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Examen de la Suisse devant le CEDAW : l’adoption du premier Plan d'action pour l'égalité des sexes est à saluer, mais se pose notamment la question des différences cantonales en matière de protection des droits des femmes

Compte rendu de séance

 

Dans le dernier Global Gender Gap Report du Forum économique mondial, la Suisse s'est classée au dixième rang, le meilleur classement du pays jusqu'à présent, grâce aux progrès qu'elle a réalisés pour réduire l'écart de participation politique. La ratification de la Convention d'Istanbul en 2017 et l’adoption par la Suisse de son tout premier Plan d'action pour l'égalité des sexes 2030 sont à saluer, tout comme plusieurs initiatives législatives visant à promouvoir l'égalité des sexes et à protéger les droits des femmes.

Cela dit, certaines préoccupations subsistent, notamment en ce qui concerne les disparités entre les sexes, le manque à gagner lors d'un divorce ou d'une séparation, ainsi que les mutilations génitales intersexuées de mineurs. En outre, les stéréotypes persistent dans le pays, où l’on constate par ailleurs une prévalence élevée de la violence envers les femmes. En Suisse, le Gouvernement fédéral, mais aussi les cantons, les communes et les partenaires sociaux sont tous responsables de la mise en œuvre de la Convention, ce qui pose la question de savoir comment le pays entend éliminer les différences cantonales en matière de protection des droits des femmes – dont témoigne par exemple le fait que le taux de condamnation pour viol varie considérablement entre les cantons.

Tels ont été quelques-uns des constats des membres du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) alors qu’était examiné, aujourd’hui, le rapport soumis par la Suisse au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Présentant le rapport suisse, Mme Sylvie Durrer, Directrice du Bureau fédéral de l’égalité entre hommes et femmes, a notamment fait savoir que la Suisse s’était dotée en 2021 de sa première stratégie nationale visant à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, la « Stratégie Égalité 2030 », concentrée sur quatre champs d’action : la promotion de l’égalité dans la vie professionnelle, l’amélioration de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, la prévention de la violence de genre et la lutte contre la discrimination. De même, le Gouvernement a adopté le plan d’action national 2022-2026 pour la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul ainsi qu’une nouvelle Stratégie pour le développement durable 2030, dans laquelle l’égalité des sexes figure aussi.

Mme Durrer a également évoqué la deuxième « Session des femmes » de l’histoire du Parlement, en 2021, pendant laquelle plus de 240 participantes et représentant de organisations de la société civile ont adopté 23 revendications, concernant notamment l’égalité salariale, les infractions sexuelles, la violence de genre, le travail de soins, la garde des enfants, la santé des femmes, la promotion des femmes dans les sciences et la recherche, l’intégration d’une perspective de genre dans le numérique ainsi que le renforcement du Bureau fédéral de l’égalité.

Le Parlement, a aussi indiqué Mme Durrer, travaille sur la révision des normes pénales punissant les infractions sexuelles : les actes d’ordre sexuel commis contre la volonté d’une personne devraient ainsi être sanctionnés de manière adéquate, même lorsqu’il n’y a ni violence ni menace, a-t-elle précisé.

Outre Mme Durrer et plusieurs de ses collaborateurs au Bureau de l’égalité, la délégation suisse était composée de représentants du Département fédéral des affaires étrangères ; des Secrétariats d’État à l’économie et aux migrations ; ainsi que des Offices fédéraux de la santé publique, de la justice, de la police, des statistiques et des assurances sociales. La présidente (2023) de la Conférence suisse des déléguées [cantonales] à l’égalité faisait aussi partie de la délégation.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Suisse et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 28 octobre.

 

La prochaine séance publique du Comité, mardi 25 octobre à 10 heures, sera consacrée à un dialogue informel avec les États parties à la Convention.

 

Examen du rapport

Le Comité est saisi du sixième rapport périodique de la Suisse (CEDAW/C/CHE/6), qui a été établi sur la base d’une liste de points à traiter soumise par le Comité.

Présentation

MME SYLVIE DURRER, Directrice du Bureau fédéral de l’égalité entre hommes et femmes au Département fédéral de l’intérieur, a d’abord fait savoir que la Suisse s’était dotée en 2021 de sa première stratégie nationale visant à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette « Stratégie Égalité 2030 » se concentre sur quatre champs d’action : la promotion de l’égalité dans la vie professionnelle, l’amélioration de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, la prévention de la violence de genre et la lutte contre la discrimination. Pour appliquer la stratégie, la Suisse a défini un plan d’action avec des mesures détaillées. Tous les départements fédéraux sont impliqués ; la Stratégie s’adresse aussi aux cantons et aux communes, dont les contributions sont primordiales pour une approche intégrée aux différents niveaux de l’État, a précisé Mme Durrer.

D’autre part, le Gouvernement a adopté, en juin 2022, le plan d’action national 2022-2026 pour la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul, concentré sur trois thématiques : information et sensibilisation de la population, formation initiale et continue des personnes professionnellement engagées et des bénévoles, ainsi que prévention et lutte contre la violence sexuelle et sexiste. Ce plan d’action est lui aussi mis en œuvre à tous les niveaux de l’État fédéral et comprend des mesures de la Confédération, des cantons et des communes. Enfin, la Suisse a adopté en 2021 sa nouvelle Stratégie pour le développement durable 2030 dans laquelle l’égalité des sexes figure aussi.

Un autre événement majeur a été, en octobre 2021, la deuxième « Session des femmes » de l’histoire du Parlement : plus de 240 participantes et représentant de nombreuses organisations de la société civile ont adopté 23 revendications, concernant notamment l’égalité salariale, les infractions sexuelles, la violence de genre, le travail de soins, la garde des enfants, la santé des femmes, la promotion des femmes dans les sciences et la recherche, l’intégration d’une perspective de genre dans le numérique ainsi que le renforcement du Bureau fédéral de l’égalité.

Mme Durrer a ensuite relevé que la part des femmes dans les institutions politiques en Suisse progressait trop lentement : alors qu’elle s’élève à 42% dans la Chambre basse du Parlement, il y a moins de 30% de femmes dans la Chambre haute et dans les gouvernements cantonaux. C’est pourquoi la promotion des candidatures féminines sera à nouveau entreprise lors des prochaines élections fédérales, tant du côté des autorités que des milieux associatifs ; des efforts similaires sont déployés aux niveaux cantonal et communal lors de leurs élections.

S’agissant ensuite des dernières mesures prises selon les quatre axes majeurs de la Stratégie Égalité 2030, Mme Durrer a indiqué que, dans le domaine de la vie professionnelle et publique, selon la dernière enquête sur la structure des salaires, la part inexpliquée de l'écart salarial entre les femmes et les hommes s'élève à 8,1% en moyenne. Pour améliorer la situation, une révision de la loi sur l’égalité est entrée en vigueur en 2020 : elle introduit l'obligation pour les employeurs dès cent employé-e-s de réaliser une analyse des salaires, de la faire vérifier par un tiers indépendant et d’en communiquer les résultats aux employé-e-s et le cas échéant aux actionnaires.

En outre, début 2021, de nouveaux seuils de représentation des sexes s’appliquent dans les grandes entreprises cotées en bourse, à hauteur de 30% pour les conseils d'administration et 20% pour les organes de direction. D'autre part, le Gouvernement a décidé d’élever le taux cible de représentation des sexes de 30% à 40% pour les organes de direction suprêmes des entreprises proches de la Confédération, a expliqué Mme Durrer.

S’agissant ensuite du deuxième champ d’action de la Stratégie Égalité 2030, le Gouvernement élaborera d’ici à 2023 une stratégie nationale de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. En outre, une nouvelle loi entrée en vigueur en 2021 introduit, entre autres, un congé indemnisé de quatorze semaines qui permet aux parents d'interrompre leur travail pour s'occuper de leur enfant gravement atteint dans sa santé. En outre, depuis 2021, les pères disposent d’un congé de paternité indemnisé de deux semaines.

Concernant ensuite le troisième axe de la Stratégie Égalité 2030, Mme Durrer a constaté que la violence envers les femmes et la violence domestique étaient encore répandues en Suisse, même si l’on observe dans le domaine de la violence domestique une baisse de 3,9% des infractions entre 2020 et 2021. La Confédération, les cantons et des organisations de la société civile ont uni leurs forces pour lutter contre la violence domestique lors d’un dialogue stratégique en avril 2021 : une feuille de route définissant plusieurs mesures, dont la mise en place d’un numéro de téléphone central pour les victimes, disponible 24 heures sur 24, a été signée à cette occasion.

Parallèlement, le Parlement travaille sur la révision des normes pénales punissant les infractions sexuelles : les actes d’ordre sexuel commis contre la volonté d’une personne devraient ainsi être sanctionnés de manière adéquate, même lorsqu’il n’y a ni violence ni menace, a dit Mme Durrer.

Le quatrième axe de la Stratégie Égalité 2030 concerne la discrimination en général. Dans ce cadre, plusieurs cantons s’engagent pour lutter contre les stéréotypes à l’école et sensibilisent leurs administrations ainsi que leur population aux problématiques liées aux discriminations, notamment intersectionnelles. Mme Durrer a rappelé qu’en 2021, la population suisse avait plébiscité le mariage pour toutes et tous à une large majorité ; et que, depuis 2022, les personnes transgenres ou présentant une variation du développement sexuel peuvent faire modifier simplement les indications concernant leur sexe et leur prénom par une déclaration à l’office de l’état civil.

D’autre part, en quelques mois, plus de 60 000 personnes venant d’Ukraine, dont une majorité de femmes, ont obtenu un statut de protection en Suisse, a indiqué Mme Durrer. Dans ce contexte, la Confédération, consciente des risques accrus de traite des êtres humains ou d’exploitation sexuelle, a notamment lancé une campagne d’information spécifique en plusieurs langues, dont l’ukrainien et le russe.

Questions et observations des membres du Comité

MME CORINNE DETTMEIJER-VERMEULEN, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport suisse, a relevé que la Suisse avait fait beaucoup de progrès au cours de la période couverte par le rapport. Dans le dernier Global Gender Gap Report du Forum économique mondial, la Suisse s'est classée au dixième rang, le meilleur classement du pays jusqu'à présent, grâce aux progrès substantiels qu'elle a réalisés pour réduire légèrement l'écart de participation politique. Le Comité salue la ratification par la Suisse, en 2017, de la Convention d’Istanbul et l’adoption par le pays, en 2021, de son tout premier Plan d'action pour l'égalité des sexes 2030. Ce plan d'action pourrait également constituer une étape très réussie vers la réalisation de l’objectif de développement durable sur l'égalité des sexes.

D’autre part, a poursuivi l’experte, depuis la dernière période de référence, la Suisse a pris plusieurs initiatives législatives visant à promouvoir l'égalité des sexes et à protéger les droits des femmes. Le Comité sait que le droit pénal a été modifié afin d'aligner les dispositions relatives aux agressions sexuelles, à la coercition sexuelle et au viol sur la Convention d'Istanbul ; les lois sur le « mariage pour tous » et le congé de paternité payé de deux semaines méritent également d'être mentionnées dans ce contexte.

Cela dit, certaines préoccupations subsistent, notamment en ce qui concerne les disparités entre les sexes et le manque à gagner lors d'un divorce ou d'une séparation, ainsi que les mutilations génitales intersexuées de mineurs, a souligné Mme Dettmeijer-Vermeulen, relevant par ailleurs le faible nombre de condamnations pour traite des êtres humains durant la période couverte par ce rapport.

Le Comité se félicite des initiatives de sensibilisation prises pour faire connaître la Convention en Suisse, a ensuite indiqué la rapporteuse. Mais, constatant que la version anglaise de la vidéo publiée sur YouTube pour expliquer la Convention, par exemple, n'a reçu qu'environ 8000 visionnages depuis 2020 alors que la population féminine de la Suisse est d’environ 4,3 millions, l’experte a voulu savoir comment améliorer la visibilité de la Convention et de son Protocole facultatif dans la sphère numérique.

Relevant par ailleurs que le Gouvernement fédéral, mais aussi les cantons, les communes et les partenaires sociaux sont responsables de la mise en œuvre de la Convention, Mme Dettmeijer-Vermeulen a souhaité savoir comment la Suisse assure une mise en œuvre cohérente dans tout le pays. Par exemple, a-t-elle observé, le taux de condamnation pour viol varie considérablement entre les cantons : alors que 61% des accusés ont été condamnés dans le canton de Vaud au cours de la période 2016-2018, dans le canton de Zurich, ce taux n'était que de 7,4% (ou 13% selon les fonctionnaires cantonaux). Aussi, comment l’État partie entend-il éliminer les larges différences cantonales en matière de protection des droits des femmes, a demandé l’experte ?

En outre, il semble que les articles de la Convention soient considérés par le Conseil fédéral (c’est-à-dire le Gouvernement de la Suisse), à quelques exceptions près, comme de simples déclarations d'intention, et non comme des éléments de l'ordre juridique objectif, a constaté l’experte, avant de s’enquérir de données sur les décisions des tribunaux, cantonaux et fédéraux, qui se seraient fondées sur la Convention.

S’agissant du cadre législatif et politique, l’experte a demandé quels étaient les indicateurs pour les objectifs intermédiaires et l'évaluation finale de la Stratégie égalité 2030. Elle a voulu savoir comment la Suisse assurerait la coordination entre les différents secteurs et niveaux de gouvernement pour mettre en œuvre efficacement les stratégies et les plans d'action concernant l'égalité des sexes.

En ce qui concerne l’accès à la justice, Mme Dettmeijer-Vermeulen a relevé que toute personne indigente en Suisse avait droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins qu'elle n'ait peu de chances d'obtenir gain de cause ; elle a également relevé qu’il n'existe pas de données statistiques sur le nombre de femmes ayant bénéficié d'une aide juridique gratuite.

L’experte a par ailleurs demandé quelles mesures étaient prises pour que les femmes handicapées et les femmes roms soient informées de leurs droits, car elles peuvent rencontrer des difficultés liées aux barrières linguistiques ou à l'accès à Internet.

La même experte a voulu savoir si le plan d'action national visant à mettre en œuvre les Principes directeurs de l'ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme intégrait les questions d'égalité des sexes ; et si la Suisse évaluerait les effets de ses politiques de secret fiscal et financier sur les ressources disponibles pour la réalisation des droits des femmes à l'étranger.

Mme Dettmeijer-Vermeulen a d’autre part regretté que les visiteurs en Suisse en provenance du Sud soient confrontés à une procédure de demande de visa qui peut être coûteuse et humiliante, empêchant la représentation de groupes particulièrement marginalisés, dont les femmes.

S’agissant de l’agenda « Femmes, paix et sécurité », la rapporteuse a demandé comment la Suisse veillait à ce que les femmes participent effectivement aux négociations, à la médiation et aux activités de réconciliation et de reconstruction post-conflit.

Une autre experte a félicité la Suisse pour les deux sessions des femmes du Parlement et pour les budgets accordés, à travers le Bureau fédéral de l'égalité, en appui à des projets visant à améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle. Cependant, a fait observer l’experte, certains bureaux cantonaux de l’égalité sont en recherche de budget pour leur fonctionnement et deux bureaux cantonaux de l’égalité ont été dissous en raison de ressources insuffisantes.

Une experte a rappelé de précédentes préoccupations du Comité s’agissant de l’existence en Suisse de stéréotypes concernant la place des femmes dans la société. Elle a constaté que malgré des progrès dans ce domaine, notamment l’introduction du congé paternité, les stéréotypes persistent. Outre les campagnes de sensibilisation, l’experte a voulu savoir quelles autres mesures les autorités pourraient prendre contre ces stéréotypes, y compris dans le monde numérique.

Une autre experte a constaté qu’en 2018, 22 000 femmes et filles en Suisse étaient menacées par la pratique des mutilations génitales féminines. Aussi, s’est-elle enquise des mesures prises pour protéger les femmes et les filles et pour former les professionnels concernés à la détection de ce problème.

Une experte a constaté une prévalence élevée de la violence envers les femmes en Suisse : elle a demandé ce qui était fait pour sensibiliser les juges et avocats aux conséquences de cette violence. Elle s’est en outre inquiétée que des femmes migrantes victimes de violence domestique renoncent à déposer plainte de peur d’être expulsées.

L’industrie du sexe, dont une grande partie liée à la prostitution forcée, est florissante en Suisse, a constaté un expert : il a demandé ce qui en était de l’identification, de la réintégration puis de l’indemnisation des victimes d’exploitation dans ce contexte.

En ce qui concerne la participation à la vie politique, une experte a relevé une faible présence des femmes dans la chambre haute du Parlement fédéral. Elle a demandé ce qui était fait pour assurer une participation substantielle des femmes à la vie politique, pour contrer les discours haineux et sexistes envers les politiciennes, et pour donner davantage de place, dans les médias, aux candidates aux élections. Une autre experte a elle aussi estimé que le Gouvernement devrait s’employer activement à prévenir les discours de haine envers les femmes engagées dans la vie politique.

Il a aussi été recommandé que les autorités envisagent de sanctionner les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale entre les sexes.

Une experte a demandé si les directives sur l’utilisation d’un langage non sexiste dans les manuels scolaires étaient efficaces. La discrimination contre les filles dans l’éducation, a relevé l’experte, fait que les femmes sont majoritaires dans des secteurs d’activité moins rémunérateurs. Toujours en raison de stéréotypes, les femmes travaillent plus souvent que les hommes à temps partiel et sont sous-représentées dans l’encadrement, a aussi relevé l’experte.

Un membre du Comité a demandé si le Gouvernement fédéral avait pris des mesures pour protéger les femmes roms contre le racisme et la discrimination.

L’accès aux moyens de contraception ne fait pas partie des services de santé de base en Suisse, a fait observer une experte.

S’agissant du mariage précoce, une autre experte a jugé problématique la disposition légale actuelle qui prévoit un motif de nullité matrimoniale si l’un des époux est mineur, « à moins que la poursuite du mariage ne soit dans l’intérêt supérieur de ce conjoint ».

Réponses de la délégation

S’agissant de la visibilité de la Convention en Suisse, la délégation a indiqué que les autorités fédéral, le Tribunal fédéral, les cantons, les communes et les organisations de la société civile avaient été informés des dernières recommandations du Comité. Le Bureau de l’égalité dirige un groupe de travail interdépartemental sur la Convention et a établi une feuille de route pour le suivi des recommandations, a ajouté la délégation. Le Parlement connaît lui aussi la Convention, laquelle sert par ailleurs de cadre pour la Stratégie Égalité 2030. La Convention est aussi mentionnée dans les plans d’action pour l’égalité adoptés par les cantons ; elle a fait l’objet d’une exposition itinérante à Genève. Enfin, la Convention est mentionnée dans plusieurs arrêts du Tribunal fédéral et du Tribunal administratif fédéral, a fait savoir la délégation, exemples à l’appui.

De plus en plus d’avocats invoquent la Convention dans leurs argumentations, y compris lorsqu’ils souhaitent recourir à la procédure de plainte (communication) devant le Comité. L’augmentation du nombre de ces plaintes ces dernières années montre que la Convention est mieux connue en Suisse, a par ailleurs souligné la délégation.

Une réflexion est en cours au niveau fédéral à propos de l’élaboration d’une stratégie numérique pour le pays, qui devrait intégrer une dimension de genre, en particulier s’agissant de la formation des femmes aux technologies numériques.

La délégation a admis que les taux variables de condamnation d’un canton à l’autre étaient source d’interrogation. Comme il n’y a pas d’école de magistrature en Suisse, il faudra consentir des efforts de sensibilisation et agir au niveau de la formation initiale, a-t-elle indiqué.

Plusieurs mesures ont été prises un an après l’adoption de la Stratégie Égalité 2030, notamment un plan d’application de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Le plan met l’accent, en particulier, sur la formation initiale et continue des juges, procureurs et policiers, et définit des normes minimales dans ce domaine. Un guide a été publié à l’intention des juges confrontés à des situations où des enfants sont victimes de violence, a par ailleurs précisé la délégation.

La délégation a cité d’autres mesures prises dans le sillage de la Stratégie, citant notamment le quota de 40% de femmes dans les organes de direction des entreprises proches de la Confédération, ou encore l’adoption de nouveaux outils pour analyser l’écart de revenus entre les sexes.

De nombreux indicateurs statistiques sont associés à la Stratégie, allant du taux de pauvreté dans les ménages monoparentaux au nombre de femmes dans les délégations officielles suisses, a-t-il été précisé. Le Gouvernement entend en effet mener une politique basée sur des faits et qui puisse être adaptée rapidement à la réalité. Un bilan intermédiaire de l’application de la Stratégie sera réalisé en 2025, a fait savoir la délégation.

Le Parlement a refusé une motion visant à intégrer une dimension sexospécifique dans le budget fédéral. La Confédération procède surtout à des redistributions de moyens, les cantons et les assurances sociales étant les vrais fournisseurs de prestations. Des analyses budgétaires sexospécifiques sont réalisées secteur par secteur, notamment dans le sport et la coopération au développement. La Suisse cherche toujours un outil adapté à ses besoins, a expliqué la délégation.

Répondant à une question sur l’octroi de visas, la délégation a précisé que l’accès à la Genève internationale était assuré dans le respect des règles de Schengen, l’accès de la société civile étant une priorité pour la Suisse. Une rencontre a eu lieu avec des ONG pour clarifier les difficultés rencontrées dans leurs demandes de visa. Il apparaît que l’incapacité à remplir les exigences formelles est la cause de la majorité des refus de demande de visa, a indiqué la délégation.

En ce qui concerne l’accès à la justice, la délégation a précisé qu’au niveau cantonal les frais de justice ne sont perçus ni dans la procédure de conciliation, ni dans la procédure au fond pour les litiges relevant de la loi sur l’égalité. La Confédération et les cantons ont pris des engagements pour que les migrants soient informés de leurs droits de manière adéquate, y compris leur droit de porter plainte en tant que victimes, les conséquences des actes pour les auteurs de violence, et l’aide disponible. Les cantons appliquent leurs propres stratégies et mesures en matière d’information, lesquelles comprennent des mesures spécifiques pour les femmes, a aussi précisé la délégation. Toutes les personnes réfugiées et admises à titre provisoire sont soutenues par des conseillers personnels pour leur intégration et pour les orienter vers les services cantonaux compétents en matière d’aide juridique.

La nouvelle loi de 2018 sur la protection des victimes de violence couvre aussi les migrantes. Elle améliore l’accès à la justice dans les cas de harcèlement, de violence et de menaces et les femmes en particulier devraient bénéficier de cette nouvelle réglementation, a fait valoir la délégation. Dans tous ces cas, les frais judiciaires ne sont plus perçus, a-t-elle souligné. D’autre part, a dit la délégation, pour venir en aide aux personnes qui séjournent irrégulièrement en Suisse, des centres de consultation pour personnes sans papiers ont été ouverts dans dix cantons.

Il n’y a pas de statistique générale sur le nombre de personnes ayant bénéficié de l’aide juridique gratuite, a poursuivi la délégation. Cependant, les prestations octroyées en application de la Loi fédérale sur l’aide aux victimes (LAVI) sont recensées. En 2021, les personnes conseillées étaient pour les trois quarts des femmes ; sept consultations sur dix comportaient une aide juridique, y compris les services d’un avocat.

S’agissant des obligations extraterritoriales, la délégation a indiqué que le Gouvernement fédéral encourageait une conduite responsable des entreprises. Le plan d’action national relatif aux entreprises et aux droits de l’homme a été révisé. Il prévoit notamment des mesures de diligence raisonnable en matière de droits humains.

D’autre part, a ajouté la délégation, depuis dix ans, le secret financier dans le contexte transfrontalier a été aboli en Suisse et le pays a adopté des réformes visant une plus grande transparence.

La Suisse applique par ailleurs un système de contrôle pour faire en sorte que ses exportations d’armes ne dégradent pas la sécurité des femmes dans les pays de destination. Si les armes ou les munitions présentent un certain risque, l’exportation est interdite. La Suisse participe aussi aux recherches appliquées sur les répercussions des armes et des munitions sur les femmes, conformément à l’article 7 du Traité sur le commerce des armes.

La délégation a ensuite souligné que le Bureau fédéral de l’égalité bénéficiait de ressources humaines et financières légèrement accrues pour soutenir des projets. Au niveau cantonal, la situation des bureaux de l’égalité varie considérablement : plusieurs de ces organismes ont vu des augmentations de leur effectifs de même qu’un élargissement de leurs mandats et un renforcement de leurs compétences, mais dans plusieurs villes et cantons, au niveau politique, il y a toujours des remises en cause des bureaux de l’égalité, tandis que six cantons n’en sont toujours pas dotés.

La délégation a d’autre part indiqué que depuis 2012, le Code pénal incrimine explicitement les mutilations génitales féminines, y compris lorsqu’elles ont été commises à l’étranger. Les victimes reçoivent un traitement médical dans le cadre de l’assurance de base, à laquelle toute personne résidant en Suisse doit adhérer. La Loi sur les victimes prévoit elle aussi de nombreuses prestations, y compris une aide sur le long terme pour aider les victimes à se reconstruire. Le crainte de subir des mutilations génitales féminines est un motif qui permet de se voir reconnaître la qualité de réfugié en Suisse, a-t-il été précisé.

Cependant, les mutilations génitales féminines ne sont pratiquement jamais dénoncées, selon les autorités policières, raison pour laquelle il est difficile d’avoir des chiffres complets, a expliqué la délégation. Depuis 2012, on a recensé seulement trois dénonciations de mutilations génitales féminines et une seule condamnation (en 2018). La Confédération encourage les autorités cantonales à intégrer le risque de mutilations génitales féminines dans les programmes de formation.

Une experte ayant demandé ce qui était fait pour éliminer les stérilisations forcées, la délégation a notamment précisé qu’une stérilisation forcée pratiquée sur une personne âgée de plus 16 ans et durablement incapable de discernement était considérée comme une lésion corporelle grave et punissable de la privation de liberté, sauf si elle intervient au titre des conditions énumérées dans la loi sur les stérilisations.

La Suisse n’est pas favorable aux quotas de femmes en politique, a indiqué la délégation. Cependant, l’engagement très fort de la société civile a permis de lancer un vaste débat public et d’obtenir de bons résultats dans ce domaine, sur une base volontaire, a-t-elle souligné. La délégation a mentionné plusieurs initiatives cantonales pour favoriser la présence des candidates dans les listes électorales des partis et dans les médias.

Il n’y a pas, non plus, de quotas de femmes dans la diplomatie, mais des efforts marqués sont consentis pour assurer une représentation égale des femmes dans le concours de recrutement. Les femmes représentent 23% des chefs de missions diplomatiques, a précisé la délégation.

Depuis 2014, des programmes cantonaux favorisent l’ intégration des femmes migrantes, notamment par le biais d’initiatives de formation et par la mise en place de conseillers personnels, a d’autre part indiqué la délégation. Les activités visent notamment à faire connaître aux femmes migrantes le fonctionnement du système social. Les programmes d’intégration cantonaux ont donné de bons résultats. Une autre initiative aide les réfugiés et réfugiées à suivre un apprentissage et une formation professionnelle et la part des femmes à ce programme augmente régulièrement, a ajouté la délégation.

Concernant les femmes requérantes d’asile, il a été précisé que l’examen de leurs demandes d’asile tenait compte de leurs situations particulières, y compris les persécutions qu’elles peuvent subir en tant que femmes, dont les violences sexuelles. Le Gouvernement est, par ailleurs, en train d’évaluer, en vue de l’améliorer, la qualité des soins de santé prodigués aux requérantes dans les centres fédéraux d’asile.

De manière générale, les victimes de violence domestique qui ont un permis de séjour peuvent voir leur permis prolongé en cas de dissolution de la famille pour des faits de violence conjugale, a précisé la délégation en réponse à la question d’une experte.

La délégation a mentionné plusieurs campagnes de sensibilisation contre les stéréotypes. Plusieurs cantons ont lancé des campagnes de sensibilisation dans les écoles, a-t-elle indiqué, avant de mentionner d’autres initiatives prises contre le sexisme dans les entreprises. Les médias du service public sont tenus de représenter de manière égale les hommes et les femmes dans leurs contenus éditoriaux. Dans le secteur privé, on mise plutôt sur des engagements volontaires ; mais la publicité sexiste est interdite. Plusieurs cantons ou communes ont, plus généralement, interdit toute publicité sexiste dans l’espace public.

De nombreuses mesures sont prises pour identifier des victimes de la traite des êtres humains. Deux listes d’indicateurs ont été élaborées à cette fin, a souligné la délégation. Une campagne nationale de sensibilisation du grand public a été menée ; et d’autres campagnes cantonales informent la population et les victimes potentielles de l’existence de lignes d’appel gratuites et de l’aide disponible.

Les victimes d’exploitation dans le cadre de la prostitution bénéficient d’une aide au titre de la LAVI, a d’autre part indiqué la délégation, avant d’ajouter que ce type d’exploitation est punissable. Un débat est en cours sur la question de l’interdiction de la prostitution : on considère cependant qu’une telle décision inciterait les prostituées à plonger dans la clandestinité, ce qui les rendrait encore plus vulnérables et rendrait leur détection encore plus difficile, a expliqué la délégation.

En ce qui concerne le mariage précoce, les autorités estiment qu’une annulation à tout prix du mariage (dans le cas où l’un des époux est mineur) ne répondrait pas nécessairement à l’intérêt du mineur concerné. Chaque cas est examiné en fonction de la situation particulière. Cette question fait toujours l’objet de débats, a fait savoir la délégation.

La couverture sociale des femmes rurales est l’une des conditions de l’octroi de subventions directes aux entreprises agricoles, a fait savoir la délégation en réponse à une interrogation d’un expert du Comité.

Les enseignants sont tenus d’œuvrer pour l’égalité entre les sexes, a-t-il par ailleurs été précisé. Pour les aider à remédier aux stéréotypes sexistes, mais aussi homophobes, les autorités proposent un matériel pédagogique adapté, non sexiste, que les enseignants peuvent utiliser à titre facultatif. Les autorités scolaires organisent aussi des stages permettant aux jeunes garçons de se familiariser avec les domaines considérés comme féminins – comme la santé et le social – et inversement. Cette démarche a produit de bons résultats, car on constate, sinon encore la parité, au moins une amélioration dans le nombre de femmes actives dans les professions techniques et scientifiques, a fait valoir la délégation.

Il n’y a pas de sanction contre les entreprises qui ne respectent pas la parité dans les salaires : les autorités misent plutôt sur le risque de dégât d’image pour les entreprises qui ne respectent pas ce principe, d’où l’obligation qui leur est faite de publier les statistiques sur leurs salaires.

La délégation a donné des précisions sur le fonctionnement du système de retraite suisse, relevant qu’il pénalisait les personnes qui travaillent à temps partiel, les femmes étant alors particulièrement concernées. Cependant, si les prestations obligatoires de retraite s’avèrent insuffisantes, elles sont complétées par des subventions permettant de couvrir les besoins vitaux. Le Parlement est actuellement saisi d’un projet de loi pour améliorer la situation, projet élaboré avec les partenaires sociaux, a indiqué la délégation.

La délégation a d’autre part précisé que Parlement débattait actuellement d’une refonte de la définition du viol, selon laquelle quiconque agit contre la volonté de la victime, même sans contrainte, serait puni pour viol ou atteinte sexuelle – autrement dit la solution du « non, c’est non ».

La délégation a répondu à d’autres questions portant sur la fiscalité, les mesures de soutien financier prises pendant la pandémie, le dépistage du VIH/sida et l’accès aux moyens de contraception, la garde des enfants, le soutien accordé aux proches aidants ou encore l’utilisation des moyens numériques pour mieux faire respecter les droits des femmes et des filles.

 

CEDAW22.036F