Aller au contenu principal

Examen de l’Allemagne au CRPD : des experts du Comité évoquent une « ségrégation » des personnes handicapées

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits des personnes handicapées (CRPD) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par l’Allemagne au titre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Pendant l’examen, il a été regretté que l'Allemagne continue d'entretenir des conceptions du handicap qui se traduisent par des réponses juridiques et politiques qui maintiennent et encouragent la ségrégation, de même qu’une approche de la prise en charge, du traitement et de la protection qui limite les droits des personnes handicapées au lieu de faciliter l’exercice de ces droits.

Des experts du Comité ont ainsi constaté que les personnes handicapées sont souvent mises à part en Allemagne, notamment au sein du système scolaire et du marché du travail. La ségrégation, a regretté un expert, semble en effet être perçue comme un moyen « d'adapter les dispositions sociétales établies » aux besoins particuliers des personnes handicapées, une perception qui va à l’encontre des principes fondamentaux de la Convention, a ajouté cet expert.

D’autres préoccupations ont été exprimées s’agissant du placement de personnes handicapées dans des centres psychiatriques, où, a-t-il été affirmé, elles peuvent être soumises à des traitements forcés ou enfermées de force ; du manque de logements sociaux accessibles aux personnes handicapées au niveau fédéral ; ou encore de la prise de décision par substitution, au nom des personnes handicapées. La nécessité de procéder à des aménagements raisonnables dans le secteur privé a été soulignée.

Un expert a regretté que, selon des informations reçues par le Comité, la mise en œuvre du Plan d’action sur le handicap soit reléguée à un simple ensemble de mesures non contraignantes, doté d’un budget insuffisant. De même, il a été fait état de difficultés dans l’application concrète de la loi fédérale sur la participation, qui est favorable à la désinstitutionalisation : l’accès aux soins à domicile est souvent refusé au profit du placement en institution, a notamment relevé une experte.

Présentant le rapport de son pays, M. Rolf Schmachtenberg, Secrétaire d’État au Ministère du travail et des affaires sociales de l’Allemagne, a déclaré que, depuis 2015, le paradigme avait changé avec une approche du handicap centrée sur l’individu et les droits de l’homme, le terme handicap ayant aussi été redéfini afin qu’il soit conforme à la Convention. La réforme du droit de vote a aboli l’interdiction de vote pour certaines personnes handicapées, a en outre souligné M. Schmachtenberg.

De plus, les autorités prennent en compte la sensibilité et les besoins des personnes handicapées. D’autre part, l’accès aux médicaments et à la participation a également été amélioré et une initiative fédérale prévoit l’amélioration de l’accessibilité dans le domaine du logement, du transport et de la santé, a relevé M. Schmachtenberg. L’Allemagne travaille aussi à l’inclusion sur le marché du travail : elle a ainsi revu la loi sur les quotas obligatoires de personnes handicapées, qui prévoit maintenant des sanctions contre les entreprises qui ne s’y conformeraient pas, a indiqué le Secrétaire d’État.

Après cette présentation, M. Jürgen Dusel, Commissaire du Gouvernement fédéral pour les questions relatives aux personnes handicapées, a estimé que les observations finales du Comité de 2015 avaient eu des effets positifs en Allemagne. Cependant, a-t-il indiqué, il reste des domaines où les progrès ont été minimes ou nuls, notamment l’accessibilité, la participation à la vie active et l’éducation inclusive. Le Commissaire a relevé que les cabinets médicaux et les cliniques de réadaptation sont souvent inaccessibles en raison de l’absence d’obligations légales, ce qui conduit à une prestation de santé moins bonne pour les personnes handicapées.

Pour sa part, Mme Britta Schlegel, représentante du Mécanisme de suivi indépendant de l’Institut allemand des droits de l'homme, a estimé que quatorze ans après l’entrée en vigueur de la Convention en Allemagne, il n’y a pas eu de véritable changement de paradigme vers l’inclusion et l’autodétermination, le pays disposant ainsi toujours d’un système très développé de structures séparées : six enfants handicapés sur dix sont encore scolarisés dans des écoles spéciales ; plus de 300 000 personnes travaillent dans des ateliers protégés ; et près de 200 000 personnes handicapées vivent dans des établissements résidentiels, a regretté la représentante.

La délégation allemande était également composée de Mme Katharina Stasch, Représentante permanente de l’Allemagne auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de très nombreux représentants des Ministères fédéraux du travail et des affaires sociales ; des affaires étrangères ; de la justice ; de la santé ; et de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse. Le Parlement fédéral et les autorités de plusieurs Länder étaient aussi représentés.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Allemagne et les publiera à l’issue de sa session, le 8 septembre prochain.

 

Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Comité examinera le rapport du Paraguay.

 

Examen du rapport de l’Allemagne

Le Comité est saisi du document combinant les deuxième et troisième rapports périodiques de l’Allemagne (CRPD/C/DEU/2-3), établi sur la base d’une liste de points à traiter préalablement adressée au pays par le Comité. 

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. ROLF SCHMACHTENBERG, Secrétaire d’État au Ministère du travail et des affaires sociales de l’Allemagne, a déclaré que la Convention est devenue une référence pour l’Allemagne et que son Gouvernement était très engagé à inclure toutes les personnes handicapées dans toutes les sphères de la vie. L’Allemagne estime pouvoir être fière de son parcours car le pays a beaucoup avancé depuis quatorze ans et la remise du rapport initial devant le Comité, a dit le chef de la délégation. De nombreux projets ont été introduits pour améliorer la participation et l’inclusion des personnes handicapées, a-t-il souligné.

M. Schmachtenberg a indiqué que depuis 2015, le paradigme a changé avec une approche du handicap « droits de l’homme » centrée sur l’individu. Le terme handicap a ainsi été redéfini afin qu’il soit conforme à la Convention. Les autorités prennent en compte la sensibilité et les besoins des personnes handicapées. L’accès aux médicaments et à la participation a également été amélioré. La réforme du droit de vote a aboli l’interdiction de vote pour certaines personnes handicapées, a en outre souligné M. Schmachtenberg.

S’agissant de la lutte contre la violence, l’Allemagne s’efforce de tout faire pour protéger les personnes concernées, a poursuivi le Secrétaire d’État. Le Gouvernement a ainsi pris une mesure très importante : les institutions ont désormais l’obligation de se doter de lignes directrices contre la violence. S’agissant de la tutelle, depuis le 1e janvier 2023, un système de prise de décision assistée a mis fin à cette pratique, a expliqué le chef de la délégation.

Une initiative fédérale prévoit l’amélioration de l’accessibilité dans les domaines du logement, du transport et de la santé, a poursuivi M. Schmachtenberg. Pour y parvenir, les autorités ont l’intention de modifier la loi sur l’égalité des chances. L’Allemagne travaille aussi à l’inclusion sur le marché du travail : elle a ainsi revu la loi sur les quotas obligatoires de personnes handicapées, qui prévoit maintenant des sanctions contre les entreprises qui ne s’y conformeraient pas.

Le chef de la délégation a enfin indiqué que les personnes handicapées participent aux consultations de l’ensemble des mesures qui les concernent.

Après cette présentation, M. JÜRGEN DUSEL, Commissaire du Gouvernement fédéral pour les questions relatives aux personnes handicapées, a déclaré que les observations finales du Comité de 2015 avaient eu des effets positifs sur de nombreux processus législatifs en Allemagne. Cependant, a-t-il indiqué, il reste des domaines où les progrès ont été minimes ou nuls, notamment l’accessibilité, la participation à la vie active et l’éducation inclusive.

S’agissant de l’accessibilité, le Commissaire a relevé que le manque d’accès est particulièrement frappant dans le système de santé. En particulier, les cabinets médicaux et les cliniques de réadaptation sont souvent inaccessibles en raison de l’absence d’obligations légales. Cela conduit souvent à une prestation de santé moins bonne pour les personnes handicapées. D’autre part, le manque de logements accessibles freine la désinstitutionnalisation, a relevé M. Dusel. Les personnes handicapées restent exclues en raison d’un manque d’accessibilité dans les entreprises, les transports publics locaux et longue distance, ainsi que dans les zones de loisirs telles que les restaurants, les théâtres, les cinémas et les installations sportives.

De plus, malgré certains efforts déployés ces dernières années pour améliorer la participation des personnes handicapées à la vie active, la situation n’a pas changé de manière significative depuis 2015. Le taux de chômage des personnes handicapées est presque deux fois plus élevé que celui des personnes non handicapées, a fait observer M. Dusel.

S’agissant de l’éducation inclusive, M. Dusel a indiqué que les données démontrent que plus de la moitié de tous les élèves ayant des besoins spéciaux sont scolarisés dans des écoles spécialisées : l’écrasante majorité de ces élèves quittent l’école sans certificat de fin d’études reconnu, a-t-il déploré.

Enfin, Mme Britta Schlegel, représentante du Mécanisme de suivi indépendant de l’Institut allemand des droits de l'homme, a relevé que depuis l’adoption des dernières observations finales du Comité en 2015, certains progrès ont été accomplis dans la mise en œuvre de la Convention. Il s’agit notamment de réformes juridiques importantes telles que la suppression des exclusions du droit de vote, une réforme de la loi sur la tutelle ou l’introduction de services d’assistance centrés sur la personne dans le catalogue des prestations de sécurité sociale. Néanmoins, il existe encore d’importants déficits de mise en œuvre concernant ces règlements et d’autres, a-t-elle relevé.

Au total, quatorze ans après l’entrée en vigueur de la Convention en Allemagne, il n’y a pas eu de véritable changement de paradigme vers l’inclusion et l’autodétermination, a-t-elle déploré.

L’Allemagne dispose ainsi toujours d’un système très développé de structures séparées, a également regretté Mme Schlegel : ainsi, 6 enfants handicapés sur 10 sont encore scolarisés dans des écoles spéciales ; plus de 300 000 personnes travaillent dans des ateliers protégés ; et près de 200 000 personnes handicapées vivent dans des établissements résidentiels.

Le principe de l’autodétermination des personnes handicapées est remis en question dans plusieurs domaines, a poursuivi Mme Schlegel, mentionnant des mesures coercitives employées dans les soins psychiatriques ou de contention physique dans les établissements résidentiels.  Mme Schlegel a aussi pointé le manque de foyers d’accueil pour les femmes handicapées victimes de violence, de même que le manque de formation des policiers à la prise en charge de ces femmes.

Enfin et « surtout », il n’existe pas de procédures contraignantes ni de normes minimales pour la participation des personnes handicapées au gouvernement, que ce soit au niveau fédéral, au niveau des Länder ou au niveau local, a regretté Mme Schlegel.

Questions et observations des membres du Comité

M. MARKUS SCHEFER, rapporteur du groupe de travail chargé d’examiner plus avant le rapport de l’Allemagne, a constaté que les personnes handicapées sont souvent mises à part en Allemagne, que ce soit au sein du système scolaire ou du marché du travail. La ségrégation semble en effet être perçue comme un moyen « d'adapter les dispositions sociétales établies » aux besoins particuliers des personnes handicapées, a précisé l’expert, estimant que cette perception allait à l’encontre des principes fondamentaux de la Convention. En effet, ségréguer les enfants et les adultes revient à renier leur dignité en tant qu’êtres humains égaux, a-t-il insisté : et « quel autre pays peut-il comprendre cela mieux que l’Allemagne », elle dont la Loi fondamentale mentionne la dignité de l’être humain dans son premier article, s’est interrogé M. Schefer ?

La question se pose de savoir si le Gouvernement comprend vraiment le but fixé par la Convention, alors que même que l’on constate en Allemagne des tentatives pour « redéfinir du sens de l’inclusion en intégrant des éléments de ségrégation dans la vision d’une société inclusive », a ajouté M. Schefer.

S’agissant du « fonds pour la participation », il a indiqué que selon certaines informations reçues, ce mécanisme est gangréné par l’administration. L’expert a demandé quelles mesures concrètes étaient prises pour permettre la participation des personnes handicapées.

M. Scheffer a aussi demandé ce que comptait faire l’Allemagne pour imposer les aménagements raisonnables dans le secteur privé, et pourquoi le Ministère de la justice n’avait pas encore rédigé des règles sur l’accessibilité.

L’expert a par ailleurs regretté que très peu de logements sociaux soient accessibles aux personnes handicapées au niveau fédéral et a demandé quelles mesures avaient été prises pour rendre les transports publics accessibles à ces personnes.

Une autre experte a indiqué que la ségrégation était la conséquence des préjugés sociaux, les personnes handicapées étant vues comme « anormales ». La tâche du Comité est de lutter contre cet état d’esprit.

L’experte a en outre relevé que même si le régime de tutelle a été revu, la loi permet encore le refus de la capacité juridique. Ainsi la prise de décision par substitution n’est pas abolie à 100%, a-t-elle regretté.

Les personnes handicapées placées dans des centres psychiatriques sont encore soumises à des traitements forcés ou enfermées de force, ce qui pourrait s’assimiler à des actes de torture, a ensuite mis en garde l’experte. À cet égard, la nécessité invoquée de « protéger » les personnes handicapées peut en réalité les exposer à des risques plus grands et à long terme, a-t-elle souligné. Elle s’est enquise des mesures prises pour empêcher l’enfermement indéfini des personnes handicapées dans des institutions, et a souhaité savoir si le Mécanisme national de prévention de la torture se rendait dans ces établissements.

L’experte a aussi indiqué que de nombreuses informations reçues par le Comité font état de difficultés dans l’application concrète de la loi fédérale sur la participation, qui est favorable à la désinstitutionalisation. Beaucoup de personnes handicapées sont toujours forcées à entrer ou rester dans des institutions, a-t-elle insisté, déplorant que l’accès aux soins à domicile soit souvent refusé au profit du placement en institution.

L’experte a en outre regretté que, selon certaines informations, l’Allemagne n’ait pas totalement interdit la stérilisation des personnes handicapées.

L’experte a par ailleurs relayé des allégations parvenues au Comité selon lesquelles les personnes handicapées éprouvent des difficultés à accéder à la justice faute d’aménagements raisonnables tels que témoignage par vidéo, sous-titrage ou encore interprétation en langue des signes.

Un expert s’est enquis des efforts déployés pour appliquer le modèle de prise de décision autonome et libre par les personnes handicapées et pour remplacer la décision par substitution.

Un expert a jugé positive l’augmentation des prestations sociales en faveur des personnes handicapées, mais a relevé que 30% de ces personnes sont toujours confrontées au risque de tomber dans la pauvreté.

Plusieurs experts ont insisté sur le fait que les personnes handicapées devaient être intégrées aux prises de décision les concernant et leurs avis être entendus par les autorités.

Des experts ont relevé que les personnes handicapées n’avaient en réalité pas le choix de vivre ou non dans des institutions fermées. De même, il a été observé que si certains parents décident de scolariser leurs enfants handicapés dans des écoles spéciales, c’est parce que les aménagements nécessaires n’existent pas dans les écoles générales.

Un expert a rappelé que la Convention s’appliquait à l’ensemble du territoire des États parties, y compris quand ces États ont une structure fédérale.

Plusieurs questions ont porté sur l’accès des femmes et des filles handicapées aux services de santé sexuelle et procréative ; sur l’intégration dans le marché du travail des personnes handicapées employées dans des ateliers protégés ; sur le soutien apporté aux personnes handicapées qui demandent asile en Allemagne ; ou encore sur l’information donnée aux personnes handicapées pendant la pandémie de COVID-19.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que l’Allemagne était un État providence depuis très longtemps. Dans ce contexte, l’article premier de la Constitution, relatif à l’égalité, est très précieux, a-t-elle souligné. Les tribunaux prennent en compte ce principe de l’égalité et de la non-discrimination, a-t-elle assuré. De plus, la Cour constitutionnelle prend de plus en plus souvent en compte les dispositions de la Convention dans ses jugements : elle l’a fait à 16 reprises depuis 2015, a précisé la délégation.

Il y a un contrôle fort à plusieurs niveaux de l’État pour éviter les discriminations contre les personnes handicapées, a poursuivi la délégation. Le contrôle juridique est du ressort de la Cour constitutionnelle. La Loi sur l’égalité des chances pour les personnes handicapées permet aux personnes handicapées de saisir les services d’arbitrages au niveau communal, comme au niveau des Länder et à celui de l’État fédéral, a précisé la délégation.

La délégation a insisté sur le fait que le terme « inclusion » tel qu’il est utilisé dans la législation allemande est interprété de la même façon que dans la Convention.

Elle a en outre précisé que les Länder étaient tenus de respecter la Convention au même titre que l’État fédéral.

En Allemagne, de nombreux comités consultatifs de personnes handicapées participent au processus d’élaboration des lois. Les organisations de la société civile participent aussi aux consultations.

La délégation a fait valoir que les prestations pour les personnes handicapées allaient augmenter sensiblement l’année prochaine.

S’agissant de la « ségrégation », la délégation a souligné que la Loi fédérale sur la participation avait changé l’approche du handicap. La loi prévoit que ce sont les situations individuelles qui sont maintenant prises en compte. Le changement de paradigme ne s’est pas réalisé à 100% mais il est en « bonne voie », a affirmé la délégation.

Dans le domaine du travail, les entreprises qui ont plus de vingt employés doivent engager des personnes handicapées. Aujourd’hui, l’Allemagne compte le taux d’emploi de personnes handicapées le plus élevé de son histoire. Il y a des sanctions pour les employeurs qui ne respectent pas les prescriptions en la matière. Les employeurs peuvent obtenir des subventions pour faciliter l’emploi des personnes handicapées. Des ateliers sont aussi prévus pour accueillir les travailleurs handicapés. L’idée des autorités est de scinder désormais les formations professionnelles des ateliers pour permettre ainsi à ces personnes d’augmenter leurs chances sur le marché du travail.

S’agissant de l’éducation, la délégation a indiqué que le principe de l’éducation inclusive était reconnu dans tous les Länder. L’inclusion se fait à tous les niveaux, des programmes d’études à la formation des enseignants. Certains Länder continuent d’avoir des écoles spécialisées, estimant qu’elles ne vont pas à l’encontre des dispositions de la Convention ; d’autres les ont abolies, a précisé la délégation. Cependant, tous les Länder dispensent aujourd’hui aux enseignants des formations sur les besoins des élèves handicapés.

Les écoles sont de la responsabilité exclusive des Länder, le Gouvernement fédéral n’ayant aucun pouvoir dans ce domaine, a rappelé la délégation. Cependant, le Gouvernement central finance des programmes d’inclusion, peut renforcer les infrastructures pédagogiques municipales et coopère avec les Länder à la numérisation de l’éducation.

S’agissant de l’accessibilité dans le domaine privé, la délégation a indiqué que l’Allemagne menait une politique qui vise à parvenir à l’inclusion dans toutes les sphères de la société. De ce fait, l’Allemagne considère que l’inclusion est un objectif interministériel. La loi sur l’égalité des chances pour les personnes handicapées impose à tous les services publics d’être accessibles. Cela ne concerne aujourd’hui que la sphère publique, mais la volonté du Gouvernement est d’élargir cette obligation d’aménagements raisonnables à la sphère privée.

La délégation a indiqué que l’Allemagne souhaitait atteindre l’objectif d’accessibilité sur le long terme, au-delà de la présente législature. Il y a quatre priorités : logement, monde numérique, mobilité et soins de santé. La délégation a reconnu un goulot d’étranglement en Allemagne concernant les logements, un problème qui touche tous les citoyens et plus particulièrement les personnes handicapées, et qui entrave le processus de désinstitutionalisation.

Dans le domaine judiciaire, la loi impose que la communication avec les personnes sourdes et malentendantes se fasse en tenant compte de leurs besoins, y compris avec des moyens techniques adaptés ou par l’intermédiaire de tiers, a-t-il été précisé.

La délégation a en outre indiqué que des budgets conséquents avaient été débloqués pour construire de nouveaux logements sociaux accessibles.

S’agissant des transports publics, la délégation a indiqué que l’accessibilité incombait à l’État fédéral et aux Länder, lesquels ont pris de nombreuses mesures pour rendre les bus ou le transport ferroviaire accessibles, y compris en aménageant les arrêts de bus, trottoirs et autres.

La Loi sur la participation ne permet plus de réfléchir en termes de placement des personnes handicapées en institution ou en résidence privée, a poursuivi la délégation. Depuis le début des années 2000, l’Allemagne met en œuvre des programmes de désinstitutionalisation avec, notamment, des appuis à la vie en communauté. Les personnes doivent avoir le choix de vivre comme elles l’entendent et l’Allemagne tente de mettre tout en œuvre pour faire vivre ce principe, a insisté la délégation.

La délégation a communiqué d’autres informations sur le soutien à la transition des personnes handicapées des institutions vers la vie au sein de la communauté. Le principe est ici de trouver des logements de remplacement tout en améliorant la situation dans les institutions qui existent toujours, a dit la délégation, qui a mentionné des expériences de désinstitutionnalisation menées en Bavière.

Les droits des enfants handicapés ont été renforcés en 2021 : ils peuvent maintenant déposer des plaintes pour des faits survenus dans des institutions ou ailleurs, a indiqué la délégation.

La réforme de la tutelle a été engagée grâce notamment aux recommandations du Comité, a indiqué la délégation. Cette réforme repose pleinement sur les dispositions de la Convention afin de permettre une vie vraiment indépendante. Avant cette réforme, la tutelle signifiait qu’il n’y avait plus de reconnaissance de la capacité juridique. L’Allemagne estime que la prise de décision par substitution n’est pas contraire à la Convention. Le pays a décidé de la maintenir car il existe des situations très concrètes où il faut pouvoir protéger des personnes grâce au recours à la décision substitutive, par exemple pour les personnes ayant subi un AVC ou les personnes très âgées.

La privation de liberté ne s’apparente pas toujours à la torture, a estimé la délégation, indiquant à cet égard que plusieurs arrêts de la Cour constitutionnelle avaient justifié la légalité, au regard tant de la Convention que de la Loi fondamentale, du placement en institution et de l’application de certaines mesures de contrainte pour protéger des personnes qui ne se rendent pas compte de leur état de santé. De même, la Cour a rendu plusieurs arrêts confirmant la possibilité de prodiguer, de manière très limitée et encadrée, des soins médicaux contre la volonté du patient.

En Allemagne, il n’y a pas de règle autorisant la stérilisation forcée, a-t-il ensuite été précisé. La révision de la loi sur la curatelle a rendu la procédure plus stricte, la volonté, les préférences et les choix de la personne concernée devant être déterminés et respectés. Mais l’Allemagne estime qu’une interdiction générale de la stérilisation pourrait contrevenir à la volonté d’une personne de bénéficier de cette intervention, a dit la délégation.

Par ailleurs, la délégation a mentionné l’organisation d’ateliers pour élaborer des concepts, destinés aux Länder, de protection des femmes – y compris handicapées – contre la violence.

La délégation a aussi indiqué que les personnes handicapées réfugiées bénéficiaient d’une aide médicale de base et de services de santé spécialisés, comme le prévoit la loi sur l’asile. Une part exceptionnellement élevée de réfugiés en provenance d’Ukraine sont des personnes âgées et des personnes handicapées, a-t-il été relevé : le Gouvernement fédéral est en dialogue constant avec les Länder pour répondre à leurs besoins spécifiques. Au moins une institution pour personnes handicapées ukrainienne a été entièrement évacuée vers l’Allemagne, a fait savoir la délégation. 

Les autorités ont aggravé les sanctions contre les employeurs qui n’emploient pas suffisamment ou pas du tout de personnes handicapées, a ajouté la délégation. Elle a aussi fait état de mesures incitatives dans ce domaine. Le Gouvernement, qui est en train de changer son approche des ateliers protégés, lancera prochainement un grand débat public sur cette question.

La délégation a décrit d’autres mesures prises en faveur de l’intégration des personnes handicapées dans le monde du sport ainsi que dans les listes électorales des partis politiques.

Remarques de conclusion

M. DUSEL a fait savoir qu’il organiserait, en 2024, avec l'Institut allemand des droits de l'homme, une conférence pour veiller à ce que la Fédération, les Länder et les municipalités s'acquittent de leur tâche pour garantir des conditions de vie équivalentes pour les personnes handicapées et qu’ils prennent les recommandations du Comité comme base pour des décisions politiques et stratégiques concrètes, en vue de garantir la participation des personnes handicapées dans tous les domaines de la vie.

M. SCHMACHTENBERG a estimé que le dialogue avait montré que l’Allemagne fait beaucoup pour mettre en œuvre la Convention, mais que des progrès sont à faire dans de nombreux domaines. Le Gouvernement continuera à travailler sur les questions soulevées par les experts du Comité.

Un représentant du Mécanisme de suivi indépendant a estimé que le dialogue avait clairement montré que pour une véritable mise en œuvre de la Convention, il restait encore un long chemin à parcourir en Allemagne. Certaines questions essentielles doivent encore être résolues, telles que surmonter les structures traditionnelles de ségrégation et les transformer en structures véritablement inclusives, en particulier en ce qui concerne l'éducation, le travail et la vie au sein de la communauté ; ou encore protéger les personnes handicapées contre la violence dans les institutions.

Enfin, MME ROSEMARY KAYESS, membre du groupe de travail chargé d’examiner plus avant le rapport de l’Allemagne, a rappelé que la Convention exige une transformation des systèmes existants et la mise en place d'un modèle de handicap fondé sur les droits de l'homme, où les droits de toutes les personnes handicapées sont réalisés. Le Comité, a-t-elle ajouté, s'inquiète de la façon dont l'Allemagne parviendra à cette transformation alors qu'elle continue à entretenir des conceptions du handicap qui se traduisent par des réponses juridiques et politiques qui maintiennent et encouragent la ségrégation, de même qu’une approche de la prise en charge, du traitement et de la protection qui limite les droits des personnes handicapées au lieu de faciliter l’exercice de ces droits.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.

 

 

CRPD23.019F