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Suisse: le Comité des droits des personnes handicapées salue des progrès dans l'élaboration de lois et politiques mais recommande une meilleure harmonisation de ses différentes législations

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits de personnes handicapées a terminé aujourd’hui un dialogue avec la délégation de la Suisse, qui présentait son premier rapport sur les mesures qu'elle a prises en application des dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

La délégation de la Suisse, dirigée par le Secrétaire général du Département fédéral de l’intérieur, a notamment fait valoir que le Gouvernement avait adopté une politique en faveur des personnes handicapées en se fixant trois priorités : l’autonomie, l’égalité dans le monde du travail et l’accessibilité numérique. Elle a aussi souligné que le système fédéral de la Suisse permettait souvent l’émergence de nouvelles solutions au niveau local qui sont ensuite transposées au niveau national, attirant en outre l'attention sur le rôle de la Conférence des délégués cantonaux aux questions du handicap, qui assure les échanges techniques entre les cantons, et le Dialogue national sur la politique sociale, qui s’occupe des échanges entre le niveau fédéral, intercantonal et local.

La rapporteuse du Comité pour l'examen de ce rapport a salué les progrès du Gouvernement suisse et reconnu que le pays avait adopté une approche très attentive et réfléchie dans l'élaboration des lois et des politiques dans le domaine du handicap. Le pays dispose de ressources suffisantes pour réformer son droit et ses politiques. Le Comité rappelle que la Convention exige la mise en œuvre d'une approche du handicap fondée sur les droits de l'homme et non plus sur le seul aspect médical. La Suisse doit prendre des mesures pour assurer l'harmonisation des normes de la Convention aux niveaux fédéral, cantonal et municipal ; garantir une protection complète et uniforme contre la discrimination ; remplacer la prise de décision au nom d'autrui par une prise de décision assistée ; interdire des interventions et traitements médicaux forcés ; mettre fin à l'institutionnalisation et la favoriser une vie indépendante. D'autres experts sont intervenus sur la question de la nécessaire désinstitutionnalisation des personnes handicapées, certains faisant part de leurs préoccupations s'agissant des personnes handicapées soumises à des mauvais traitements. Le Comité a notamment été informé de cas de violence physique et de punitions abusives dans des écoles spéciales et institutions résidentielles pour enfants autistes dans le pays, notamment dans le canton de Genève.

La délégation était composée de représentants du Département fédéral de l’intérieur ; du Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées ; de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales ; des Offices fédéraux des assurances sociales, de la santé publique et de la justice. Elle a notamment répondu à des questions sur la notion d’assurance « invalidité », la participation des personnes handicapées à la société, la protection contre la discrimination, les mesures prises pour assurer l'indépendance et l'autonomie des personnes handicapées, l’accessibilité aux transports publics, la reconnaissance de la capacité juridique des personnes handicapées, le soutien financier aux organisations spécialisées, l'accueil de réfugiés handicapés. À cet égard, un grand nombre de réfugiés handicapés ukrainiens ont été accueillis au cours des derniers jours.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur l’examen du rapport de la Suisse, qui seront rendues publiques à l’issue de la session, le 25 mars prochain.

Le Comité des droits des personnes handicapées entamera demain, jeudi 17 mars à 15 heures, l’examen du rapport périodique du Mexique.

Examen du rapport de la Suisse

Le Comité est saisi du rapport initial de la Suisse (CRPD/C/CHE/1), ainsi que de ses réponses (CRPD/C/CHE/RQ/1) à la liste des points à traiter (CRPD/C/CHE/Q/1) que lui avait adressée le Comité.

Présentation du rapport

M. LUKAS GRESCH-BRUNNER, Secrétaire général Département fédéral de l’intérieur, a déclaré que, depuis la soumission du rapport initial de la Suisse en 2016, plusieurs progrès ont été réalisés, en particulier l’adoption en 2018 par le Gouvernement fédéral d’une politique en faveur des personnes handicapées. Afin de respecter et de promouvoir leurs droits, le Gouvernement s’est fixé trois priorités, à savoir l’autonomie, l’égalité dans le monde du travail et l’accessibilité numérique. Toutefois, des améliorations sont encore possibles, a reconnu M. Gresch-Brunner. Pour y parvenir, il est indispensable de tracer une image précise de la situation et des besoins des différents groupes de personnes handicapées, en élaborant notamment des statistiques et analyses correspondantes. Si les possibilités de participation à la vie sociale sont relativement bonnes, elles peuvent être encore développées, et plus particulièrement lorsqu’il s’agit de la question des droits politiques, a-t-il également dit.

Évoquant la pandémie de COVID-19, le chef de la délégation a indiqué que le Gouvernement fédéral et les cantons ont pris en compte les besoins des personnes en situation de handicap. Ils ont notamment, au fur et à mesure de cette période, adapté les mesures qui restreignaient excessivement les droits de ces personnes. Cette expérience a montré à quel point l’accès aux informations était central et que des améliorations peuvent encore être envisagées dans ce domaine. Le Gouvernement va, cette année, revoir les prochaines étapes de sa politique en faveur des personnes handicapées. À cet égard, la délégation attend beaucoup du dialogue constructif qui va se tenir cette semaine et notera avec attention les observations finales du Comité afin d’améliorer la mise en œuvre des droits des personnes handicapées en Suisse.

M. MATHIAS REYNARD, Conseiller d’État et chef du Département de la santé, des affaires sociales et de la culture du canton du Valais, a expliqué que le système fédéral de la Suisse permettait souvent l’émergence de nouvelles solutions au niveau local qui sont ensuite transposées au niveau national. La Suisse, a-t-il dit, possède dans le domaine de l’inclusion des personnes handicapées une société civile bien organisée et active, ainsi qu’un fort lobby. Il a ajouté qu’un dialogue constant avait lieu entre les cantons, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales et les organisations défendant les intérêts des personnes handicapées. Par ailleurs, si certaines lacunes demeurent, les autorités helvétiques ont été très actives ces dernières années, grâce à deux structures en place. Il s’agit de la Conférence des délégués cantonaux aux questions du handicap, qui assure les échanges techniques entre les cantons, et le Dialogue national sur la politique sociale, qui s’occupe des échanges entre le niveau fédéral et intercantonal et local.

Un sondage réalisé en 2021 indique que sur les 26 cantons du pays, 17 ont été actifs au niveau législatif dans la mise en œuvre de la Convention, soit 30% de plus qu’en 2019. Ainsi, a précisé M. Reynard, huit cantons ont adopté de nouvelles règles légales visant à promouvoir l’assistance ambulatoire des personnes handicapées. Par ailleurs, un nombre important de cantons ont lancé des projets pilotes tels que l’accès au logement, au travail, à l’offre ambulatoire ou encore les écoles d’autonomie.

M. Reynard a indiqué que la nouvelle loi sur les droits et l’inclusion des personnes en situation de handicap était entrée en vigueur le 1er janvier de cette année. Adoptée à l’unanimité par le Parlement valaisan, elle donne à l’inclusion un caractère obligatoire et permet aux personnes victimes de discrimination de saisir la justice dans des situations d’inégalités. Par ailleurs, un bureau pour les droits des personnes handicapées est également en cours de constitution.

Questions et observations des membres du Comité

MME ROSEMARY KAYESS, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la Suisse, a salué les récentes mesures prises par l'État partie, notamment l’adoption d’un projet de loi pour la création d’une institution nationale des droits de l’homme, la signature de la Charte pour l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire et les mesures récentes afin de coopérer avec les organisations de personnes handicapées suite à la pandémie de COVID-19.

L'experte a rappelé que la Convention des Nations Unies représentait un changement conceptuel important dans la façon de comprendre et de répondre au phénomène du handicap. Les négociations sur la Convention ont porté sur l’impact négatif de l'approche médical aux questions relatives au handicap, expliquant une relation de pouvoir qui a longtemps dominé la vie des personnes handicapées. Elles ont été étiquetées comme étant anormales et devant être soumises à des régimes de soins, de traitement et de protection qui les privent de leur autonomie. La Convention, a poursuivi Mme Kayess, a introduit le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme, autrement dit, leurs droits ne peuvent être limités ou diminués sur la base d’un handicap. Ce sont les lois, les politiques et les pratiques qui créent des obstacles et entravent leur participation à la société. La communauté des nations a accepté les dispositions de la Convention et les États parties doivent cesser de considérer les personnes handicapées comme étant différentes mais plutôt comme un élément de la condition humaine qui doit être valorisé. Cela nécessite des changements importants et coordonnés aux niveaux fédéral, cantonal et municipal, a-t-elle indiqué, invitant la Suisse à procéder à ces changements législatifs et culturels, à adopter des lois et des politiques visant à promouvoir, protéger et assurer des droits égaux et le respect des libertés fondamentales de toutes les personnes handicapées. L'experte a ajouté que la Suisse est tenue de respecter le principe fondamental du droit international et ses accords.

D'autres membres du Comité ont interrogé la délégation sur les mesures prises pour harmoniser la mise en œuvre de la Convention aux niveaux fédéral, cantonal et municipal et garantir que les normes de la Convention soient justiciables dans toutes les juridictions. Il semble que certains cantons couvrent certains aspects de la norme de non-discrimination de la Convention - comme le refus d’un aménagement raisonnable - tandis que d’autres ne le font pas, a poursuivi une experte. La protection contre la discrimination souffre d'un éparpillement de protection fédérale et de protection cantonale, « c’est un peu comme une loterie et cela dépend du canton dans lequel vous vivez », a-t-elle commenté.

Par ailleurs, la Suisse a-t-elle prévu de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention (relatif à l'examen de plainte par le Comité), ont demandé plusieurs experts. Par ailleurs, plusieurs questions ont porté sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention relatives à l’égalité et particulièrement la non-discrimination fondée sur le handicap, ainsi que sur les efforts pour éradiquer des termes telles que « invalidité », « inutilité » , « impuissance ». Ce langage désobligeant renforce les vieux stéréotypes, a estimé un expert.

Au cours de la pandémie de COVID-19, l’Académie suisse des sciences médicales utilisait des directives de triage basées sur l’échelle de fragilité clinique, extrêmement discriminatoire envers les personnes handicapées, ont souligné plusieurs experts. Quelles sont les dispositions actuelles permettant aux personnes handicapées de bénéficier de soins médicaux critiques et d’être admises en réanimation.

Un expert a indiqué avoir des informations selon lesquelles la plupart des lois et des politiques en Suisse sont adoptées et révisées sans aucune participation des personnes handicapées et des organisations de la société civile qui les représentent. De quelle manière le Gouvernement prévoit-il de les inclure dans la conception et la mise en œuvre de politiques qui les concernent directement, a-t-il demandé. Enfin, il a souhaité connaître plus précisément le soutien apporté par la Suisse aux associations de personnes handicapées.

Un expert s’est étonné que de nombreuses personnes handicapées et leurs familles ne soient pas informées de leurs droits et que les stigmatisations à leur encontre semblent avoir connu une augmentation ces dernières années. À cet égard, plusieurs questions ont porté sur les mesures prises par le Gouvernement pour sensibiliser les personnes handicapées et leurs familles de leurs droits, lutter contre les stéréotypes et la discrimination, former les fonctionnaires qui interviennent auprès des personnes handicapées, notamment dans le système éducatif et judiciaire.

Une experte a souhaité savoir quels efforts sont faits pour que les femmes et les filles handicapées soient prises en compte dans les principales mesures de la stratégie nationale pour l'égalité des sexes adoptée en 2021. Par ailleurs, comment les femmes et les filles handicapées et les organisations qui les représentent sont-elles associées aux initiatives de la coopération internationale et de l’aide humanitaire suisse visant à promouvoir l’égalité des sexes. D’autres questions ont porté sur l’éventuelle création d’un mandat officiel de l'Office fédéral pour la promotion des droits des femmes handicapées et les mesures prises pour réviser la stratégie de 2017 sur l'égalité des sexes et les droits des femmes du Département fédéral des affaires étrangères

De nombreux membres du Comité ont mis l’accent sur le fait que le Gouvernement fédéral ne semblait pas comprendre l’Article 12 de la Convention relatif à la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité. Un membre du Comité a rappelé qu’il est très difficile de jouir de ses droits lorsque vous ne disposez pas de la capacité juridique. Les lois suisses permettent toujours la suppression ou la limitation de la capacité juridique des personnes handicapées, ce qui va à l'encontre de la Convention, a-t-il fait observer. Ainsi, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour remplacer la prise de décision par substitution par une prise de décision assistée et pendant combien de temps une personne handicapée perd-elle sa capacité juridique, a-t-il souhaité savoir. Par ailleurs, un membre du comité a demandé si l'égalité de traitement était assurée dans l’accès à la justice pour les personnes handicapées, notamment dans le contexte d’un handicap intellectuel ou psychosocial. Une question a également porté sur le concept d’aménagement raisonnable est appliqué, notamment lorsqu’il s’agit de la vie publique, de l’emploi et de l’éducation des personnes handicapées en Suisse.

Certains membres du Comité ont souhaité savoir si des mesures avaient été mises en place pour renforcer les efforts visant à soutenir les familles des enfants handicapées, grâce notamment à une assistance financière et technique afin de promouvoir une prise en charge alternative inclusive dans la communauté plutôt qu’en milieu institutionnel. Il semble, ont poursuivi certains experts, que le nombre d’enfants et d’adolescents handicapés de moins de 18 ans - tout comme celui du nombre de personnes handicapées - placés en institution ait augmenté depuis 2012. Le Gouvernement dispose-t-il de données statistiques ventilées des personnes handicapées en institution, a interrogé un membre, relevant que, selon le rapport de la Suisse, 37 500 personnes vivent toujours en institution. Une question a également porté sur le contrôle des institutions.

Huit ans après la ratification de la Convention, cette dernière n’est toujours pas appliquée aux enfants handicapés puisque les chiffres indiquent que 2700 enfants sont toujours institutionnalisés dans des lieux où leur intégrité physique est en danger. Quelles mesures sont prises pour assurer la désinstitutionnalisation de tous les enfants handicapés, y compris les enfants autistes, conformément aux recommandations formulées par le Comité, a demandé une experte. Elle a ajouté que le modèle médical appliqué aux situations de handicap est encore trop présent. La rapporteuse a regretté qu’aucune mesure significative n'ait été prise pour passer du modèle médicalisé du handicap à une approche fondée sur les droits de l’homme, notamment en ce qui concerne les tribunaux, les services d’assistance ou encore les hôpitaux. Elle a également interrogé la délégation sur les progrès réalisés pour la création du Bureau de médiation pour les droits de l'enfant. Ce dernier va-t-il veiller à ce que les droits de la Convention soient respectés, a-t-elle souhaité savoir.

Certains experts ont fait part de leurs préoccupations relatives aux personnes handicapées soumises à des mauvais traitements, notamment des contraintes physiques, mécaniques et chimiques, ou encore l’isolement, la séquestration dans les prisons et dans les institutions psychiatriques. Un membre du Comité a déclaré que le Comité avait été informé de cas de violence physique et de punitions abusives dans des écoles spéciales et institutions résidentielles pour enfants autistes dans le pays, notamment dans le canton de Genève. Par ailleurs, la Commission nationale pour la prévention de la torture rapporte que le personnel de sécurité des établissements psychiatriques est équipé de matraques, de menottes et de gel au poivre, et que les personnes souffrant de troubles cognitifs sont placées en isolement. Quelles mesures sont prises par la Suisse pour éliminer l'utilisation de pratiques nuisibles dans les prisons et les établissements psychiatriques, ont-ils demandé.

Dans les situations d’aides humanitaire internationale, des données liées aux handicaps sont-elles systématiquement collectées, a demandé une autre experte pour s’assurer que les personnes handicapées ont accès à tous les programmes.

Réponses de la délégation

Répondant aux nombreuses questions posées sur l’harmonisation juridique entre la législation suisse et les dispositions de la Convention, la délégation a déclaré que la Convention avait entraîné un changement de paradigme à différents niveaux de gouvernement. La politique suisse pour la protection des droits des personnes handicapées se fonde sur la non-discrimination et consiste à prendre des mesures pour éliminer toutes formes d’inégalités. Elle a fait observer qu'il existait en Suisse deux piliers complémentaires, l’un est social avec une rente versée pour compléter l'absence de revenus d’une personne handicapée ; l’autre repose sur l’égalité en matière d'accès à l'emploi en créant un environnement propice.

Il est vrai, a indiqué la délégation, que la notion d’assurance invalidité reflète l’esprit des années 1960 mais s’est depuis transformée pour devenir une assurance d’inclusion. La notion d’invalidité, a poursuivi la délégation, représente un élément important du système de sécurité sociale. Ce terme est d’ailleurs contenu dans des textes internationaux, tels que la Convention n° 102 de l'Organisation internationale du travail concernant la sécurité sociale. Les textes suisses sur l’assurance invalidité sont très anciens, tout comme la loi fédérale suisse ; ils ont plus de soixante ans. La question de l'invalidité, terme qui peut être jugé péjoratif ou problématique, est actuellement en discussion, et les conclusions devraient être rendues prochainement. Au cours des débats et compte tenu des nombreuses questions sur cette assurance, la délégation a précisé que son objectif était de prévenir, de réduire et d’éliminer totalement l’invalidité grâce à des mécanismes de réadaptation, aussi bien médicaux que professionnels.

La Suisse est engagée depuis longtemps dans une participation plus inclusive des personnes handicapées à la société, ainsi que des organisations qui les représentent. Les services fédéraux sont en contact régulier avec les personnes handicapées et les intègrent à la mise en application des différentes mesures prises, notamment dans le cadre de groupes de travail. Depuis 2016, de nombreux cantons ont commencé à modifier leur législation pour permettre la participation directe des personnes handicapées à leur travaux. Ainsi, le canton de Zurich dispose d'une nouvelle loi sur l’autodétermination et la liberté de choix en matière de prestation ambulatoire lorsqu’il s’agit des logements. Le canton est également en train d’élaborer un plan d’action pour la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies et collabore étroitement avec la Conférence des personnes handicapées, a précisé un membre de la délégation.

L’adhésion de la Suisse à la Convention des Nations Unies lui a permis d’aborder la question de la sensibilisation des personnes handicapées sous forme transversale, notamment au niveau politique. Quant aux cantons, ils ont également lancé une législation sur la sensibilisation des personnes handicapées. La délégation a estimé que cette question passait avant tout par de bonnes pratiques, telles que le soutien à des projets innovants. Ainsi, entre 2004 et 2022, plus de 500 projets ont été subventionnés pour promouvoir les personnes handicapées. Par ailleurs, le canton de Zurich organisera en 2022 des journées d’action autour de la Convention, afin d’entamer un dialogue sur ces notions et de prendre des mesures concrètes. Les cantons s’appuient sur les expériences et les pratiques des organisations de personnes handicapées et chaque année, les organisations faîtières reçoivent environ 150 millions de francs, soit 80% des fonds disponibles en vue de fournir une assistance aux personnes handicapées et leurs familles. Le sondage de 2021 montre que la majorité des cantons appliquent la Convention des Nations Unies dans leur domaine de compétence et que 17 des 26 cantons ont pris des mesures législatives, notamment en vue d’améliorer l’assurance ambulatoire.

La délégation a indiqué que l’égalité entre les hommes handicapés et les femmes handicapées était pleinement respectée et garantie par la Constitution fédérale suisse. Il a été indiqué que l'intégration des femmes handicapées était pleinement prise en considération dans la stratégie globale de la Suisse. La délégation a précisé qu’en matière de lutte contre les discriminations à l’encontre des femmes handicapées, la création d’un office fédéral n’était pas à ce stade envisageable. Toutefois, il existe une collaboration étroite entre le bureau de l’égalité des femmes et celui des personnes handicapées, a assuré la délégation.

La délégation a reconnu ne pas disposer d’une législation globale destinée à lutter contre toutes les formes de discrimination au niveau local. Il existe à ce stade une approche sectorielle qui permet d’apporter des réponses appropriées, notamment en cas de résiliation d’un contrat de location ou d’un licenciement abusif sur la base du handicap. La délégation a reconnu que le système de protection contre la discrimination en Suisse était compliqué mais a assuré, en réponse à la question d'un membre du Comité, qu’il ne s’agissait pas d’une loterie. L’absence d’une législation globale correspond à la tradition moniste de la Suisse et son système fédéraliste. L’approche sectorielle consiste à interdire la discrimination institutionnelle et permet ainsi de fournir des réponses institutionnelles. Le Parlement et le Conseil fédéral estiment que des instruments légaux existent et offrent une protection efficace contre les discriminations.

La délégation a indiqué que la création du bureau de médiation pour les droits de l'enfant a été actée et que les travaux ont déjà commencé. Un groupe de chercheurs indépendants a d’ores et déjà été mandaté et ont pour mission de dresser un état des lieux et des solutions quant à la situation en Suisse. Il existe de nombreux services hétérogènes et fragmentés et il convient dans un premier temps d’examiner toutes les solutions existantes avant de dessiner les caractéristiques et les contours du bureau fédéral. La délégation a assuré que la société civile serait impliquée et leurs revendications prises en compte, tout comme les besoins spécifiques des enfants handicapés.

Concernant les violences à l'encontre des femmes et des filles handicapées, notamment les violences familiales et domestiques, des aides financières sont allouées par le Gouvernement fédéral dans le domaine de la protection et de la prévention. Au niveau cantonal, on peut relever une dotation de trois millions de francs pour des projets visant à réduire ou à éradiquer les inégalités. Pendant la pandémie de COVID-19, des mesures d’urgence ont été prises pour prévenir ces violences, notamment grâce à la mise en place d’un numéro national d’urgence, la création d’un groupe de travail, la mise à disposition de structures de soutien et une large campagne d’information par voie d’affichage et relayée par les commerces de proximité.

La délégation a reconnu que la pandémie de COVID-19 a confronté le Gouvernement suisse à des défis inattendus et plus particulièrement la nécessité pour les personnes handicapées de disposer d’informations adéquates. Il est encore un peu tôt pour tirer le bilan de la gestion de cette crise, a indiqué la délégation. Les données relatives aux personnes handicapées pendant cette période n’ont pas systématiquement été enregistrées comme telles et le nombre d'entre elles ayant contracté le virus n’a pas été établi. En revanche, a assuré la délégation, le matériel adéquat, comme les appareils respiratoires ont été à tout moment disponible.

La délégation a indiqué que l’isolement en institution pénitentiaire ne pouvait être ordonné que pour une période d’une semaine, notamment en début de la peine, pour en préparer l’exécution ou protéger le détenu ou des tiers. Les cantons confirment que l’isolement en détention n’est ordonné qu’avec la plus grande précaution, notamment à l’encontre de mineurs ou personnes souffrant de troubles psycho-sociaux. L’isolement représente l'exception, a assuré la délégation et est en principe limité dans le temps. Au cours de l’isolement, les soins nécessaires doivent être garantis et l’isolement est réévalué de manière périodique. Par ailleurs, la Commission fédérale pour la prévention de la torture effectue des visites inopinées et l’ensemble de ses rapports sont disponibles. Le dialogue renforcé entre les autorités et la Commission permet d’améliorer de façon constante les conditions de détention en Suisse.

La confédération et les cantons privilégient la vie autodéterminée, a poursuivi la délégation. Le programme pluriannuel vise à améliorer, faciliter et encourager l’échange d’expériences relatives à l’autodétermination. Depuis 2018, de nombreux progrès ont été réalisés dans ce domaine, pour promouvoir la vie autonome comme priorité dans les années à venir. Ainsi, des mesures concernant les logements et l’assurance invalidité ont été prises au niveau fédéral afin de couvrir toute la population qui souhaite parvenir à une vie autodéterminée. Il s’agit principalement de moyens auxiliaires pour permettre aux personnes handicapées d’être indépendantes et autonomes. Ainsi, des aménagements au domicile des personnes ont été réalisés, ainsi qu'en ce qui concerne leur mobilité. En 2015, 25 à 30 mille personnes de moins de 64 ans étaient placées en institution ; et en 2017, 1600 enfants avaient séjourné en institution pour une période d’une semaine et plus. Depuis 2017, l’accent a été mis sur l’intégration des personnes handicapées au sein de la communauté et le développement de prestations ambulatoires en matière de logement, entraînant une importante diminution du nombre de personnes placées en institutions. Toutes les institutions sociales reçoivent une autorisation du canton et son contrôlé par ce dernier qui s’assure qu’elles remplissent les exigences nécessaires.

En matière d’accessibilité aux transports publics, toutes les dispositions ne seront pas mises en œuvre avant la fin 2023, a en revanche regretté la délégation. La mise en conformité des arrêts de bus et des gares a débuté, mais l’utilisation autonome des transports publics demeure un défi et la Suisse est d’ailleurs le seul pays à avoir inscrit la notion d’utilisation autonome des transports publics dans sa législation. La délégation a assuré que tout était mis en œuvre pour accélérer le processus de construction d'aménagements et que des dispositions seraient prises pour pallier le non-respect des délais. Concernant l’accessibilité des bâtiments administratifs et publics des cantons et des communes, ainsi que des tribunaux et des établissements de formation, elle est parfaitement assurée, a assuré la délégation.

La Suisse garantit une égalité dans la capacité juridique entre les personnes handicapées et celles qui ne le sont pas. Le droit de protection des personnes handicapées et la mise sous tutelle des personnes handicapées ne contredit pas ce principe. La délégation a indiqué que si une assistance peut être fournie sous une forme autre que par une mesure de protection, cette option est privilégiée. Dans le cas contraire, la personne peut également désigner à l’avance une personne chargée de la représenter. Le rôle du curateur est d’assister la personne dans l'application du principe d'autodétermination. Le droit des adultes en Suisse est régi par le principe de subsidiarité et de proportionnalité. La mise sous tutelle a diminué au cours de ces dernières années et ne représente plus que 14% des cas. La délégation a assuré que sur cette question, les principes de la Convention sont pleinement pris en compte et que la volonté du principal concerné demeure centrale. Il a également été précisé par la délégation que la durée de la limitation de l’exercice des droits civils ne dure que sur un temps nécessaire et n’est pas reconnue de manière définitive.

La délégation a assuré que la politique de la Suisse dans le domaine de la coopération internationale était appliquée de manière transversale de manière à ne laisser personne de côté et afin de garantir l’inclusion ; la plus grande importance est donnée à une meilleure participation des personnes handicapées. De plus, tous les programmes ont dû être adaptés pour apporter les réponses adéquates. La Suisse a constaté que la pandémie avait accru les inégalités et touché les personnes les plus vulnérables et handicapées. Avec ses partenaires de la société civile, le Gouvernement suisse a renforcé ses programmes de prévention, de protection, d’équipement, de traitement et d’accès aux services généraux et de santé afin d’atténuer les effets négatifs de la pandémie, notamment grâce à un transfert d’argent plus important. L’objectif du Gouvernement fédéral a été de développer en priorité des programmes inclusifs, qui se sont concentrés sur la sensibilisation des gouvernements et acteurs humanitaires.

S’agissant de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, la politique du Gouvernement fédéral est d’attendre et de connaître la pratique des différents organes internationaux avant de prendre des mesures concrètes. Le dialogue entre les membres du Comité et la délégation permettra à la Suisse d’entamer un dialogue sur l’éventuelle ratification, a suggéré la délégation.

L'emploi de la langue des signes n'est mentionné que dans deux constitutions cantonales, a reconnu la délégation, ajoutant que, même dans ces cas, elle n'est pas réglementée par la loi. Elle ne jouit pas d'une reconnaissance juridique au niveau fédéral. En revanche, la délégation a indiqué que l’accessibilité numérique faisait partie de la stratégie intégrante de la Suisse et que les nouvelles normes d’accessibilité, y compris s'agissant de la langue des signes, ont eu des effets positifs. Des mesures concrètes sont également prises par les bibliothèques suisses, qui s’engagent à fournir un accès aux livres aux personnes aveugles, malvoyantes, ou qui qui ont des difficultés de lecture.

La délégation a indiqué que des soutiens financiers sont apportés aux associations privées par le biais de la Confédération. Il y a actuellement 50 organisations faîtières privées en Suisse qui reçoivent une subvention annuelle de 150 millions de francs et qui distribuent ensuite ce montant à plus de 500 organisations suisses. Parmi elles, 80% fournissent des conseils, une offre de cours ou d’activités aussi bien aux personnes handicapées qu’à leurs proches. Par ailleurs, 3 millions de francs sont disponibles pour le conseil aux familles qui rencontrent des difficultés. L’assurance invalidité finance également des prestations individuelles, telles que l’aménagement du domicile pour permettre à l’enfant ou à l’adulte de vivre de manière indépendante. Les deux nouveautés de la loi, a précisé la délégation, concernent l’insertion professionnelle adaptée des jeunes handicapés et l’amélioration de la notion de conciliation entre vie professionnelle et soutien à un proche handicapé. Il existe également une allocation d'impotence et des prestations complémentaires.

Enfin, la Suisse a accueilli ces derniers jours de nombreux réfugiés handicapés en provenance d'Ukraine. La priorité du gouvernement Suisse est d’intervenir en Ukraine et d’aider les personnes en situation de handicap toujours bloquées dans le pays. La délégation a indiqué que les statistiques qu’elle a à sa disposition ne sont plus forcément très exactes. À cet égard, elle a renforcé ses partenariats sur place et est en train d’évaluer les différents moyens pour l'évacuation de ces personnes et de fournir des moyens d’information en s’assurant qu’elles aient accès à cette information, au regard de leur handicap. La délégation a reconnu que la situation est relativement nouvelle pour l’ensemble des pays occidentaux.

Conclusions

Le chef de la délégation de la Suisse a reconnu que les trois jours de dialogue avec le Comité ont été exigeants car les membres ont examiné d’un œil critique la mise en œuvre en Suisse de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées. Les recommandations finales du Comité contribueront à orienter les prochaines étapes de la politique en faveur des personnes handicapées de la Confédération et des cantons. Le Gouvernement va également profiter de ce regard extérieur, de l’expertise et la connaissance des membres du Comité pour continuer à progresser dans la mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

La rapporteuse du Comité pour le rapport de la Suisse a reconnu que la Suisse avait adopté une approche très attentive et réfléchie dans l'élaboration des lois et des politiques. Le pays dispose d’une multitude de ressources dans lesquelles elle peut puiser pour réformer son droit et ses politiques et d’un haut niveau d’expertise de la part des organisations suisses de personnes handicapées. La Convention, a insisté l'experte, exige une transformation des systèmes existants et la mise en œuvre d'un modèle de handicap fondé sur les droits de l'homme comme partie intégrante de ce processus. En outre, cela nécessitera des changements importants et coordonnés dans toute la Suisse, ainsi que des changements législatifs et culturels pour transformer la société. Elle a attiré l’attention de la délégation sur les points essentiels pour atteindre cet objectif, à savoir l'harmonisation des normes de la Convention aux niveaux fédéral, cantonal et municipal ; la garantie d'une protection complète et uniforme contre la discrimination ; le remplacement de la prise de décision au nom d'autrui par une prise de décision assistée ; la fin de l'institutionnalisation et la facilitation de la vie indépendante ; l'interdiction des interventions et traitements médicaux forcés et le renforcement d'un développement inclusif du handicap.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel.

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CPRD22.005F