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Palestine : le Comité des droits de l'homme se penche sur les discriminations structurelles fondées notamment sur le genre, la portée de la lutte contre la corruption, le comportement des forces de sécurité en matière d'usage de la force, l'abolition de la peine de mort

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial de l'État de Palestine sur la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le rapport a été présenté par le Ministre de la justice de l'État de Palestine, M. Mohammad Fahad Shaladeh, qui a dénoncé le comportement d'Israël, force d'occupation qui, selon le ministre, soutient les assassinats, la destruction de biens des Palestiniens, les déplacements de population et autres actes contraires au Pacte. À l'inverse, l'État de Palestine n'a jamais cessé d'adhérer aux valeurs de justice et d'égalité. Certes, des erreurs ont été commises par le passé, a-t-il reconnu, mais, désormais, « le Gouvernement de l'État de Palestine est passé d'un stade révolutionnaire à celui de la construction d'institutions ». Le chef de délégation a déclaré que les indicateurs des droits de l'homme ont été liés à ceux des objectifs du développement durable, et des stratégies et plans nationaux relatifs aux droits de l'homme ont été adoptés. Il s'agit maintenant de faire pression sur Israël pour qu'il permette la tenue d'élections sur toute l'étendue du territoire palestinien. Sans ces élections, il ne sera pas possible d'établir des institutions démocratiques et respectueuses des droits de l'homme et des libertés en Palestine, a conclu M. Shaladeh.

La délégation palestinienne était également dirigée par M. Omar Awdala, Ministre adjoint pour les Nations Unies et les institutions spécialisées au Ministère des affaires étrangères et des expatriés, et M. Ibrahim Khraishi, Observateur permanent de l'État de Palestine auprès de l'Office des Nations Unies à Genève. L'importante délégation était par ailleurs composée de représentants du Haut conseil judiciaire, de la Commission anticorruption, du bureau du Procureur général, du Ministère de l'intérieur, de l'Autorité judiciaire des forces de sécurité, du bureau des statistiques, notamment. Elle a expliqué que les dispositions du Pacte sont intégrées à la législation palestinienne sans préjudice de l'identité religieuse et culturelle palestinienne. La peine de mort, bien que prévue par le code pénal, n'est plus appliquée depuis 1968, et toutes les condamnations ont été suspendues ou commuées en prison à vie. Le projet de nouveau code pénal prévoit d'abolir la peine de mort de manière formelle. Par ailleurs, si la Palestine ne dispose pas de loi pénalisant le viol au sein du mariage, la priorité est placée sur l'intérêt des victimes et les droits des femmes. Sur la lutte contre la corruption, la délégation a fait valoir qu'un Comité anticorruption avait été créé qui centralise et vérifie toutes les notifications reçues de la part de lanceurs d'alerte, et un mécanisme de protection physique des témoins et de leur famille a commencé ses activités en 2020.

Les membres du Comité reconnaissent que l'occupation israélienne limite la capacité de juridiction de l'État de Palestine et pose des obstacles à l'application pleine et entière du Pacte et de son protocole facultatif sur l'abolition de la peine de mort. Ces instruments n'ont toujours pas fait l'objet des procédures nécessaires pour être applicables en droit interne. Il a par ailleurs été souligné que de nouveaux projets d'amendements au code pénal visent à réglementer, mais pas à abolir la peine de mort en Palestine. Tout en félicitant l'État de Palestine pour la création de l'Observatoire national de la violence sexiste, les experts ont relevé la persistance, dans la législation, de discriminations structurelles fondées sur le genre. Par ailleurs, le Comité a été informé que la quasi-totalité des affaires de corruption portées devant le tribunal anticorruption concernent des fonctionnaires subalternes. L'usage excessif de la force par les forces de sécurité a également retenu l'attention des membres du Comité, qui ont relevé des cas où des agents des forces de l'ordre n'ont pas respecté les principes de nécessité et de proportionnalité. Le fait que des centaines de personnes sont détenues en prison pour non-paiement de dettes a également suscité des préoccupations. De récentes dispositions en matière de détention prolongée préoccupent aussi le Comité.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de l'État de Palestine et les rendra publiques à l'issue de la session, le 26 juillet prochain.

 

Lors de sa prochaine séance publique, le lundi 10 juillet dans l'après-midi, le Comité des droits de l'homme entamera l'examen du rapport de la Colombie (CCPR/C/COL/8), qui se poursuivra mardi matin.

 

Rapport de l'État de Palestine

Le Comité était saisi du rapport initial de l'État de Palestine (CCPR/C/PSE/1), ainsi que de ses réponses à une liste des points à traiter que lui avait adressé le Comité.

Présentation du rapport

M. MOHAMMAD FAHAD SHALALDEH, Ministre de la justice de l'État de Palestine, a souligné d'entrée que les assassinats, la destruction de biens et de maisons de Palestiniens, les déplacements de population et autres actes contraires au Pacte commis en Palestine, sont de la responsabilité de la force d'occupation, Israël. « Ce ne sont pas les politiques racistes ou les passages du Talmud qui font la loi internationale », a-t-il dit, appelant Israël à mettre fin à ses politiques, notamment d'extension des colonies. Il a également déclaré que la violence des colons, « que le représentant de l'Union européenne en Palestine a lui-même qualifié de crimes terroristes », se font avec le soutien des autorités politiques et judiciaires israéliennes. Tous ces actes hostiles et d'agression violent les droits fondamentaux des Palestiniens, notamment leur droit à la vie et à l'autodétermination, et de fait, sont contraires au Pacte.

À l'inverse, l'État de Palestine n'a jamais cessé d'adhérer aux valeurs de justice et d'égalité, comme le montre son adhésion et ratification aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, dont le Pacte. Ces valeurs se traduisent dans la législation nationale, ainsi que dans le projet de quatrième constitution de l'État de Palestine, en cours de rédaction. Certes, des erreurs ont été commises par le passé, a reconnu le ministre, soulignant que son gouvernement était désormais passé d'un stade révolutionnaire à celui de la construction d'institutions. L'État de Palestine est donc disposé à apprendre de ses erreurs et s'engager dans le respect des normes internationales en matière de droits de l'homme.

Le chef de la délégation a cité plusieurs mesures prises par son gouvernement pour y parvenir, indiquant notamment que le Pacte était inscrit à l'ordre du jour du conseil des ministres et qu'une décision serait prise sous peu. À ce jour, onze conventions ont été publiées au Journal officiel, officialisant leur transposition dans le droit interne palestinien. Le Gouvernement a également lié les indicateurs des droits de l'homme avec ceux des objectifs du développement durable et adopté des stratégies et plans nationaux relatifs aux droits de l'homme, notamment dans le cadre de la lutte contre la pauvreté.

Le Ministre de la justice a assuré le Comité que l'État de Palestine était pleinement engagé dans le respect de ses obligations internationales. Mais Israël ne doit pas être exempté de ses responsabilités. Ainsi, le Comité doit faire pression sur Israël pour qu'il permette la tenue d'élections parlementaires sur toute l'étendue du territoire palestinien. Sans ces élections, il ne sera pas possible d'établir des institutions démocratiques et respectueuses des droits de l'homme et des libertés en Palestine.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Une experte, membre du Comité, a commencé par souligner que le Comité était conscient de la situation d'occupation que subit l'État de Palestine par Israël, ainsi que de l'expansion des colonies et du blocus de la Bande de Gaza par la puissance occupante. De ce fait, le Comité reconnaît les limitations à la juridiction de l'État de Palestine sur son territoire et les obstacles que cela fait naître pour l'application pleine et entière du Pacte et du second Protocole facultatif, sur l'abolition de la peine de mort. Elle a toutefois tenu à rappeler qu'en adhérant à ces instruments, l'État de Palestine s'est engagé à respecter les droits et libertés qu'ils protègent dans les parties de son territoire sur lesquelles il exerce un contrôle effectif. Or, si l'État de Palestine a adhéré au Pacte et au Second Protocole facultatif, ces instruments n'ont toujours pas fait l'objet des procédures nécessaires pour être applicables en droit interne. Ils ne sont toujours pas publiés au Journal officiel, ce qui empêche qu'ils soient invoqués devant les tribunaux palestiniens. Elle a voulu connaître les raisons de ces retards et le calendrier de l'intégration formelle en bonne et due forme en droit interne de ces instruments. Elle a également demandé des détails sur la manière dont est assurée la diffusion du Pacte auprès des tribunaux, des autorités – y compris locales –, de la police et des forces de sécurité.

Selon l'experte, des discriminations structurelles, notamment fondées sur le genre, demeurent dans la législation palestinienne. À cet égard, elle a voulu savoir si le Gouvernement envisageait de proposer une législation générale de lutte contre la discrimination qui soit conforme au droit international des droits de l'homme et qui prenne en compte tous les motifs de discrimination, sans exception, et toutes ses formes, directe, indirecte, multiple et intersectionnelle. Elle a aussi demandé des informations sur les mesures prises pour lutter contre les discours antisémites, ou encore homophobes, y compris en ligne.

En matière de santé sexuelle et reproductive, l'experte a relevé que l'avortement faisait l'objet d'une incrimination pénale, avec quelques exceptions. Or, selon les informations dont dispose le Comité, de nombreux décès de femmes sont à déplorer dans ce contexte, ce qui est contraire aux obligations de l'État partie de protéger le droit à la vie. Elle a demandé des informations précises sur les mesures visant à garantir aux femmes le droit à l'autodétermination et à la libre disposition de leur corps, et a voulu connaître le nombre d'avortements effectivement autorisés, une estimation du nombre d'avortements clandestins et de poursuites engagés contre les femmes qui ont eu recours à l'avortement et au personnel médical qui les ont aidées. Au vu des risques pour la vie que représentent les avortements clandestins, et pour se conformer au Pacte et à son article 6 relatif au droit à la vie, l'État de Palestine entend-il dépénaliser l'avortement, a-t-elle demandé.

La délégation a également été interrogée au sujet de la lutte contre la corruption qui, selon le rapport, est menée actuellement grâce à la collaboration entre un parquet spécialisé, le tribunal anticorruption et la commission anticorruption. Elle a voulu connaître le processus de nomination des membres de ces trois instances, ainsi que les dispositions visant à garantir leur pleine indépendance et impartialité et le nombre de rapports soumis à la Commission anticorruption depuis sa création en 2010. Le Comité a été informé que 97 % des affaires de corruption portées par le ministère public devant le tribunal anticorruption concernent des fonctionnaires subalternes et que 86 % des affaires en cours ne sont toujours pas résolues à la fin de 2022, elle a voulu connaître les dispositions qui permettent de s'assurer que les enquêtes sur la corruption s'appliquent également aux hauts fonctionnaires, ainsi que les mesures prises pour protéger les dénonciateurs, en particulier dans les cas où ils font l'objet de menaces ou de représailles.

L'experte s'est aussi penchée sur les conséquences sur les droits de l'homme de la gestion de la pandémie de COVID-19 en Palestine. D'après les informations dont dispose le Comité, l'imposition et la prolongation de l'état d'urgence entre le 5 mars 2020 et le 25 septembre 2022 ont donné lieu à des mesures qui ont non seulement ont porté atteinte à la liberté d'opinion et d'expression, mais également justifié l'utilisation excessive et disproportionnée de la force par la police, notamment pour disperser et arrêter des manifestants à Ramallah en juillet 2020 et avril 2021. Des journalistes et militants des médias sociaux critiques du Gouvernement ont également été détenus, accusés de diffuser de fausses informations sur le COVID-19, a-t-elle déploré, ajoutant que de telles actions semblent constituer des violations du Pacte car elles ne constituaient pas des dérogations autorisées par l'article 4 (sur la proclamation de mesures d'exception).

Un autre membre du Comité a félicité l'État de Palestine pour la création de l'Observatoire national de la violence sexiste. Il a aussi demandé des informations sur l'état actuel de la procédure parlementaire s'agissant du projet de loi sur la protection de la famille et du projet de code pénal palestinien, en préparation depuis 2011. En particulier, est-il prévu d'y inclure des crimes spécifiques tels que la violence domestique et le viol conjugal ? Il a également souhaité connaître les mesures prises pour enquêter efficacement sur les crimes d'honneur, ainsi que pour former les fonctionnaires de police, les procureurs et les juges aux questions relatives à la violence à l'égard des femmes. Il a voulu savoir si des mesures provisoires sont prévues pour la protection des victimes. 

Un membre du Comité a relevé que de nouveaux projets d'amendements au code pénal visent à réglementer, mais pas à abolir la peine de mort en Palestine. Selon un rapport de la Commission nationale des droits de l'homme, depuis l'adhésion, en juin 2018, de l'État de Palestine au Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort, les tribunaux militaires de la bande de Gaza ont prononcé 43 condamnations à mort. Il semble par ailleurs manquer de volonté politique pour une abolition claire et explicite, a déploré l'expert, avant de se demander si l'Autorité palestinienne avait l'intention de décréter un moratoire formel et officiel sur la peine de mort ou de l'abolir une fois pour toutes. 

Le même expert a également abordé la question de l'usage excessif de la force par les forces de sécurité, indiquant que le Comité a été informé qu'au cours des cinq dernières années, 18 Palestiniens ont été tués par balles par des agents des forces de l'ordre, qui n'ont pas respecté les principes de nécessité et de proportionnalité. La société civile rapporte qu'il n'y a pas d'informations adéquates indiquant si les auteurs ont été tenus responsables, jugés ou soumis à des sanctions dissuasives, a-t-il ajouté. Quelles mesures sont prises pour demander des comptes aux responsables d'un recours excessif à la force, a demandé l'expert. Il a en outre demandé à a délégation de décrire la compatibilité du cadre juridique palestinien avec le Pacte et les Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois (adopté à la Havane en 1990). Il a voulu savoir comment ces principes sont spécifiquement enseignés aux forces de l'ordre et au personnel de sécurité.

S'agissant des pratiques en matière de détention administrative, en particulier eu égard à sa durée, à sa légalité, à la compétence accordée aux gouverneurs, le Comité est informé qu'en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, des centaines de personnes, dont des femmes, sont détenues en prison jusqu'à 91 jours par an pour non-paiement de dettes. S'il ne recouvre pas une dette, un créancier peut demander le renouvellement de la séquestration d'un débiteur. Selon les statistiques du corps de police de Ramallah, 3 943 personnes ont été placées dans des centres de correction et de réinsertion en vertu de mandats d'arrêt pour dettes civiles non réglées au cours des cinq dernières années. Selon le Conseil supérieur de la magistrature de Ramallah, depuis le début de l'année 2021, les tribunaux de Cisjordanie ont émis 46 126 mandats d'arrêt pour dettes, dont 3 011 contre des femmes. Au cours des deux dernières années, 33 891 personnes ont reçu des mandats d'arrêt pour la même dette, a détaillé un expert, qui a rappelé les dispositions de l'article 11 du Pacte.

Les membres du Comité se sont aussi intéressés au système judiciaire, en particulier à la manière dont sont nommés les juges, de même qu'au fonctionnement de l'organe chargé des questions disciplinaires et au mode de désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Il a été relevé que les quatre décrets-lois signés en février 2020 par le Président de l'Autorité palestinienne concernant la détention prolongée sans la présence d'un avocat suscitent de graves préoccupations au regard du Pacte. Ces décrets limitent le droit de la défense et imposent un seuil de responsabilité plus élevé pour les crimes commis par les agents publics et les forces de l'ordre.

Le Comité est informé qu'un projet de loi sur la traite des êtres humains a été préparé par une commission juridique constituée de représentants de différents ministères et institutions, et renvoyé au Conseil des ministres pour être étudié. À ce jour, on est sans nouvelles quant au sort de ce texte, a déploré un membre du Comité, qui a demandé à quels obstacles le projet est confronté. À cet égard, le Comité est informé d'une augmentation du nombre de femmes exploitées en 2022 par rapport aux années précédentes, notamment dans les domaines du mariage précoce et forcé, du viol, de la violence sous toutes ses formes y compris la violence économique et électronique, du travail forcé et de la privation de liberté. L'expert a exigé des réponses quant aux raisons de cette détérioration et les facteurs d'augmentation de ce phénomène.

Pour ce qui est de la liberté de circulation et de mouvement, une experte a réitéré que le Comité était bien conscient que l'occupation imposait des limitations à la liberté de circulation et de mouvement. Néanmoins, les Comité a reçu des informations fournies par la Commission nationale des droits de l'homme s'agissant de nombreuses plaintes, reçues depuis 2007, à propos du refus du Ministre de l'intérieur de délivrer des passeports aux personnes résidant dans la Bande de Gaza pour divers motifs, énoncés de manière vague, en lien avec la sécurité. De plus, la liberté de mouvement des femmes est limitée en pratique puisqu'elles doivent avoir l'autorisation de leur « tuteur », a déploré l'experte avant de demander à la délégation de préciser les mesures prises pour que les restrictions de mouvement ne soient pas discriminatoires et soient proportionnées et fondées sur des motifs légitimes, comme l'exige l'article 12 du Pacte.

La délégation a aussi été invitée à apporter des précisions sur l'exercice des droits politiques, notamment en lien avec les élections. Il lui a été demandé d'expliquer comment l'État de Palestine entend rétablir la démocratie avec des élections libres et régulières, y compris au niveau local. Il a été relevé à cet égard que des élections ont bien été tenues en Cisjordanie en 2022, mais pas dans la Bande de Gaza, contrôlée par le Hamas. Il lui a également été demandé de présenter les progrès réalisés dans l'établissement du calendrier électoral envisagé pour les élections législatives et la présidentielle à venir.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité sur le cadre constitutionnel et juridique de la mise en œuvre du Pacte, la délégation palestinienne a expliqué que les dispositions du Pacte sont intégrées à la législation et sont source de loi en Palestine, en particulier s'agissant de la deuxième section de la Constitution actuelle, qui contient notamment des dispositions générales sur les élections ou la lutte contre la corruption. De plus, les autorités ont l'intention de poursuivre les travaux sur le projet de nouvelle constitution, qui incriminera la torture. La délégation a par ailleurs déclaré que l'identité religieuse et culturelle de la Palestine n'était pas incompatible avec les dispositions du Pacte.

La délégation a également souligné que le système juridique palestinien est unique en son genre car il est le fruit des occupations successives qu'a connu le territoire. Outre les propres lois adoptées par le législateur palestinien, il existe des lois toujours en vigueur issues de l'ère ottomane, héritées du protectorat britannique, datant de l'occupation égyptienne, auxquelles s'ajoutent, depuis 1967, des dizaines d'ordonnances promulguées par Israël, la puissance occupante.

La délégation a fait valoir que l'article 9 de la Constitution palestinienne prévoyait des dispositions en matière de la lutte contre la discrimination fondée sur le genre et l'appartenance ethnique. Elle a ajouté qu'il n'y avait pas de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle en Cisjordanie et qu'il n'y pas de persécution de personnes LGBTI en Palestine. 

Répondant à des questions sur l'avortement, la délégation a indiqué que la loi sur la santé publique « ne s'intéresse qu'à la vie de l'enfant et de la mère ». Des mesures sont prises pour les femmes tombées enceintes hors mariage. Lorsque la grossesse intervient dans le cadre d'un viol ou d'un inceste, les femmes sont orientées vers des services spécialisés pour garantir la sécurité de ce genre d'avortement, qui n'est pas incriminé. S'agissant du nombre de filles détenues pour cause d'avortement, on compte deux cas par an pour les années 2020, 2021 et 2022. L'État de Palestine prend des mesures et suit les recommandations des organes conventionnels dans ce domaine, dont la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, mais il n'est pas question de revenir sur la pénalisation de l'avortement, a dit la délégation. 

En ce qui concerne les violences intrafamiliales et la protection de la famille, la Palestine ne dispose pas de loi spécifique pour la protection de la famille, mais les autorités privilégient l'intérêt des victimes, conformément aux recommandations des institutions des Nations Unies qui s'occupent de ces questions. La délégation a ajouté que la loi est interprétée de manière à ce que la victime soit entendue et préservée des pressions de la famille, en particulier en ce qui concerne les crimes d'honneur. En outre, la charge de la preuve n'incombe pas à la victime. La délégation a également reconnu que la Palestine n'avait pas adopté de dispositions légales pénalisant le viol au sein du mariage, mais a souligné que, dans la pratique, le viol est traité comme un traumatisme psychologique, déterminé sur la base d'un rapport légiste. Cela est loin des objectifs souhaités, mais l'État de Palestine s'appuie au maximum sur sa constitution pour préserver les droits des femmes et l'intérêt des victimes de violence intrafamiliale. 

La peine de mort est prévue par le Code pénal palestinien pour certaines infractions. Mais depuis 2005, cette peine n'a pas été appliquée. Toutes les condamnations à la peine capitale ont été suspendues et quatre ont été commuées en prison à vie. Le projet de nouveau code pénal prévoit en outre d'abolir la peine de mort de manière formelle, même si, dans les faits, elle est abolie depuis 1968, conformément au décret N°268, qui continue d'être en vigueur sur le territoire palestinien. 

Par ailleurs, le Code pénal militaire palestinien définit la torture comme une infraction, mais non comme un crime. Cependant, plusieurs autres textes civils et militaires considèrent la torture comme un crime. Depuis 2018, 18 cas de torture attribués aux Forces de sécurité palestiniennes ont été dénoncés. Ces cas ont fait l'objet d'enquêtes, qui ont mené à trois condamnations. Par ailleurs, le projet de loi de 2022 portant création d'un mécanisme national de lutte contre la torture a été considéré comme non conforme aux dispositions du Pacte et du Deuxième protocole facultatif. C'est pourquoi, en coopération avec la société civile, un amendement a été préparé et a été soumis au Président. Pour l'heure, l'État de Palestine attend une visite du Sous-Comité pour la prévention de la torture, prévue en septembre de cette année. La délégation a précisé qu'une visite en Palestine du Sous-Comité, prévue en 2019, n'a pu avoir lieu en raison d'un refus de visas de la part d'Israël.

S'agissant des centres et lieux de détention, ils sont régulièrement visités par des juges palestiniens, le procureur général, le Centre international de la Croix Rouge (CICR), le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et la société civile, entre autres, afin d'évaluer la situation des détenus et la légalité de leur détention. Aucun cas de torture n'a été relevé dans les lieux de détention, a insisté la délégation, attirant l'attention sur le fait que les habitants de la Palestine ne connaissent que trop bien la torture pratiquée dans les prisons israéliennes, y compris sur des mineurs. En collaboration avec l'Équipe d'appui des Nations Unies, le Royaume-Uni et le HCR, un mécanisme de supervision des prisons a été mis au point et s'apprête à être déployé, a informé la délégation. Par ailleurs, une décision de 2020 de la Cour constitutionnelle a abrogé la loi accordant aux gouverneurs la compétence en matière de détention administrative. La délégation a par ailleurs précisé qu'aucune femme n'est détenue dans des institutions pénitentiaires.

En ce qui concerne le recours à la force, la Palestine s'appuie sur un code de déontologie, comparable au Code de conduite adopté par les Nations Unies. Les personnels de sécurité civils et militaires reçoivent une formation continue obligatoire. Depuis 2018, on compte six cas de recours à la force par le personnel militaire, mais aucun cas de Palestinien tué lors de manifestations pacifiques, a encore assuré la délégation. La délégation a ajouté que des cas cités par des membres du Comité sont des cas individuels qui ne tombent pas sous la définition d'un usage de la force par les services de sécurité. 

Aux questions sur les mesures prises dans la lutte contre la corruption, la délégation a fait valoir qu'un Comité anticorruption a été créé qui centralise et vérifie toutes les notifications reçues de la part de lanceurs d'alerte, dont l'identité est gardée secrète et préservée. En 2022, 75% des notifications reçues par ce comité émanaient de sources anonymes. Un mécanisme de protection physique des témoins et de leur famille a en outre été adopté par le Conseil des ministres et a commencé ses activités en 2020.

Interrogée au sujet de la question de l'antisémitisme, la délégation a rappelé que le peuple palestinien était lui-même un peuple sémite, et de ce fait ne diffuse ni ne tolère les discours antisémites, à l'inverse d'Israël – et notamment de ses services de sécurité (MOSSAD) – qui, à travers des organisations telles UN Watch, UK-Israël ou International Holocaust Remembrance Alliance diffuse à l'international des discours haineux envers le peuple palestinien et nie le génocide et la Nakba dont il est victime.

La délégation palestinienne a expliqué que le système juridique palestinien est dualiste. L'État de Palestine a adhéré de son propre chef à plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, sans préjudice pour le respect de ses traditions et lois culturelles. Les instruments internationaux ratifiés ne peuvent être invoqués devant les tribunaux tant qu'ils n'ont pas été publiés au Journal officiel. Un comité d'adaptation et d'harmonisation des lois se penche sur l'harmonisation des lois nationales avec le système conventionnel. C'est lorsqu'il y a conflit entre ces instruments et les lois palestiniennes que l'État de Palestine émet des réserves.

Par ailleurs, des formations sur le droit international des droits de l'homme sont fournies aux éléments de sécurité et aux fonctionnaires du judiciaire et un guide leur a été distribué. Toutes ces formations sont financées sans aide extérieure, a insisté un membre de la délégation.

L'indépendance du judiciaire est garantie par une loi de 2020 ; les juges sont sélectionnés sur la base d'un concours qui évalue leurs compétences et leur intégrité, et leurs noms sont soumis au Président qui procède à leur nomination. La révocation des juges se fait par le Conseil suprême de la magistrature, sur demande du Comité d'inspection, conformément à la loi.

La délégation a également fourni des informations concernant notamment les mesures de prévention des abus de pouvoir, la coopération de l'État avec la société civile, la situation des personnes privées de liberté, la prévention de la détention arbitraire, ou l'exercice de la liberté d'opinion et d'expression. « Contrairement à d'autres, comme Israël, nous ne tuons pas les journalistes comme Shireen Abu Akleh, ne brûlons pas la bible, ne diffamons aucune religion ». Seuls 20 cas de privation de liberté illégale ont été enregistrés depuis 2018, et la loi de 1954 utilisée pour détenir des personnes de manière arbitraire a été abolie. « Nous n'empruntons pas le chemin de cette pratique décadente », a lancé, pour conclure, un membre de la délégation palestinienne.

Conclusions

Le Ministre palestinien de la justice, M. SHALALDEH, a jugé que ce premier dialogue avec le Comité avait été d'un excellent niveau. L'État de Palestine est disposé à donner suite à toutes les observations et remarques du Comité et reste attaché à prendre toutes les mesures législatives pour que le Pacte s'applique à toute personne vivant sous sa juridiction, sans discrimination aucune. La délégation s'engage par ailleurs à fournir par écrit des compléments d'informations.

MME TANIA MARÍA ABDO ROCHOLL, Présidente du Comité, a qualifié le processus de « productif », estimant que ce dialogue était un outil important pour comprendre la mise en œuvre du Pacte dans l'État de Palestine. Parmi les questions abordées au cours du dialogue figurent les questions de discrimination, le viol conjugal et la violence fondée sur le sexe, l'indépendance du pouvoir judiciaire, le droit de réunion pacifique, la formation des forces de l'ordre, la violence politique et le droit à la vie privée des personnes LGBTI.

 

 

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