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Les déplacements de populations, internes ou transfrontaliers, augmentent les risques de traite des personnes et engagent la responsabilité des États à prévenir la traite, souligne Mme Mullally devant le Conseil des droits de l’homme

Compte rendu de séance

 

Les déplacements de populations, internes ou transfrontaliers, augmentent les risques de traite des personnes et « engagent la responsabilité des États à prévenir la traite et à assurer une protection efficace des victimes ou des personnes exposées au risque de traite », dans un contexte où quelque 108 millions de personnes ont été déplacées de force à la fin de 2022 dans le monde, dont 40% sont des enfants.  C’est ce qu’a souligné ce matin Mme Siobhán Mullally, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, en présentant devant le Conseil des droits de l’homme son dernier rapport, qui porte sur la traite des personnes et ses liens avec la protection des réfugiés, les déplacements internes et l'apatridie.

L’éclatement des familles, la perte des moyens de subsistance et des réseaux de soutien, le déplacement vers des camps de secours peu sûrs et la précarité physique et socioéconomique sont autant de facteurs qui augmentent les risques de traite, a fait observer la Rapporteuse spéciale.

Pour empêcher la traite des êtres humains et protéger les victimes, il faut, a recommandé Mme Mullally, élargir les possibilités de migration régulière et sûre ; offrir des possibilités de réinstallation, un regroupement familial fondé sur les droits et d'autres voies complémentaires pour l'admission des personnes ayant besoin d'une protection internationale ; et garantir un accès effectif à l'asile. La Rapporteuse spéciale s’est dite préoccupée par l'adoption de mesures dont l'objectif affiché est de prévenir la traite des personnes, mais qui reviennent à restreindre l'accès à la protection internationale : limiter l'accès à l'asile risque d'accroître les risques de traite des personnes, en jetant les gens dans des situations précaires et risquées, a-t-elle mis en garde.

Mme Mullally a par ailleurs rendu compte des visites qu’elle a effectuées l’an dernier au Bangladesh et au Soudan du Sud.  Les délégations de ces deux États ont fait des déclarations en tant que pays concernés, avant que de nombreuses délégations** n’engagent le dialogue avec la Rapporteuse spéciale.

En début de séance, le Conseil a par ailleurs entendu de nombreuses délégations* poursuivre et clore le dialogue entamé hier après-midi avec M. Ian Fry, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte des changements climatiques.  Les intervenants ont notamment déploré le nombre croissant de personnes touchées par les déplacements induits par le climat, ainsi que les violations importantes des droits de l’homme auxquelles ces personnes sont confrontées.  Les effets des changements climatiques impactent négativement sur différents droits humains comme ceux relatifs à l’alimentation, l’éducation, la santé, l’eau, l’hygiène, l’assainissement, ou encore le logement, a-t-il été souligné.  Ceux qui sont responsables du réchauffement climatique accordent plus d’argent au verrouillage de leurs frontières qu’au soutien aux premières personnes touchées par le réchauffement climatique, ont déploré plusieurs délégations.

Dans ses remarques de conclusion, M. Fry a plaidé pour une action résolue, avertissant que le monde a beau accroître les efforts de résilience, cela ne suffira pas : les effets mortels du réchauffement climatique continueront à obliger des personnes à se déplacer.

 

Cet après-midi, le Conseil doit achever son dialogue avec Mme Mullally, avant d’engager ses dialogues avec l’Expert indépendant sur les droits de l’homme et la solidarité internationale et avec le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association.

Fin du dialogue avec le Rapporteur spécial sur les changements climatiques

Aperçu du dialogue

De nombreuses délégations ont déploré le nombre croissant de personnes touchées par les déplacements induits par le climat, ainsi que les violations importantes des droits de l’homme auxquelles ces personnes sont confrontées – en particulier les femmes et les enfants, qui constituent la majorité de la population déplacée.

La problématique des changements climatiques demeure une préoccupation majeure pour la communauté internationale, en ce sens que le nombre de personnes déplacées pour des raisons climatiques et environnementales ne cesse d’augmenter d’année en année, a insisté un intervenant.

Les effets des changements climatiques impactent négativement sur différents droits humains comme ceux relatifs à l’alimentation, l’éducation, la santé, l’eau, l’hygiène, l’assainissement, le logement, a-t-il été souligné.

Plusieurs délégations ont expliqué que cette thématique des déplacements de populations liés au climat est une réalité chez elles et ont insisté sur la coopération régionale et internationale nécessaire pour relever les défis posés par ces déplacements. De nombreuses délégations ont en outre appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour lutter contre le réchauffement climatique.

Ceux qui sont responsables du réchauffement climatique accordent plus d’argent au verrouillage de leurs frontières qu’au soutien aux premières personnes touchées par le réchauffement climatique, ont déploré plusieurs délégations. Plusieurs intervenants ont dès lors appelé à davantage de solidarité internationale dans ce domaine, plaidant notamment pour la création de mécanismes financiers visant à soutenir les pays les plus pauvres, qui sont souvent les plus touchés par les conséquences du réchauffement climatique.

Dans ce contexte, une délégation a salué le Sommet pour un nouveau pacte financier qui s’est tenu la semaine dernière à Paris et qui s’est attaché à mobiliser la communauté internationale pour rendre le système financier mondial plus efficace, plus équitable et plus adapté aux besoins des pays les plus vulnérables.

Certains intervenants ont apporté leur soutien à la proposition du Rapporteur spécial d’élaborer un protocole facultatif se rapportant à la Convention relative au statut des réfugiés qui définirait la protection juridique à assurer aux personnes déplacées, d’un pays à un autre, en raison des changements climatiques, et qui protégerait mieux ces personnes déplacées au-delà des frontières dans le cadre de catastrophes et des changements climatiques.

Une délégation s’est dite favorable à l’amélioration de l’efficacité des mécanismes juridiques internationaux existants dans le domaine de l’environnement. Elle s’est dite convaincue que ce travail devrait être effectué par l’intermédiaire des organes compétents du système des Nations Unies et des organisations spécialisées. À cet égard, lier l’agenda des droits de l’homme au programme climatique est déraisonnable et largement artificiel, a-t-elle estimé.

*Liste des intervenants : Gambie, Afrique du Sud, Chili, Sénégal, Mauritanie, Jordanie, Soudan, Géorgie, Saint-Siège, Mali, Bénin, Cuba, Fédération de Russie, Roumanie, Algérie, Kenya, Brésil, Bolivie, Honduras, Arabie saoudite, Philippines, Côte d’Ivoire, Sri Lanka, Panama, Bangladesh, Vanuatu, Ghana, Uruguay, Micronésie, Organisation internationale pour les migrations (OIM), Ukraine, Iran, Grèce, France, Afghanistan, Côte d’Ivoire (au nom du groupe des États africains), Global Alliance of National Human Rights Institutions, Commission nationale indépendante des droits de l'homme du Burundi, Earthjustice, Société anti-esclavagiste, Center for International Environmental Law (CIEL), Centre Europe - tiers monde, ArabEuropean Forum for Dialogue and Human Rights Swapon Kumar Das, International Dalit Solidarity Network, Caritas Internationalis, Franciscans International, Minority Rights Group, Asian-Pacific Resource and Research Centre for Women (ARROW).

Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial

M. IAN FRY, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte des changements climatiques, a insisté sur la coopération régionale nécessaire pour développer des mesures de protection juridique des personnes déplacées.  Les effets des changements climatiques touchent les paysans ruraux et il faut prendre spécifiquement des mesures pour les protéger, a-t-il par ailleurs souligné.

Le monde a beau accroître les efforts de résilience, cela ne suffira pas, a d’autre part affirmé M. Fry, indiquant que les effets mortels du réchauffement climatique continueront à obliger des personnes à se déplacer. Il est toujours facile de se donner des excuses pour ne pas agir afin de soutenir les personnes en déplacement, a-t-il poursuivi. Combien faudra-t-il de décès pour agir, a-t-il demandé ? Il faut relever ce défi dès aujourd’hui, a-t-il conclu.

Dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains

Le Conseil est saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants (A/HRC/53/28, à paraître en français), ainsi que des deux additifs au rapport, qui portent sur les visites effectuées par la titulaire du mandat au Bangladesh (A/HRC/53/28/Add.1) et au Soudan du Sud (A/HRC/53/28/Add.2).

Présentation du rapport

MME SIOBHÁN MULLALLY, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, a indiqué que son rapport portait sur la traite des personnes et ses liens avec la protection des réfugiés, les déplacements internes et l'apatridie.

L’experte a d’abord fait remarquer que les déplacements de populations, internes ou transfrontaliers, augmentaient les risques de traite des personnes et qu’ils « engageaient la responsabilité des États à prévenir la traite et à assurer une protection efficace des victimes ou des personnes exposées au risque de traite », dans un contexte où quelque 108 millions de personnes ont été déplacées de force à la fin de 2022 dans le monde, dont 40% sont des enfants. L’éclatement des familles, la perte des moyens de subsistance et des réseaux de soutien, le déplacement vers des camps de secours peu sûrs et la précarité physique et socioéconomique sont autant de facteurs qui augmentent les risques de traite, a relevé la Rapporteuse spéciale.

Pour empêcher la traite des êtres humains et protéger les victimes, il faut, a recommandé Mme Mullally, élargir les possibilités de migration régulière et sûre ; offrir des possibilités de réinstallation, un regroupement familial fondé sur les droits et d'autres voies complémentaires pour l'admission des personnes ayant besoin d'une protection internationale ; et garantir un accès effectif à l'asile. La Rapporteuse spéciale s’est dite préoccupée par l'adoption de mesures dont l'objectif affiché est de prévenir la traite des personnes, mais qui reviennent à restreindre l'accès à la protection internationale : limiter l'accès à l'asile risque d'accroître les risques de traite des personnes, en jetant les gens dans des situations précaires et risquées, a-t-elle mis en garde.

Mme Mullally a aussi mis en évidence les risques de traite liés « à la précarité du statut juridique des personnes privées de leur droit à une nationalité », et les violations qui en découlent du fait de l'accès limité de ces personnes aux documents d'état civil, notamment. Les personnes apatrides qui fuient les persécutions, a ainsi expliqué la Rapporteuse spéciale, ont souvent recours, faute de papiers, à des passeurs pour obtenir de l'aide et sont ainsi davantage exposées au risque de traite.

Mme Mullally a demandé aux États de garantir un accès effectif à l'asile, de prendre des engagements en matière de réinstallation et de créer des voies complémentaires pour le regroupement familial, entre autres, afin d'atténuer les risques d'exploitation par la traite des personnes qui fuient les persécutions.

Rendant compte de sa visite au Soudan du Sud [effectuée du 5 au 14 décembre 2022] Mme Mullally s’est dite particulièrement préoccupée par la prévalence de la traite des enfants et par le nombre élevé d'enlèvements de mineurs conduisant à la traite à des fins de mariage, de travail, de recrutement et d'utilisation par des groupes armés et d'exploitation dans des activités criminelles. L'adoption du plan d'action visant à lutter contre les violations graves commises à l'encontre des enfants et à les prévenir est positive, a affirmé l’experte ; mais elle a jugé nécessaire que le Soudan du Sud prenne des mesures supplémentaires pour prévenir la traite des enfants liée aux conflits.

Concernant sa visite au Bangladesh [effectuée du 31 octobre au 9 novembre 2002], Mme Mullally a d’abord souligné le rôle de premier plan joué par ce pays dans la promotion des objectifs du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et dans l'accueil de près d'un million de réfugiés rohingya en provenance du Myanmar. L’experte a cependant fait part de sa préoccupation devant le peu d'attention accordée à la traite interne des personnes au Bangladesh. Elle a insisté sur la nécessité d'une action urgente pour prévenir la traite des réfugiés rohingya, en particulier des enfants. Mme Mullally a aussi indiqué s’être entretenue avec de nombreuses victimes de la traite à des fins de travail forcé et d'exploitation sexuelle à l'étranger, qui ont subi de graves violations des droits de l'homme.

Pays concernés

Le Bangladesh a assuré appliquer une politique de « tolérance zéro » à l'égard de la traite des êtres humains. Il a indiqué être partie à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (Convention de Palerme) et participer activement au processus de Bali, un forum international axé sur la prévention de la traite des êtres humains. Le Gouvernement a aussi promulgué la loi sur la prévention et la suppression de la traite des êtres humains et créé un tribunal spécialisé sur ce problème ; il organise de plus des opérations de sauvetage des victimes de la traite à l'étranger.

La délégation bangladaise a par ailleurs mentionné les mesures prises par son Gouvernement pour scolariser les enfants rohingya dans leur langue et protéger tous les réfugiés rohingya contre les atrocités.

Le Soudan du Sud a indiqué que sa Constitution transitoire ainsi que ses lois interdisaient toutes les formes de traite des êtres humains ; et que le Gouvernement avait créé des mécanismes pour traiter la question de l'inégalité entre les sexes en donnant des moyens d'action aux femmes et en leur attribuant 35% de tous les emplois. Le Gouvernement a aussi mis en place un tribunal spécial pour les violences sexuelles et sexistes, ainsi que des tribunaux militaires mobiles et des tribunaux pour mineurs : ces tribunaux fonctionnent depuis 2020 et ont condamné les auteurs de violences à des peines d'emprisonnement, dans le but de mettre fin à l'impunité. De plus, depuis 2019, les enfants recrutés par des groupes armés ont été libérés et réunis avec leurs familles.

D’autres mesures positives prises par le Gouvernement, a ajouté la délégation sud-soudanaise, visent à garantir la sécurité des femmes et des enfants, en identifiant et en protégeant de manière proactive les victimes de la traite des êtres humains, y compris les enfants victimes de la traite à des fins sexuelles.

Aperçu du dialogue

Les obligations des États en matière de lutte contre la traite des personnes se situent non seulement au niveau de la prévention dans les situations de déplacements internes et de réfugiés, mais aussi au niveau de la garantie d’un accès effectif à l'asile et au respect du principe de non-refoulement, a-t-il été souligné. De même, la nécessité de lutter contre les groupes criminels organisés, en particulier les trafiquants d'êtres humains, et de veiller à ce qu'ils soient traduits en justice, a été mentionnée à plusieurs reprises ce matin.

Des délégations ont évoqué les stratégies et plans de lutte contre la traite des êtres humains appliqués par leurs pays, axés entre autres sur la réduction de la demande ; la lutte contre les réseaux criminels ; l'identification et la protection des victimes de la traite, en particulier les femmes et les enfants, et le soutien en leur faveur ; l'autonomisation des survivants de toutes les formes de traite ; ainsi que la coopération bilatérale et internationale.

À ce propos, d’aucuns ont jugé très important que les États échangent des informations et des bonnes pratiques, et qu’ils redoublent d'efforts pour prévenir et combattre efficacement la traite des personnes, en particulier des femmes, des enfants et des adolescents victimes d'exploitation sexuelle. Les contacts directs entre unités de police concernées, services de migration et agences de contrôle des frontières des pays d'origine et de destination ont été jugés essentiels dans la coopération internationale en matière de la lutte contre la traite des êtres humains.

Des condoléances ont été présentées à celles et ceux qui ont perdu des êtres chers après le naufrage d'un bateau surchargé en Méditerranée au début du mois. Cette catastrophe, a-t-il été relevé, souligne à nouveau la responsabilité qui incombe à la communauté internationale de créer des voies de migration sûres et légales, de s’attaquer aux causes profondes de la migration et de protéger le droit à la vie. La communauté internationale a aussi été appelée à soutenir les pays qui accueillent des réfugiés en grand nombre.

La Rapporteuse spéciale a été priée de dire comment les États peuvent identifier les lacunes juridiques qui mettent en péril les droits des personnes déplacées ; et comment renforcer la protection juridique des personnes obligées de se déplacer pour des raisons liées aux changements climatiques. Des délégations ont aussi demandé à Mme Mullally ce qu’elle attendait des États pendant le Forum mondial sur les réfugiés qui se tiendra à Genève en décembre prochain.

Une délégation a regretté que le rapport de Mme Mullally soit « en partie alimenté par des informations provenant d'acteurs financés par des intérêts obscurs avec des agendas politiques ».

** Liste des intervenants : Union européenne, Belgique (au nom d’un groupe de pays), Oman (au nom du Conseil de coopération du Golfe), Liban (au nom du groupe des États arabes), Côte d’Ivoire (au nom du groupe des États africains), Équateur (au nom d’un groupe de pays), ONU Femmes, Émirats arabes unis, États-Unis, Liechtenstein, Égypte, Burkina Faso, Arménie, Viet Nam, Costa Rica, Équateur, Paraguay, Allemagne, Ordre souverain de Malte, Bahreïn, France, Australie, Iraq, Colombie, Israël, Malaisie, Malte, Maroc, Royaume-Uni, Venezuela, Irlande, Afrique du Sud, Togo, Pakistan, Namibie, Grèce, Malawi, Chine, Gambie, Djibouti, Suisse, Libye, Mauritanie, Jordanie, Afghanistan, Géorgie, Saint-Siège, Mali, Bénin, Cuba, Fédération de Russie, Roumanie, Algérie et Thaïlande.

 

 

 

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