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Luxembourg : le Comité des droits économiques, sociaux et culturels note que le pays fait une distinction entre ressortissants et non-ressortissants en matière d'égalité devant la loi et semble encore être un paradis fiscal, malgré certains progrès

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a conclu, cet après-midi, son dialogue avec la délégation du Luxembourg sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Dans un message vidéo adressé au Comité, le Ministre des affaires étrangères et européennes du Luxembourg, M. Jean Asselborn, a notamment reconnu que la pandémie de COVID-19 avait mis en évidence des lacunes qu'il a fallu rapidement combler pour atténuer l'impact de la crise dans plusieurs aspects de la vie quotidienne. Ainsi, des mesures ont été prises afin d'adapter les congés spéciaux, le télétravail, les aides aux entreprises, le chômage partiel, mais également trouver des solutions pour continuer à garantir l'accès à l'éducation et à la culture en veillant à ce que personne ne soit laissé pour compte. Complétant la présentation, le Représentant permanent adjoint à Genève, M. Luc Dockendorf, a souligné qu'au cours des dernières années, son pays avait continué à renforcer son cadre juridique et ses politiques générales visant à renforcer le respect, la protection et la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels de tous ses habitants.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport, Mme Laura-Maria Crăciunean-Tatu, a porté son attention sur un projet d'amendement de la Constitution qui prévoit de faire la distinction entre Luxembourgeois et non-Luxembourgeois en matière d'égalité devant la loi. Elle a aussi relevé que, selon une enquête européenne, 40% des contrôles de police au Luxembourg sont motivés par des considérations ethniques. Un autre membre du Comité a pour sa part remarqué que le Luxembourg semblait avoir toutes les caractéristiques d'un paradis fiscal, avec des taux d'imposition très bas pour les entreprises et une pratique du secret bancaire qui permettent à de grandes multinationales de créer des sociétés écrans en vue d'abaisser leur taux d'imposition. Si des mesures ont été prises pour lutter contre l'évasion fiscale, des poursuites continuent d'être engagées contre des lanceurs d'alerte, s'est inquiété l'expert.

S'agissant des questions liées à la fiscalité, la délégation s'est engagée à répondre par écrit, tout en assurant le Comité de la volonté du Gouvernement de mettre fin aux « tricheries » et évasions fiscales, ajoutant que le pays appliquait les directives européennes qui visent à rendre le système plus juste ainsi qu'à protéger les lanceurs d'alerte et ainsi changer la culture nationale à cet égard. Interrogée sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, la délégation a notamment indiqué qu'une loi prévoit un devoir de diligence raisonnable pour l'importation de minerais, à toutes les étapes de la filière. La délégation, notamment composée de représentants des Ministères de l'économie, de la sécurité sociale, de la justice, de la famille, des affaires étrangères et européennes, du travail, de l'éducation nationale, de l'enfance et de la jeunesse, et de l'emploi et de l'économie sociale et solidaire, a également répondu aux questions des membres du Comité s'agissant, notamment, des dispositions relatives au droit de grève, des mesures de lutte contre les discours de haine, de la protection de la jeunesse, du problème de la langue dans le système éducatif.

Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport du Luxembourg, comme sur les autres rapports examinés au cours de la session, dans le cadre de séances à huis clos qui se dérouleront la semaine prochaine. Ces observations finales seront rendues publiques après la clôture de la session et pourront être consultés sur la page internet consacrée à cette session.

Le Comité tiendra par ailleurs un dialogue informel avec des États parties au Pacte lundi 10 octobre dans l'après-midi et doit conclure ses travaux le vendredi 14 octobre, à l'occasion d'une séance de clôture qui se tiendra à partir de 17h30.

Examen du rapport du Luxembourg

Le Comité est saisi du quatrième rapport périodique du Luxembourg (E/C.12/LUX/4) ainsi que de réponses à une liste de points à traiter que lui avait soumise le Comité.

Présentation du rapport

M. Jean Asselborn, Ministre des affaires étrangères et européennes du Luxembourg, dans un message préenregistré, a indiqué que le présent rapport était le fruit d'une consultation nationale menée dans le cadre du Comité interministériel des droits de l'homme (CIDH). C'est à travers les travaux de ce Comité que le Luxembourg coordonne désormais la préparation des rapports périodiques que doit présenter le pays aux organes conventionnels du système des Nations Unies.

Le ministre a déclaré que la lutte contre la pandémie de COVID-19 avait mis en exergue un certain nombre de lacunes, qu'il a fallu traiter au plus vite pour atténuer l'impact de la crise sur une multitude de domaines de la vie quotidienne. Afin de continuer à garantir les droits économiques, sociaux et culturels, un certain nombre de mesures ont été prises par le Gouvernement afin d'adapter les congés spéciaux, les mesures de télétravail, les aides aux entreprises, le chômage partiel, mais également trouver des solutions pour continuer à garantir l'accès à l'éducation et à la culture, notamment via des plateformes numériques, en veillant à ce que personne ne soit laissé pour compte.

Depuis l'examen du précédent rapport du Luxembourg devant le Comité, en juin 2003, un certain nombre de changements sont intervenus dans la législation luxembourgeoise, notamment la ratification de la Convention d'Istanbul, qui a entraîné un certain nombre de changements législatifs en matière de lutte contre la violence à l'égard des femmes, ainsi que l'allongement du congé paternité, entre autres.

Complétant la présentation, M. Luc Dockendorf, Représentant permanent adjoint du Luxembourg auprès des Nations Unies à Genève, a souligné qu'au cours des dernières années, son pays avait continué à renforcer son cadre juridique et ses politiques générales visant à renforcer le respect, la protection et la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels de tous ses habitants. Il a notamment cité la loi du 20 juillet 2018, portant approbation de la Convention d'Istanbul, qui a ajouté la notion d'«identité de genre» dans le Code pénal et apporté une adaptation du Code du travail pour garantir l'égalité des salaires, lutter contre le harcèlement sexuel et inciter les entreprises à promouvoir l'égalité entre femmes et hommes.

Par ailleurs, un Observatoire de l'égalité a été créé en 2020 qui met en place un suivi de l'évolution de l'égalité entre les sexes au Luxembourg et qui constitue une mesure du plan d'action national pour l'égalité entre femmes et hommes. Enfin, la loi du 10 août 2018, relative à la modification de la mention du sexe et du ou des prénoms à l'état civil, a fait en sorte que cette procédure n'est plus une procédure judiciaire, mais une procédure administrative ouverte à toute personne, sans distinction de sa nationalité.

En ce qui concerne les droits des demandeurs de protection internationale et des bénéficiaires de protection internationale au Luxembourg, M. Dockendorf a cité la loi du 18 décembre 2015 relative à l'accueil des demandeurs de protection internationale et de protection temporaire, qui établit les normes pour l'accueil des personnes demandant l'asile. À travers la mise en place du Parcours d'intégration accompagné (PIA), le Gouvernement luxembourgeois place l'intégration des demandeurs de protection internationale au cœur de sa politique d'accueil, a fait valoir le représentant. Un accord de collaboration avec la Croix-Rouge luxembourgeoise prévoit une équipe ethno-psychologique, chargée de dépister des personnes souffrant de troubles psychiques et de mettre en place un suivi extérieur à la structure d'hébergement, en étroite collaboration avec les acteurs du réseau de la santé mentale.

Le représentant luxembourgeois a aussi attiré l'attention sur un cours, dispensé depuis l'année scolaire 2016-2017 dans les écoles primaires et 2017-2018 dans l'enseignement secondaire, intitulé « Vie et société », qui a remplacé les cours d'éducation religieuse et d'éducation morale et sociale. L'objectif principal est d'apprendre aux enfants à devenir des citoyens tolérants, ouverts d'esprit, critiques et prêts à analyser les grandes questions de la vie et de la société, notamment s'agissant de la thématique des droits humains. Les enseignants ont été formés pour ce nouveau cours par l'Institut de formation de l'éducation nationale.

Le Luxembourg est bien conscient que la question de l'accès abordable au logement reste un défi majeur dans le pays, a déclaré M. Dockendorf. Les prix des logements ne cessant d'augmenter, l'État luxembourgeois favorise l'accès à la propriété par des aides individuelles au logement, dites « aides à la personne », qui constituent un moyen utile pour augmenter la solvabilité des ménages à faible revenu en vue d'accéder à la propriété d'un logement.

Questions et observations des membres du Comité

Mme Laura-Maria Crăciunean-Tatu, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Luxembourg, a souligné que ce rapport périodique du Luxembourg aurait dû être présenté en 2008. Si le Comité regrette ce retard, il se félicite que le Luxemburg ait décidé de revenir devant le Comité pour engager un dialogue ouvert et constructif.

L'experte a salué le fait que la Commission consultative des droits de l'homme du Luxembourg ait obtenu le statut A par l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme depuis 2002. Lors de sa ré-accréditation en mars 2022, le Sous-Comité d'accréditation de l'Alliance mondiale avait formulé des recommandations, encourageant notamment la Commission luxembourgeoise à plaider en faveur d'amendements à la loi afin de limiter le nombre de mandats de ses membres et de son président. Elle a dès lors demandé comment les recommandations du Sous-Comité avaient été traitées par les autorités.

Bien que le Pacte, comme tout traité international auquel le Luxembourg est partie, a préséance sur le droit interne, y compris le droit constitutionnel, la rapporteuse regrette que les dispositions du Pacte n'aient pas, jusqu'à présent, été invoquées devant les juridictions internes luxembourgeoises.

L'experte a en outre souligné que le Luxembourg a ratifié le Protocole facultatif – reconnaissant la compétence du Comité à recevoir des plaintes – mais, que, jusqu'à présent, le Comité n'a été saisi que d'une seule plainte contre le Luxembourg, portant sur le droit du travail. Elle a précisé que cette plainte individuelle avait été déclarée irrecevable car le requérant n'avait pas épuisé les recours internes. Elle a souhaité savoir comment le pays s'assurait que le droit de recours devant le Comité et les conditions de recevabilité sont connus de la population générale.

Dans le contexte de la réforme constitutionnelle en cours, s'agissant du deuxième amendement (projet de loi n° 7755) portant modification du chapitre « Droits et libertés » de la Constitution, Mme Crăciunean-Tatu a souligné que plusieurs de ses dispositions n'étaient pas conformes au droit international et européen, selon plusieurs organismes dont la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise). Ainsi, une distinction est faite entre Luxembourgeois et non-Luxembourgeois en matière d'égalité devant la loi. La Commission de Venise a souligné que le maintien de cette distinction pourrait avoir une « signification symbolique majeure » dans un pays comme le Luxembourg où les étrangers représentent une part importante de la population, et a recommandé que le texte soit « révisé afin qu'il proclame le principe de l'égalité devant la loi en général et non comme un droit réservé aux Luxembourgeois, conformément au droit international ». L'experte a ainsi demandé comment les autorités répondaient à ces critiques

En 2018, l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne avait désigné le Luxembourg comme le deuxième pays le plus raciste de l'Union européenne. Selon une enquête de l'Agence publiée le 25 mai 2021, 40% des contrôles de police au Luxembourg sont motivés par des considérations ethniques. L'experte a demandé quels étaient les recours dont disposait une personne qui estimerait avoir fait l'objet d'une discrimination pour des motifs qui ne sont pas spécifiés dans la législation antidiscrimination.

Sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes, la rapporteuse s'est dite préoccupée par la forte proportion de femmes occupant des emplois dans les domaines de l'éducation, de la santé, des services sociaux et des sciences humaines, ainsi que par les inégalités en ce qui concerne la part importante des femmes parmi les personnes employées à temps partiel. L'experte a par ailleurs constaté une sous-représentation des femmes dans le secteur des technologies de l'information et de la communication.

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence que les femmes et les groupes les plus vulnérables, tels que les jeunes et les pauvres, sont ceux qui ont le plus souffert des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire et des réponses politiques qui ont été apportées, a poursuivi l'experte.

La rapporteuse a par ailleurs recommandé au Luxembourg d'établir des indicateurs adaptés et un système de collecte de données utilisant une approche fondée sur les droits de l'homme qui garantisse que des données et des informations ventilées suffisantes et fiables puissent être collectées pour éclairer les politiques fondées sur des données probantes.

Mme Crăciunean-Tatu a demandé quelles mesures avaient été prises par le Luxembourg pour s'assurer que les institutions financières publiques et privées et les acteurs opérant sous sa juridiction évaluent, divulguent et traitent la manière dont leurs investissements contribuent aux émissions de gaz à effet de serre qui exacerbent les changements climatiques.

L'experte a souhaité de plus amples informations sur une nouvelle loi comportant des dispositions pour lutter contre le blanchiment d'argent. Elle a d'autre part noté le report de la visite que devait mener au Luxembourg, au mois de juillet dernier, le Groupe de travail sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. Elle a demandé quelles étaient les raisons de ce report.

Enfin, l'experte a s'est dite préoccupée par une augmentation de la précarité et de la pauvreté au Luxembourg depuis 2003, qui touche plus particulièrement les jeunes, les étrangers, les personnes peu instruites, les familles monoparentales, les chômeurs. En outre, elle a dénoncé, sur ce plan également, une différence entre les ressortissants et les étrangers.

Un autre membre du Comité s'est penché sur la possible violation, par le Luxembourg, de son obligation extraterritoriale de ne pas impacter négativement la capacité des autres États à consacrer le maximum de ressources aux droits sociaux, économiques et culturels. En effet, l'évasion et l'optimisation fiscale, en raison de la concurrence à la baisse des régimes fiscaux, ont un impact important sur la capacité de États à disposer des revenus fiscaux suffisants pour mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels. Le Luxembourg semble avoir toutes les caractéristiques d'un paradis fiscal, avec des taux d'imposition très bas pour les entreprises et une pratique du secret bancaire qui permettent à de grandes multinationales de créer des sociétés écrans en vue d'abaisser leur taux d'imposition par le biais de transactions fictives. Le Luxembourg a pris certaines mesures, mais en même temps, il engage des poursuites à l'encontre des lanceurs d'alerte. Même si la situation s'est améliorée, il y a de nombreux éléments qui montrent que le Luxembourg continue d'être un paradis fiscal, a déploré l'expert.

Il semble que tant la Constitution que les législations luxembourgeoises ne reconnaissent pas clairement le caractère collectif du droit au travail, a déclaré un membre du Comité. Or, le Comité considère que le titulaire du droit au travail est à la fois individuel et collectif. L'expert a souhaité connaître les mesures prises pour permettre l'intégration des travailleurs migrants sans distinction fondée sur leur situation administrative s'agissant des conditions de séjour. Il a également invité le Luxembourg à ratifier et à mettre en œuvre la Convention internationale de 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

S'agissant de l'égalité entre les sexes, l'expert s'est enquis des mesures prises ou envisagées pour combattre la ségrégation professionnelle qui frappe souvent les femmes et la discrimination en matière de rémunération entre les femmes et les hommes. Un autre membre du Comité s'est enquis des mesures prises pour lutter contre les stéréotypes dans les médias.

Un expert a demandé à la délégation d'expliquer si la constitution d'un syndicat au Luxembourg était soumise à une autorisation préalable délivrée par une autorité administrative. Il a aussi demandé des informations sur d'éventuelles restrictions qui limiteraient le droit des travailleurs migrants ou frontaliers de bénéficier de la sécurité sociale selon le principe de non-discrimination et d'égalité.

Il a également été demandé à la délégation luxembourgeoise quelles mesures étaient prises pour combler l'absence d'un système de justice pour mineurs permettant aux juges de traiter les affaires impliquant des enfants d'une manière qui leur soit adaptée, notamment en recourant à des moyens extrajudiciaires pour renouer le lien de ces enfants avec la société. Il a par ailleurs souhaité savoir quelles structures sont prévues pour la détention des mineurs condamnés.

S'agissant du droit à un niveau de vie suffisant, un expert a demandé pourquoi les aides financières avaient connu une baisse depuis 2018.

Des questions ont par ailleurs été posées sur la question de l'accès aux soins de santé, notamment pour les détenus, les apatrides, les migrants, les demandeurs d'asile, les réfugiés.

Un expert a constaté un décrochage scolaire important au niveau du secondaire. Il s'est par ailleurs enquis des programmes prévus au sein des écoles pour lutter contre la discrimination à l'encontre des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes. L'expert a souhaité connaître les mesures prises afin d'intégrer les enfants de migrants dans les écoles. Il a aussi regretté que, selon certaines informations, de nombreux enfants handicapés se retrouvent dans des écoles spécialisées en raison du manque de moyens pour mettre en œuvre un système scolaire inclusif.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité sur le sujet de la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises , la délégation a notamment expliqué que la visite dans le pays du Groupe de travail du Conseil des droits de l'homme sur la question avait été reportée pour diverses raisons mais a dit espérer que cette visite puisse avoir lieu encore cette année. Elle a aussi indiqué qu'une étude avait été commandée par le Ministère des affaires étrangères sur la possibilité d'introduire une loi sur la diligence raisonnable des entreprises en matière des droits de l'homme, étude qui a mené à la création d'un comité spécial qui dépend du Ministère des affaires étrangères. La délégation a ensuite présenté quatre législations adoptées dans ce domaine, dont l'une qui prévoit un devoir de diligence raisonnable pour l'importation de minerais, à toutes les étapes de la filière. De plus, le Luxembourg met en œuvre les procédures de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans ce domaine.

La Commission consultative des droits de l'homme, institution nationale qui jouit du statut A en vertu des Principes de Paris, est maintenant installée dans une nouvelle structure, la « maison des droits humains », qui regroupe au même endroit plusieurs institutions des droits de l'homme, a indiqué la délégation.

La délégation a insisté sur la suprématie des traités internationaux sur le droit interne luxembourgeois, ce qui signifie que les dispositions du Pacte peuvent être invoquées devant les tribunaux et pris en considération. Elle a toutefois reconnu que peu d'affaires ont effectivement fait référence directement au Pacte puisque le législateur a articulé une grande partie des principes et dispositions du Pacte dans la législation interne. Les dispositions spécifiques du Pacte sont reprises dans divers codes ou lois. Ainsi, dans les affaires de discrimination, par exemple, les plaignants se réfèrent davantage aux lois nationales spécifiques.

L'entrée en vigueur de la nouvelle constitution luxembourgeoise ne pourra intervenir qu'en toute fin de législature, en 2023. Avec cette nouvelle constitution, le législateur a déjà anticipé sur un certain nombre de ses dispositions, dont celles relatives à un meilleur accès des étrangers aux droits des citoyens, notamment le droit de vote qui, s'il existait déjà pour les étrangers, sera élargi. D'importantes campagnes de communication ont déjà été lancées sur ce sujet. En outre, un autre projet de loi prévoit que les personnes sous tutelle ont obtiendront également le droit de vote. S'agissant des recommandations de la « Commission de Venise » concernant l'élaboration du projet de constitution, la délégation a souligné qu'elles n'avaient pas de valeur juridique en tant que telles. Mais les autorités reconnaissent qu'il s'agit d'une institution de référence et un échange a donc eu lieu avec cette commission qui a permis de clarifier plusieurs questions et de rééquilibrer le projet.

La délégation a reconnu qu'il manquait de statistiques sur la situation socio-économique du pays et qu'un effort devait être mené dans ce domaine afin d'améliorer la collecte de données, notamment dans le domaine de la justice. La délégation a par ailleurs souligné qu'à l'issue de leurs études universitaires, les professionnels de la justice suivent des formations, notamment ayant trait aux dispositions du Pacte.

S'agissant de l'impact de la pandémie de COVID-19 sur les personnes en situation de précarité, la délégation a notamment indiqué que les autorités avaient décidé de prolonger le programme « action hiver » en faveur des sans-abri, y compris des personnes en situation irrégulière, afin de leur fournir repas ou logement. Ces personnes ont également pu bénéficier des campagnes de vaccination. La continuité des services sociaux a en outre été garantie durant toute la période de pandémie. Certaines allocations ont aussi été réévaluées à la hausse et des mesures ont également été prises pour protéger les locataires des augmentations de loyer. Enfin, la délégation a indiqué qu'un système de chômage partiel avait été mis en œuvre durant la pandémie. Aujourd'hui, le taux de chômage est revenu au niveau d'avant la pandémie, a précisé la délégation.

La délégation a ensuite présenté différentes initiatives visant à favoriser l'emploi des jeunes et des personnes handicapées. Pour les migrants, des programmes de cours de langue et autres formations professionnelles sont également proposés.

S'agissant des questions liées à la fiscalité, la délégation s'est engagée à répondre par écrit, tout en rappelant les propos du Premier ministre luxembourgeois qui a déclaré devant la Chambre des députés qu'il en était fini de toutes les tricheries et évasions fiscales. Le pays applique les directives européennes qui visent à rendre le système plus juste. La délégation a aussi cité la directive européenne pour protéger les lanceurs d'alerte, qui permet de changer la culture nationale à cet égard.

En réponse à une autre question, la délégation a souligné que les pays de l'Union européenne dans leur ensemble n'avaient pas ratifié la Convention sur les travailleurs migrants, car des dispositions de protection similaire, voire supérieures existent dans le droit européen. La délégation a par ailleurs affirmé que le Luxembourg était un fer de lance dans la défense du respect des droits des migrants au sein de l'Union européenne.

La délégation a ensuite présenté une série de mesures prises par les autorités pour lutter contre les inégalités entre hommes et femmes au Luxembourg, notamment en faveur de l'égalité salariale.

La prévention de la pauvreté au travail fait partie de la politique globale de lutte contre la pauvreté, a déclaré la délégation, qui a précisé que pour réduire le risque de pauvreté chez les personnes qui occupent un emploi, le pays dispose d'un système d'indexation automatique des salaires en fonction de l'inflation. Par ailleurs, une allocation de vie chère vise à apporter une aide spécifique aux ménages à revenus modestes. Le risque de pauvreté étant plus élevé pour les enfants et les familles monoparentales, des mesures spécifiques ont été prises spécifiquement pour ces catégories. Une prime énergie pour ménage à faible revenu a par exemple été introduite récemment en raison de la hausse des prix de l'énergie. La délégation a ajouté que le salaire minimum du Luxembourg était l'un des plus élevé de l'Union européenne. Un ajustement est fait tous les deux ans pour améliorer les prestations sociales. Généralement, le salaire social minimum peut donner accès à une vie décente, mais cette donnée dépend de la composition du ménage, a précisé la délégation.

Le droit de grève est encadré au Luxembourg, a déclaré la délégation. Avant toute grève, il faut saisir l'office national de conciliation, mais la participation d'un salarié à une grève professionnelle décrétée dans des conditions légitimes et licites ne constitue jamais un motif grave ni un motif sérieux de licenciement. Les travailleurs migrants et frontaliers sont traités sur un pied d'égalité avec les résidents et disposent des mêmes droits de négociation collective.

Un mécanisme appelé « B-Secure » permet de signaler les contenus illégaux sur internet, notamment associés à des abus sexuels sur mineurs, à une propagande terroriste, raciste ou révisionniste. Ces contenus sont analysés par B-Secure qui décide des suites à donner à ces dossiers. La lutte contre les discours de haine s'est notamment traduite par une campagne de sensibilisation dans les écoles et dans les maisons de jeunes. De nombreuses autres campagnes sur la lutte contre les discours de haine ont été lancées dans tout le pays. Des policiers passent également dans les écoles afin de sensibiliser les élèves à la problématique du harcèlement. Le Ministère de l'éducation pour sa part élaboré un manuel dans la même perspective.

La délégation a présenté une série de mesures prises pour lutter contre les stéréotypes négatifs à l'encontre des personnes handicapées. D'autres mesures ont été prises afin d'améliorer la participation aux élections des personnes en situation de handicap.

Une réforme d'envergure est en cours de discussion au Parlement qui vise à mettre les dispositions légales en conformité avec la Convention des droits de l'enfant s'agissant de la protection de la jeunesse et le droit pénal des mineurs, en mettant l'accent sur la prévention. Cette réforme est en cours de rédaction depuis des années et a été élaborée en étroite collaboration avec une ancienne présidente du Comité des droits de l'enfant. Il s'agit d'un ensemble qui comprend trois projets de loi : un projet sur l'aide, le soutien et la protection des mineurs, des jeunes adultes et de leur famille ; un projet sur l'instauration d'un véritable droit pénal des mineurs ; et un dernier projet sur le droit des mineurs victimes et témoins dans le cadre de la procédure pénale. Il y aura également un renforcement du système des familles d'accueil avec une plus grande autonomisation tout en permettant de mieux suivre le développement de l'enfant. La délégation a ajouté que l'âge de la responsabilité pénale sera relevé à 14 ans.

Une fois cette réforme adoptée, la privation de liberté des mineurs sera une mesure de tout dernier recours, selon une logique désormais de déjudiciarisation. En réponse à la question d'un membre du Comité, la délégation a précisé que le pays comptait une structure fermée pour mineurs qui peut accueillir jusqu'à douze jeunes. Il s'agit de mineurs placés pour une durée de trois mois renouvelables sur décision des autorités judiciaires sous le régime de la protection de la jeunesse.

La délégation a indiqué que le pays organisait de nombreuses campagnes de lutte contre l'alcoolisme. Elle a en outre relevé que le côté répressif dans le domaine de la lutte contre le trafic de drogue se porte sur les trafiquants et les réseaux criminels.

L'un des grands défis dans le domaine de l'éducation est le fait que de nombreux enfants vivant au Luxembourg ne parlent aucune des trois langues administratives du pays (luxembourgeois, allemand et français). C'est pour cette raison que de nombreuses mesures ont été prises pour permettre l'intégration de ces enfants dans le système éducatif, les écoles luxembourgeoises s'étant notamment dotées de moyens pour aider l'élève à s'intégrer et à acquérir des compétences nécessaires pour poursuivre son parcours scolaire. La délégation a ensuite attiré l'attention sur les mesures qui ont été prises pour lutter contre le décrochage scolaire, notamment au niveau secondaire.

La délégation a indiqué que les enfants ayant des besoins spécifiques étaient pris en charge de manière adaptée au sein des écoles avec des équipes multidisciplinaires. Les parents ont le choix de la scolarisation de leurs écoles. Ces enfants se voient proposer un enseignement adapté dans huit centres de formation spécialisés. La délégation a toutefois précisé que moins de 1% des enfants ayant des besoins spécifiques ne sont pas inscrits dans les écoles régulières.

Le Luxembourg a reconnu le mariage pour tous depuis 2014, notamment pour les personnes de même sexe. Il est également possible pour ces couples d'adopter des enfants. La procréation médicalement assistée est autorisée pour les couples hétérosexuels et de même sexe. Il y a encore un ressenti de discrimination à l'égard de couples de femmes qui ont un enfant car le cadre légal ne permet pas encore une filiation juridique. La filiation biologique est quant-à-elle reconnue. La volonté des autorités est de permettre une filiation juridique, ce qui devrait être le cas lors de l'adoption de la réforme prochaine de la législation sur la filiation.

La délégation a par ailleurs indiqué qu'une loi de 2018 permet le changement de sexe dans le cadre d'une procédure administrative, sans qu'une opération chirurgicale soit exigée.

Conclusions

La rapporteuse du Comité pour le rapport du Luxembourg, Mme Crăciunean-Tatu, s'est félicitée du dialogue avec la délégation du Luxembourg et a dit espérer que ce dialogue se poursuivra à l'avenir. Elle a souhaité que les recommandations du Comité allaient permettre d'améliorer la mise en œuvre des dispositions du Pacte au Luxembourg, tout en soulignant que le pays avait déjà engagé de nombreuses réformes en ce sens.

Au nom de la délégation luxembourgeoise, M. Dockendorf a souligné qu'en tant que petit pays riche, le Luxembourg avait une responsabilité particulière pour une réalisation complète des droits économiques, sociaux et culturels. Le représentant a reconnu que le Luxembourg avait fait une pause relativement longue dans son dialogue avec le Comité et s'est réjoui que le compteur ait été remis à zéro. Le Luxembourg s'engage à garder un niveau régulier d'échange à l'avenir.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.

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CESCR22.015F