en lien avec, notamment, la souveraineté des tribus et leur développement.

La délégation a en outre fait part des mesures prises par le Gouvernement pour remédier au problème de la traite et du travail forcé aux États-Unis, mesures axées sur la prévention, la recherche et la protection des victimes, et les sanctions. D’autres initiatives ont été mentionnées relatives à la protection des « travailleurs non immigrés » au bénéfice de visas temporaires (H-2A et H-2B) contre l’exploitation.  Un site d’information en espagnol a été créé décrivant les droits de ces travailleurs, a notamment indiqué la délégation.

La délégation a ensuite rappelé que les États-Unis avaient déjà présenté treize rapports périodiques au titre de la Convention n°105 (1957) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur l’abolition du travail forcé. 

M. Biden a promis qu’il serait le Président le plus favorable aux syndicats et qu’il défendrait le droit de tous les travailleurs de se syndiquer, a ajouté la délégation en réponse à d’autres questions d’experts du Comité portant sur le droit à la liberté d’association aux États-Unis.

 

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