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Nigéria : le Comité des travailleurs migrants se penche sur les stratégies concernant les mouvements de main-d'œuvre à destination et en provenance du pays ; il se préoccupe de l'exode des cerveaux de jeunes hautement qualifiés

Compte rendu de séance

 

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné aujourd'hui le premier rapport du Nigéria sur la mise en œuvre de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le rapport du Nigéria a été présenté par la Commissaire fédérale pour les réfugiés, les migrants et les personnes déplacées, Mme Imaan Sulaiman Ibrahim, qui a souligné que le Nigéria occupait une place importante dans le contexte mondial des migrations car il est à la fois un pays d'origine, de transit et de destination des migrants. Des mesures ont été prises pour relever les défis croissants de la migration irrégulière, des pratiques abusives, du travail forcé, de la contrebande et de la traite des êtres humains. En outre, des centres de ressources mis sur pied pour promouvoir une migration sûre et régulière par la diffusion d'informations aux travailleurs migrants potentiels et ceux qui reviennent au pays. Le Nigéria soutient la reconnaissance des droits des travailleurs migrants sans papiers, car les migrants en situation irrégulière sont souvent exploités et confrontés à de graves violations des droits de l'homme dans les pays d'accueil. Il défend également le principe de l'égalité de traitement entre les migrants et les ressortissants du pays d'accueil en ce qui concerne les salaires, les conditions de travail, les droits syndicaux, la sécurité sociale et l'accès à la justice. Il s'alarme en revanche de la criminalisation de la migration irrégulière par certains pays de destination.

L'importante délégation nigériane était également composée d'autres fonctionnaires de la même Commission nationale pour les réfugiés, les migrants et les personnes déplacées, ainsi que de fonctionnaires du Ministère de la justice et du Ministère des affaires étrangères, en particulier des membres de la Mission permanente à Genève. Elle a répondu aux questions des membres du Comité s'agissant notamment des procédures migratoires et d'obtention d'un visa de travail ; la régularisation des sans papiers ; l'exode des jeunes nigérians ; les questions relatives à l'économie et à l'environnement ; la lutte contre la traite d'êtres humains ; l'accès à la justice pour les migrants ; l'application de la loi interdisant l'accès au territoire pour les personnes souffrant de troubles mentaux ; la situation des migrants saisonniers.

Des membres du Comité se sont félicités que le Nigéria aborde pleinement la question des flux migratoires engendrés par les effets du changement climatique, s'inquiétant tout de même de l'impact du désastre écologique dans le Delta du Niger du fait des activités de l'industrie pétrolière. Ils ont aussi salué la création d'un registre électronique des migrants. Ils se sont vivement inquiétés de l'exode des cerveaux de jeunes hautement qualifiés.

Le Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants doit examiner, demain à partir de 10 heures, ainsi que vendredi matin, le rapport des Philippines. L'examen du dernier rapport au programme de la présente session, celui d' El Salvador, fera l'objet de trois séances, les après-midis de jeudi, vendredi et lundi prochains (30 et 31 mars et 3 avril).

Examen du rapport du Nigéria

Le Comité des travailleurs migrants est saisi du rapport du Nigéria (CMW/C/NGA/1-2), valant rapport initial et deuxième rapport périodique, établi sur la base d'une liste de points à traiter qui lui a été adressée par le Comité.

Présentation du rapport

MME IMAAN SULAIMAN IBRAHIM, Commissaire fédérale de la Commission nationale pour les réfugiés, les migrants et les personnes déplacées du Nigéria, a souligné que la gestion de la migration était un motif de préoccupation de plus en plus important pour le Gouvernement car le Nigéria occupe une place importante dans le contexte mondial des migrations car il est à la fois un pays d'origine, de transit et de destination des migrants. Partant, il a adopté, en 2015, une politique nationale sur les migrations qui est en passe d'être révisée, ainsi qu'une politique nationale sur les migrations de main-d'œuvre, adoptée le 15 octobre 2014, puis révisée en 2020, pour la protection de tous les travailleurs migrants. Des mesures ont été prises pour relever les défis croissants de la migration irrégulière, des pratiques abusives, du travail forcé, de la contrebande et de la traite des êtres humains. La cheffe de délégation a aussi attiré l'attention sur l'enregistrement et l'octroi de permis aux agences d'emploi privées aux fins de garantir un recrutement éthique pour le placement des travailleurs migrants tant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger.

Parmi les mesures adoptées par le Nigéria pour renforcer la protection des travailleurs migrants, Mme Sulaiman Ibrahim a également fait état des inspections sur les lieux de travail pour prévenir des pratiques injustes et des abus, le lancement de campagnes d'information régulières sur la protection des droits des travailleurs migrants, la création de structures visant à la promotion de la collaboration et de consultations avec des acteurs étatiques et non-étatiques sur des questions liées à l'emploi et aux migrations ; la création de centres de ressources pour les migrants afin de promouvoir une migration sûre et régulière par la diffusion d'informations aux travailleurs migrants potentiels et ceux qui reviennent au pays ; la mise à disposition de services d'aide à l'emploi par le biais d'une mise en relation et d'un placement. Elle a aussi souligné l'élaboration d'une stratégie d'intégration de la dimension de genre pour la mise en œuvre de la composante de genre de la politique nationale révisée sur la migration de main-d'œuvre.

Le Nigéria soutient la reconnaissance des droits des travailleurs migrants sans papiers, car les migrants en situation irrégulière sont souvent exploités et confrontés à de graves violations des droits de l'homme dans les pays d'accueil. Chaque travailleur migrant et les membres de sa famille, quel que soit son statut migratoire, devrait avoir le droit d'être reconnu comme détenteur des droits. Le Nigéria défend le principe de l'égalité de traitement entre les migrants et les ressortissants de leur pays d'accueil en ce qui concerne les salaires et les conditions de travail, les droits syndicaux, la sécurité sociale et l'accès à la justice. Il s'oppose à la criminalisation de la migration irrégulière par certains pays de destination et appelle à la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. À cet égard, il demande à tous les pays, en particulier aux États d'Europe occidentale, d'Amérique du Nord, l'Australie, les États arabes du Golfe persique, à l'Inde et à l'Afrique du Sud, de ratifier la Convention afin de protéger de manière adéquate les droits des travailleurs migrants résidant dans leur pays.

Le Nigéria plaide pour une protection efficace des migrants et de leurs familles contre la violence, les menaces et l'intimidation, la xénophobie et la discrimination, ainsi que pour la garantir leur accès à la justice, a poursuivi Mme Sulaiman Ibrahim. Il demande en outre que les systèmes financiers internationaux fassent preuve d'équité et de parité en ce qui concerne les frais d'envoi de fonds des travailleurs migrants et de leur famille, afin de garantir des frais uniformes pour un même montant, quelle que soit la destination.

Questions et observations des membres du Comité

M. CAN ÜNVER, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Nigéria, a souligné, en guise d'introduction, que la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille devenait de plus en plus importante à l'échelle mondiale et qu'il s'agissait, dans le cadre de ce dialogue avec les États parties, de veiller à une meilleure mise en œuvre de leurs législations. Au cours des échanges avec le Nigéria, il sera discuté des problèmes rencontrés en matière de mise en œuvre de la Convention, des pratiques qui ont cours au Nigéria et de la situation des migrants au Nigéria et des migrants nigérians à l'étranger.

M. Ünver a par la suite demandé des renseignements concernant la reconnaissance des équivalences des diplômes, par exemple lorsque des Nigérians formés à l'étranger rentrent au pays. Il a aussi voulu savoir quelles mesures sont prises pour veiller à ce que tous les enfants de travailleurs migrants en situation régulière ou non aient accès à l'éducation, et comment les autorités s'assurent que certains enfants migrants ne soient pas exclus sur la base de leur ethnicité.

Le rapporteur a également voulu savoir quelles mesures sont prises pour assurer la protection des travailleurs migrants nigérians à l'étranger. L'État envisage-t-il de prendre des mesures pour renforcer les services de protection des travailleurs migrants à l'étranger, en particulier par le truchement de ses services consulaires.

MME FATIMATA DIALLO, corapporteuse, a estimé que le Nigéria semblait avoir déployé peu d'efforts pour garantir une migration sûre, régulière et ordonnée et n'a conclu aucun accord bilatéral avec les pays d'accueil de main-d'œuvre nigériane, selon la Banque mondiale, même si des arrangements sont prévus avec l'Arabie saoudite et le Koweït, entre autres États du Golfe. Pourquoi l'État n'a-t-il pas envisagé de conventions bilatérales avec des pays européens et les États Unis, a-t-elle demandé.

Au sujet de la stratégie nationale de protection des frontières, l'experte a demandé quelles étaient les principales procédures et modes opératoires prévus pour l'accueil de migrants. La politique nationale migratoire de 2015 fait état de plusieurs mécanismes, notamment un groupe de travail sur la gestion des données, mais quels sont les résultats obtenus par ces mécanismes. Elle a demandé comment le service sur le retour des migrants nigérians recueille les statistiques. La Commission nationale soumet-elle des rapports et des recommandations au Gouvernement et quelle est la réaction de ce dernier. Mme Diallo a en outre posé des questions sur l'accès à la justice et à la possibilité de bénéficier du service d'avocats.

La corapporteuse a également demandé si le Nigeria comptait ratifier les Conventions de l'Organisation internationale du travail sur les travailleurs migrants, les salaires minima et les travailleurs domestiques. Cette dernière (n°189) est d'autant plus importante dans le contexte du Nigéria, qui compte de nombreuses femmes travailleuses domestiques dans des situations difficiles. Mme Diallo a par ailleurs encouragé à plus de cohérence dans les stratégies élaborées et s'est demandé dans ce contexte quels ministères avaient participé à l'élaboration du rapport au Comité. Une autre experte a pour sa part pointé l'absence de consultations avec les représentants de la société civile pour la préparation du rapport.

La question de la corruption se pose également dans le pays, a déclaré la corapporteuse, demandant si la délégation pouvait fournir des informations relatives à des pratiques d'extorsion de sommes parfois importantes par les fonctionnaires de la police des frontières. Les migrants se plaignent-ils de ce phénomène ?

Mme Diallo s'est félicitée que la délégation ait mentionné la question des flux migratoires engendrés par les effets du changement climatique. Dans ce contexte, elle s'est interrogée sur les mesures prises par l'État de Rivers et par le Gouvernement fédéral face à l'impact du désastre écologique dans le Delta du Niger du fait des activités de l'industrie pétrolière.

Parmi les autres membres du Comité, un expert est revenu sur une loi de 2015 interdisant l'accès au territoire aux personnes souffrant de troubles mentaux, rappelant que le Nigéria a ratifié la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées. Il a voulu avoir des réponses sur la loi concernant la protection des enfants, en particulier les mineurs non-accompagnés, ainsi que sur la question de l'accès à la justice pour les migrants dans le cadre de la procédure d'expulsion. Un autre expert a voulu savoir s'il existe des mécanismes de recours judiciaires contre des décisions d'expulsion.

Une experte, notant la création de SERVICOM, une plateforme électronique d'information et de plaintes, a souhaité obtenir des données chiffrées et des précisions sur la nature des plaintes déposées. Existe-t-il une assistance psychologique dans les centres de détention des migrants, notamment pour les femmes enceintes qui s'y trouvent?

Un expert a demandé des informations au sujet des migrants qui retournent au pays, en particulier ceux ayant subi des mauvais traitements en Libye. Il a aussi voulu obtenir des détails sur les procédures appliquées par les consultants nigérians en Allemagne et au Royaume-Uni, notamment, s'agissant de cas de détentions de migrants.

Une experte a souhaité connaître les activités de la Commission nationale des droits de l'homme, ses capacités et les moyens dont elle dispose. Un autre expert a relevé que, selon le rapport, le budget de la commission aurait augmenté progressivement, et a demandé davantage de renseignements sur cet organe. Un autre a demandé si une campagne de sensibilisation avait été menée sur les dispositions de la Convention, en particulier auprès des forces de l'ordre et des magistrats.

Une autre experte s'est intéressée à l'assistance et à la protection consulaire compte tenu que le Nigéria compte une importante diaspora. Elle a demandé à quelles catégories d'emploi les migrants étrangers peuvent prétendre, et quelles sont les données chiffrées sur les migrants Nigérians à l'étranger.

Les attaques terroristes ont-elles eu un impact sur la migration dans le pays, et quelle est la situation des migrantes en lien avec ces attaques, a demandé l'experte.

Un autre membre du Comité a posé des questions sur l'attention portée par le Nigéria sur la situation des travailleuses domestiques dans les pays du Golfe, qui sont souvent exploitées.

Un expert a rappelé que le Nigéria était le pays le plus peuplé d'Afrique et une des principales sources de migration au niveau international. Il a aussi connu le plus de déplacements internes au cours des dernières années, a-t-il fait remarquer, soulignant que le potentiel de migration est chaque fois plus important. Il a noté que les migrants viennent surtout du Sud du pays, en raison de l'insécurité, de la désertification et du changement climatique.

Un autre membre du Comité a noté que le Nigéria avait ratifié les principales conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT), mais pas la Convention n°143 sur les travailleurs migrants, ni la Convention n°189 sur les travailleurs domestiques.

Un expert a salué le fait que la création d'un registre électronique des migrants était un pas à même de favoriser la régularisation, et a souhaité savoir comment les autorités entendaient exploiter les données de ce registre.

Il a été demandé si des ressortissants nigérians étaient impliqués dans l'incident du 24 juin 2022 à la frontière entre le Maroc et l'enclave espagnole de Melilla lors d'une tentative de franchissement de la frontière par des migrants et, dans l'affirmative, quelle assistance a été fournie, y compris si des Nigérians ont été de simples témoins des violences.

Un expert a suggéré que le Nigeria, en tant que « géant de l'Afrique », facilite la convocation d'un sommet de l'Union africaine sur la question des migrations dans le continent et de nommer un ambassadeur qui parlerait au nom de l'Afrique.

D'autres questions soulevées ont porté sur l'exode de jeunes nigérians hautement qualifiés ; l'intégration des migrants nigérians détenus à l'étranger qui sont parfois également condamnés à leur retour au Nigéria pour « atteinte à l'image du pays » ; la situation des personnes déplacées ; le sort des travailleurs saisonniers, en particulier dans les régions frontalières ; les violences contre les femmes et les filles travailleuses domestiques ; les réseaux de prostitution forcée de femmes nigérianes dans certains pays.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité s'agissant notamment du cadre d'application de la Convention, la délégation a expliqué que des accords bilatéraux existent depuis longue date avec le Royaume-Uni s'agissant de la situation des migrants nigérians dans ce pays. Le Nigéria collabore également avec le Gouvernement sud-africain et est arrivé à un stade avancé dans le cadre de ce dialogue. Un dialogue est également en cours avec l'Union européenne et se soldera par la signature d'un accord bilatéral.

Les actes terroristes, mais aussi les effets du changement climatique, ont eu un impact sur les flux migratoires, a confirmé la délégation.

En réponse à une question sur le statut de la Commission nationale des droits de l'homme en tant qu'organe indépendant des droits de l'homme, la délégation a expliqué que depuis la promulgation de la loi de 2010 qui visait à garantir l'indépendance de cette commission, il n'était plus possible de procéder à la destitution d'un de ses membres, comme cela avait pu être le cas auparavant. Le fonctionnement de la Commission est désormais conforme aux Principes de Paris, cet organe peut formuler des recommandations que le Gouvernement est tenu de respecter et de mettre en œuvre. Des victimes ont ainsi pu obtenir des indemnisations, ce qui démontre le poids de la Commission et la confiance qu'elle inspire. Évoquant de récentes allégations d'Amnesty International selon lesquelles l'armée nigériane aurait fait avorter des femmes séquestrées par Boko Haram, la délégation a indiqué que la Commission des droits de l'homme avait convoqué les hautes autorités, qui ont dû fournir des explications concernant ces allégations.

S'agissant des procédures migratoires prévues par la réglementation, la délégation a expliqué que tout étranger qui vient au Nigeria pour obtenir un emploi doit d'abord passer par l'ambassade nigériane dans son pays d'origine pour demander un visa de travail. Un employeur nigérian doit obtenir une autorisation du gouvernement, et une lettre d'acceptation peut être délivrée qui comprend les termes du contrat, avec parfois des limites dans la durée. Le travailleur migrant pourra rester dans le pays pour travailler et pourra rester au Nigeria avec sa famille jusqu'à l'expiration de son visa de travail. Le programme de gestion des frontières s'efforce sans cesse à mettre à jour les procédures aux frontières. Le Nigéria est un pays vaste avec de nombreuses frontières, a-t-il souligné, justifiant la mise en place d'un système électronique. Interrogée sur la disposition prévoyant qu'une personne handicapée mentale ne peut être admise sur le territoire, la délégation a reconnu qu'il est difficile pour un agent aux frontières de déterminer l'état de santé mentale d'une personne, précisant que les agents ne peuvent que se fier aux documents présentés.

La délégation a insisté sur le système de conseil au départ des migrants nationaux et à l'arrivée des travailleurs étrangers. Le Bureau national des réfugiés et des migrants et le Conseil fédéral financent les centres d'accueil des migrants qui rentrent au Nigéria, a aussi indiqué la délégation. Les mineurs non-accompagnés sont placés dans des foyers. Les organisations de la société civile participent activement aux groupes de travail techniques et thématiques, et sont impliqués dans les processus d'examen des cas. Le Pacte mondial de Marrakech est pris en considération, a ajouté la délégation.

La régularisation des sans papiers peut se faire dans un délai de six mois, les personnes concernées pouvant retourner chez elles en vue de renouveler les pièces justificatives nécessaires. Les étrangers sont encouragés à contacter des associations et des services d'immigration.

Abordant les questions relatives à la situation en matière de droit du travail, la délégation a notamment fait valoir que le Nigéria était partie à 42 Conventions de l'Organisation internationale du travail, dont 26 sont entrées en vigueur. Quatre Conventions ont été ratifiées la semaine dernière dont la Convention n°143 sur les travailleurs migrants. La délégation a par la suite précisé, au sujet de la Convention sur les travailleurs domestiques, que la question était encore en souffrance et devait passer par une procédure impliquant les deux chambres du Parlement. Après un premier examen l'an dernier, il s'est avéré qu'il fallait plus de temps. La délégation a également indiqué que 1302 agences privées d'emploi ont été enregistrées cette année, et qu'une plateforme électronique permet aux migrants d'inscrire leur expérience et leurs compétences. Les lois et les politiques ne font aucune discrimination entre travailleurs. En outre, le pays ne connaît pas de cas de travail forcé.

Interrogée sur le phénomène de l'exode des jeunes nigérians hautement qualifiés, ou syndrome du japa (mot de la langue yoruba signifiant courir ou fuir), la délégation a signalé que des jeunes quittent le pays pour faire des études puis reviennent, alors que d'autres, plus âgés et qualifiés, décident de s'installer ailleurs pour améliorer leurs revenus. Il n'est pas exact que le Gouvernement les y encourage ; il n'est pas possible d'interdire à quelqu'un d'aller vivre où bon lui semble. La délégation a rappelé que le Nigéria avait une population de 200 millions d'habitants et comptait plus d'une centaine d'universités, ajoutant que ceux qui partent ne sont pas représentatifs de la majorité.

Des questions ayant été posées concernant le rejet de demandes d'asile sur la base de critères discriminatoires, la délégation a assuré le Comité que « nous ne rejetons pas les personnes sur la base de leur orientation sexuelle ». Elle a reconnu qu'il existe une législation, mais a assuré que personne ne posera la question, lors d'un recrutement, de l'orientation sexuelle. La délégation a aussi expliqué qu'il y a des cas où les personnes sont employées en raison de leur religion, mais elle n'a pas d'informations selon lesquelles des migrants n'auraient pas été recrutés en raison de leur religion. La délégation s'est dite choquée d'entendre de la part de membres du Comité qu'il existe des écarts salariaux fondés sur le genre.

La délégation a par la suite ajouté que la polygamie était reconnue au Nigéria mais que les travailleurs migrants qui vont en Europe sont surpris de ne pas avoir l'autorisation d'y emmener leurs épouses. Elle a par ailleurs regretté les informations souvent diffusées sur son pays, qui relèvent souvent de fausses idées répandues par des chaînes de télévision et médias sociaux. Le Nigéria a une société très inclusive qui n'exerce de discrimination à l'égard de personne. Les réfugiés sont traités de la même manière que les citoyens : il n'y a pas de camps de réfugiés dans le pays, a ajouté la délégation. Elle a ajouté que les femmes nécessitent une attention particulière soulignant que les victimes de la traite sont écoutées devant les juridictions, mais aussi celles subissant des violences domestiques, sexistes, sexuelles.

Les membres du Comité s'étant étonnés d'une économie qui voit 80% des entreprises du pays concentrées dans une seule région, la délégation a indiqué que cela résulte de l'offre et la demande, la capitale Lagos étant un noyau économique. Le Gouvernement réfléchit au moyen d'implanter des sociétés dans d'autres régions, car Lagos souffre d'une « surpopulation professionnelle ». Plusieurs États fédéraux ont décidé de développer leurs aéroports et systèmes ferroviaires pour attirer des entreprises.

Sur les questions environnementales, la délégation a fait valoir que le Programme des Nations Unies pour l'environnement et la compagnie pétrolière Shell se sont réunis avec des responsables nigérians pour discuter de la problématique de la remise en état de l'Ogoni. Les dommages dus aux hydrocarbures sont réglés peu à peu grâce à la fois aux obligations internationales et aux mesures prises par le Gouvernement.

Tous les détenus reçoivent le même traitement, qu'ils soient migrants ou pas, a assuré la délégation, ajoutant qu'il existe même une discrimination favorable aux migrants à cet égard.

Interrogée sur l'incident de Melilla, la délégation s'est limitée à déclarer que « de nombreuses personnes ont perdu la vie dans des circonstances extrêmement tristes très et de nombreux citoyens ont été très affectés ».

Des experts s'étant enquis de la conclusion d'un accord bilatéral avec le Royaume-Uni pour expulser les migrants considérés comme « criminels » vers le Nigéria, la délégation a fait valoir que cet accord avait permis d'épingler des réseaux de la traite d'êtres humains. Elle a précisé que 3 millions de Nigérians travaillent dans tous les secteurs de manière tout à fait légale au Royaume-Uni. Quant aux réseaux clandestins, qui amassent plus de 60 milliards de dollars par an, ils font l'objet de l'accord bilatéral avec le Royaume-Uni et une équipe spéciale des frontières a été constituée, financée par le Gouvernement britannique, qui a permis d'identifier de nombreux contrevenants aux points d'entrée terrestres et aériens du pays. La délégation a ajouté que le pays met l'accent sur les services de protection des migrants victimes de ce trafic.

Quant à ses rapports avec l'Union européenne, où la population active est en baisse, le Nigéria souhaite mettre l'accent sur une migration sûre, ordonnée et régulière. La délégation a dit ne pas comprendre que lorsqu'un Nigérian va en Europe, il est désigné comme « migrant », alors qu'un Européen qui s'installe au Nigéria est un « expatrié ». Elle a avoué avoir le sentiment que le Nigéria brade de la main-d'œuvre à bon marché aux pays plus nantis. Le pays forme des jeunes qui ensuite vont dans d'autres pays qui profitent de leurs compétences, a-t-elle constaté, appelant de ses vœux des politiques « gagnant-gagnant ».

Répondant à une autre question, la délégation a déclaré que le système judiciaire avait le pouvoir d'émettre des ordonnances de déportation, et le service diplomatique du pays du migrant est informé chaque fois qu'une telle ordonnance est émise. La délégation s'est félicitée des services des équipes de pays des Nations Unies mais estimé qu'il faudrait que ces derniers vérifient les informations qu'ils divulguent. La délégation a par ailleurs expliqué que des accords prévoient que des Nigérians condamnés à l'étranger pour des délits liés au trafic de drogue purgent leur peine au Nigéria. Dans ces cas, il n'y a pas double peine, a encore précisé la délégation.

Interrogée sur la participation de la société civile à l'élaboration du rapport du Nigéria, la délégation a souligné qu'il était évident qu'un rapport de cette envergure n'aurait pas pu se faire sans elle et s'est félicitée de la plus-value de cette participation, que ce soit dans le domaine de la migration ou dans d'autres domaines, tels que la préparation en cours en vue de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme.

Les migrants saisonniers, venus généralement de pays voisins, peuvent rester dans le pays jusqu'à 90 jours. Passé ce délai, ils ont la possibilité de s'inscrire auprès des autorités locales s'ils désirent rester plus longtemps.

S'agissant des personnes déplacées, la délégation a fait valoir que le Nigéria avait ratifié la Convention de l'Union africaine sur la protection et l'assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala).

 

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Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.

 

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