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Examen de la France au CERD : dans un contexte de sous-déclaration massive du racisme, la pratique des mains courantes, mais aussi les violences policières et le profilage racial préoccupent les experts

Compte rendu de séance

La France est un « poids lourd de l’Histoire » et son histoire se confond avec celle de la démocratie et des droits de l’homme. Il convient en outre de saluer la détermination et la volonté politique du Gouvernement français pour ce qui est de lutter contre le racisme et la discrimination raciale sous toutes leurs formes. Néanmoins, nombre d’actes délictueux « échappent totalement au radar de la justice » française et cela semble notamment être lié aux difficultés rencontrées pour porter plainte, alors que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) évoque une pratique répandue consistant à inciter les victimes qui souhaitent porter plainte à déposer plutôt une main courante. Cette pratique des mains courantes « contribue à l’impunité du racisme » en raison de l’absence de poursuite.

Par ailleurs, de nombreuses informations crédibles font état de profilage racial, de comportements abusifs et d’usage excessif de la force par les policiers et autres membres des forces de l’ordre, qui affectent de manière disproportionnée les personnes perçues comme étant issues de l’immigration ou comme appartenant à des groupes minoritaires. D’autres rapports font état de « contrôles au faciès ». Nombre de ces cas dénoncés sont classés sans suite ou aboutissent à des non-lieux.

Tels ont été quelques-uns des principaux constats dressés par les experts du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) à l’occasion de l’examen, hier après-midi et ce matin, du rapport soumis par la France au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Plusieurs membres du Comité ont en outre attiré l’attention sur la situation des minorités en France, qu’il s’agisse des gens du voyage, des personnes d’ascendance africaine, ou encore des musulmans et des Juifs.

Évoquant les « violences policières qui entraînent de nombreuses victimes », un membre du Comité a demandé où en était [six ans après les faits] l’enquête sur l’affaire Adama Traoré.

« Malgré les alertes de la société civile et de la CNCDH sur les pratiques policières discriminatoires et l’existence de violences policières illégitimes, les pouvoirs publics ne semblent pas prendre d’actions à la mesure de l’enjeu », a pour sa part déclaré Mme Magali Lafourcade, Secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Elle a en outre déploré la faiblesse de la politique pénale en matière de lutte contre le racisme, affirmant que le phénomène de sous-déclaration est énorme et que l’insuffisance des enquêtes conduit à un taux de classement sans suite très élevé.

Présentant le rapport de son pays, Mme Sophie Elizéon, Déléguée interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT de la France, a notamment rappelé que le législateur avait adopté deux lois, en 2020 et 2021, pour lutter encore plus efficacement contre les contenus haineux sur Internet et préparer l'entrée en vigueur, en 2024, des textes européens imposant de nouvelles responsabilités aux plates-formes.

Mme Elizéon a ensuite rendu compte des mesures prises pour faciliter le dépôt de plainte, soulignant notamment que quelque 2400 policiers et gendarmes constituent un réseau de référents répartis en zone urbaine comme rurale dans les 101 départements français. « L'augmentation à la fois du nombre de plaintes déposées et du nombre d'actes racistes, antisémites condamnés par le juge, illustre l'enjeu de poursuivre nos actions de formation auprès de l'institution judiciaire », a poursuivi la Déléguée interministérielle. Le Ministère de l'intérieur a enregistré, en 2021, 12 500 plaintes déposées par des personnes victimes de racisme, de xénophobie et d’actes antireligieux, soit 19% de plus qu'en 2019, a-t-elle précisé. « Nous avons néanmoins conscience de l'état de sous-déclaration massive du racisme et de l'antisémitisme en France, et de son impact sur la cohésion nationale », a-t-elle déclaré.

En 2021, le nombre de condamnations prononcées pour des infractions à caractère raciste ou commises avec cette circonstance aggravante a augmenté : ainsi, 1382 infractions de ce type ont été condamnées, soit 45% de plus qu'en 2020.

Pour ce qui concerne l'accès à la scolarité des enfants roms, a en outre indiqué Mme Elizéon, le décret du 29 juin 2020 a assoupli les modalités de preuve de la domiciliation en ouvrant les pièces justificatives à l'attestation sur l'honneur.

La Déléguée interministérielle a d’autre part attiré l’attention sur la mise en place des comités opérationnels de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (CORAH). Elle a également exposé les grands axes du nouveau plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations fondées sur l'origine (2023-2026) élaboré par le Gouvernement.

« Bien sûr, ces éléments positifs ne nous font pas détourner le regard des manifestations de haine et des discriminations racistes qui sont une réalité dans toutes les sphères de la société française », a assuré Mme Elizéon.

La délégation française était également composée, entre autres, de M. Jérôme Bonnafont, Représentant permanent de la France auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des Ministères de l’Europe et des affaires étrangères ; de la justice ; de l’intérieur et des outre-mers ; ainsi que de l’éducation nationale et de la jeunesse. L’Institut national de la statistique et des études économiques, la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement, de même que le Cabinet de la Ministre déléguée auprès de la Première Ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, étaient aussi représentés.

 

La circulaire, claire, qui précise les modalités d’emploi et d’exploitation du registre de mains courantes indique que la main courante informatisée n’a pas vocation à recueillir des déclarations portant sur des faits à caractère pénal, a souligné la délégation au cours du dialogue. Une dérogation à ce principe est toutefois possible lorsque la victime ne souhaite pas donner immédiatement suite à son affaire, mais cette dérogation est elle-même soumise à conditions : il faut que le préjudice soit faible, que le comportement du déclarant ne soit pas dicté par la crainte ou par des pressions, et que l’absence de réaction policière ou judiciaire ne soit pas de nature à laisser ultérieurement subvenir des atteintes à cette personne ou aux biens, a-t-elle expliqué.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la France et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 2 décembre prochain.

 

À 15h30 cet après-midi, le Comité entamera l’examen du rapport du Brésil.

 

Examen du rapport

Le Comité est saisi du rapport valant vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques de la France (CERD/C/FRA/22-23).

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, MME SOPHIE ELIZÉON, Déléguée interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT de la France, a notamment rappelé que le législateur avait adopté deux lois, en 2020 et 2021, pour lutter encore plus efficacement contre les contenus haineux sur Internet et préparer l'entrée en vigueur, en 2024, des textes européens imposant de nouvelles responsabilités aux plates-formes. D’autre part, avec la création du pôle national de lutte contre la haine en ligne au sein du parquet de Paris, en janvier 2021, la France s’est dotée d’un pôle spécialisé et réactif pour porter plus efficacement le combat contre les contenus haineux sur Internet et faire reculer le sentiment d’impunité, a ajouté la cheffe de délégation.

Par ailleurs, il n'est désormais plus contesté par personne en France que la haine qui se répand sur la toile trouve aussi à s'exprimer dans la rue et dans l'espace public, a fait remarquer la Déléguée interministérielle. L'assassinat du professeur Samuel Paty, le 16 octobre 2020, l'a tristement rappelé, ébranlant tout le pays. Cette tragédie engage le Gouvernement à poursuivre ses efforts en matière d'éducation au respect mutuel, d'enseignement de l'histoire dans toute sa complexité, de transmission de la mémoire et des valeurs républicaines de liberté, d'égalité et de fraternité.

Le plan national de lutte contre le racisme et l'antisémitisme présenté en 2018 avait – en plus de la lutte contre la haine en ligne – fait de la protection des citoyens, de l'éducation contre les préjugés et du soutien aux acteurs de terrain, des axes forts. Pour faciliter le dépôt de plainte, 2400 policiers et gendarmes constituent un réseau de référents répartis en zone urbaine comme rurale dans les 101 départements français. Ce dispositif s'accompagne d'une chaîne de la prévention renforcée avec 99 maisons de protection des familles présentes sur tout le territoire. Afin de rendre plus efficace encore le traitement judiciaire des plaintes un réseau de 140 enquêtrices/enquêteurs spécialisés a été installé et formé.

 

« L'augmentation à la fois du nombre de plaintes déposées et du nombre d'actes racistes, antisémites condamnés par le juge, illustre l'enjeu de poursuivre nos actions de formation auprès de l'institution judiciaire », a poursuivi Mme Elizéon. Le Ministère de l'intérieur a enregistré, en 2021, 12 500 plaintes déposées par des personnes victimes de racisme, de xénophobie et d’actes antireligieux, soit 19% de plus qu'en 2019, a-t-elle précisé. « Nous avons néanmoins conscience de l'état de sous-déclaration massive du racisme et de l'antisémitisme en France, et de son impact sur la cohésion nationale », a-t-elle déclaré.

En 2021, le nombre de condamnations prononcées pour des infractions à caractère raciste ou commises avec cette circonstance aggravante a augmenté : ainsi, 1382 infractions de ce type ont été condamnées, soit 45% de plus qu'en 2020 (951 condamnations). Cette tendance à la hausse se confirme puisque, de 2016 à 2019, le nombre de condamnations a fluctué entre 630 et 770 condamnations par an, a souligné Mme Elizéon, avant de préciser que les peines prononcées sont majoritairement des peines d’emprisonnement, généralement assorties d’amendes.

Pour ce qui relève de l’éducation contre les préjugés, le Ministère de l'éducation nationale a engagé des actions pour former et outiller les enseignants mais également pour sensibiliser les élèves, a poursuivi la cheffe de délégation.

Pour ce qui concerne l'accès à la scolarité des enfants roms, le décret du 29 juin 2020 a assoupli les modalités de preuve de la domiciliation en ouvrant les pièces justificatives à l'attestation sur l'honneur. De plus des médiateurs scolaires ont été mobilisés auprès des associations de terrain afin de faciliter l'accès à l'école et l'assiduité des enfants vivant en bidonville, campements et squats. En 2021, 3200 enfants ont ainsi pu être scolarisés.

Coprésidés par les préfets et les procureurs, les CORAH – comités opérationnels de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT – sont des espaces de dialogue et de déclinaison de la politique publique de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, réunissant les services compétents de l’État et des collectives locales ainsi que les acteurs associatifs, a d’autre part expliqué Mme Elizéon.

Le Gouvernement a élaboré un nouveau plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations fondées sur l'origine (2023-2026) couvrant cinq axes : affirmer à la fois la réalité du racisme et le modèle universaliste français ; mesurer le racisme, l'antisémitisme et les discriminations ; former tous les acteurs ; sanctionner les auteurs, au pénal, au civil et en disciplinaire ; et accompagner les victimes et les territoires. La lutte contre les discriminations fondées sur l'origine est également intégrée au plan, de même que la lutte contre l'antitsiganisme. À l’horizon 2025, a ajouté Mme Elizéon, 100% des agents de l’État auront été formés à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine.

Le Gouvernement est conforté dans sa foi dans l'approche universaliste des droits de l'homme par les premières exploitations des résultats de l'enquête Trajectoires et origines (TeO2) réalisée auprès de 26 500 répondantes et répondants entre juillet 2019 et novembre 2020, a déclaré la cheffe de délégation, faisant notamment valoir que 72% des enfants dont les deux parents sont immigrés obtiennent un diplôme supérieur à celui de leurs parents, contre 57% des enfants dont les deux parents sont nés en France, et que dans les familles originaires d’Asie et d’Afrique subsaharienne, 50% des enfants sont diplômés du supérieur, contre 43% dans les familles dont les deux parents sont nés en France.

« Bien sûr, ces éléments positifs ne nous font pas détourner le regard des manifestations de haine et des discriminations racistes qui sont une réalité dans toutes les sphères de la société française », a assuré Mme Elizéon. Une sanction majeure a été prise le 4 novembre dernier par le bureau de l'Assemblée nationale à l'encontre du député de Fournas, membre du Rassemblent national, pour les propos racistes qu'il a tenus pendant l'intervention d'un autre député, M. Carlos Martens Bilongo : interdiction de paraître à l'Assemblée nationale pendant quinze jours de séance et privation de la moitié de son indemnité parlementaire pendant deux mois. Comme l’a rappelé la Présidente de l’Assemblée nationale, cette sanction n’a été prononcée qu'une seule fois sous la Cinquième République [depuis 1958].

MME MAGALI LAFOURCADE, Secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), a d’abord affirmé que « la laïcité à la française, parfois mal comprise » constitue un cadre tout à fait favorable au respect de la liberté de croire ou de ne pas croire, d’exercer son culte ou d’en changer, tout en protégeant les citoyens contre l’immixtion des agents de l’État. En ce qui concerne les statistiques dites « ethniques », a-t-elle en outre assuré, « l’interdiction de catégorisations ethniques de la population par l’État », qui « correspond à l’ambition française de refuser de définir les personnes selon un référentiel ethno-racial », « n’empêche en rien de conduire des recherches pour mesurer finement les phénomènes discriminatoires ».

Mme Lafourcade a ensuite salué l’augmentation des moyens de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (DILCRAH) et son rattachement au plus niveau du Gouvernement. Elle a par ailleurs constaté avec satisfaction que le Gouvernement s’était attelé à l’élaboration d’un nouveau Plan national d’action [de lutte contre le racisme et l’antisémitisme], suivant une méthode très constructive visant à associer largement et étroitement tous les partenaires.

Il demeure cependant plusieurs sujets de préoccupations, a poursuivi Mme Lafourcade, notamment le fait que les personnes juives ou perçues comme telles font l’objet d’actes particulièrement violents, et nombreux au regard de la population concernée. « On meurt encore en France d’être juif », a déclaré la Secrétaire générale de la Commission, ajoutant que la CNCDH constate, en particulier sur les réseaux sociaux, la montée d’un discours complotiste nourrissant des liens étroits avec l’antisémitisme.

Autre inquiétude majeure qu’entend soulever la CNCDH : la faiblesse de la politique pénale en matière de lutte contre le racisme, a souligné Mme Lafourcade, affirmant que le phénomène de sous-déclaration est énorme et que l’insuffisance des enquêtes conduit à un taux de classement sans suite très élevé. En bout de chaîne, les condamnations sont de l’ordre de mille par an, loin de la réalité du phénomène infractionnel estimé à 1,2 million de victimes par an, a-t-elle insisté.

« La CNCDH appelle à un changement profond pour faire reculer les freins au dépôt de plainte et restaurer la confiance des minorités dans les institutions de la police et de la justice » et « appelle à réviser le formulaire de prise de plainte pour mettre au jour le mobile discriminatoire des infractions ». « Surtout, en matière de discrimination, aucune condamnation pénale n’a été enregistrée lors de la dernière année de référence, selon les chiffres du Ministère de la justice », a ajouté Mme Lafourcade, estimant « urgent de prendre des mesures de prévention, de sensibilisation et de politique pénale ».

D’autre part, « malgré les alertes de la société civile et de la CNCDH sur les pratiques policières discriminatoires et l’existence de violences policières illégitimes, les pouvoirs publics ne semblent pas prendre d’actions à la mesure de l’enjeu », a déclaré Mme Lafourcade. Un rapport interne consacré à la lutte contre les discriminations dans l’action des forces de sécurité, commandé par le Ministère de l’intérieur, et très récemment paru dans la presse, propose diverses pistes très intéressantes. L’une d’entre elles serait de transformer en délit les injures racistes non publiques quand elles sont proférées par les forces de l’ordre, a relevé Mme Lafourcade.

La Secrétaire générale a rappelé que la CNCDH mesure chaque année le niveau des préjugés appartenance par appartenance et a indiqué que l’antitsiganisme est de loin la forme de racisme la plus banalisée.

«Nous observons la montée d’un discours politique xénophobe », a enfin indiqué Mme Lafourcade, avant d’indiquer que « lors de nos missions de terrain aux frontières et notamment à Calais, nous avons documenté les violations des droits des migrants et le harcèlement des défenseurs des droits des migrants ».

Questions et observations des membres du Comité

M. NOUREDDINE AMIR, rapporteur du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus en détail le rapport de la France, a dit avoir énormément apprécié le contenu de l’intervention de la cheffe de la délégation française et y adhérer totalement. La France est un « poids lourd de l’Histoire », a-t-il déclaré, avant de dénoncer ceux qui, à l’extrême droite, s’opposent à ce que la France aille dans la direction souhaitée.

L’expert a ensuite appelé l’État français à mieux écouter les victimes du racisme et de la discrimination et à les comprendre. Il l’a également appelé à revoir sa législation pénale et civile afin que toutes et tous soient intégrés « dans l’ordre général du développement ».

M. Amir a par ailleurs dit apprécier le fait que la France ait aboli l’obligation faite aux gens du voyage de pointer régulièrement dans les commissariats. Il a cependant regretté que les Roms vivent en France « dans des ghettos » et soient dans l’impossibilité de scolariser leurs enfants et d’accéder au logement.

Rappelant que science sans conscience n’est que ruine de l’âme, M. Amir a demandé : « est-ce que les États, est-ce que certains ont perdu leur âme en étant inconscient de ce qui se passe chez eux en matière de racisme et de discrimination ? ».

M. BAKARI SIDIKI DIABY, membre du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus en détail le rapport de la France, a déclaré que nous sommes ici face à la France, « la France championne dans la traite transatlantique, la France championne de la domination coloniale, qui a généré et continue de générer des formes structurelles de discrimination et d’humiliation dans les territoires qui ont été soumis à cette politique ». « Nous espérons qu’à la fin de ce dialogue, la France sera championne de la lutte contre le racisme, la discrimination et toutes les formes de violations qui vont avec », a-t-il ajouté.

M. Diaby a ensuite demandé si le module de sensibilisation obligatoire à la diversité et à la lutte contre les discriminations destiné aux nouveaux agents de la fonction publique intégrait aussi une formation sur la lutte contre la discrimination raciale et le racisme. L’expert a ensuite attiré l’attention sur le récent rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) qui fait état de l’ampleur du discours de haine à caractère raciste visant notamment les Roms et gens de voyage, les personnes d’ascendance africaine et d’origine arabe. « Il existe également un discours xénophobe, y compris dans le monde politique, contre les personnes migrantes non européennes », a-t-il ajouté. M. Diaby a souhaité savoir combien de plaintes ont été déposées, combien d’enquêtes ont été menées et combien de responsables ont été condamnés concernant des discours de haine et des incitations à la discrimination et à la violence raciales.

Une étude de 2020, Cartographie de la haine en ligne en France, montre qu’il existe une intersectionnalité dans les discours de haine, par exemple entre les discours racistes et anti-LGBT, ainsi que des propos anti-arabes et antimusulmans, a poursuivi l’expert. Il a souhaité savoir si le Gouvernement intégrait l’intersectionnalité dans ses politiques de lutte contre la discrimination raciale, notamment contre les discours de haine. Il a aussi demandé des exemples de sanctions imposées aux personnes qui propagent des messages racistes sur Internet et a souhaité savoir si des personnalités politiques ont été sanctionnées lors de la propagation d’un discours raciste ou xénophobe.

Le Comité salue la création, dans les départements, de comités opérationnels de lutte contre le racisme et l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (CORAH), ainsi que l’adoption de plans territoriaux, a ajouté l’expert. Il a demandé de plus amples informations sur le mandat et le travail des CORAH ainsi que sur le contenu des plans territoriaux, en particulier pour ce qui est de savoir s’ils tiennent compte de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

M. Diaby a prié la délégation d’informer le Comité des mesures concrètes pries pour « lutter contre la discrimination raciale et la discrimination structurelle des minorités, notamment les Roms, les personnes africaines et d’ascendance africaine, les personnes arabes et les non-ressortissants », y compris les mesures spéciales adoptées pour leur garantir, sans discrimination, l’accès au marché du travail, à un logement convenable, et aux services et soins de santé.

Par ailleurs, afin de « lutter efficacement contre la sous-déclaration massive » d’actes racistes, M. Diaby a demandé ce qui avait été fait pour former spécifiquement, de façon régulière et répétée, le personnel de police et de gendarmerie aux questions particulières liées aux contentieux racistes, de même que pour faire en sorte que la victime puisse pleinement s'exprimer et être informée précisément de tous les enjeux de la procédure judiciaire, ne soit pas découragée et puisse aller au bout de sa démarche.

Évoquant ensuite les « violences policières qui entraînent de nombreuses victimes », M. Diaby a demandé où en était l’enquête sur l’affaire Adama Traoré et si les auteurs avaient arrêtés et condamnés de manière définitive. L’expert a demandé quel dispositif de contrôle interne permettait de lutter contre les excès des agents.

M. Diaby a enfin pointé les « effets dévastateurs (…) sur les libertés individuelles et collectives » de la circulaire de politique pénale en matière de lutte contre le terrorisme du 17 février 2020. « Prétextant la lutte contre le terrorisme, des abus sont commis par des agents publics sur des lieux de culte, des personnes migrantes et des réfugiés », a déploré l’expert, avant de demander des informations sur les motifs de fermeture de lieux de culte et sur les voies de recours ouvertes aux citoyens. M. Diaby a estimé que, dans un contexte où la circulaire traite aussi de la déchéance de nationalité, « la note des services de renseignement, dite note blanche, » donnait « des superpouvoirs au préfet au détriment des procureurs » et empêchait la tenue de procès équitables.

M. Diaby a demandé quelles mesures étaient prises par l’État « pour prévenir la discrimination généralisée des personnes tchétchènes ».

Enfin, alors que la Décennie des personnes d’ascendance africaine (2015-2024) va bientôt prendre fin, M. Diaby a demandé quelles mesures la France avait prises pour marquer cette période, « d’autant plus qu’elle a été un État très actif dans la traite et dans l’esclavage ». « Si, avec la loi Taubira, la France a reconnu l’esclavage comme un crime contre l’humanité », a ajouté l’expert, « il reste encore un autre pas à franchir dans l’étape visant la réparation d’un des crimes les plus monstrueux de l’histoire de l’humanité ». Les réparations doivent remédier aux effets contemporains de maux historiques, a insisté pour sa part la Présidente du Comité, MME VERENE ALBERTHA SHEPHERD.

M. Diaby a ensuite demandé où en était l’application du plan d’urgence global pour la Guyane française, qui avait été adopté en réponse à une manifestation de 2017.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, l’expert a demandé pourquoi la France n’avait pas adopté de politique globale et uniforme à l’égard des communautés autochtones. Il a voulu savoir quel avait été le niveau de participation des populations au dernier référendum et si l’organisation d’un autre référendum était d’actualité.

M. VADILI RAYESS, également membre du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus en détail le rapport de la France, a rappelé que l’histoire de la France se confond avec celle de la démocratie et des droits de l’homme. Il a ensuite affirmé que la France satisfaisait aux exigences de la lettre de l’article 4 de la Convention en pénalisant toutes les formes de discrimination. Il a souhaité savoir si les magistrats et les avocats connaissaient la Convention et s’ils pouvaient l’invoquer.

M. Rayess a ensuite demandé à la France de fournir des exemples de contentieux administratifs réglés dans le sens et l’esprit de la Convention. « Beaucoup d’ONG ont fustigé le glissement inadmissible du contentieux administratif, notamment par le renversement de la preuve », a souligné l’expert. En matière administrative, a-t-il expliqué, « la preuve n’incombe pas au demandeur, mais au défendeur car c’est l’administration qui détient les procès-verbaux, les enquêtes, et c’est elle qui doit donner les preuves de ce qu’elle n’a pas fait quelque chose de mal ».

M. Rayess a ensuite félicité la France pour l’adoption de l’article R625-7 du Code pénal, lequel prohibe « la provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée », et pour la modification en 2017 de l’article 132-76, qui fait du motif raciste une circonstance aggravante pour l’ensemble des crimes et délits punis d’emprisonnement. L’expert a demandé si la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse suffisait pour sanctionner la diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciales et toute incitation à la discrimination raciale.

L’expert a lui aussi constaté que nombre d’actes délictueux « échappent totalement au radar de la justice » française. « Cela semble être lié d’abord à la complexité du contentieux, mais également aux difficultés rencontrées pour porter plainte. L’ECRI, dans son rapport, a notamment évoqué une pratique répandue consistant à inciter les victimes souhaitant porter plainte à déposer plutôt une main courante », a fait remarquer M. Rayess. Le Comité souhaiterait donc connaître le nombre de mains courantes déposées en cas de discrimination raciale auxquelles la police a donné un suivi ; le nombre de plaintes de discrimination raciale classées sans suite ; et le nombre condamnations prononcées sur la base des plaintes pour discrimination raciale.

M. GUN KUT, rapporteur du Comité pour le suivi des observations finales, a relevé la détermination et la volonté politique du Gouvernement français pour ce qui est de lutter contre le racisme et la discrimination raciale sous toutes leurs formes – ce qui, a fait observer l’expert – est un très bon point de départ pour ce dialogue.

M. Kut a rappelé qu’à l’issue de l’adoption des dernières observations finales en date adressées à la France, le Comité avait demandé au pays de l’informer dans un délai d’un an des suites données à un certain nombre de recommandations figurant dans ces observations finales ; or ce rapport de suivi n’a jamais été reçu et le Comité souhaiterait que le pays soit davantage ponctuel et présente à l’avenir ses rapports de suivi dans les délais.

Plusieurs autres experts membres du Comité ont fait remarquer que le Comité avait été saisi de nombreuses informations crédibles relatives à des comportements abusifs de la part de représentants des forces de l’ordre, affectant de manière disproportionnée les personnes perçues comme étant issues de l’immigration ou comme appartenant à des groupes minoritaires. D’autres rapports reçus par le Comité font état de « contrôles au faciès ». Nombre de ces cas dénoncés sont classés sans suite ou aboutissent à des non-lieux, a regretté une experte.

Une première experte a souligné que le Comité avait reçu de nombreuses informations crédibles concernant le profilage racial et l’usage excessif de la force par les policiers et autres membres des forces de l’ordre. Ainsi, a dit l’experte, dans son rapport de 2022, l’ECRI constate avec préoccupation que peu de progrès ont été réalisés depuis ses rapports précédents pour prévenir ou contrer efficacement certains comportements abusifs de la part de représentants des forces de l’ordre qui affectent de manière disproportionnée les personnes perçues comme étant issues de l’immigration ou comme appartenant à des groupes minoritaires. Si les agents censés protéger les personnes appartenant à des minorités ethniques raciales utilisent une force excessive, cela ne facilitera pas le dépôt de plainte devant les autorités, a fait remarquer l’experte.

D’autre part, s’est interrogée une experte, si la France « accueille toutes les religions », comme l’a affirmé la cheffe de délégation, « pourquoi plusieurs sources d’information, et même les télévisions, font état de la discrimination contre les musulmans en France ? ». Cette même experte s’est enquise de l’effet qu’a la formation des magistrats à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur la réponse judicaire contre la discrimination raciale.

L’experte a aussi voulu savoir s’il était envisageable pour la France d’interdire la pratique des mains courantes et d’appliquer strictement les dispositions prévues par le Code de procédure pénale en matière judiciaire. En effet, a dit l’experte, il revenu au Comité qu’un certain nombre de mains courantes concernant des dénonciations d’actes de discrimination raciale ne sont « ni répertoriées ni suivies d’aucun effet juridique ». Cette pratique policière non prévue par le Code de procédure pénale français « contribue à l’impunité du racisme » en raison de l’absence de poursuite, a insisté l’experte.

L’experte a également dénoncé le système des amendes forfaitaires délictuelles, dont le Comité a été informé qu’elles sont « en grande proportion infligées par la police aux migrants, aux gens du voyage et autres personnes vulnérables » : ceci a pour effet de compromettre l’accès de ces personnes à la justice, a mis en garde l’experte. « Ce système est en voie de se perpétuer avec le dépôt d’un projet de loi (…) qui l’étend à d’autres infractions », a-t-elle souligné. Elle a voulu savoir de quels autres moyens disposent les personnes concernées pour faire entendre leur version des faits et obtenir un procès équitable.

Une autre experte a relevé une « progression des crispations au sein de la société, notamment à l’encontre des musulmans », ainsi que des « préjugés très répandus » contre les Roms et les Juifs. L’experte a demandé combien de condamnations et quelles peines avaient été prononcées, depuis le dernier rapport de la France, pour des faits antireligieux ou de racisme. D’après les informations dont dispose le Comité, « la plupart des cas de violence raciste aboutissent à un non-lieu ou sont classés », a regretté une autre experte, se demandant s’il ne faudrait pas, à cet égard, renforcer la formation des policiers et des procureurs.

Une experte a demandé s’il serait possible d’exclure du champ des mains courantes les actes relevant de la discrimination raciale, comme la France l’a fait pour les violences conjugales.

Plusieurs experts ont critiqué la possibilité qui est donnée aux autorités administratives françaises et aux préfets de fermer des lieux de culte.

Réponses de la délégation

S’agissant de l’application de la Convention, il a été précisé que le Ministère de la justice ne disposait pas d’outil pour recenser les procédures dans lesquelles la Convention a été invoquée. Cependant, la Convention irrigue la législation française et l’instrument est régulièrement invoqué par les avocats, a assuré la délégation.

Le cadre législatif français couvre l’ensemble des situations d’infraction à caractère raciste ou discriminatoire, a poursuivi la délégation. La loi ne distingue pas l’origine des personnes victimes de ces infractions, a-t-elle précisé. La loi sur la presse de 1881 incrimine les discours à caractère raciste ou discriminatoire ; le Code pénal complète l’arsenal en sanctionnant la mise en danger de personnes par la diffusion d’information – y compris sur Internet – les concernant.

Les victimes d’actes de discrimination bénéficient de politiques publiques pour les aider à accéder aux voies de recours, notamment l’aide juridictionnelle, ainsi que de la politique publique d’accès au droit. Parallèlement, des actions de sensibilisation sont menées en direction des victimes et des citoyens en général.

Le plan national de lutte contre le racisme et l'antisémitisme 2018-2020 a eu pour effet, entre autres, une augmentation du nombre des plaintes déposées, grâce au volet de formation accrue des magistrats et policiers qu’il contenait, a par ailleurs indiqué la délégation. Elle a ajouté que cette hausse du nombre de plaintes était sans doute également due à la sensibilisation des victimes pour les accompagner vers le dépôt de plainte et à l’accompagnement proposé par les associations, notamment celles qui sont partenaires de la DILCRAH.

La DILCRAH intervient dans les écoles de police pour outiller les policiers et gendarmes à la bonne prise en compte de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale ; ces formations mentionnent la Convention, parmi d’autres instruments internationaux ratifiés par la France.

La lutte contre les discriminations dépendant de la formation des personnes chargées d’appliquer la loi, les magistrats et greffiers reçoivent des formations de base et continues relatives aux affaires de discrimination, y compris en effectuant des stages dans des études d’avocats, a précisé la délégation. L’École de la magistrature organise des formations continues et les personnels de l’administration pénitentiaire reçoivent des formations similaires, a-t-elle ajouté.

Pour sa part, le Ministère de l’intérieur a allongé la formation initiale des gardiens de la paix. La lutte contre la discrimination et le racisme fait l’objet de plusieurs modules. L’un d’entre eux porte sur la manière de recevoir et d’écouter les victimes ; un autre traite de la relation entre la police et les citoyens, l’accent portant notamment sur l’impact des attitudes discriminatoires des agents ; un autre module encore concerne les marques de respect dans l’action de la police. Une formation de six heures a trait aux stratégies de communication à utiliser lors de contrôles d’identité sur la voie publique.

En ce qui concerne la pratique de la main courante, a poursuivi la délégation, « le Ministère de l’intérieur précise ne pas avoir connaissance de […] directives visant à enregistrer des mains courantes à la place de plaintes pour des faits relatifs à des infractions de nature raciste ou discriminatoire ». Il existe une circulaire claire qui précise les modalités d’emploi et d’exploitation du registre de mains courantes ; cette circulaire indique que la main courante informatisée n’a pas vocation à recueillir des déclarations portant sur des faits à caractère pénal. Une dérogation à ce principe est toutefois possible lorsque la victime ne souhaite pas donner immédiatement suite à son affaire, mais cette dérogation est elle-même soumise à conditions : il faut que le préjudice soit faible, que le comportement du déclarant ne soit pas dicté par la crainte ou par des pressions, et que l’absence de réaction policière ou judiciaire ne soit pas de nature à laisser ultérieurement subvenir des atteintes à cette personne ou aux biens.

L’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) réalise depuis 2008 chaque année une centaine de contrôles inopinés de l’accueil du public dans les services de police sur l’ensemble du territoire : il est alors vérifié, entre autres, que l’usager est dûment informé de la différence entre une plainte et une main courante. Quand la victime ne souhaite pas porter plainte, cela est verbalisé dans la main courante : l’absence d’une telle mention dans les déclarations vérifiées par l’IGPN est susceptible de faire l’objet d’une enquête complémentaire de la part de l’IGPN. La délégation a insisté sur le principe du droit d’accès à la plainte, qui signifie qu’une personne qui se présente dans un commissariat ou une gendarmerie avec la volonté de déposer plainte verra sa plainte être recueillie par les forces de sécurité intérieure et la main courante ne sera enregistrée que s’il y a un refus de la part du plaignant de déposer plainte – auquel cas par ailleurs, si elle change d’avis, la personne pourra toujours déposer plainte directement auprès du procureur de la République.

Le débat sur l’interdiction de la pratique de la main courante en cas d’actes de discrimination ou de racisme a déjà lieu, a fait savoir la délégation. Mais certaines associations ont préféré ne pas avancer vers une telle interdiction, pour tenir compte des besoins de certaines victimes qui ne souhaitent pas déposer plainte parce qu’elles craignent, par exemple, que l’auteur soit entendu et se retourne ensuite contre elles ; la main courante permet alors malgré tout de garder une trace qui pourra être invoquée ultérieurement.

Toute personne victime de racisme, d’antisémitisme ou de discrimination fondée sur ses origines peut déposer plainte dans la gendarmerie ou le commissariat de police de son choix, même hors de son lieu de résidence, et se faire accompagner, ce faisant, de la personne ou de l’association de son choix, a aussi indiqué la délégation.

En ce qui concerne le traitement des affaires, la délégation a indiqué qu’en 2021, quelque 7721 affaires à caractère raciste ou discriminatoire ont été orientées vers les parquets. Quelque 50% de ces affaires ont été classées sans suite, un chiffre qui doit être rapporté au taux global de classement de 68%, tous contentieux confondus. Dans la grande majorité de ces cas, l’enquête n’a pas permis d’apporter les éléments de preuve nécessaires aux poursuites. Les affaires poursuivables sont traitées par la justice pénale dans 49% des cas, le solde faisant l’objet de mesures autres que judiciaires, à caractère pédagogique.

Quant aux amendes forfaitaires délictuelles, elles concernent des infractions dites objectives (vente à la sauvette, vols simples, infractions routières, occupation illégale de halls d’immeubles et de terrain d’autrui, par exemple). L’amende ne fait en aucun cas obstacle à l’accès au juge, puisque chaque contrevenant se voit notifier la possibilité de faire recours en justice dans les 45 jours. Appliquée aux installations illicites sur le terrain d’autrui, cette amende forfaitaire ne vise pas exclusivement ni spécifiquement les gens du voyage, a assuré la délégation ; dans le même temps, l’amende ne pourra être infligée dans une commune qui ne respecte pas ses obligations s’agissant de l’installation d’aires d’accueil de gens du voyage, a-t-elle précisé la délégation.

La question de la sous-déclaration massive du racisme fera l’objet du prochain plan d’action contre le racisme et la discrimination raciale, qui sera présenté cette année. Selon les enquêtes de victimation, quelque 1,2 million de personnes sont potentiellement victimes en France d’actes racistes ou antireligieux, a indiqué la délégation.

« La France est particulièrement attentive à ne pas laisser impunis les usages disproportionnés de la force : elle assure un recours effectif aux personnes qui s’estimeraient victimes de violences commises par les agents des forces de sécurité intérieure », a déclaré la délégation. « Tout agent dont le comportement a été dénoncé et soupçonné d’un usage disproportionné de la force fait l’objet d’enquête administrative et/ou judiciaire ». « Une enquête administrative est systématiquement diligentée en cas de tir d’un policier ou d’un gendarme ayant blessé ou occasionné la mort d’une personne ». « Des sanctions disciplinaires sont prononcés à l’encontre de fonctionnaires de police ou de gendarmes en cas de manquement constaté, de même que des sanctions pénales sont prononcées en cas d’infraction », a déclaré la délégation.

L’IGNP a introduit en 2018 une base de données recensant les personnes blessées ou décédées à l’occasion d’une mission de police et publie annuellement sur son site un rapport sur la question. Quant à la technique dite « clef d’étranglement », elle est interdite depuis 2021, a fait savoir la délégation.

En ce qui concerne les contrôles d’identité, la délégation a affirmé que la France condamne fermement toute mesure de profilage ethnique, lequel est contraire au principe républicain d’égalité. Les prérogatives des forces de sécurité intérieure en matière de contrôle d’identité sont strictement encadrées par des dispositions normatives, a expliqué la délégation. Le contrôle d’identité basé sur des caractéristiques physiques ou des signes distinctifs est interdit, « sauf lorsque le contrôle est motivé par un signalement précis ». Ce principe figure dans le code déontologique de la police et de la gendarmerie.

Les efforts de lutte contre les « contrôles au faciès » ont été intensifiés. Toute personne qui s’estime victime de tels actes dispose d’un droit au recours et peut demander réparation du préjudice moral subi. Indépendamment d’une saisine de l’autorité judiciaire, il est aussi possible de signaler les faits en ligne aux services d’inspection de police ou de gendarmerie ou de s’adresser au Défenseur des droits.

La délégation a par ailleurs fait état de la création d’un Comité d’évaluation de la déontologie de la police nationale, structuré depuis fin 2020 et qui peut notamment se saisir de sujets portant sur les pratiques policières.

En 2020, a précisé la délégation, quelque 6112 signalements de manquement à la déontologie ont été faits par des particuliers auprès des inspections de la police et de la gendarmerie, dont 3986 ont été suivis de sanctions contre les policiers ou gendarmes concernés.

La délégation a ensuite décrit la procédure suivie concernant l’affaire Adama Traoré [jeune homme décédé en juillet 2016]. Dix expertises judiciaires ont eu lieu depuis cette date et l’enquête est toujours en cours, a-t-elle précisé.

La délégation a par ailleurs fait état de la création d’un observatoire de la haine en ligne.

En ce qui concerne les gens du voyage, la délégation a notamment rappelé qu’il existait jusqu’en 2017 un régime discriminatoire à leur égard, qui se traduisait par l’obligation qui leur était faite d’avoir un titre d’identité supplémentaire – soit un carnet, soit un livret de circulation : cela est terminé grâce à une loi qui y a mis fin en 2017, a fait valoir la délégation.

La lutte contre l’antitsiganisme est désormais intégrée au plan de lutte contre le racisme et la discrimination, a par ailleurs souligné la délégation. La politique concerne d’une part les gens du voyage français, d’autre part les Roms installés en France depuis une quinzaine d’année, en provenance notamment de Roumanie. Le Président de la République a reconnu, en 2016, la responsabilité de la France dans l’internement de plus de 6000 nomades entre 1940 et 1946, a rappelé la délégation.

En 2018, le Gouvernement a fixé un cadre d’action renouvelé s’agissant de l’évacuation de bidonvilles, qui s’accompagne désormais de solutions d’hébergement, de scolarisation et d’emploi. Les évacuations se font sous le contrôle d’un juge et ne visent pas de groupe particulier, a assuré la délégation.

Dans les territoires d’outre-mer, le Gouvernement mène, plutôt qu’une politique globale, des actions répondant aux besoins concrets des différentes communautés autochtones concernées, a d’autre part expliqué la délégation. Des instances consultatives ont été créées pour que les communautés puissent donner leur avis sur les décisions qui les concernent.

Le plan d’urgence pour la Guyane fait l’objet de la plus grande attention du Gouvernement ; la quasi-totalité des mesures prévues ont été réalisées, y compris la totalité de celles relevant de la santé, a déclaré la délégation.

En ce qui concerne les questions statistiques, il a été rappelé que la France ne faisait pas de distinction en fonction de l’ethnie ou d’une prétendue race. Elle n’en mène pas moins des enquêtes pour connaître la situation des personnes dans toute leur diversité, en particulier les immigrés et leurs descendants, s’agissant de leur santé, de l’éducation, de l’accès au marché du travail ou encore de leur situation familiale. Plus de 26 000 personnes ont répondu à l’enquête Trajectoires et origines en 2019-2020, au moyen d’un questionnaire très riche permettant de déterminer leur accès aux services publics et la discrimination qu’elles peuvent subir dans la vie sociale, a rappelé la délégation.

Entre autres initiatives prises dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine , le Gouvernement soutient financièrement la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, a fait savoir la délégation.

La délégation a répondu à d’autres questions des experts du Comité concernant la prise en charge des migrants mineurs non accompagnés ; l’intégration des immigrés ; la fermeture de lieux de culte ; ou encore les notes blanches des services de renseignement.

 

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