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Comité contre la torture : s’il n’existe pas en l’état, dans la loi cubaine, de disposition spécifique permettant d’incriminer effectivement les actes de torture, l’actuel projet de réforme du Code pénal devrait y remédier, souligne un expert

Compte rendu de séance

 

En l’état, il n’existe pas dans la loi cubaine de disposition spécifique permettant d’incriminer effectivement les actes de torture. Cependant, l’actuel projet de réforme du Code pénal contient pour la première fois une incrimination spécifique de la torture, dans son article 368(1). Cette définition [de la torture], si elle prenait effet dans la législation pénale et se muait en incrimination, serait une reprise presque exacte de la définition onusienne, et aurait donc cela de satisfaisant. C’est ce qu’a déclaré un membre du Comité contre la torture alors qu’était examiné, le 21 avril dernier et ce matin, le rapport présenté par Cuba au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

En 2012, étaient recensés quelque 57 000 prisonniers, ce qui faisait alors de Cuba le sixième pays en termes de taux de population carcérale, a par ailleurs constaté ce même expert, avant de s’interroger sur les alternatives qui pourraient être envisagées pour éviter des incarcérations. L’expert a par ailleurs fait état d’informations alléguant de conditions matérielles de détention difficiles, marquées notamment par des pénuries de médicaments et un manque d’accès aux soins médicaux, à l’eau potable et à l’hygiène.

Un autre expert a expliqué que le Comité est préoccupé par l'absence d'un mécanisme national indépendant habilité à effectuer des visites dans les centres de détention.

Pour présenter le rapport de son pays, M. Juan Antonio Quintanilla Roman, Représentant permanent de Cuba auprès des Nations Unies à Genève a donné lecture d’une déclaration du chef de la délégation cubaine, M. Rodolfo Benitez Verson, Directeur général des affaires multilatérales et du droit international au Ministère des relations extérieures de Cuba. Dans cette déclaration, M. Benítez Verson affirme que jusqu’en 1959, à Cuba, la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants étaient une pratique commune des autorités et que la Révolution cubaine, dont le contenu est profondément humaniste et éthique, a mis fin à cette politique d’État.

Dans sa déclaration, M. Benítez Verson mentionne ensuite l’adoption, en 2019, au terme d’un vaste processus de consultation populaire, d’une nouvelle Constitution qui reflète les engagements pris par Cuba en tant qu'État partie aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, y compris la Convention contre la torture. En particulier, l'article 51 de la nouvelle Constitution stipule que les personnes ne peuvent être soumises à une disparition forcée, à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Pour garantir le respect de la nouvelle Constitution, un nouveau Code pénal et de nouvelles lois procédurales seront approuvés dans quelques semaines, précise M. Benítez Verson. Le nouveau Code pénal sera conforme aux obligations internationales assumées par Cuba et aux recommandations issues des examens des deux précédents rapports présentés par Cuba au Comité, souligne-t-il. En particulier, le crime de torture y sera explicitement défini sur la base de tous les éléments figurant à l'article premier de la Convention, et sanctionné par des peines adéquates qui tiennent compte de son caractère grave, conformément à ce que prévoit l’article 4 de la Convention.

Quant à la nouvelle loi de procédure pénale, approuvée en 2021, elle renforce les garanties du système accusatoire et les droits des victimes, et tient dûment compte des principes universellement reconnus dans ce domaine, souligne M. Benítez Verson.

La délégation cubaine était également composée, entre autres, de représentants du bureau du procureur général, du Ministère de l’intérieur, du Ministère des affaires étrangères, et du Tribunal suprême populaire.

Il n’y a pas d’arrestations secrètes à Cuba, ni de détentions arbitraires, ni de recours à la torture ou aux mauvais traitements du détenu, ni de disparitions forcées, a notamment assuré la délégation au cours du dialogue.

 

Mercredi prochain, 4 mai, à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Kenya.

 

Examen du rapport de Cuba

Le Comité est saisi du troisième rapport périodique de Cuba (CAT/C/CUB/3 ) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation

M. JUAN ANTONIO QUINTANILLA ROMÁN, Représentant permanent de Cuba auprès des Nations Unies à Genève a donné lecture d’une déclaration du chef de la délégation cubaine, M. RODOLFO BENÍTEZ VERSON, Directeur général des affaires multilatérales et du droit international au Ministère des relations extérieures de Cuba.

Dans cette déclaration, M. Benítez Verson affirme que jusqu’en 1959, à Cuba, la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants étaient une pratique commune des autorités et que la Révolution cubaine, dont le contenu est profondément humaniste et éthique, a mis fin à cette politique d’État. M. Benítez Verson précise en outre que l'État cubain n'est pas responsable et ne peut exercer sa juridiction sur le territoire souverain de la République de Cuba occupé illégalement par les États-Unis à la base navale de Guantánamo, laquelle, comme cela a été dénoncé à plusieurs reprises, est un centre international de torture.

M. Verson mentionne ensuite l’adoption, en 2019, au terme d’un vaste processus de consultation populaire, d’une nouvelle Constitution qui reflète les engagements pris par Cuba en tant qu'État partie aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, y compris la Convention contre la torture. En particulier, l'article 51 de la nouvelle Constitution stipule que les personnes ne peuvent être soumises à une disparition forcée, à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Pour garantir le respect de la nouvelle Constitution, un nouveau Code pénal et de nouvelles lois procédurales seront approuvés dans quelques semaines, précise encore M. Benítez Verson dans sa déclaration. Le nouveau Code pénal sera conforme aux obligations internationales assumées par Cuba et aux recommandations issues des examens des deux précédents rapports présentés par Cuba au Comité, souligne-t-il. En particulier, le crime de torture y sera explicitement défini sur la base de tous les éléments figurant à l'article premier de la Convention, et sanctionné par des peines adéquates qui tiennent compte de son caractère grave, conformément à ce que prévoit l’article 4 de la Convention.

Quant à la nouvelle loi de procédure pénale, approuvée en 2021, elle renforce les garanties du système accusatoire et les droits des victimes, et tient dûment compte des principes universellement reconnus dans ce domaine. Cette nouvelle norme juridique garantit – comme le prévoit l’article 95 de la Constitution – le droit de toute personne accusée à une défense et à une assistance juridique, indique M. Benítez Verson. Il ajoute qu’une autre avancée importante du nouveau modèle de procédure pénale cubain est la possibilité offerte à l’accusé de demander devant la Cour l’évaluation de la mesure conservatoire de détention provisoire imposée par le procureur.

En outre, l’application du Programme national de promotion de la femme et de la Stratégie intégrale de prévention et de lutte contre la violence de genre et familiale, ainsi que l’adoption du nouveau Code de la famille, font partie du nouveau cadre juridique destiné à combattre la violence fondée sur le genre et autres formes de violence domestique.

Cuba entend aussi progresser dans la mise en œuvre d'actions visant à accroître la culture juridique de la population, afin que ces lois puissent être comprises par l'ensemble du peuple, et rendre plus efficace le respect, par tous, des dispositions de la Convention contre la torture.

À Cuba, il n’y a ni n’y aura d’espace pour l’impunité, ni de lois ou règlements qui la permettent, assure par ailleurs M. Benítez Verson dans sa déclaration. La législation en vigueur, y compris les normes récemment approuvées et celles qui régissent les actions dans les lieux de détention, contient les garanties fondamentales universellement acceptées pour protéger toute personne contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L'État prend les mesures nécessaires pour empêcher l'exécution des actes proscrits par la Convention contre la torture et, s'ils se produisent, pour les punir sévèrement.

D’autre part, même si un grand effort a été fait pour améliorer les installations pénitentiaires, Cuba est confrontée à des difficultés et à des limitations matérielles pour l'entretien de certaines d'entre elles, indique M. Benítez Verson. Cette situation affecte les conditions de vie dans certains centres, mais sans jamais atteindre le niveau des situations préoccupantes que l’on observe dans les installations pénitentiaires de beaucoup d’autres pays ; et cela n'a pas empêché toutes les personnes privées de liberté à Cuba (et qui n’avaient pas de contre-indications pour ce faire) d'être vaccinées contre la COVID-19, fait-il valoir.

Malheureusement, ajoute M. Benítez Verson, les États-Unis imposent depuis plusieurs années une politique de pression maximale visant à étrangler l'économie cubaine et multiplient les mesures coercitives unilatérales. Ce blocus a atteint des niveaux de cruauté sans précédent, les États-Unis ayant non seulement fait obstacle aux dons destinés à Cuba pour faire face à la pandémie, mais également tenté d'empêcher le développement des vaccins cubains contre la COVID-19 et l’accès aux médicaments et aux fournitures de base pour traiter la population cubaine. À cela s'est ajoutée une intense campagne d'ingérence politique dans les affaires internes cubaines, le but étant de produire une instabilité politique et sociale dans le contexte des difficultés économiques que le Gouvernement des États-Unis provoque lui-même.

Dans le cadre de ce plan conçu et financé par les États-Unis, les organes des droits de l'homme de l'ONU, y compris le Comité contre la torture, sont inondés de multiples allégations truffées de mensonges et de déformation des faits, dans le but d'imposer une matrice d'opinion négative concernant Cuba, déplore M. Benítez Verson.

Conformément à sa volonté permanente de coopérer avec les mécanismes des droits de l'homme des Nations Unies, Cuba a répondu aux communications qu'elle a reçues de leur part. Toutefois, l'absence d'examen préalable des sources et de la crédibilité des allégations porte atteinte au sérieux et à l'objectivité du dialogue, conclut M. Benítez Verson dans sa déclaration lue par M. Quintanilla Román.

Questions et observations des membres du Comité

M. SÉBASTIEN TOUZÉ, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de Cuba, a d’abord relevé qu’en l’état, il n’existait pas dans la loi cubaine de disposition spécifique permettant d’incriminer effectivement les actes de torture. Cependant, a-t-il relevé avec satisfaction, la réforme du Code pénal en cours contient pour la première fois une incrimination spécifique de la torture, dans son article 368(1). Cette définition [de la torture], si elle prenait effet dans la législation pénale et se muait en incrimination, serait une reprise presque exacte de la définition onusienne, et aurait donc cela de satisfaisant, a relevé l’expert.

Toutefois, la définition souffre de ce qu’elle ne porte pas l’adverbe «notamment», qui permet de recouvrir un plus vaste ensemble d’actes effectués par des agents publics, a souligné M. Touzé. Il s’est aussi interrogé sur d’autres aspects du projet de Code pénal liés à la prescription du crime de torture et au mécanisme des « peines planchers ».

M. Touzé a félicité Cuba pour les progrès accomplis en matière d’organisation et d’indépendance juridictionnelles avec l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution de 2019. Il a ensuite demandé quelles mesures étaient prises pour garantir l’indépendance et l’impartialité des juges et des procureurs, notamment en veillant à ce que leur nomination repose sur des critères objectifs. Le corapporteur a aussi relevé qu’il fallait être membre de l’« Organisation nationale des cabinets d’avocats collectifs » pour exercer la profession d’avocat à Cuba : le Comité, a indiqué M. Touzé, s’interroge sur le caractère véritablement « volontaire » de l’adhésion à cette Organisation, de même que sur le risque d’atteinte à l’indépendance de la profession d’avocat par l’immixtion potentielle du Ministère de la justice.

D’autres questions de l’expert ont porté sur les conditions de garde à vue à Cuba. Le Comité a eu du mal à trouver des images, photos, vidéos ou témoignages montrant les conditions matérielles et l’état sanitaire des cellules de garde à vue, a fait observer M. Touzé. Il a cité des témoignages et informations alléguant de conditions matérielles de détention difficiles, marquées notamment par des pénuries de médicaments et un manque d’accès aux soins médicaux, à l’eau potable et à l’hygiène.

Le Comité, a poursuivi M. Touzé, remarque que la ley de peligrosidad predelictiva («loi sur la dangerosité pénale») permet de placer en garde à vue et de condamner des personnes afin de punir un délit qui n’a pas encore été commis ; aussi, le Comité salue-t-il le fait que cette loi soit en cours d’abrogation.

D’après des organisations non gouvernementales, il y aurait 1007 prisonniers politiques à Cuba, a par ailleurs indiqué M. Touzé. Une analyse du système cubain a mis en lumière l’existence d’un encadrement juridique sur lequel se fondent les autorités pour mener une politique de répression à l’encontre de certains opposants politiques ou culturels. Par exemple, l’article 100 du Code pénal relatif à la sédition permet de réprimer une grande variété de comportements ; et l’article 147 réprime la désobéissance à l’égard des décisions édictées par les autorités. De plus, toute incitation ou propagande contre l’ordre social ou l’État socialiste est passible dans le droit cubain d’une peine allant d’une à huit années d’emprisonnement.

D’autres questions du corapporteur ont porté sur la tenue des registres de personnes détenues et sur l’accès des proches des détenus à ces registres. M. Touzé a relevé que Cuba n’avait pas fourni de données chiffrées sur sa population carcérale depuis mai 2012. En 2012, étaient recensés quelque 57 000 prisonniers, ce qui faisait alors de Cuba le sixième pays en termes de taux de population carcérale, a constaté M. Touzé. Selon certaines informations, il y aurait eu, en 2020, 127 800 personnes purgeant des peines criminelles à Cuba, soit 0,79% de la population. Le Comité s’interroge sur les alternatives qui pourraient être envisagées pour éviter des incarcérations, ainsi que sur le nouveau taux d’occupation des prisons, a souligné le corapporteur.

Le Comité est conscient des difficultés liées au territoire de Guantánamo quant aux possibilités pour Cuba d’y faire appliquer les dispositions de la Convention, a dit M Touzé. Dans ce cadre, il pourrait être envisagé d’inclure dans la législation interne cubaine une compétence pénale universelle qui permettrait à Cuba de connaître des requêtes de personnes ayant déjà fait ou faisant actuellement l’objet d’un traitement contraire à la Convention sur la base de Guantánamo, a-t-il souligné.

M. Touzé a posé d’autres questions relatives à des allégations de disparitions et d’exils forcés d’opposants, de même qu’à la lutte contre la traite des êtres humains et contre le tourisme sexuel à Cuba. Il a regretté que la procédure d’extradition ne soit pas régie par un texte unique et qu’il n’existe pas de voie de recours pour les personnes devant être extradées.

Au cours du dialogue noué avec la délégation cubaine, M. Touzé a ensuite tenu à rappeler que le Comité n’est pas un organe politique ou diplomatique ; ils est composé de dix experts indépendants auxquels il n’appartient pas de prendre position sur des décisions politiques impliquant d’autres États. Les organes conventionnels fonctionnent toujours de la même manière, en utilisant des sources provenant des États, des organes des Nations Unies et de la société civile, notamment, a-t-il poursuivi. À chaque fois qu’une source non gouvernementale a été citée, dans le seul but de présenter des éléments de discussion, l’expert a expliqué avoir demandé la réponse de la délégation à ces affirmations.

M. Touzé a regretté que les réponses de la délégation se limitent trop souvent à la présentation du cadre légal, sans expliquer ce qu’il en est des choses dans la pratique. Il y a toujours une différence entre ce qui est écrit et ce qui est mis en pratique sur le terrain, a-t-il rappelé, soulignant que c’est sur des éléments concrets que le Comité souhaite appuyer son dialogue.

M. Touzé a demandé pourquoi seulement 7% des plaintes pour mauvais traitements en prison ont fait l’objet d’une enquête de la part du procureur.

M. CLAUDE HELLER, Président du Comité et corapporteur pour l’examen du rapport de Cuba, a pour sa part relevé que la Constitution cubaine de 2019 entérinait le concept de droits de l'homme, de même que le droit à un procès équitable ou encore le recours en habeas corpus. Ce cadre normatif servira de référence pour évaluer le degré de mise en œuvre des dispositions de la Convention, a-t-il indiqué.

La loi cubaine ne définit pas le crime de torture de manière conforme à l'article premier de la Convention, a lui aussi constaté M. Heller. Il a jugé nécessaire d'inclure dans la loi tous les éléments contenus dans la définition donnée par la Convention, notamment pour ce qui est de l’utilisation de la torture comme moyen d'obtenir des aveux. Le Comité, a ajouté M. Heller, prend note du nouveau Code de procédure pénale (2021) qui interdit expressément la disparition forcée, la torture, les traitements et peines cruels, inhumains et dégradants, ainsi que la privation de liberté en dehors des cas et formalités prévus par la loi.

Le Comité, a ajouté son Président, est préoccupé par l'absence d'un mécanisme national indépendant habilité à effectuer des visites dans les centres de détention pour les évaluer et formuler des recommandations aux autorités. M. Heller a invité Cuba à envisager de ratifier le Protocole facultatif à la Convention, qui prévoit la création d’un mécanisme national de prévention (MNP) de la torture. Il a insisté sur le fait que le Sous-Comité pour la prévention de la torture (SPT) n’imposait pas de sanctions, mais formulait des recommandations pour les États parties conformément aux objectifs de la Convention.

M. Heller a fait remarquer que la création d’un mécanisme national de prévention donnerait à certains secteurs de la population davantage confiance dans le bon fonctionnement du système pénitentiaire, et à l’État un argument de poids contre toute allégation faite à l’étranger dans un but politique. M. Heller a aussi fait remarquer que la création d’une institution nationale de droits de l’homme pourrait être la première étape avant la création d'un MNP.

M. Heller a ensuite demandé des informations sur la population carcérale enregistrée dans le système pénitentiaire cubain et s’est enquis du niveau de surpopulation carcérale dans le pays. Le Président a prié la délégation de dire quels avaient été les effets de la pandémie et des sanctions unilatérales imposées à Cuba sur les conditions de détention. Il a voulu savoir si les médecins et avocats cubains suivaient des enseignements portant sur le Protocole d'Istanbul (« Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants »).

Le Comité, a poursuivi M. Heller, est frappé par le fait que la réforme constitutionnelle de 2019 n'a pas été mise à profit pour proscrire la peine de mort – qui est, pour le Comité, l'une des violations les plus fondamentales des droits de l'homme. À Cuba, la peine de mort est une sanction qui peut être prononcée pour un nombre important d'infractions pénales vagues, comme « l'état de dangerosité », a regretté M. Heller.

M. Heller a aussi voulu savoir ce qu’il en était de la ratification du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ainsi que du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que Cuba a signés – avec des réserves – en 2008. Il a par ailleurs relevé que Cuba ne dispose d’aucun mécanisme national pour la détermination du statut de réfugié, n’est pas partie à la Convention de 1951 relatives au statut des réfugiés et ne dispose d’aucune législation conforme aux instruments universels sur les réfugiés.

Le Président a ensuite évoqué les incidents des 11 et 12 juillet 2021 à Cuba, lorsque des manifestations ont eu lieu dans certains quartiers de La Havane et dans plus de soixante localités à travers le pays. Les faits, a affirmé M. Heller, se sont produits dans un contexte de crise sociale liée – entre autres – à la gestion de la pandémie de COVID-19 et à l'émergence d'un marché des changes qui a accentué la disparité des revenus, de même qu’à une détérioration générale des conditions de vie aggravée par les effets dévastateurs du blocus et les sanctions drastiques contre Cuba adoptées pendant l'administration Trump et maintenues jusqu’à présent.

Selon divers témoignages, la police a procédé, le 11 juillet, à des arrestations avec un usage excessif de la force sur des personnes non armées qui étaient déjà maîtrisées ou qui protestaient pacifiquement. En mars 2022, le parquet a précisé que 790 personnes avaient été poursuivies pour les manifestations. Le 16 mars dernier, la Cour suprême cubaine a rendu publiques les décisions de six procès contre 129 citoyens. Les chefs d'accusation étaient le vol et la sédition et les peines imposées par les tribunaux ont été très élevées : 31 personnes ont été condamnées à des peines comprises entre 20 et 30 ans d'emprisonnement, 25 à des peines comprises entre 15 et 19 ans d'emprisonnement et 48 autres à des peines comprises entre 10 et 14 ans d'emprisonnement.

M. Heller a souligné que de nombreuses voix à Cuba, y compris celles de personnalités respectées et proches du Gouvernement, avaient demandé aux autorités de prononcer des sanctions proportionnées et de libérer les manifestants n’ayant pas participé à des actes violents, et critiqué le recours au délit pénal de « sédition » pour poursuivre les condamnés. M. Heller a ajouté que le Comité était préoccupé par la disqualification automatique de toute voix indépendante et par le déni de toute légitimité aux manifestants pacifiques qui subissent des mesures draconiennes.

Le Comité n’ignore pas le contexte hostile auquel est confronté Cuba, ni les conséquences des sanctions unilatérales imposées par les États-Unis sur la jouissance des droits de l’homme ; mais la réalité cubaine a un contenu qui lui est propre, compte tenu des défis que rencontre la société dans les circonstances actuelles, et c’est au Gouvernement et au peuple de Cuba – et à personne d’autre – qu’il revient de trouver les moyens de faire face aux difficultés du présent et de les surmonter en vue d’un avenir meilleur, a conclu M. Heller.

D’autres membres du Comité ont demandé si Cuba pourrait envisager d’élever l’âge de la responsabilité pénale et de créer un véritable système de justice pour les mineurs ; si les juges cubains connaissaient les dispositions de la Convention contre la torture ; et s’il était prévu d’adopter une loi destinée à prévenir la violence fondée sur le genre ou la violence familiale et à en protéger les victimes.

Réponses de la délégation

La délégation cubaine a recommandé que M. Touzé exige du Gouvernement des États-Unis qu’il assume ses responsabilités s’agissant des actes de torture commis dans la base de Guantánamo. La délégation a par la suite souligné que le rapport de Cuba n’inclut pas le territoire cubain occupé illégalement par la base navale des États-Unis à Guantánamo.

La délégation a par ailleurs dénoncé une vaste campagne de désinformation, organisée depuis les États-Unis, qui a visé Cuba avant et après les événements du 11 juillet 2021. À ce sujet, elle a demandé au Comité d’examiner aussi les informations transmises par les organisations non gouvernementales cubaines.

Le Gouvernement cubain publie un rapport annuel sur la lutte contre la traite des êtres humains et sur la prise en charge des victimes, a indiqué la délégation. Aussi, le Gouvernement cubain regrette-t-il que le Comité cite un rapport du Gouvernement des États-Unis au sujet de la traite des êtres humains – un document qui reflète des visées politiques.

La délégation a fait savoir que s’ouvraient ce 21 avril à Washington des discussions entre Cuba et les États-Unis au sujet de la gestion des flux migratoires entre les deux pays.

Par la suite, durant la seconde séance d’examen du rapport [ce vendredi matin], la délégation a regretté que lors de la première séance d’examen [le 21 avril dernier], des informations erronées aient été utilisées pour parvenir à une conclusion générale et catégorique concernant la situation des centres de détention à Cuba [ndlr : le présent compte rendu résume le débat des deux séances]. Des organisations non gouvernementales (ONG) présumées, qui ne sont pas basées à Cuba, ont été citées comme sources ; or leurs « allégations grossières » ne peuvent pas être crédibles quand elles ne sont même pas en mesure de présenter leurs propres sources, a déclaré la délégation cubaine.

La délégation s’est aussi dite étonnée d’entendre un membre du Comité, lors de la première séance d’examen du rapport, accorder de la crédibilité à un rapport sur la traite des personnes rédigé unilatéralement par le Gouvernement des États-Unis.

Pas une seule personne à Cuba n’est privée de liberté pour l’exercice de ses droits de l’homme ou pour ses positions politiques, a assuré la délégation. Il est regrettable qu’il soit tenté de présenter comme de supposés prisonniers d’opinion ou défenseurs des droits de l’homme ceux qui ne respectent pas la sécurité collective, le bien-être général, l’ordre public, la Constitution et les lois, a-t-elle insisté. Le harcèlement, les menaces, la violence ou l’intimidation ne sont pas des pratiques qui ont cours à Cuba, a-t-elle insisté.

À Cuba, a par ailleurs affirmé la délégation, aucune personne n’est détenue en dehors des contextes prévus par le Code de procédure pénale. Dès lors, l’allégation faite par une organisation mentionnée par un expert du Comité concernant des personnes qui seraient prétendument emprisonnées à Cuba sans avoir commis de crime est fausse, a-t-elle assuré. Il n’y a pas d’arrestations secrètes à Cuba, ni de détention arbitraire, ni de recours à la torture ou aux mauvais traitements du détenu. Il n’y a pas non plus de disparitions forcées et les normes cubaines sont conformes aux dispositions de la Convention contre les disparitions forcées, a ajouté la délégation.

S’agissant des garanties procédurales, la délégation a affirmé que lorsque la personne est détenue, elle est présentée devant un juge dans les 24 heures suivant son arrestation ; elle a en outre le droit de recevoir un traitement humain et digne tout au long du processus, de communiquer immédiatement et de recevoir la visite de ses proches. De même, elle a le droit d’être représentée par un ou plusieurs défenseurs de son choix et de communiquer en privé avec eux autant de fois que souhaité.

Dans l’accomplissement de sa mission constitutionnelle, le procureur vérifie les conditions de détention et la fin de la détention. Il surveille également si le délai maximum de 24 heures dans lequel la personne placée en détention peut être inculpée est bien respecté et si elle a pu communiquer avec ses proches ; il surveille également son état de santé et si la personne n’a pas été soumise à des mauvais traitements. S’il détecte une quelconque violation, le procureur émet une déclaration ayant force obligatoire, dans laquelle il exige le rétablissement de la légalité et l’application de mesures disciplinaires ; s’il y a un éventuel acte criminel, il en réfère au bureau du procureur militaire pour enquête.

Les personnes qui ne sont pas satisfaites de leur détention ont, conformément à l’article 61 de la Constitution de la République (2019), le droit d’adresser des plaintes et des pétitions aux autorités, qui sont tenues de les traiter et de donner des réponses rapides, pertinentes et motivées dans le délai imparti.

Le bureau du procureur général de la République, pour défendre les droits des personnes, y compris les personnes privées de liberté, dispose de divers moyens de communication pour faciliter l’accès à ces personnes et leur permettre d’exercer le droit de plainte prévu à l’article 61 de la Constitution – et dans tous les cas, une réponse a été fournie au demandeur, conformément aux procédures établies.

Le projet de nouveau code pénal, dont l’analyse est prévue pour le 14 mai, offrira davantage de garanties à toutes les personnes faisant l’objet de poursuites pénales, a d’autre part indiqué la délégation.

Le comportement des forces de l’ordre interne à Cuba correspond aux normes internationales les plus élevées et est basé sur le respect de la dignité humaine, des libertés fondamentales des citoyens et du respect des garanties établies, quelles que soient les convictions politiques de chacun, a poursuivi la délégation.

Aucun citoyen, qu’il soit en liberté ou détenu, ne se voit refuser une assistance médicale à Cuba pour quelque raison que ce soit. Prétendre que certaines personnes à Cuba ne reçoivent pas d’assistance médicale en raison de leurs positions politiques est tout simplement un « mensonge grossier », a affirmé la délégation.

Revenant sur les émeutes du 11 juillet 2021, évoquées par les deux corapporteurs lors de la première séance, la délégation a affirmé qu’il était important que le Comité respecte la vérité sur ces événements, qui ont été grossièrement manipulés par les médias.

Des événements violents et extrêmement graves, encouragés dans le pays par des interférences étrangères, ont fait des blessés et mis en danger la sécurité collective et la vie des citoyens, des fonctionnaires et des membres des forces de sécurité, a expliqué la délégation. Des biens et des installations ont été endommagés et détruits. Nulle part dans le monde de tels événements ne sont qualifiés de manifestations pacifiques, a souligné la délégation. Les procès des personnes impliquées se sont déroulés dans le respect des garanties et des droits constitutionnels de l’accusé, y compris pour ce qui est du droit de recours de ces personnes à des avocats de leur choix ou nommés d’office, comme le prévoit la législation en vigueur.

Le pays a fait face de manière digne et avec une résistance créative à l’intensification extrême du blocus imposé par le Gouvernement des États-Unis, a par ailleurs déclaré la délégation. Il est inacceptable de priver tout un peuple du droit à la paix, au développement, au bien-être et au progrès humain, puis de blâmer le Gouvernement de ce peuple pour les difficultés de toutes sortes générées par cette « politique génocidaire », a-t-elle affirmé.

S’agissant de la violence sexiste et familiale, la délégation a souligné que le Conseil des ministres avait approuvé une stratégie visant à apporter une réponse globale et intégrée pour la prévention de ce type de violence. Ladite stratégie globale vise à renforcer les mécanismes de protection des groupes les plus vulnérables à ces violences. Elle vise également à améliorer le cadre juridique national concernant ces questions, conformément au droit international, à la Constitution et au Programme national pour la promotion de la femme.

Le projet de nouveau Code pénal punit toute personne qui cause des lésions corporelles graves ou porte gravement atteinte à la santé d’une autre personne, avec des circonstances aggravantes dans les cas où ces infractions sont commises à la suite de violences sexistes ou familiales exercées contre un ascendant, un descendant ou un parent, ainsi que dans les cas où de tels actes sont commis en raison d’une discrimination fondée sur le sexe, la haine raciale ou religieuse, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

Cuba ne prévoit pas le crime de féminicide dans le Code pénal, mais la protection des femmes est garantie par différentes dispositions légales, a ajouté la délégation.

À Cuba, l’âge de responsabilité pénale est de 16 ans, de sorte qu’aucune personne en dessous de cet âge ne peut être détenue dans un établissement pénitentiaire, a indiqué la délégation. L’administration de la justice pour mineurs à Cuba, pour les affaires concernant des personnes âgées de 16 à 18 ans, est effectuée dans le strict respect de l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant.

La loi de procédure pénale, en vigueur depuis le 1er janvier 2022 et applicable à partir de cette date dans toutes les procédures en cours, introduit un traitement spécial à l’égard de toutes les personnes poursuivies âgées de moins de 18 ans, dans le but de renforcer leurs garanties et de renforcer la protection en harmonie avec la Convention relative aux droits de l’enfant, a insisté la délégation.

À compter de l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal, l’ imprescriptibilité s’appliquera aux cas de crimes contre l’humanité et passibles de la peine de mort, et comprendra également les crimes passibles d’une privation perpétuelle de liberté, ainsi que d’autres crimes tels que cela est établi dans les traités internationaux en vigueur pour la République de Cuba. De ce fait, les cas qui impliquent un acte de torture ne seront pas prescrits.

Conformément à l’article 18 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, Cuba a amélioré le registre de garde des détenus, qui est assuré par un contrôle administratif établi dans le Système automatisé d’information de la population. Ce système est mis à jour en temps réel et est activé dans toutes les unités de la Police nationale du pays, a indiqué la délégation.

Contrairement à un commentaire d’un expert laissant entendre que le crime de disparition forcée n’aurait pas un caractère juridique autonome à Cuba, la délégation a répondu que l’article 51 de la Constitution elle-même dispose clairement que les personnes ne peuvent faire l’objet d’une disparition forcée. Par ailleurs, le projet de nouveau Code pénal inclut ce crime conformément aux dispositions de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

À Cuba, on observe une tendance à la diminution du nombre de prisonniers; par conséquent, la construction de nouveaux centres pénitentiaires n’est pas prévue et la continuité des investissements visant à améliorer les conditions de vie dans les centres existants est prévue, a par ailleurs indiqué la délégation.

Pour ce qui concerne la ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture, la délégation a affirmé que Cuba veille au respect de l’intégrité physique et mentale de chaque personne et dispose de ressources nationales efficaces à cette fin. Pour cette raison, il n’a pas été jugé nécessaire d’assumer des obligations en la matière avec des procédures et des instances de compétence supranationale pour le traitement des pétitions individuelles.

Les autorités du pays ont toujours garanti un traitement digne et humain aux réfugiés, ainsi qu’aux demandeurs d’asile pendant leur séjour temporaire à Cuba, a d’autre part souligné la délégation. Leur libre accès à l’éducation, à la santé et la possibilité d’acquérir les biens et services, sur un pied d’égalité avec les Cubains, sont des exemples des efforts du pays en faveur de ces personnes, a-t-elle fait valoir.

En réponse aux questions concernant les citoyens haïtiens qui arrivent à Cuba, la délégation a rappelé que des centaines de citoyens haïtiens tentent d’émigrer de leur pays dans des bateaux aux conditions précaires – un voyage dans lequel ils risquent leur vie. Dans ces conditions, certains de ses bateaux font escale à Cuba. Dans le cadre de la « vocation humaniste et solidaire de Cuba », ces citoyens reçoivent gratuitement toute l’attention nécessaire et restent logés dans plusieurs installations dûment équipées pour cela. Les autorités cubaines, en contact avec le Gouvernement haïtien, prennent toutes les mesures et assurent la coordination adéquate pour assurer le retour sûr et volontaire de ces personnes dans leur pays, en vertu des engagements internationaux en matière de migration auxquels Cuba est partie.

 

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