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Tadjikistan : le Comité des droits économiques, sociaux et culturels est préoccupé par la persistance de la corruption et les discriminations contre les minorités sexuelles et les séropositifs

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a conclu, cet après-midi, le dialogue mené tout au long de la journée avec la délégation du Tadjikistan s'agissant du rapport périodique du pays sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le rapport du Tadjikistan a été présenté par le Ministre de la justice, M. Muzaffar Ashuriyon, qui a notamment fait valoir que, malgré l'impact négatif des processus politiques et économiques mondiaux et régionaux, le Tadjikistan avait connu une longue histoire de croissance économique importante, la croissance du PIB ayant atteint en moyenne 7% par an entre 2016 et 2021, accompagnée d'une forte augmentation des revenus de la population. Le Gouvernement a pris des mesures préventives pour préserver la santé de la population dès les premiers jours de la pandémie de COVID-19, le ministre précisant que toute personne a droit à des soins de santé en vertu de la Constitution. Pour sa part, la Stratégie nationale de développement du Tadjikistan jusqu'en 2030 visait à mettre en œuvre les objectifs de développement durable des Nations Unies.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Tadjikistan, Mme Heisoo Shin, a relevé que la dette extérieure du Tadjikistan avait plus que doublé au cours des dix dernières années, principalement en raison de projets d'infrastructure à grande échelle, financés par des prêts étrangers. Elle a aussi souligné que, si le Tadjikistan dispose d'une loi, d'une stratégie et d'un plan d'action pour lutter contre la corruption, celle-ci reste répandue dans tous les secteurs de la société. La rapporteuse a en outre relevé que divers groupes sont victimes de discrimination, notamment les minorités sexuelles, les personnes vivant avec le VIH/sida, les personnes ayant un casier judiciaire. Mme Shin a aussi porté son attention sur l'expulsion soudaine de 80 Afghans, réfugiés et de demandeurs d'asile. Il semble par ailleurs, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, que le Gouvernement ait sévèrement contrôlé la parole des journalistes, du personnel médical ou des membres de familles de patients.

Répondant aux questions des membres du Comité, la délégation du Tadjikistan, composée de plusieurs représentants des ministères et institutions concernés par les sujets abordés par le Comité, a notamment souligné que les cas soulevés par les experts concernant des défenseurs des droits de l'homme et de journalistes arrêtés concernaient des personnes qui ont commis des infractions prévues au code pénal. La délégation a aussi fait valoir que la législation tadjike ne comportait aucune discrimination à l'encontre des minorités sexuelles. La délégation a attiré l'attention sur les nombreuses mesures de soutien à l'emploi à l'intention des jeunes et des personnes handicapées. Elle a aussi reconnu que 29,6% des travailleurs occupent un emploi dans l'économie informelle, ajoutant qu'une stratégie avait été mise en œuvre afin de réduire cette proportion à l'horizon 2023. Dans l'ensemble, le pays a connu une augmentation sensible de la création de postes de travail ces dernières années, aussi bien dans le secteur public que privé. La délégation a aussi traité des mesures prises par le pays dans la lutte contre la discrimination, contre la corruption, contre la pauvreté, notamment.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport du Tadjikistan. Elles seront rendues publiques après la clôture de la session, qui se poursuit jusqu'au 14 octobre, et pourront être consultés sur la page internet consacrée à la session.

 

À sa prochaine séance publique, demain après-midi à 15 heures, le Comité doit entamer l'examen du rapport périodique du Luxembourg, qui se poursuivra vendredi après-midi.

 

Examen du rapport périodique du Tadjikistan

Le Comité est saisi du sixième rapport périodique du Tadjikistan E/C.12/TJK/4, ainsi que les réponses de l'État partie à une liste de points à traiter que lui a adressée le Comité.

Présentation du rapport

M. MUZAFFAR ASHURIYON, Ministre de la justice du Tadjikistan, a indiqué que dès les premiers jours de son indépendance, le Tadjikistan s'est engagé dans la voie de la construction d'une société démocratique et les droits et libertés de l'homme et du citoyen sont reconnus comme des valeurs suprêmes. Il a souligné que le Gouvernement coopère activement avec la société civile, attirant l'attention sur une réunion consultative, organisée le 28 septembre dernier, entre la délégation gouvernementale et la société civile pour discuter du présent rapport.

En vertu de la Constitution, l'État garantit la liberté d'activité économique et d'entreprise, l'égalité des droits et la protection juridique de toutes les formes de propriété, y compris la propriété privée, le droit de travailler, de choisir une profession, le droit au logement, aux soins de santé, à la protection sociale et le droit à l'éducation. Toute personne a droit à la propriété intellectuelle et à la libre participation à la vie culturelle de la société. Les principales priorités du développement de l'économie et de l'amélioration des conditions sociales sont le renforcement de la stabilité sociale et politique et la réalisation de la prospérité économique et du bien-être social au Tadjikistan. Une gouvernance efficace et transparente, une société juste qui assure la protection et le développement humain, et une croissance économique durable sont des éléments clés de cet objectif.

Malgré l'impact négatif des processus politiques et économiques mondiaux et régionaux, le Tadjikistan a une longue histoire de croissance économique significative, a rappelé M. Ashuriyon. Entre 2016 et 2021, la croissance du PIB a été de 7 % par an en moyenne; le revenu monétaire de la population a presque triplé et le salaire nominal moyen a presque doublé.

En ce qui concerne la lutte contre la COVID-19, le Gouvernement a pris des mesures préventives pour préserver la santé de la population dès les premiers jours de la pandémie. Trois séries de vaccination ont été menées parmi les groupes cibles, couvrant plus de 90 % d'entre eux. Le ministre a fait valoir dans ce contexte que de nouveaux hôpitaux de 2 361 lits et de nouvelles polycliniques pouvant accueillir 4 053 personnes ont été construits et mis en service dans le pays au cours de la période 2016-2021. La Constitution stipule que toute personne a droit à des soins de santé.

Le Parlement a approuvé, en 2016, la Stratégie nationale de développement de la République du Tadjikistan pour la période allant jusqu'en 2030, qui vise à mettre en œuvre les objectifs de développement durable des Nations unies. La Stratégie nationale identifie l'éducation, les soins de santé, l'emploi, la lutte contre les inégalités, la lutte contre la corruption, la sécurité alimentaire et la nutrition, la bonne gouvernance, la protection sociale, la prévention des conflits potentiels, la sécurité énergétique, l'environnement et la gestion démographique comme des priorités nationales. Rien qu'au cours des cinq dernières années, les salaires des travailleurs du secteur public, notamment ceux des secteurs de la science, de l'éducation, des soins de santé, de la culture, de la protection sociale et des organes chargés de faire respecter la loi ont été multipliés par trois, a fait valoir le chef de la délégation tadjike. Pour leur part, les pensions de vieillesse, les pensions de base et les pensions d'emploi ont été augmentées en moyenne de 20%.

Le Ministre tadjik de la justice a aussi attiré l'attention sur l'adoption d'une loi sur les garanties publiques de l'égalité des droits des hommes et des femmes et de l'égalité des chances dans l'exercice de ces droits, qui établit les garanties publiques de l'égalité des chances des hommes. Le 19 juillet 2022 a été adoptée la loi sur l'égalité et l'élimination de toutes les formes de discrimination, qui définit la base institutionnelle et juridique de l'exercice de l'égalité des droits et des chances pour toutes les personnes dans le pays et établit un système juridique pour la prévention et la protection efficace contre toutes les formes de discrimination.

M. Ashuriyon a déclaré que, selon la Constitution du Tadjikistan, tous ont droit à l'éducation. L'État garantit un enseignement secondaire gratuit dans les établissements d'enseignement publics. Le financement public du système éducatif augmente chaque année et représentait, en 2021, près de 6 % du PIB. Une situation similaire est observée dans le secteur de la santé : les dépenses de l'État dans ce domaine s'élevaient à 2 % du PIB en 2021. Toute personne bénéficie, dans le cadre défini par la loi, de soins médicaux gratuits dans les établissements publics de santé. Pour ce qui concerne les personnes handicapées, le programme d'État « Environnement accessible » pour 2021-2025 a été adopté qui vise à développer des mesures de soutien social pour les personnes handicapées, à créer des opportunités égales pour elles de participer à la vie sociale et à améliorer leur niveau de vie.

En conclusion, le Ministre de la justice a déclaré que tous les indicateurs témoignent de la volonté inébranlable du Tadjikistan de construire un État social, de créer des conditions assurant une vie décente et le libre développement de chaque personne.

Questions et observations des membres du Comité

MME HEISOO SHIN, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Tadjikistan, s'est réjouie que le Tadjikistan ait ratifié 8 des 9 principaux traités dans le domaine des droits de l'homme. Elle a néanmoins demandé pourquoi le pays n'avait pas ratifié le Protocole facultatif au Pacte. Elle a par ailleurs demandé pourquoi le pays n'assurait pas des formations aux juges sur les dispositions du Pacte. Elle a également demandé si les observations finales et les observations générales du Comité faisaient partie des programmes au Centre de formation judiciaire de la Cour suprême. Enfin, elle a rappelé qu'au cours du deuxième examen du Tadjikistan par le Conseil des droits de l'homme dans le cadre de l'Examen périodique universel, le pays avait accepté la recommandation visant à garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire, et a demandé si des progrès ont été réalisés à cet égard.

Mme Shin a ensuite relevé que, selon un rapport de la Banque mondiale, la dette extérieure du Tadjikistan a plus que doublé au cours des dix dernières années, pour atteindre 67 % du PIB en 2016, principalement en raison de projets d'infrastructure à grande échelle, financés par des prêts étrangers.

Entre 600 000 et un million de Tadjiks dans la force de l'âge partent travailler à l'étranger, principalement en Russie, a souligné la rapporteuse. En 2013, les transferts de migrants vers le Tadjikistan ont totalisé plus de 3,4 milliards de dollars, soit 40% du PIB, faisant du pays l'un des pays les plus dépendants des envois de fonds au monde. Les flux abondants d'envois de fonds ont été principalement utilisés pour la consommation et ne se sont pas traduits par une augmentation de l'investissement privé, a-t-elle précisé.

L'indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International classe le Tadjikistan au 153e rang sur 198 pays, a constaté l'experte. Si le Tadjikistan dispose d'une loi sur la lutte contre la corruption, d'une stratégie de lutte contre la corruption et d'un plan d'action, la corruption est toujours omniprésente et répandue dans tous les secteurs de la société, a regretté l'experte.

Mme Shin a par ailleurs demandé des informations sur la portée de la nouvelle loi de lutte contre les discriminations. Elle a en outre relevé que divers groupes spécifiques de personnes sont victimes de discrimination, notamment les minorités sexuelles et les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes, ainsi que les personnes ayant un casier judiciaire notamment.

Un autre groupe victime de discrimination est celui des personnes vivant avec le VIH/sida. En effet, en vertu de l'article 125 du Code pénal, l'exposition ou la transmission du VIH est punie d'une peine de prison, s'est inquiétée la rapporteuse, et il semble que le Tadjikistan punisse les gens qui tombent malades du VIH/sida. En 2018, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes avait déjà lancé un appel en faveur de la décriminalisation de la transmission du VIH/sida. L'experte a ajouté qu'un décret gouvernemental de septembre 2018 interdisait aux personnes vivant avec le VIH d'étudier dans des établissements d'enseignement médical, d'adopter des enfants et d'être tuteurs d'enfants. En outre, l'article 14 du Code de la famille prévoit le dépistage obligatoire du VIH pour les personnes souhaitant se marier. Cette loi exige également que toutes les personnes vivant avec le VIH divulguent leur statut à leurs partenaires sexuels. De telles obligations sont déraisonnables et excessives, a insisté Mme Shin.

Des cas d'abus de personnes handicapées sont également signalés, y compris des avortements forcés, a relevé l'experte.

Tout en félicitant le Tadjikistan d'accueillir le plus grand nombre de réfugiés et de demandeurs d'asile en Asie centrale, l'experte a rappelé que le Comité, lors de l'examen du précédent rapport du Tadjikistan, avait recommandé l'abrogation des résolutions présidentielles qui restreignent la liberté de circulation et le choix de résidence des demandeurs d'asile et des réfugiés, ce qui a une incidence négative sur leur accès au marché du travail, aux soins de santé, à l'éducation, au logement et à d'autres services sociaux. Le non-respect de ces résolutions entraîne le rejet de l'enregistrement des demandes d'asile, le refus de délivrer ou de prolonger la validité des documents et des sanctions administratives importantes. Elle a dès lors demandé si le pays avait suivi cette recommandation d'abroger ces dispositions. Elle a aussi cité un article du Guardian du 9 septembre dernier dénonçant une expulsion soudaine de réfugiés et de demandeurs d'asile afghans, sans raison ni procédure. L'expulsion forcée concernerait 80 Afghans depuis le 16 août, même ceux qui avaient les documents légaux et le statut approprié. Elle a dès lors souhaité connaître les raisons de ces expulsions.

Mme Shin a demandé si le Tadjikistan avait pris des mesures pour assurer l'indépendance du Commissaire aux droits de l'homme, dont les statuts ne sont pas pleinement conformes aux Principes de Paris.

En ce qui concerne la situation au Tadjikistan face à la pandémie de COVID-19, il semble que le Gouvernement ait sévèrement contrôlé la parole des journalistes, des médecins et autres membres du personnel médical ou des membres de familles de patients, a relevé l'experte.

La rapporteuse a par ailleurs souligné que la loi sur les associations publiques avait été modifiée en 2019 et transformée en loi sur les organisations à but non lucratif, avec des obligations de déclaration sur leurs sources de financement. Elle a souhaité connaître les raisons de ces amendements.

S'agissant des défenseurs des droits de l'homme, Mme Shin a souligné que lundi dernier, il y a tout juste deux jours, une déclaration commune de deux organisations, International Partnership for Human Rights et l'Organisation mondiale contre la torture, a été publiée sur les procès de sept avocats et journalistes des droits de l'homme qui ont été accusés de diverses infractions pénales. Ces deux organisations ont fait part de leur grave préoccupation quant à « l'absence de transparence et la nature politiquement motivée » de ces procédures, appelant les autorités du Tadjikistan à abandonner immédiatement les poursuites contre les défenseurs et les journalistes et les libérer sans condition.

Mme Shin a également demandé davantage d'informations sur la loi « Sur les garanties étatiques de l'égalité des droits pour les hommes et les femmes et l'égalité des chances pour leur mise en œuvre ».

Un autre membre du Comité a indiqué qu'après la pandémie, l'économie informelle s'est développée, notamment par le recours à des hommes et femmes « à tout faire » qui sont l'objet de nombreuses violations, notamment des violences sexuelles.

Une experte a relevé également des violations commises par les entreprises extractives ou du bâtiment, plus spécifiquement le recours à la suspension du versement des salaires. Elle a demandé comment la question des arriérés de salaire allait être réglée. L'experte a demandé si le salaire minimum s'appliquait uniquement aux fonctionnaires ou à tous les travailleurs.

Cette experte a également demandé davantage d'informations sur la stratégie de protection sociale de 2022-2023. Elle a aussi relevé que de nombreuses personnes n'avaient pas accès aux allocations de chômage car les procédures sont trop complexes.

L'experte a par ailleurs regretté que les parents d'enfants handicapés n'aient accès à aucune allocation, selon des informations reçues par le Comité.

Un autre expert a demandé des précisions sur le déploiement de centres de soutien à la famille et à l'enfance, dotés de nouveaux services de soutien familial et communautaire pour les enfants en situation de vulnérabilité. Il a également demandé des informations sur tout nouveau programme pour l'élimination des pires formes de travail des enfants. L'expert s'est enquis du statut des ressortissants tadjiks revenus de zones de conflit, y compris les femmes et les enfants. Il a aussi demandé des informations sur la mise en œuvre de la stratégie pour le développement de l'alimentation scolaire jusqu'en 2027.

S'agissant du droit à un logement convenable, l'expert a demandé à la délégation de fournir des informations sur la procédure applicable aux expulsions de personnes de leur logement, ainsi que sur le nombre de ces expulsions et les communautés touchées.

Un membre du Comité a relevé que la part du budget de l'État alloué à l'éducation s'élevait à 6% du budget de l'État, ce qui montre la grande attention accordée par le Gouvernement à ce domaine. L'expert a toutefois souligné que ce budget n'était pas à même de couvrir les coûts de fonctionnement. Il n'y a pas assez d'équipements et de ressources humaines dans les établissements scolaires, a-t-il regretté, certaines infrastructures n'ayant même pas accès à l'eau courante dans des zones reculées du pays.

Cet expert a aussi demandé les raisons qui font que de nombreux jeunes sont en décrochage scolaire, plus particulièrement les filles adolescentes.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité, notamment s'agissant de l'application de la loi sur la non-discrimination, la délégation a indiqué que les dispositions de texte veillaient à ne pas limiter les motifs de discrimination, tenant compte du fait que de nouveaux motifs de discrimination peuvent surgir au cours du temps et évitant par conséquent que la loi doive être complétée et modifiée. S'agissant des personnes LGBTI et des personnes ayant subi une privation de liberté, la législation ne prévoit aucune discrimination à leur encontre, a assuré la délégation.

En réponse à une autre question, la délégation a expliqué que, lorsqu'un réfugié ou un migrant viole la loi, il peut être expulsé du pays.

S'agissant de l'enregistrement des naissances, si les parents du nouveau-né sont en mesure de fournir des documents d'identité, il sera enregistré à l'état-civil. Les autorités réfléchissent à la ratification des deux traités internationaux dans le domaine de la prévention de l'apatridie, a par ailleurs indiqué la délégation.

Une experte ayant soulevé les cas de défenseurs des droits de l'homme et de journalistes arrêtés, la délégation a expliqué que ces personnes avaient commis des infractions prévues au code pénal. Leur arrestation n'est pas due à leurs activités professionnelles. Ces personnes font l'objet d'une enquête préliminaire pour certains, leur affaire a déjà été examinée par les tribunaux pour d'autres.

La loi sur les organisations non gouvernementales a été révisée afin de se conformer aux obligations internationales du pays. La délégation a toutefois souligné que la question du financement est importante car les autorités doivent pouvoir vérifier qu'il ne s'agit pas d'activités terroristes. En aucun cas cette loi ne prévoit que les organisations non gouvernementales doivent rendre des comptes aux autorités, a assuré la délégation.

Les autorités sont en train d'élaborer un nouveau code pénal qui devra prévoir des dispositions sur la question des violences domestiques. Actuellement, ces faits sont qualifiés d'actes de violence, sans qualification spécifique. Plusieurs centres d'accueil de femmes et d'enfants victimes de violence et de traite ont été créés dans tout le pays. Une ligne téléphonique gratuite a par ailleurs été ouverte pour les victimes de violences intrafamiliales. Une nouvelle formation sur la lutte contre les violences intrafamiliales est dispensée pour les fonctionnaires travaillant dans ce domaine.

La politique de l'égalité des droits des hommes et des femmes est importante pour les autorités tadjikes, qui accordent la priorité à l'accès à la justice. Le pays vise aussi à renforcer le potentiel des femmes en prenant en compte les sexospécificités à tous les échelons du pouvoir.

La Convention sur les droits des personnes handicapées a été signée par le Président de la République en 2018, a souligné la délégation, précisant qu'avec l'assistance du Programme des Nations Unies pour le développement, une feuille de route avait été élaborée en vue de sa ratification et de sa mise en œuvre.

En 2013, la Cour suprême a adopté un décret sur l'application des normes des instruments internationaux par les tribunaux et d'autres juridictions, leur demandant d'appliquer activement ces normes. L'application de ces normes par les instances judiciaires est en augmentation, a assuré la délégation.

S'agissant des mesures de lutte contre la corruption, les autorités tadjikes travaillent en étroite coopération avec les institutions internationales chargées de ces questions, a indiqué la délégation, ajoutant que des normes étaient d'ores et déjà en vigueur pour combattre et prévenir ce phénomène.

Interrogée sur le statut de l' institution nationale des droits de l'homme, qui jouit du statut B en vertu des Principes de Paris, la délégation a affirmé que les autorités tadjikes avaient pour objectif qu'elle obtienne le statut A. Les questions du financement et de la désignation du commissaire aux droits de l'homme, les deux seules questions qui posent problème, sont en voie d'être résolues. Il existe, en outre, différents médiateurs chargés des questions relatives aux droits de différentes catégories, notamment les droits des enfants. Il est prévu également de créer un poste de médiateur des entrepreneurs, a indiqué la délégation.

Malgré la pandémie de COVID-19, la croissance est restée stable et le PIB a augmenté en 2022. Depuis 2016, le revenu de la population a été multiplié par 2,5 et la production industrielle par 2, s'est réjouie la délégation. Le secteur agricole connaît une croissance stable de 6%.

Un site internet dédié fournit des informations sur toutes les questions liées à la dette du pays, a indiqué la délégation. Le poids de la dette a augmenté par rapport à 2016 mais une partie de la dette nationale a pu être effacée. La délégation a relevé qu'un seuil maximum de la dette a été fixé à 60% du PIB. Une stratégie pour la gestion de la dette de l'État 2022-2023 est actuellement mise en œuvre. Elle vise à renforcer le contrôle de l'emprunt. La part de la dette extérieure a diminué ces dernières années, a par ailleurs relevé la délégation, ce qui montre que l'État rembourse ses dettes et gère bien les finances publiques.

Interrogée sur la situation des personnes vivant avec le VIH/sida, la délégation a assuré que la législation du Tadjikistan était conforme au droit international. Elle a souligné que 90% de ces personnes et quasiment tous les enfants ont accès aux antirétroviraux. Elle a aussi assuré qu'il n'y avait aucune restriction à leur encontre dans la recherche d'emploi. En outre, contrairement à ce qui a été dit, les personnes séropositives ne sont pas obligées de divulguer leur séropositivité lors du mariage.

L'avortement est un droit au Tadjikistan. Les femmes bénéficient en outre de moyens de contraception dont la couverture par l'État augmente d'année en année. Par ailleurs, en aucun cas le pays ne pratique des avortements forcés, a protesté la délégation.

Plus de 90% de la population adulte est vaccinée contre le COVID-19, a rappelé la délégation.

La délégation a indiqué que le pays avait mis en place de nombreuses mesures de soutien à l'emploi à l'intention des jeunes et des personnes handicapées, notamment par le biais d'une politique de quotas. La délégation a indiqué que 29,6% des travailleurs sont employés dans l'économie informelle. Une stratégie est mise en œuvre afin de réduire cette proportion à l'horizon 2023. Le pays a connu une augmentation sensible de la création de postes de travail ces dernières années, aussi bien dans le secteur public que privé. Ces hausses sont principalement constatées dans les domaines industriels et agricoles.

S'agissant de l'accès à l'emploi pour d'anciens détenus, la délégation a indiqué qu'un système de probation avait été créé qui vise à les réintégrer dans la société. Les anciens détenus peuvent par ailleurs bénéficier d'un soutien dans la recherche d'emploi, ainsi que d'allocations pour leur permettre d'avoir accès aux services sociaux et de santé. Des formations professionnelles sont en outre dispensées dans deux établissements pénitentiaires du pays.

En 2021, les inspecteurs du travail ont pu visiter plus de 2 500 entreprises et organisations pour vérifier le respect de la législation sur le travail, permettant de constater près de 12 000 infractions.

S'agissant des cas mentionnés par un membre du Comité au sujet de retards dans le versement des salaires, la délégation a assuré que tous les arriérés de salaire ont pu être versés.

La délégation a par ailleurs affirmé que le Tadjikistan avait adopté différentes législations pour protéger les travailleurs. Le code du travail comporte un chapitre sur la protection des droits des travailleurs, prévoyant notamment que toute personne âgée d'au moins 15 ans a le droit de conclure un contrat de travail. Le code du travail régit et contrôle le travail des mineurs. L'un des critères essentiels à cet égard est l'examen médical annuel obligatoire. Les travailleurs de moins de 18 ans sont assimilés aux autres travailleurs quant à leurs droits au travail.

La délégation a indiqué que les autorités venaient en aide aux personnes présentant un risque de tomber dans la pauvreté, grâce notamment à des allocations complémentaires. Les familles d'enfants handicapés reçoivent également une allocation spécifique. Par ailleurs, certaines catégories de personnes handicapées ne paient pas l'impôt sur le revenu.

La délégation a indiqué que les autorités donnaient priorité à la question du droit au logement. Le Gouvernement a investi des sommes considérables pour la création de nouveaux logements, dont certains ont été accordés à certaines franges de la population gratuitement et d'autres avec un paiement partiel. Le nouveau code du logement est par ailleurs entré en vigueur en septembre de cette année. Il prévoit des nouvelles règles s'agissant de l'accès au logement, en conformité avec les dispositions du Pacte.

En réponse à une autre question, la délégation a indiqué que les personnes de retour d'un conflit sont placées sous la responsabilité de l'État et reçoivent une aide sociale, médicale et psychologique. Tous les enfants qui reviennent de zones de conflit se sont vu fournir gracieusement des certifications de naissance et l'accès au système éducatif.

S'agissant de la lutte contre les pires formes de travail des enfants, la délégation a indiqué que les autorités s'attachent à protéger les enfants afin qu'ils puissent se développer et apprendre. Le Tadjikistan est un des premiers pays de la région à avoir ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant et la Convention n°182 de l'Organisation internationale du travail sur les pires formes de travail des enfants. Grâce aux travaux du Conseil de lutte contre le travail des enfants, des dizaines d'enfants victimes des pires formes de travail ont pu être soutenus afin de faciliter leur réinsertion dans la société. La tendance est positive dans ce domaine au Tadjikistan.

Le Président de la République a proclamé l'année 2022 comme l'année de la famille, a souligné la délégation. Par ailleurs, le code de l'enfance comprend des dispositions sur la responsabilité des parents. Des centres de soutien à la famille et aux enfants ont ainsi été créés, ce qui a permis d'éviter que des dizaines d'enfants se retrouvent dans des internats et puissent continuer à vivre avec leur famille.

Une nouvelle stratégie est mise en œuvre pour améliorer la sécurité alimentaire notamment grâce aux cantines scolaires. Depuis 2014, la situation s'est améliorée dans ce domaine. Plus d'un demi-million d'étudiants dans le secondaire sont couverts par le programme de soutien alimentaire. Cette politique se poursuit et doit s'étendre à l'avenir, a précisé la délégation.

Répondant à la question d'un membre du Comité, la délégation a indiqué que le Ministère de la santé et de la protection sociale avait adopté de nouvelles directives pour améliorer les conditions d'assainissement et d'hygiène dans les cliniques et les hôpitaux du pays. Durant la pandémie de COVID-19, en quelques mois, le pays a pu libérer de nombreux lits dans les hôpitaux pour accueillir les malades du coronavirus tout en continuant, grâce à une nouvelle organisation des soins, à prodiguer des soins à domicile pour les autres malades.

La délégation a rappelé que le Tadjikistan offrait la gratuité de l'enseignement à tous les enfants jusqu'à la fin du niveau secondaire. Elle a ajouté qu'un programme spécial permettait aux filles et garçons des zones rurales d'avoir accès à l'université. Elle a aussi souligné que des sanctions sont prévues pour les parents qui n'inscriraient pas leurs enfants à l'école. Un programme vise par ailleurs à sensibiliser les familles dans les zones rurales à l'importance de la scolarité de leurs enfants.

Au cours des dernières années, des progrès importants ont été réalisés dans le domaine de l'éducation inclusive, notamment grâce à une formation accrue des enseignants. Par ailleurs, des institutions spécialisées fournissent une formation à plus de 2000 enfants handicapés. Elles sont dotées de toutes les conditions nécessaires pour accueillir des enfants handicapés et disposent d'un personnel formé spécifiquement. Étant donné que les établissements ne peuvent accueillir tous les enfants handicapés, certains enfants peuvent recevoir un enseignement à domicile.

La délégation a indiqué que le Tadjikistan n'avait pas procédé au refoulement de réfugiés, soulignant que les mesures de refoulement ne sont prononcées qu'à l'encontre de migrants en situation illégale.

Conclusions

La rapporteuse du Comité pour le rapport du Tadjikistan, MME SHIN, a remercié la délégation pour ce dialogue constructif. Le Comité se réjouit que le Tadjikistan envisage de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées l'année prochaine. Par ailleurs, elle a dit espérer que le pays envisagera de ratifier le Protocole facultatif au Pacte. Malgré les efforts consentis par l'État partie, il y a encore de nombreux défis à relever, qu'il s'agisse de la dette, des bas salaires, des expulsions forcées, du faible niveau d'éducation, d'un niveau élevé de corruption, notamment. Elle a espéré que le Tadjikistan fera des efforts dans ces domaines. Elle a aussi souligné avec préoccupation le renvoi groupé de réfugiés afghans. Elle a invité les autorités à travailler en coopération avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés dans ce domaine. Mme Shin a exprimé l'espoir que le Tadjikistan lèverait tout doute s'agissant de l'arrestation de militants des droits de l'homme et de journalistes.

Le Ministre tadjike de la justice, M. Ashuriyon, a lui aussi remercié le Comité pour ce dialogue constructif et son évaluation des changements positifs, mais aussi l'examen des problèmes auxquels est confronté le pays. La délégation est convaincue que ce dialogue aidera le pays à mettre en œuvre ses obligations en matière des droits de l'homme. Les recommandations seront étudiées par les différents pouvoirs ainsi que par la société civile. Le chef de la délégation a par ailleurs précisé que le pays dispose déjà d'un mécanisme de suivi des recommandations des organes de surveillance des traités des droits de l'homme.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.

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CESCR22.014F